dimanche 30 novembre 2008

Bernard Noël, les yeux ouverts

Je ne connais pas tous les premiers signataires de la pétition initiée par Eric Hazan en soutien aux inculpés du 11 novembre, mais je me réjouis d'y retrouver des hommes et des femmes que j'estime.

Cela me réconforte de les imaginer s'avancer à visage découvert au devant d'un pouvoir qui ne peut que leur envoyer des policiers cagoulés.

Et parmi ceux qui s'avancent, la présence de Bernard Noël est comme une évidence.

Photo M. Durigneux
transportée du blogue Le chant des Mots.



Chaque lecture d'un livre de Bernard Noël a été pour moi une expérience dérangeante, abrupte et totale.

Aussi ne vais-je pas vous parler de ce livre terrible qu'est Le 19 octobre 1977... Les éditions Gallimard le mettent à votre disposition, contre un peu d'argent, dans la collection L'Imaginaire.

Je ne vous parlerai pas non plus des autres livres...

Car il vaut mieux s'affronter seul à cette œuvre d'une beauté exigeante et absolue.

Une courte présentation, sur le site de son éditeur P.O.L., décrit en quelques mots le parcours d'un homme qui toujours a su garder les yeux ouverts sur l'innommable.

Bernard Noël est né le 19 novembre 1930, à Sainte-Geneviève-sur-Argence, dans l’Aveyron. Les événements qui l’ont marqué sont ceux qui ont marqué sa génération : explosion de la première bombe atomique, découverte des camps d’extermination, guerre du Viêt-nam, découverte des crimes de Staline, guerre de Corée, guerre d’Algérie... Ces événements portaient à croire qu’il n’y aurait plus d’avenir. D’où un long silence, comme authentifié par un seul livre, Extraits du corps, 1958. Pourquoi je n’écris pas ? est la question sans réponse précise qui équilibre cette autre : Pourquoi j’écris ? devenue son contraire depuis 1969. Cet équilibre exige que la vie, à son tour, demeure silencieuse sous l’écriture, autrement dit que la biographie s’arrête aux actes publics que sont les publications.

Apposer sa signature au bas d'une pétition n'est certainement pas, pour Bernard Noël, un acte public anodin.


Acte public, également, la lecture: ici, une vidéo récente, postée au mois de mai 2008.



Bernard Noël au Festival Internacional de Poesía de Medellín.

samedi 29 novembre 2008

Le livret beige et le carnet noir



La présomption d'innocence est réellement une entrave à la liberté de la presse, tout le monde le sait. Cela consomme beaucoup de guillemets, et exige une dextérité particulière dans l'usage du conditionnel, qui est un mode mal-commode.

Chacun à sa manière, le Journal du dimanche et le Point ont su s'affranchir de cette contrainte liberticide, pour atteindre dans le traitement de l'affaire dite "des sabotages à la Sncf" une objectivité et un équilibre dignes d'une balance de précision.

Ces deux hebdomadaires, qui mettent à jour leur site quotidiennement, semblent très préoccupés par les oublis qu'auraient pu faire les enquêteurs...

Ainsi, Le Point révèle dans une brève, signée J.-M. D. et A. M., l'existence d'un nouveau libelle secret:

C’est un petit livret de 86 pages, à peine plus grand qu’un carnet, sans mention d’auteur ni d’éditeur. Sur la couverture de carton marron-beige, un seul mot en guise de titre : Appel . L’opuscule circule sous le manteau dans les squats de la mouvance autonome - celle que les policiers considèrent comme le vivier d’où sont issus les saboteurs de la SNCF.

Il ne me semble pas connaître ce texte... dont on dit qu'il "circule sous le manteau dans les squats".

Il faudrait dire aux signataires de cette brève lamentable que rien n'est plus facile à trouver que la prétendue littérature occulte des squats, mais qu'il ne faut pas s'attendre à en recevoir un service de presse...

Sébastien Fontenelle a déjà parlé de cet article d'indics, je vous y renvoie avec d'autant plus de plaisir qu'il cite amplement cet Appel.

Il faut bien admettre que Le Point est largement dépassé par le Journal du Dimanche, qui révèle que les enquêteurs cagoulés qui perquisitionné à Tarnac ont oublié un élément essentiel pour le dossier d'accusation: un petit carnet noir.

Le signataire de cet article, qui honore (oui, le mot n'est pas trop fort) la presse française, est monsieur Alain Hamon, de l'agence Credo. En voici un extrait:

A Tarnac, toutefois, dans l'un des logements perquisitionnés, les policiers sont peut-être passés à côté d'un indice qui aurait pu intéresser le magistrat instructeur. Sous un monceau de documents qui, contrairement à beaucoup d'autres, n'avaient visiblement pas été touchés, se trouvait encore cette semaine un petit carnet noir à spirale, anonyme. Un carnet qui appartient sûrement à l'une des personnes interpellées, plusieurs de leurs amis dans la région ayant pu être jointes grâce aux noms et numéros de téléphone qui y sont inscrits. Un carnet qui, surtout, contient deux listes d'emplettes dressées par son propriétaire. L'une est écrite à même une page du carnet, l'autre sur un Post-it.

A chaque fois, au milieu d'autres matériaux, on note la mention de fers à béton de diamètre 10 et 12. Or ce sont des fers à béton qui ont été utilisés pour s'attaquer aux caténaires de la SNCF. Si cette mention peut servir "à charge", elle peut tout aussi bien s'expliquer par des travaux qu'auraient envisagés Julien Coupat ou ses amis. Alors, ce carnet a-t-il été déposé après la perquisition effectuée par la police ou a-t-il été laissé là par les enquêteurs? Délibérément ou non?


Et voici l'illustration de cet "article":

Terriblement inquiétant, n'est-ce pas ?

Me voilà tout soudain pris de sueurs froides...

Il se trouve que, voici 19 ans, j'ai acheté une maison dans laquelle j'ai effectué, seul ou avec des copains/copines, un certain nombre de travaux... J'ai alors beaucoup zoné dans des endroits impossibles comme Superbâtiman, Leroy-Merlin-Pimpim et d'autres plus régionaux, avec dans ma poche un petit carnet à spirales, à couverture orange, où je notais avec soin les indications que l'on me donnait, les listes de matériaux à acheter, les dimensions de mes pièces, les adresses de mes fournisseurs... Avec le temps, le contenu s'est enrichi d'adresses, de numéros de téléphone, d'heures de rendez-vous, de recettes de cuisine...

Je suppose que monsieur Alain Hamon trouverait cela bien accusateur...


Je possède aussi des armes blanches de ce type...
et
(même!)
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En attendant, monsieur Alain Hamon peut être fier de son courageux article, puisqu'il a été écouté. On trouve dans les actualités du site soutien11novembre.org cette information:

Nouvelle perquisition à Tarnac

Ce matin 27 Novembre, une équipe de gendarmes et de la SDAT a effectué une nouvelle perquisition dans l' appartement de Gabrielle H. Prenant comme témoins l' adjoint au maire et un conseiller municipal. Prétextant la recherche du "petit carnet noir" trouvé par le J.D.D., ils ont pris un téléphone portable dont nous ne connaissions pas l'existence.

Vue de l'appartement après perquisition.

C'est néanmoins par le JDD que j'ai appris que la décision judiciaire concernant la remise en liberté des inculpés dans cette affaire sera prise mardi prochain.

On nous y apprend aussi:

Une cinquantaine de manifestants, qui scandaient "libérez les prisonniers" près de la cour, ont été expulsés manu militari par les gendarmes du palais de justice de Paris.

Et on nous y informe:

Parmi les manifestants, des intellectuels, des hommes politiques et des habitants du village corrézien de Tarnac, où résidaient la plupart des suspects, ont lancé une campagne de soutien.

On ne nous donne pas l'adresse, mais c'est ici que cela va se mettre en place.

