vendredi 15 mai 2009

Jusqu'au retour de Mohamed Allouche

Tous les vendredis, se tiendra à Montrouge, devant la mairie, autour du kiosque, un rassemblement d'honnêtes gens, un peu obstinés et franchement déterminés.

Et cela, jusqu'au retour de Mohamed Allouche, le mari de Nadia et le père de Naoufel, dont j'ai évoqué l'histoire par deux fois déjà (ici et ).

Ce soir, on devrait y distribuer ce tract d'information, qui résume l'affaire.

Hôtel de Ville de Montrouge.
Le kiosque ne doit pas être loin.


Je ne sais quel est le chercheur mentionné dans cet extrait de journal de France Inter (par ailleurs très instructif), mais sa formule "séduire, réduire, salir" me semble d'une terrible justesse.



France Inter, 12 mai 2009.


C'est bien la salissure, comme on dit dans nos campagnes, qui a été utilisée par les services de la préfecture des Hauts-de-Seine.

Une lettre ouverte a été adressée au préfet. Elle est signée de Agnès Verdurand (FSU 92 et RESF), Alain Doustalet (FCPE 92 et RESF), Muriel Roger (membre du bureau FCPE Montrouge) et Richard Moyon (RESF 92).

Ces signataires n'ont pas besoin de hausser le ton, comme certains, il suffit qu'ils restent à la hauteur de leur engagement.


LETTRE OUVERTE A M. STRZODA, PREFET DES HAUTS DE SEINE

Précédé d’une déshonorante série de rumeurs (Mohamed Allouche serait un délinquant international, connu pour abuser des femmes en situation de fragilité, il aurait été marié en Italie) à laquelle nous voulons croire que vous n’avez pas pris part et que vous condamnez, un communiqué de vos service (AFP 7 mai 2009) tente de justifier l’expulsion de Mohamed Allouche, Tunisien marié à une Française sourde et muette et père d’un enfant Français de 11 ans scolarisé en CM² à Montrouge. Vous manifestez ainsi le souci louable de convaincre vos concitoyens de la pertinence et de la valeur morale des mesures que la politique du ministre vous conduit à prendre. Vous n’y réussissez pourtant pas, et, hélas, vous ne le pourrez pas.

Rappelons qu’il est question de la vie d’un homme, en France depuis plusieurs années, qui y a noué des liens familiaux étroits, qui s’y est marié, a reconnu l’enfant de son épouse et contribue à son éducation. Il suffit d’entendre l’enfant parler de celui qu’il appelle Papa pour mesurer le drame qui se joue.

A vous lire, votre décision d’expulsion serait fondée sur « l’entrée en 2005 et le maintien irrégulier de M. Allouche en France ». La situation n’a rien de très exceptionnel pour un sans papiers. On est surpris de vous voir la citer comme un élément aggravant…

« Absence de communauté de vie avec son épouse » écrivez-vous. Permettez tout d’abord qu’on s’inquiète d’une dérive qui autoriserait l’administration préfectorale à décider quelle est la « communauté de vie » qui lui agrée et celle qu’elle ne reconnaît pas. Le ministre Besson a déjà été qualifié humoristiquement de ministre du Trou de serrure, personne ne voudrait que des préfets héritent du même titre. Sur le fond vos allégations sont manifestement infondées. Totalement. Démenties par les enseignants de Noufel, la directrice de l’école, les parents d’élèves, les camarades de classe, les assistantes sociales, les voisins, les commerçants du quartier ; Des dizaines de témoignages spontanés ont été enregistrés par la presse.

Votre phrase « il n’a d’ailleurs ( ?) reconnu » l’enfant « qu’un an après le mariage » nous stupéfie. Quel commentaire vous inspirent, par exemple, les dates de reconnaissance par leurs parents respectifs d’Eric Fottorino, directeur du Monde, ou de Mme Bruni-Sarkozy actuelle épouse du président de la République ?

Vous précisez que M. Allouche « fait l’objet d’une fiche de recherche » de la police italienne. C’est trop ou pas assez. Si vous avez des éléments précis et fondés, mentionnez-les. Mais, pour être pratique courante dans certains cabinets ministériels, les airs entendu et allusions équivoques sont néanmoins des procédés inadmissibles. Pour tout vous dire, M. le Préfet, la prolifération des fichiers, en Italie et ailleurs, nous fait craindre d’être nous aussi « l’objet de nombreuses fiches des recherche » en Italie, en France et ailleurs. Et sans doute l’êtes-vous aussi.

Vous assurez qu’il « détenait des produits stupéfiants » lors de son arrestation. Ce fait n’est mentionné dans aucun des documents de la procédure. S’il est avéré, il doit figurer au procès-verbal d’interpellation. Que ne le publiez-vous ? Les produits ont été saisis : nature ? Quantité ? Où sont les scellés ? Si Mohamed Allouche a commis un délit, il doit être déféré et jugé. L’administration préfectorale n’a pas vocation à se substituer à la justice, et moins encore en infligeant des peines de bannissement administratif pour un improbable délit.

Enfin, curieusement présenté comme une circonstance aggravante de ce qui précède, vous accusez Mohamed Allouche de « travailler également dans une pizzeria sans autorisation administrative ». Hé bien oui, Mohamed Allouche à qui vous interdisez de travailler le fait quand même pour élever son fils, contribuer pour l’essentiel aux ressources du ménage et assurer à sa femme et à son enfant une vie peut-être modeste mais digne. Cela vous choque ? Une vie que votre action et l’acharnement de vos services viennent de détruire et que vos allégations publiques risquent de rendre plus douloureuse encore.

Quand il y a quelques semaines vous aviez reçu une délégation du RESF 92, vous aviez affirmé vouloir conduire votre mission sans faiblesse mais dignement. Nous sommes au regret de constater, Monsieur le Préfet, que ce n’est pas possible. L’obligation de résultats chiffrés, la pression des services ministériels, l’inadaptation des moyens dont vous disposez conduisent nécessairement à des drames tel que celui que vous venez de provoquer. Vous n’appliquerez pas la politique de M. Besson sans renier vos valeurs. Votre volonté désespérée de justifier moralement des décisions qui révulsent la conscience ne peut pas aboutir. Quand une politique est injuste dans son essence même – et en ce domaine celle de M. Sarkozy l’est, et depuis longtemps elle ne peut produire que de tels effets. Et dévorer ceux qui s’y laisseraient compromettre.

Nous vous prions, Monsieur le Préfet des Hauts-de-Seine, d’agréer l’expression de nos salutations respectueuses.

2 commentaires:

Flo Py a dit…

Ton billet précédent débutant par "Si j'étais à la place de...", je me permets de commencer mon commentaire de la même manière :
Si j'étais à la place de Monsieur le Préfet, j'aurais beaucoup de difficulté à me regarder dans une glace, et même à déglutir. J'espère pour lui qu'il est davantage en accord avec la politique qu'il applique et fait appliquer que ne le suggère cette (admirable) lettre...

Bises !

Guy M. a dit…

Il faut imaginer monsieur le préfet heureux de son poste et fier de son action. Ses déclarations ne sont, je suppose, que de la langue de bois administrative...