Quand on parcourt la liste des premiers signataires, on constate que l'on n'y trouve aucun des tâcherons de la pensée lyophilisée qui font parade habituellement.

Pour moi, c'est un signe.

vendredi 28 novembre 2008

Projet de nouveau festival à Marciac



Comme tout le monde, j'ai reçu par courriel le témoignage de Zoé, 13 ans, élève au collège de Marciac, et comme tout le monde, je l'ai réexpédié à quelques ami(e)s, au cas où.

Le voici:

Objet : Un papa un peu bouleversé , très en colère!!!

J'ai eu cette semaine un mail concernant une descente de police dans un lycée du Gers ...On a pu entendre aussi le témoignage sur France inter. J’étais absolument abasourdi par les méthodes utilisées….Mais vous savez parfois on se dit que les gens exagèrent dans leur témoignage…. Bref je reste interrogateur !

Mais voilà que ce WE, j'accueille ma fille Zoé –elle a 13 ans- de retour du collège de Marciac.... Elle me raconte son mercredi au collège....colère à l'intérieur de moi.... révolte...... que faire??? J'ai demandé à Zoé d'écrire ce qu’elle me disait là. Elle a accepté. Voici donc son témoignage, avec ses mots à elle :

« Il nous l'avait dit, le CPE, que des gendarmes allaient venir nous faire une prévention pour les 4ème et les 3ème.

Ce mercredi là (19/11/2008), toutes les classes sont entrées en cours comme à leur habitude, en suivant les profs.


A peine 10 minutes plus tard – nous étions assis-, deux gendarmes faisaient déjà le tour de la salle où nous étions. La prof avec qui nous étions, les regardait en nous disant « Ils font leur ronde!?? » . Elle n'était à priori au courant de rien bien sûr. Soudain , la porte s'est ouverte, laissant entrer deux gendarmes... Enfin non, pas exactement!!! Il y avait un monsieur chauve habillé en militaire ( le dresseur de chien en fait!) et un gendarme très gros.


Le chauve nous a dit: « Nous allons faire entrer un chien! Mettez vos mains sur les tables, restez droit, ne le regardez pas! Quand il mord, ça pique! »


Enfin il a dit ça, à peu près... Je me rappelle surtout du « Quand il mord, ça pique! »


Après, il est sorti deux minutes et est revenu avec deux autres gendarmes et le chien. Les gendarmes se sont placés aux deux extrémités de la classe tandis que le dresseur regardait son chien déjà à l’œuvre. Le chien s'appelait Bigo. Bigo s'est acharné sur plusieurs sacs, en mordant et arrachant tout ce qui dépassait. Quand à la prof, elle restait derrière son bureau bouche bée.
Le chien s'est attaqué au sac de mon amie, à coté de moi. Le dresseur a claqué des doigts en disant: « Sortez mademoiselle, avec toutes vos affaires! » Elle a rangé son sac, s'est levée et s'est apprêtée à sortir mais le dresseur l'a repris vite: « Et ton manteau! » Elle a rougi et emporté aussi son blouson.

Plusieurs personnes de la classe sont ainsi sorties. Le chien vient alors sentir mon sac. Voyant que le chien ne scotchait pas, que rien ne le retenait là, le dresseur lui a fait sentir mon corps avant de s'empresser de me faire sortir. Dehors m'attendait une petite troupe de gendarmes... Enfin, non, pas dehors: nous étions entre deux salles de classe.


Me voyant arriver, ils se dépêchèrent de finir de fouiller une autre fille. Mon amie était déjà retournée dans la classe. Quand ils eurent fini, ils s'emparèrent de mon sac et le vidèrent sur le sol. Un gendarme me fit vider les poches du devant de mon sac. Il vérifia après moi. Je n'étais pas la seule élève. Avec moi, il y avait une autre fille qui se faisait fouiller les poches par une gendarme.


Ils étaient deux gendarmes hommes à la regarder faire. Le Gendarme qui fouillait mon sac vida ma trousse, dévissa mes stylos, mes surligneurs et cherchait dans mes doublures.
La fille qui était là fouillée elle aussi, se fit interroger sur les personnes qui l'entouraient chez elle. Elle assurait que personne ne fumait dans son entourage. Ils la firent rentrer en classe. C'était à mon tour! La fouilleuse me fit enlever mon sweat sous le regards des deux autres gendarmes.....
Je décris: Un gendarme à terre disséquait mes stylos, un autre le surveillait, un autre qui regardait la fouilleuse qui me fouillait et le reste de la troupe dehors. Ne trouvant rien dans ma veste, elle me fit enlever mes chaussures et déplier mes ourlets de pantalon. Elle cherche dans mes chaussettes et mes chaussures. Le gars qui nous regardait, dit à l'intention de l'autre gendarme: « On dirait qu'elle n'a pas de hash mais avec sa tête mieux vaut très bien vérifier! On ne sait jamais... » Ils ont souri et la fouilleuse chercha de plus belle! Elle cherche dans les replis de mon pantalon, dans les doublures de mon tee shirt sans bien sûr rien trouver. Elle fouilla alors dans mon soutif et chercha en passant ses mains sur ma culotte! Les gendarmes n'exprimèrent aucune surprise face à ce geste mais ce ne fut pas mon cas!!!!!!


Je dis à l'intention de tous «C'est bon arrêtez, je n'ai rien!!!!»


La fouilleuse s'est arrêtée, j'ai remis mon sweat et mon fouilleur de sac m'a dit: «tu peux ranger!».


J'ai rebouché mes stylos et remis le tout dans mon sac et suis repartie en classe après avoir donner le nom du village où j'habite.


De retour en classe, la prof m'a demandé ce qu'ils ont fait. Je lui ai répondu qu'ils nous avaient fouillé. Je me suis assise et j'ai eu du mal à me consacrer au math!
Tout ça c'est ce que j'ai vécu mais mon amie dans la classe à coté m'a aussi raconté.

Le chien s'est acharné sur son sac à elle et elle a eu le droit au même traitement. Mais ses affaires sentaient, alors ils l'ont carrément emmené à l'internat où nous dormons. Le chien s'est acharné sur toutes ses affaires m'a t-elle dit. Le gendarme lui a demandé si elle connaissait des fumeurs de hash, vue qu'ils ne trouvaient rien. Elle leur a simplement répondu que le WE dernier elle a assisté à un concert!


Le CPE l'a ramené ensuite au collège et elle m'a raconté.
Après les cours, le principal a rassemblé tous les élèves et nous a dit que bientôt allait avoir lieu une prévention pour tout le monde.

Une prévention? Avec des chiens? Armés comme aujourd'hui?


Une élève de 4ème nous a dit que le chien s'est jeté sur son sac car il y avait à manger dedans.

Elle a eu très peur.

Les profs ne nous en ont pas reparlé....Ils avaient l'air aussi surpris que nous!
Tous les élèves de 3ème & 4ème ont du se poser la même question: Que se passe t il? Et tous les 6ème et 5ème aussi même si ils n'ont pas été directement concernés! »

Zoé.D.R


Qu'en pensez vous? Que dois je faire ? Qui parle de violence ? Il me semble important d’écrire ici que ni le principal, ni quiconque du collège a juger important de communiquer sur ces faits ( ???).

Nous sommes lundi 24/11/2008, il est 15h30 et si Zoé ne m’en avait pas parlé, je n’en saurais rien. Combien de parents sont au courant ?
Les enfants « victimes » -et je pèse ce mot- de ces actes sont en 4ème et 3ème. Ils ont donc entre 12 et 14 ans ! Je n’en reviens pas….

Frédéric


On peut retrouver l'intégralité de ce témoignage sur le Petit Journal de Nogaro.

Suggestion au nouveau principal du collège de Marciac:
organiser un festival de la gendarmerie.

Olivier Bonnet, sur son indispensable blogue Plume de Presse, consacre son billet du 26 novembre aux descentes de gendarmerie à l'école, et parle de cette intervention au collège de Marciac. Il relate une conversation téléphonique avec le principal du collège:

Nous avons alors joint le principal du collège de Marciac, qui a voulu minorer l’affaire : "Nous menons des actions de prévention avec différents partenaires et la gendarmerie est l’un d’entre eux", nous a-t-il expliqué. Voilà qui sonne comme une interprétation toute sarkoziste du mot "prévention", alors qu’il s’agit en réalité de répression. "Ce n’était pas une descente, le terme est impropre", a-t-il poursuivi. Foin de ses pudeurs de vocabulaire, nous maintenons le mot. "Certes, c’est quelque chose d’assez impressionnant, je le reconnais, a-t-il admis. S’il y a des dérapages, ils doivent être signalés. Mais il s’agit d’une procédure normale qui existe dans les établissements scolaires. Je suis surpris par les proportions que ça prend. Je ne vois pas pourquoi on monterait en épingle ce qui n’a pas lieu de l’être".

Le billet d'Olivier Bonnet (dont je vous laisse lire la conclusion, que j'approuve entièrement) donne d'autres témoignages et, dans leurs commentaires, les plumonautes apportent des précisions...

C'est ainsi que je suis arrivé sur le site de LaDépêche.fr, où Béatrice Dillies signe un article intitulé Polémique sur les contrôles de stupéfiants au collège.

On y retrouve la ferme détermination de madame la procureure Chantal Firmigier-Michel, et les très intéressantes réactions de monsieur l'inspecteur d'académie et de monsieur le principal:

Hier, la FSU a d'ailleurs interpellé l'inspecteur d'académie sur ce sujet. Réponse de Jean-René Louvet : « Je n'ai pas encore eu de remontée sur cette opération. » Étonnant sept jours après !

Christian Pethieu, le principal du collège, lui en revanche, a reçu quelques coups de fil de parents mécontents. Mais il relativise. « Le contrôle s'est fait dans quatre classes et n'a pas semblé susciter une émotion extraordinaire. Il y a une procédure qui, à mon sens, a été respectée. Je n'ai pas senti de climat particulier de tension. » Enfin, dans un premier temps.

(...)

Mais depuis, Frédéric David lui a transmis le récit que sa fille lui avait fait par écrit de l'événement. (...)

Christian Pethieu a donc décidé hier de transmettre ce courrier à la procureure. «De suite après l'exercice, je suis passé dans les classes pour dire qu'un maître-chien viendrait prochainement expliquer comment il travaille. Mais après réflexion, je conçois que l'intervention puisse avoir un côté impressionnant. A l'avenir, il faudrait peut-être revoir la procédure et faire une visite explicative en amont de ce genre d'exercice. » Le débat est ouvert.

Les professionnels du secteur de l'éducation seront ravis de retrouver la langue de bois de leur administration de tutelle...


L'assistance du festival des braves de l'éducation nationale.

Désireux d'approfondir encore un peu l'information, j'ai demandé à mon gougueule intégré de me trouver les actualités sur "collège Marciac".

Mon gougueule à moi est un bon renifleur (et il ne mord pas): il m'a débusqué deux articles dans LaDépêche.fr, dont celui que je viens de citer, et un autre, que je n'ai pu retrouver, alors que le titre me semblait prometteur.

Il s'agit de celui-ci:

Drogue. «La peur des contrôles favorise la prévention»LaDépêche.fr

qui devrait se trouver à l'adresse suivante:

www.ladepeche.fr/article/2008/11/27/499392-Drogue-La-peur-des-controles-favorise-la-prevention.html

mais n'y est pas.

A-t-il été retiré ?

Est-il dans l'édition papier ?

Y a-t-il un lecteur gersois dans la salle ?

Car je suis vraiment très frustré de ne pas savoir qui a tenu le propos re-mar-qua-ble d'ânerie servant de titre à cet article fantôme...

jeudi 27 novembre 2008

Les morts de la rue ou des bois




C'est un scoupe très impressionnant: l'homme d'une cinquantaine d'années, retrouvé mort dans le bois de Vincennes samedi dernier, ne serait pas mort de froid, mais d'une intoxication au gaz.

On respire mieux, n'est-ce pas: on a trouvé le coupable, et, puisqu'il est mort asphyxié, on se sent moins responsable.

Seulement voilà:

Un sans-abri a été découvert mort ce mardi après-midi, selon Emmaüs, qui faisait une maraude dans le secteur. L'homme, qui semblait «mort depuis un bon moment» a été découvert «pas très loin de l'esplanade du château de Vincennes», a précisé Didier Cusserne, délégué général de l'association. (daté du 25/11/08)

(Je n'ai pas vérifié chez mon copain Robert, celui qui tient les dictionnaires, l'emploi du mot "maraude".)

La ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin, a immédiatement décidé de se rendre sur place.

C'est gentil, ça, madame.

Elle en est revenue avec d'impérissables impressions qu'elle a confiées à son blogue avant qu'elles ne périssent, et que notre ami le Charançon a étudiées de près avec ce délicieux mauvais esprit (critique) qui le caractérise...

Et une riche idée (ou une idée de riche dame patronnesse ?) : rendre l'hébergement obligatoire pour tous les sans-logis.


Un cabanon du bois de Vincennes.
Prudent, l'occupant a pensé à rentrer ses géraniums.


Il y a deux ans, époque où je fréquentais, avec une régularité de métronome, un café ébroïcien aux banquettes accueillantes, j'y croisais tout aussi régulièrement une grande femme qui venait s'y réchauffer les mains autour d'une tasse de café, après avoir déposé à ses pieds un antique sac à dos sur lequel pendouillait un duvet de la même époque.

La plupart du temps, un client réglait discrètement son café avant de partir, et quand le garçon l'en informait, je l'entendais protester, affirmer bien haut qu'elle avait de quoi payer, et elle sortait une poignée de monnaie.

Elle était taciturne, fumait en silence à sa table.

Elle disait s'arranger avec de prétendus amis qui lui laissaient occuper une pièce pour la nuit...

La pièce en question ne devait pas être trop chauffée.

Lorsque que je l'ai revue, hier, assise sur le bord d'un bac à fleurs, je me suis surpris à faire l'inventaire sur son visage des marques laissées par sa vie dans la rue... Elle n'a pas répondu à mon bonjour, et en acceptant une cigarette, elle s'est lancée dans un discours violent et bien incohérent...

Comment se défendre du sentiment qu'il est trop tard ?

Cimetière éphémère du collectif Les Morts de la rue.

Ce sentiment du "trop tard" inéluctable est à la base de tous nos deuils, et le sentiment du deuil est à la base de notre humanité.

Je ne parle pas là de cette notion de "deuil", travail qui doit être fait sous peine d'anomalie, que mettent en avant les marchands de psychologie à deux sous...

Le Collectif Les Morts de la Rue ne parle pas non plus de deuil, mais de dignité et affirme:

Aucune personne de la rue ne doit être oubliée une deuxième fois, dans sa mort.

Cela me réconforte de voir que ce collectif ne tient pas un simple décompte statistique des morts de la rue, ce n'est pas un ministère... Le collectif les accompagne dans leur sépulture et "interpelle la société en honorant ces morts".

Les listes des morts de la rue leur rend une identité et dresse un modeste monument à la mémoire de ceux que nous n'avons pas toujours voulu voir.


Un tombe éphémère,
avec des petites fleurs.



Le collectif a publié hier cet appel, qui mérite d'être lu (et entendu):

Appel à nos gouvernants et élus (du 26 novembre 2008)

Comme tous les six mois à l’entrée de l’hiver, nous célébrons la mémoire des 158 morts dans la rue depuis l’été dernier. Ce week-end Francis est décédé seul, dans le Bois de Vincennes, dernier refuge et ultime demeure. Il survivait là, le long des périphériques, dans ces zones inhabitables qui deviennent le mouroir des SDF. Combien d’autres sont condamnés à cette même errance qui s’achève par la mort ?

Depuis le début de l’année 2008, le collectif a dénombré plus de 265 personnes mortes dans la rue, dans des voitures, dans des cabanons, dans des conditions indignes d’un pays comme la France. Nous pouvons ajouter également les personnes qui se sont défénestrées, se suicidant pour éviter une expulsion, pour fuir la misère.

Cette année, à l’aube d’une crise dont on ne mesure pas encore les dramatiques conséquences sociales, le collectif rejoint les autres associations qui lancent un cri d’alerte : malgré quelques promesses et d’insuffisants progrès, le scandale de la mort causée par la rue persiste et s’amplifie.

A terme, nous demandons aux pouvoirs publics la définition rapide d’une véritable politique nationale de la grande pauvreté qui n’existe pas. Elle s’inscrirait dans une politique du logement social, mais joindrait deux exigences indissociables, logement adapté et accompagnement. Car l’expérience des associations démontre que rien ne se fera sans les deux.
Mais dans l’immédiat, nous souhaitons la mise en œuvre, au plus vite, d’un véritable plan d’urgence permettant l’hébergement, l’accueil et le dialogue avec la personne en situation de détresse sociale.

Plus de 100 000 personnes vivent à la rue, plus de 600 000 vivent dans des conditions de logement difficiles. La crise, la récession et le chômage accentuent les précarités. Chacun d’entre nous est désormais concerné. Les menaces n’épargnent plus ceux qui se pensaient pourtant à l’abri de la précarité.

A quelques jours de la célébration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il convient d’affirmer que les valeurs de la démocratie sont en cause lorsqu’elle ne parvient plus à maintenir le lien social en assurant la dignité, la sécurité et la justice pour l’ensemble des citoyens.

Ceux qui meurent dans la rue, sous le regard indifférent d’une société qui se détourne de ses obligations morales, en appellent à de nouvelles formes de solidarités. Faute d’initiatives immédiates et de réponses adaptées, notre société se rendrait complice de leur mort par abandon.

Nous attendons un signal fort, une mobilisation à la hauteur des enjeux, la mise en œuvre d’une politique enfin soucieuse des principes d’égalité et de fraternité.

Collectif les Morts de la rue

mardi 25 novembre 2008

Enlèvement des encombrants

Dans ma cambrousse, on se souciait très peu des "encombrants": on avait l'habitude de faire durer les choses, qui étaient fabriqués pour ça, et on gardait plutôt que de jeter. La dernière guerre, où l'on avait été obligés de "ratteler les chouaux" aux chars à bancs, avait servi de leçon, et les "baniaux" attendaient tranquillement au fond des cours de ferme, perchoirs pour les poules et terrains d'aventure pour les marmots.

Parfois, surtout après un décès, on allait déverser quelques "vieuilleries" dans un récent trou de bombe: le village avait bénéficié du largage de quelques surplus de l'aviation anglaise, c'était commode...

Plus tard une collecte fut organisée pour ce que l'on commençait à appeler "monstres". Le garde champêtre se trouvait un "alcoolite" et tous deux, avec un tracteur et "l'armorque", parcouraient les rues du village pour ramasser ces monstres encombrants, qu'ils allaient ensuite jeter dans le dépotoir.

Et puis après, ils allaient boire un coup.

Mais je vous parle d'un temps où ces panneaux n'existaient pas.

En lisant ce matin que l'association Droit au Logement (DAL) avait été condamnée hier à une amende de 12.000 euros pour "avoir embarrassé la voie publique", rue de la Banque, à l'automne dernier, je me suis demandé si la notion d'encombrants n'était pas en train de prendre une extension promise à bel avenir.

Tout le monde se souvient de la rue de la Banque, où une sympathique pipole se demandait où étaient les socialistes (on n'arrête pas le progrès, maintenant on sait où il en sont)...

Il existe de nombreuses vidéos des ramassages des objets embarrassant la rue de la Banque. J'en ai choisi deux, la première (11 octobre 2007) montre bien que l'on prend de délicates précautions prophylactiques, et la seconde (1er novembre 2007) que l'on ne prend pas toujours des gants.






J'ignore absolument comment ont été calculés les 12.000 euros que l'on demande au DAL. Pour que ça l'embarrasse probablement: cela m'étonnerait qu'une association de citoyens indignés et actifs puisse les réunir en un claquement de doigt.

Mais il faut relativiser... Ce n'est même pas la somme qu'il faut débourser pour offrir à madame Rachida Dati la célèbre bague que Le Figaro a cru devoir faire disparaître de son doigt.

Un photomontage embarrassant.

Pour parler franchement, pour un prix analogue, j'ai vu beaucoup mieux du côté de la Place Vendôme (il m'est arrivé d'y passer en allant rue de la Banque).

Elle est un peu lourdingue, cette bagouze, vous ne trouvez pas ?

Encombrante, je dirais.

lundi 24 novembre 2008

Quelques roses d'automne



Les historiens du futur, s'il en reste, nous dirons comment une cellule invisible a pu infiltrer le parti autoproclamé socialiste pour dynamiter les derniers espoirs des braves gens raisonnables qui croyaient en la démocratie du bulletin de vote. Cette opération crypto-terroriste fort bien menée se termine sous nos yeux en dislocation spectaculaire.

Avec, en vedette, deux prétendantes en prétentieuses ridicules.

Une rose d'automne trouvée ce matin en mon jardin,
mais qui n'est pas "plus qu'une autre exquise".



Au lieu de me demander, avec mes quelques amis socialistes qui ont la rage au cœur, où sont passées les fleurs de la démocratie, je préfère me réjouir de croiser ici ou là une floraison tardive mais vigoureuse d'initiatives salutaires.

Ainsi, cette pétition lancée, me dit-on, par Eric Hazan et les éditions La Fabrique, dont je reproduis le texte:

Une opération récente, largement médiatisée, a permis d’arrêter et d’inculper neuf personnes, en mettant en œuvre la législation antiterroriste. Cette opération a déjà changé de nature : une fois établie l’inconsistance de l’accusation de sabotage des caténaires, l’affaire a pris un tour clairement politique. Pour le procureur de la République, «le but de leur entreprise est bien d’atteindre les institutions de l’État, et de parvenir par la violence — je dis bien par la violence et non pas par la contestation qui est permise — à troubler l’ordre politique, économique et social».

La cible de cette opération est bien plus large que le groupe des personnes inculpées, contre lesquelles il n’existe aucune preuve matérielle, ni même rien de précis qui puisse leur être reproché. L’inculpation pour «association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste» est plus que vague : qu’est-ce au juste qu’une association, et comment faut-il entendre ce «en vue de» sinon comme une criminalisation de l’intention ? Quant au qualificatif de terroriste, la définition en vigueur est si large qu’il peut s’appliquer à pratiquement n’importe quoi — et que posséder tel ou tel texte, aller à telle ou telle manifestation suffit à tomber sous le coup de cette législation d’exception.

Les personnes inculpées n’ont pas été choisies au hasard, mais parce qu’elles mènent une existence politique. Ils et elles ont participé à des manifestations — dernièrement, celle de Vichy, où s’est tenu le peu honorable sommet européen sur l’immigration. Ils réfléchissent, ils lisent des livres, ils vivent ensemble dans un village lointain. On a parlé de clandestinité : ils ont ouvert une épicerie, tout le monde les connaît dans la région, où un comité de soutien s’est organisé dès leur arrestation. Ce qu’ils cherchaient, ce n’est ni l’anonymat, ni le refuge, mais bien le contraire : une autre relation que celle, anonyme, de la métropole. Finalement, l’absence de preuve elle-même devient une preuve : le refus des inculpés de se dénoncer les uns les autres durant la garde à vue est présenté comme un nouvel indice de leur fond terroriste.

En réalité, pour nous tous cette affaire est un test. Jusqu’à quel point allons-nous accepter que l’antiterrorisme permette n’importe quand d’inculper n’importe qui ? Où se situe la limite de la liberté d’expression ? Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont-elles compatibles à long terme avec la démocratie ? Sommes-nous prêts à voir la police et la justice négocier le virage vers un ordre nouveau ? La réponse à ces questions, c’est à nous de la donner, et d’abord en demandant l’arrêt des poursuites et la libération immédiate de celles et ceux qui ont été inculpés pour l’exemple.

Pour signer cette pétition, il suffit d'envoyer votre nom et votre qualité (profession ou absence de profession, statut ou absence de statut) à cette adresse: comiteaat@boum.org

Logo utilisé par le Jura Libertaire pour signaler les articles
concernant les grandes manœuvres anti-terroristes.


Commencent aussi à fleurir des comités de soutien locaux, on en trouve trois actuellement répertoriés par le site Soutien aux inculpés du 11 novembre: Rouen avec son Comité Visible, Nancy et Tulle, relayés sur le site général.

A Limoges, une réunion publique d'information sera organisée le 2 décembre à 20h 30, à la salle municipale Blanqui 2. Le communiqué a été posté par Flo Py sur le blogue Les 17 millions et les autres.

Je ne l'ai pas retrouvé sur Balade @ Tarnac, où je l'avais vu... J'espère que la réunion est maintenue.

Mais je retrouve aujourd'hui la lettre ouverte des parents des inculpés du 11 novembre:

Dimanche, 23 Novembre 2008

Lorsque la cacophonie s'accorde pour traîner dans la boue une poignée de jeunes emmurés, il est très difficile de trouver le ton juste qui fasse cesser le vacarme; laisser place à plus de vérité. Certains médias se sont empressés d'accréditer la thèse affirmée par la ministre de l'intérieur dans sa conférence de presse, alors que les perquisitions étaient en cours : Les personnes arrêtées étaient d'emblée condamnées.

Personne n'aura pu rater l'épisode de "police-réalité" que nous avons tous subi la semaine passée. L'angoisse, la peur, les pleurs nous ont submergés et continuent à le faire. Mais ce qui nous a le plus blessés, le plus anéanti, ce sont les marées de mensonges déversées. Aujourd'hui ce sont nos enfants, demain ce pourrait être les vôtres.

Abasourdis, nous le sommes encore, paralysés nous ne le sommes plus. Les quelques évidences qui suivent tentent de rétablir la vérité et de faire taire la vindicte.

Les interpellés ont à l'évidence bénéficié d'un traitement spécial, enfermés pendant 96 heures, cela devait faire d'eux des personnes hors normes. La police les suspecte d'être trop organisés, de vouloir localement subvenir à leurs besoins élémentaires, d'avoir dans un village repris une épicerie qui fermait, d'avoir cultivé des terres abandonnées, d'avoir organisé le ravitaillement en nourriture des personnes âgées des alentours. Nos enfants ont été qualifiés de radicaux. Radical, dans le dictionnaire, signifie prendre le problème à la racine. A Tarnac, ils plantaient des carottes sans chef ni leader. Ils pensent que la vie, l'intelligence et les décisions sont plus joyeuses lorsqu'elles sont collectives.

Nous sommes bien obligés de dire à Michelle Alliot Marie que si la simple lecture du livre "L'insurrection qui vient" du Comité Invisible fait d'une personne un terroriste, à force d'en parler elle risque de bientôt avoir à en dénombrer des milliers sur son territoire. Ce livre, pour qui prend le temps de le lire, n'est pas un "bréviaire terroriste", mais un essai politique qui tente d'ouvrir de nouvelles perspectives.

Aujourd'hui, des financiers responsables de la plus grosse crise économique mondiale de ces 80 dernières années gardent leur liberté de mouvement, ne manquant pas de plonger dans la misère des millions de personnes, alors que nos enfants, eux, uniquement soupçonnés d'avoir débranchés quelques trains, sont enfermés et encourent jusqu' à 20 ans de prison.

L'opération policière la plus impressionnante n'aura pas été de braquer cagoule un nourrisson de neuf mois en plein sommeil mais plutôt de parvenir à faire croire que la volonté de changer un monde si parfait ne pouvait émaner que de la tête de détraqués mentaux, assassins en puissance.

Lorsque les portes claquent, nous avons peur que ce soient les cagoules qui surgissent. Lorsque les portent s'ouvrent, nous rêvons de voir nos enfants revenir.

Que devient la présomption d'innocence?

Nous demandons qu'ils soient libérés durant le temps de l'enquête et que soient évidemment abandonnée toute qualification de terrorisme.

PS: Nous tenons à saluer et à remercier les habitants de Tarnac qui préfèrent croire ce qu'ils vivent que ce qu'ils voient à la télé.

Les parents des inculpés ont été assez présentés comme des bourgeois friqués bien intégrés socialement, pour qu'on leur accorde maintenant le droit de s'exprimer...

Ce n'est pas leur faire une fleur.

dimanche 23 novembre 2008

C'est l'métier qui rentre, mon gars...



La semaine qui vient de se terminer a été suffisamment culturelle, grâces en soient rendues à messieurs Hortefeux et Darcos, pour que l'on admette que le billet de ce dimanche ne le soit que très vaguement.

J'ai reçu hier un fichier mp3 contenant un témoignage sur une opération de la gendarmerie à l'Ecole des Métiers du Gers, à Auch-Pavie.

A la suite d'une défaillance de mon hébergeur de mp3 et fournisseur de lecteurs ad hoc, je n'ai pas pu inclure ce témoignage dans mon billet. N'oubliez pas que je suis le moins doué en bidouille des blogueurs zinzins (pour zinfluents).

Il vous faudra donc aller écouter le répondeur de Là-bas si j'y suis, l'émission de Daniel Mermet. Le témoignage en question se trouve à 1 min. 50 sec. du début de l'émission du 18/11/08. Vous y arriverez en suivant ce lien.

C'est juste pour vous rincer l'œil en écoutant...

On peut trouver quelques traces d'information sur cette opération anti-drogue sur le site du journal local: La Dépêche.

Un premier article, daté du 20/11/08 et signé Béatrice Dillies, fait état de cette "initiative à portée pédagogique" effectuée à la demande de monsieur Bernard Vilotte, le directeur, et signale une certaine émotion de la part des enseignants et des élèves:

Seulement voilà, enseignants et élèves décrivent un mode d'intervention cavalier des gendarmes qui seraient parfois entrés sans frapper en classe, surprenant les élèves en plein cours… ce que conteste Bernard Vilotte, au moins pour les représentants de la loi qu'il a accompagnés. Des propos ironiques auraient aussi choqué les élèves, notamment lorsque les gendarmes leur ont demandé de ne pas regarder les chiens dans les yeux sous peine d'être mordus à des endroits sensibles. Sur ce point, Bernard Vilotte sourit, un peu gêné, mais il revient vite à l'essentiel : son souci de prévenir pour mieux guérir.

On sent bien, à cette remarque, que monsieur Bernard Vilotte a une certaine conception de la pédagogie.

Qu'importe, il a le soutien de la procureure Chantal Firmigier-Michel...

Un second article, du même jour et signé également Béatrice Dillies, recueille des témoignages et des déclarations: les élèves un peu interloqués, le directeur droit dans ses bottes de directeur et un professeur, monsieur Patrick Poumirau (autant le saluer de son nom, en le remerciant) dont je copicolle la déclaration:

« Personne ne dit bonjour, personne ne se présente. Sans préambule, le chien est lancé à travers la classe.

[Il] mord le sac d'un jeune à qui l'on demande de sortir… Je veux intervenir, on m'impose le silence. Une trentaine d'élèves suspects sont envoyés dans une salle pour compléter la fouille. Certains sont obligés de se déchausser et d'enlever leurs chaussettes, l'un d'eux se retrouve en caleçon. Parmi les jeunes, il y a des mineurs. Dans une classe de BTS, le chien fait voler un sac, l'élève en ressort un ordinateur endommagé, on lui dit en riant qu'il peut toujours porter plainte. Ailleurs, on aligne les élèves devant le tableau. Aux dires des jeunes et du prof, le maître-chien lance : « Si vous bougez, il vous bouffe une artère et vous vous retrouvez à l'hosto ». Je me dis qu'en 50 ans, je n'ai jamais vu ça. Ce qui m'a frappé… c'est l'attitude des gendarmes : impolis, désagréables… sortant d'une classe de BTS froid-climatisation en disant : « Salut les filles ! » alors que, bien sûr il n'y a que des garçons, les félicitant d'avoir bien « caché leur came et abusé leur chien ». C'est en France, dans une école, en 2008. »

On retrouve le témoignage du répondeur de Là-bas si j'y suis.

Un troisième article, dont je n'ai pas trouvé le/la signataire, donne la parole au colonel Le Droff, commandant du groupement de gendarmerie du Gers, et à Philippe Martin, député du Gers.

Le colonel exerce en quelque sorte son "droit de réponse":

(...) le colonel Le Droff, commandant du groupement de gendarmerie du Gers estime dans un communiqué diffusé hier que ses hommes, qui ont agi dans le cadre strict d'une procédure légale et en partenariat avec la direction de l'établissement, n'ont pas failli à leur mission. «Tout au long de ce contrôle, les deux équipes cynophiles et les 14 militaires, répartis en deux équipes, sont constamment accompagnées par le directeur de l'établissement et son adjoint. Ces derniers n'ont rien remarqué de particulièrement choquant dans le comportement des militaires et les ont félicité pour leur professionnalisme» écrit-il, rappelant ensuite le détail d'une procédure qui a été « bien maîtrisée et dans le strict respect de la personne».

Rompez!

La réaction du député est si rhétorique qu'elle en devient caricaturale:

«Ce qui me soucie en premier lieu, (...). Ce qui m'interroge, (...). Ce qui m'attriste, (...). Ce qui m'étonne, (...). Ce qui me préoccupe, (...). Ce que je souhaite surtout, (...).»

J'ai un peu abrégé, mais je crois que j'ai conservé ce dont monsieur le député doit être le plus fier.

Bouffeur d'artère méritant.

On dit que d'autres témoignages sur cette opération pédagogique réussie se rassemblent...

On les lira avec intérêt.

samedi 22 novembre 2008

A la télé des présumés blaireaux, demain



Tenir ce blogue m'aura mené à bien des compromissions: je viens par exemple de consulter le site "Les coulisses de la Télévision", pour vérifier que la télé qui grignote les neurones, TF1, avait bien programmé, demain, dans son émission de reportages "Sept à huit" un sujet sur les présumés sabotages des lignes SNCF.

J'y lis, anéfé:

Les ultras de Tarnac. Ils s'appelaient eux-mêmes « le comité invisible ». Leurs sabotages présumés marquent en France le retour de l'ultra-gauche violente. Ces neuf jeunes issus de milieux favorisés, ont entre 22 et 34 ans. Ils sont soupçonnés d'avoir commis sur le réseau ferré français les cinq actes de malveillance perpétrés entre le 26 octobre et le 8 novembre. Des fers à béton avaient été posés sur des caténaires en Moselle, dans l'Oise, l'Yonne, et la Seine-et-Marne. Tous ont été mis en examen. Cinq d'entre eux ont été incarcérés. Pour la première fois, pour « 7 à 8 », l'un des suspects parle. Mathieu reconnaît l'existence du groupe, raconte son fonctionnement, mais nie avoir participé aux sabotages. Pour la première fois aussi, le coordinateur en France de la lutte anti-terroriste s'exprime sur cette affaire. Les suspects étaient surveillés par la police. La plupart vivent en communauté et sont plutôt bien intégrés à Tarnac, un village de Corrèze.

J'avais appris la chose en feuilletant, hier matin à Rouen, le journal Paris-Normandie dans un café de la place du Vieux-Marché, surpris d'y trouver un entretien avec l'un des gardés à vue et inculpés de cette affaire.

Ce journal n'est pas très connu pour ses positions politiques radicales et je m'étonnai. Mais point trop, car si un régional passe sur TF1, le journal régional se doit d'en parler, ce sont des choses qui se font, en région.

Je fus davantage étonné d'y trouver l'annonce de la création d'un comité de soutien rouennais, sous forme d'une "association, baptisée Comité visible", qui devait organiser, ce samedi, un rassemblement devant le palais de justice de Rouen. Des précisions sans doute ultérieurement.

Le palais de justice autrefois,
image transférée du Blog de Rouen.

L'entretien avec Matthieu B. est retranscrit de manière honnête, il me semble, par Paul Mouchel qui écrit dans son introduction:

Après une centaine d'heures de garde à vue vécue la semaine passée dans le cadre de l'enquête sur les sabotages à la SNCF, Mathieu B. est plutôt en forme.

Même s'il confie «avoir perdu cinq kilos», il est le moins marqué des trois Rouennais éprouvés nerveusement et psychologiquement par cette épreuve qui s'est déroulée dans les locaux de la sous-division anti-terroriste à Levallois et Nanterre.

Fragiles depuis leur libération samedi après-midi, notamment victimes de troubles du sommeil, Elsa B. et Bertrand D. ne souhaitent pas s'exprimer publiquement.

Matthieu B. a su garder le contrôle de l'entretien, et j'espère qu'il a réussi de même face aux caméras de TF1 (en ce qui concerne le montage, c'est en général plus difficile, à moins qu'il n'ait imposé ses exigences).

Il donne un certain nombre de détails sur son arrestation et sa garde à vue, par petites touches... Et cela sera instructif pour tout le monde.

Après son arrestation:

Le convoi de véhicules est parti en fin d'après-midi. Transportés à 180 km/h sur l'autoroute, nous avons dû arriver vers 20 h à Paris. Je me suis retrouvé dans une cellule de 5 m² sans fenêtre, avec pour seul mobilier un banc en béton, le tout baigné d'une très faible lumière.

Le déroulement des interrogatoires:

Avez-vous subi des atteintes physiques durant votre garde à vue?

« Non, il s'agissait plutôt d'intimidation du genre :''On sait que tu mens'' ou ''tu ne reverras jamais ton fils''. A partir du jeudi, les policiers ont cessé de m'interroger sur les faits et m'ont questionné sur mes lectures, les gens croisés dans ma vie, les manifestations auxquelles j'ai participé. Ils m'ont sorti ma lampe frontale, l'adresse de mon ancien proprio... le moindre objet insignifiant était sujet à interprétation.»

Avez-vous eu peur?

« Le troisième jour a été très difficile. Je savais qu'ils n'avaient rien contre moi mais les idées s'embrouillaient dans ma tête sous l'effet de la fatigue, du manque de nourriture. La situation était si surréaliste que j'avais l'impression d'être dans les Bronzés à Guantanamo

C'est une manière élégante de présenter les choses, non ? Et qui ne masque pas ce qu'elles ont de légèrement, oh! très légèrement inhabituel...

Sa libération:

Je suis passé le dernier devant le juge d'instruction (NDLR, au palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité). Cela a duré cinq minutes. L'avocat commis d'office m'avait prévenu un peu avant que mon dossier était vide. Un peu embarrassé, le juge m'a signifié mon placement sous contrôle judiciaire et ma mise en examen. Une fois dehors, j'ai retrouvé les autres qui venaient d'être libérés et des amis venus nous accueillir.

On devra aussi à Matthieu B. quelques images à conserver dans nos têtes.

Celle des policiers vidant, avec le soin qu'on imagine aisément, les pots de confiture que lui avait donnés sa mère. Cette image a déjà été reprise par l'article du Monde que j'ai signalé hier.

Une autre image mérite de rester:

Nous avons été braqués nus par des policiers cagoulés, et menottés.

Car c'est avec cette délicatesse de sentiments que l'on peut traiter une jeune femme et un jeune homme, à condition qu'ils soient de présumés présumables.

vendredi 21 novembre 2008

Nous sommes tous de présumés blaireaux



Voilà une dizaine de jours, nous ne savions même pas précisément combien de personnes étaient en garde à vue après la brillante prestation policière du 11 novembre. Les gardés à vue n'avaient ni nom, ni visage...

Un mystérieux Julien C. fut présenté comme "chef présumé des saboteurs". Personne ne remarqua que l'expression était incorrecte: il fallait dire, afin de respecter la règle de présomption d'innocence, "chef présumé des présumés saboteurs", ce qui, phonétiquement et rythmiquement, n'est pas sans charme. Mais je n'obligerai jamais personne à avoir mon sens du rythme.

Peu à peu, le nom de Julien Coupat apparut dans la presse, et la radio nous apprit mardi dernier que ledit Julien Coupat, toujours "chef présumé des saboteurs", avait un père. Monsieur Gérard Coupat, père digne et indigné, fut ce jour-là l'homme le plus interrompu de France: il avait malheureusement fait le choix de s'exprimer par téléphone, et un téléphone cela se couvre facilement lorsqu'on tient le micro.

Son indignation, assise sur un solide bon sens, put pourtant être entendue. Mais fut peu répercutée.

On nota qu'il évoquait l'écriture poétique, et qu'il citait André Breton... On le reprit sans malice, ou avec l'inculture ordinaire: personne n'essaya de le coincer en évoquant "l'acte surréaliste le plus simple" du second manifeste du surréalisme... On se contenta de l'interrompre et de le remercier avant de passer à la pub.

LeFigaro.fr ira plus loin dans les révélations en illustrant un article de Christophe Cornevin d'une photographie bien floue du "saboteur présumé", photo dont l'origine n'est pas précisée, mais qui semble provenir d'une photo prise par un "civil" opérant en "manif" et démesurément agrandie.

On pourra se dispenser de lire l'article, puisque je donne la photo.

Le flou lui va bien, comme il allait bien à G.-E. Debord.

Plus sérieusement, on commence à réfléchir un peu plus sur ce qui se passe.

Je pense que c'est à Eric Hazan que revient l'honneur d'avoir élevé le niveau de la réflexion, mais cette réflexion il l'avait commencée il y a longtemps. Vous trouverez ici ses propos éclairants.

Après s'être (une fois de plus) déshonoré en publiant un article sur L'insurrection qui vient, qualifié de "bréviaire anarchiste" - cet "article" aurait pu être signé du Procureur Marin -, Liberation.fr s'est fendu d'un second article, signé Edouard Launet, sur ce "court essai lyrique et radical". Se contentant de survoler et de noter quelques influences, le texte de Launet arrive à donner tout de même l'impression qu'il a lu le livre; c'est déjà beaucoup.

Là où Liberation.fr étonne, au vu de ses contributions précédentes, c'est lorsqu'il publie, dans sa page Rebonds, où l'on ne rebondit pas trop loin en général, le texte de Giorgio Agamben, intitulé Terrorisme ou tragi-comédie.

Texte limpide, que je ne puis que vous conseiller de lire, dont voici la conclusion:

La seule conclusion possible de cette ténébreuse affaire est que ceux qui s’engagent activement aujourd’hui contre la façon (discutable au demeurant) dont on gère les problèmes sociaux et économiques sont considérés ipso facto comme des terroristes en puissance, quand bien même aucun acte ne justifierait cette accusation. Il faut avoir le courage de dire avec clarté qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays européens (en particulier en France et en Italie), on a introduit des lois et des mesures de police qu’on aurait autrefois jugées barbares et antidémocratiques et qui n’ont rien à envier à celles qui étaient en vigueur en Italie pendant le fascisme. L’une de ces mesures est celle qui autorise la détention en garde à vue pour une durée de quatre-vingt-seize heures d’un groupe de jeunes imprudents peut-être, mais auxquels «il n’est pas possible d’imputer une action». Une autre tout aussi grave est l’adoption de lois qui introduisent des délits d’association dont la formulation est laissée intentionnellement dans le vague et qui permettent de classer comme «à visée» ou «à vocation terroriste» des actes politiques qu’on n’avait jamais considérés jusque-là comme destinés à produire la terreur.

Une petite main de l'anti-terrorisme

LeMonde.fr prend lui aussi de la distance avec les informations officielles et revient sur Les neuf de Tarnac, dans un article bien documenté, dont on se demande s'il n'aurait pas pu paraître plus tôt.

Même la presse très régionale de ma région se met à donner des informations qui utilisent des sources autres que les sources policières ou judiciaires. J'ai pu le constater en achetant, ce matin, le journal local.

Je vous en parlerai peut-être demain

jeudi 20 novembre 2008

La culture de monsieur Darcos



Je m'en voudrais de ne pas saluer au passage les veilleurs d'opinion du ministère de l'Education Nationale, ou de tout autre, qui arrivent peut-être sur ce billet en service commandé. Si vous n'arrivez pas à suivre, n'hésitez pas à demander des explications complémentaires. Je suis prêt à mettre en place un module d'accompagnement individualisé... Je sais à quel point votre travail est ingrat et difficile.

Regards tous-azimutés de veilleurs attendant l'horreur.
(Il s'agit toujours de l'excellent Marty Feldman)

Puisque cela fait maintenant partie de la culture du gouvernement Fillon, monsieur Darcos, en prévision d'une grève dans l'enseignement, a fait les grozieux, et a stigmatisé, fustigé et vilipendé ce qu'il a appelé la "culture de la grève". C'est du moins ce qu'ont repris les titres dans les médias.

Cela me fait toujours beaucoup de peine de voir attribuer à un distingué agrégé de Lettres Classiques, un usage du mot "culture" si banalisé par la langue du marquétigne. Car, bien sûr, il faut entendre ce mot, dans ce contexte, au même sens que dans cette fumeuse notion de "culture d'entreprise", dont n'importe quel VRP analphabète pouvait vous saturer l'entendement il y a quelques années...

Je note que monsieur Darcos avoue une certaine lassitude à entendre toujours les mêmes reproches:

La casse du service public, le manque de moyens, la colère des personnels, le ministre qui n’entend pas, le mépris. Combien de fois, a-t-on entendu cela depuis une trentaine d’années?

Les enseignants, je pense, lui ont déjà répondu, dans la rue et dans la grève, qu'ils étaient las d'entendre toujours les mêmes arguments ministériels.

C'est ce que l'on appelle la culture du dialogue.

Aujourd'hui à Caen.
Photo AFP/MYCHELE DANIAU, publiée par LeMonde.fr
J'ai coupé le bas de la photo pour que les veilleurs n'aient pas à chercher à identifier les gens,
c'est toujours un boulot fastidieux de moins pour eux.
On dit merci qui ? les voyeurs...

Alors que monsieur Darcos tente, en évoquant une "culture de la grève", de réactiver dans l'opinion les images assez convenues du prof toujours absent, toujours en grève, j'ai pu constater à la mi-journée, en cherchant à éviter les publicités sur les radios, que son service de communication avait dû mettre l'accent sur le passé d'enseignant de monsieur Darcos, car on y insistait beaucoup, beaucoup.

C'est, anéfé, une bien belle carrière que celle de monsieur l'ancien doyen de l'Inspection Générale Xavier Darcos... On croise parfois, en salle des profs, des collègues chez qui l'on pressent un profil analogue et dont on se demande s'ils sont plus animés par le goût de leur métier ou le sens de leur carrière.

Car on ne devient pas Inspecteur Général parce qu'on vous a supplié de le devenir... c'est au contraire un long travail bien besogneux de soumission aux diverses directives, parfois contradictoires, de l'Inspection Académique, Pédagogique ou Générale. Mais quel épanouissement quand on peut à son tour rédiger de telles circulaires !

Je ne doute pas que, malgré cette évolution de carrière atypique, monsieur Darcos ne connaisse les joies et les peines de ce beau métier: il a même récemment connu les affres du chahut, dont sa position de professeur de chaire supérieure avait pu le tenir écarté. Je retrouve même dans ce "Vous allez tout de même me laisser parler. J'ai enseigné vingt ans dans un lycée. Alors je sais de quoi je parle" rapporté par Liberation.fr, le type même de phrase que l'on en vient à prononcer alors que l'on sait pertinemment qu'il s'agit justement de "la" phrase à ne pas dire et que l'on va déclencher un redoublement, voire un emballement, des huées...

Passe encore que monsieur Darcos ne sache pas gérer les chahuts...

Ce qui est plus inquiétant, c'est qu'il semble avoir oublié, dans son irrésistible ascension, à quel point ses collègues peuvent être sans pitié.

Il pourrait en parler avec monsieur Allègre, par exemple.

Mais peut-être souhaite-t-il, au fond retourner à ses chères études, se replonger dans les œuvres d'Ovide et se consacrer, pourquoi pas, à une nouvelle traduction des Tristes et des Pontiques en langage de marquétigne.

PS: Si vous voulez faire savoir à monsieur Darcos que vous lui sauriez gré de ne pas toucher aux RASED, vous pouvez joindre votre signature à cette missive qui lui sera adressée.

mercredi 19 novembre 2008

La mission de monsieur Hortefeux



Lorsque monsieur Hortefeux parle de sa Mission, il faut bien avouer qu'il est convaincant et irrésistible.

Il me fait irrésistiblement penser à cette fable de Jean de la Fontaine (livre VII) que l'on m'a fait apprendre à l'âge tendre où je mémorisais encore la poésie: Le Chat, la Belette et le petit Lapin.

N'attendez pas d'explications de ma part; je vous ai dit que c'était irrésistible.

La fable, illustrée par Jean-Ignace-Isidore Gérard, dit J.J. Grandville,
né à Nancy en 1803 et mort à l’asile d’aliénés de Vanves en 1847.

Monsieur Brice Hortefeux pourrait désormais démissionner, ou partir en vacances dans des pays "où jamais il ne pleut"; il a largement rempli sa mission pour l'année 2008, ainsi que nous l'apprend une brève de Bakchich.info, reprise par un billet triomphal du Charançon: 28000 expulsions réalisées, alors que l'objectif fixé était de 26000.

Ce qui prouve bien que l'administration française, la police française, la justice française... peuvent se surpasser quand on lui fixe un objectif clair et précis.

D'ailleurs notre histoire le prouve.

Très bien, c'est le bon doigt.

Au cours de mon tour de veille matinal sur LeFigaro.fr, j'ai appris que monsieur Hortefeux avait été l'invité de R.T.L.

Ne croyez surtout pas qu'il en ait profité pour annoncer ses bons résultats de manière triomphale et peu charitable pour ses petits camarades du gouvernement, nôôôn, ce n'est pas son genre.

Il a profité de l'occasion pour revenir sur la décision, douloureuse n'en doutons pas, qu'il a prise de permettre à madame Victorine Dikobo Yakile de “continuer à séjourner légalement en France” en raison d’une “situation humaine particulière”.

Pour résumer très rapidement la "situation humaine particulière" de madame Diboko, voici l'extrait de l'annonce d'une conférence de presse prévue par RESF 92 sur son cas:

Septembre 2008, une préfecture envoie une Invitation à quitter le territoire à une jeune femme. Extraits :

LE PREFET DE **

CHEVALIER DE LA LEGION D’HONNEUR

OFFICIER DE L’ORDRE NATIONAL DU MERITE […]


« CONSIDERANT que l’intéressée a obtenu sa régularisation en qualité de parent d’enfant français en 200* mais que son enfant est décédé le 27 04 200*[…]


CONSIDERANT que Mme ** a eu deux autres enfants issus d’une autre liaison et que le père des enfants, domicilié à **, est actuellement en situation irrégulière sur notre territoire ; […]


ARRETE :

Article 1er : la demande de titre de séjour de Mme ** est rejetée ;


Article 2 : L’intéressée est invitée à quitter le territoire dans le délai d’un mois. »


Il y a un certain embarras dans les propos de monsieur Hortefeux qui affirme que le "rôle d'un ministre" est "aussi de corriger les dysfonctionnements de l'administration quand il y en a", mais s'évade dans d'autres considérations quand on lui demande de reconnaître qu'il y a eu, dans ce cas, effectivement dysfonctionnement... Il préfère donner un délicat cours de déontologie journalistique.

Mais ne soyons pas trop exigeants avec lui. Dégustons plutôt sans ironie une phrase telle que:

Les médias comme les associations ont un rôle que je suis heureux de saluer à nouveau.

(A nouveau ?)

Et remercions-le de veiller à rehausser le niveau culturel d'une radio comme RTL.

Alors qu'on l'interroge sur les bruits qui le donnent comme futur ministre de l'Intérieur, il répond, en toute franchise:

Ecoutez, j'assume aujourd'hui la mission qui m'a été confiée par le Président de la république avec passion et équilibre. Il faut les deux parce que ça touche à la personne humaine et donc cela conditionne l'avenir aussi de notre société. Pour le reste, je vous renvoie à l'académicien Bourbon Busset qui disait que "le sens de la mission doit toujours précéder l'ambition".

Comme tout le monde l'ignore, mais comme l'indique le site de l'académie française, "Jacques de Bourbon Busset (1912-2001) descend, par son père, de saint Louis, de Jean sans Peur, duc de Bourgogne et de César Borgia." Son œuvre est bien oubliée, et l'intervention de monsieur Hortefeux ne devrait pas conduire à une réédition.

Cette référence à l'immortel blasonné, chantre de l'amour conjugal, rassurera en outre ceux qui auraient peur d'un revirement droit-de-l'hommiste, voire ultra-gauchiste, de la part de monsieur Hortefeux: on est encore loin de L'insurrection qui vient.


PS: Sans vouloir contredire monsieur Hortefeux sur le rôle qu'il reconnait aux associations (je ne veux pas lui faire de la peine), je retranscris ci-après l'appel à rassemblement lancé par les associations réunies au sommet citoyen Des ponts, pas des murs :


Le 25 novembre se tiendra à Paris la conférence interministérielle euro-africaine sur "migration et développement", dite "Conférence de Paris".

Alors que le sommet citoyen sur les migrations a rassemblé à Paris les 17 et 18 octobre dernier près de 20 000 personnes, que l'appel à mobilisation a été signé par plus de 300 organisations du Sud et du Nord, nous dénonçons le mépris général manifesté par les Etats à l'égard des sociétés civiles, qui n'ont quasiment pas été associées au processus d'élaboration du contenu de la conférence ministérielle du 25 novembre et de sa déclaration finale, et qui, malgré nos demandes, ne seront pas représentées à la conférence.

Pour que les recommandations issues du sommet citoyen soient portées à la conférence de Paris

Appel à rassemblement le 25 novembre à 12heures

à l'angle du quai de Grenelle et du pont de Grenelle


PPS, ajouté le 20/11/08:

Sur la soudaine mansuétude humanitaire de monsieur Hortefeux, les amis de RESF ont publié un communiqué bien senti et bien pensé, intitulé "Salauds de préfets"? (avec un gros point d'interrogation).