jeudi 30 juillet 2009

Vers un repos relatif

Comme vous savez que je n'ai pas besoin de simuler un misérable petit malaise pour pouvoir tirer ma flemme, je pense que je peux vous le dire tout net: je n'ai aucune raison de prendre un repos relatif, mais je vais le faire.

Ce blogue restera donc en veilleuse pendant que je me retirerai dans ma "Lanterne".

Ma retraite à la campagne.

Mes lumières manqueront donc cruellement à la blogosphère.

Pour me faire pardonner, j'ai ajouté à ma liste de voisins quelques blogues que j'ai pris l'habitude de visiter, très irrégulièrement certes, mais toujours avec plaisir.

A bientôt...

mardi 28 juillet 2009

Un centenaire encore des nôtres

You never know what is enough
unless you know what is more than enough
William Blake. Proverbe of Hell.


Si, comme le prétend un adage d'ivrogne, l'alcool conservait vraiment, Malcolm Lowry aurait aujourd'hui cent ans.

De manière plutôt discrète, deux honorables assemblées littéraires auront bu à sa santé: lors de la deuxième édition des Rencontres de Fontevraud, les 26 et 27 juin dernier, et lors du colloque de l'université UBC de Vancouver, du 23 au 25 juillet.

La Malcolm Lowry Walk, à Roche Point, Vancouver.

En attendant de pouvoir lire un jour quelques unes des savantes communications de ces réunions, je me suis contenté d'exhumer de ma bibliothèque le volume d'études publié en 1960 aux Lettres Nouvelles. On peut y trouver un texte de Clarisse Francillon, intitulé Malcolm, mon ami. Elle y évoque en son début le séjour que fit Lowry à Paris, à l'occasion de la traduction d'Under the Volcano qui fut entreprise par Stephen Spriel (Michel Pilotin) et elle-même:

Au cours de l'année 1948, les habitants des petites rues qui avoisinent la place Saint-Germain-des-Prés pouvaient voir passer une étrange silhouette : Lowry marchait toujours du même pas régulier; très lent; il allait, sans paraître rien regarder, ni personne, comme en songe. Le pardessus raglan assez fatigué, couleur de mousse et de muraille, s'ouvrait sur un veston de tweed, un large pantalon. Les prunelles d'un bleu de grotte sous-marine, les bras courts, presque d'un enfant, la main ronde, on remarquait tout cela ensuite.

Paris ne l'intéressait pas. Jamais, pendant tout son séjour, je ne l'ai vu lever les yeux vers quelque chapiteau, interroger une archivolte, les cannelures d'une pierre. Un soir qu'ensemble nous suivions la rue de Babylone, il s'arrêta longuement afin de contempler une frénétique chevauchée de nuages parmi les étoiles de l'hiver. Ce fut tout. Une fois, deux peut-être, il éprouva l'envie d'aller au cinéma; nous vîmes Monsieur Verdoux et, je crois bien, le Diable boiteux, une fort médiocre bande. L'affiche des Raisins de la colère requit son attention, il en avait admiré autrefois les séquences du début. Mais nous n'arrivâmes jamais jusqu'à la salle où l'on projetait le film de John Ford. Dans les villes, les relais de l'alcool sont innombrables.

Le soleil, les arbres, il ne savait plus apprécier ces choses. Chez l'amie anglaise qui les reçut, sa femme et lui, il dédaigna toujours le jardin, aux pelouses si soigneusement peignées, les plates-bandes fleuries de pieds-d'alouette; il ne regardait pas la fenêtre. Que ce fût dans cette maison-là ou dans la mienne, le rite était le même. Après son opaque sommeil, qui se prolongeait jusqu'à une heure avancée du matin, il enfilait impatiemment, fiévreusement, son chandail de laine grise à col roulé, son unique souci étant de. gagner la cuisine au plus vite. Les tremblements nerveux qui secouaient ses membres ne se calmaient qu'une fois absorbés les premiers verres de vin rouge coupé d'eau. On lui préparait cette boisson dans une petite carafe dont le bouchon, heurtant le goulot, rythmait toute une partie de la journée. Dans nos esprits inquiets, ce tintement prenait des proportions démesurées, il s'enflait, il devenait celui d'une sonnette d'alarme, d'une cloche de navire errant parmi les brumes. Cela durait jusqu'au moment où, effectivement, Lowry disparaissait, et quoi que nous puissions dire ou faire, nous échappait.

Il choisissait de préférence les petits bistrots obscurs, en retrait des voies passagères, peu fréquentés, sinon par quelques ouvriers vêtus de salopettes, musette à l'épaule. Rue Jacob, rue Gozlin, rue des Ciseaux, rue de l'Amiral-Mouchez... Presque toujours, il restait debout au comptoir, des heures durant, commandant des rhums, des fines, des demis, ou encore de ce gros rouge que, pourtant, il jugeait exécrable. Il buvait sans hâte, rêveusement, offrant parfois un verre au consommateur qui se trouvait à côté de lui par hasard, quelque membre immédiatement repéré de ce qu'il nommait la Grande Confrérie de l'Alcool. En un français point trop sûr, il lui arrivait de prendre part à un lambeau de conversation, ou bien il captait une plaisanterie, un bout d'histoire qui l'intéressait. A la patronne du Perroquet, dont l'enseigne se découpait non loin du Parc Montsouris, qui lui paraissait particulièrement accessible et compatissante, il exposa un soir les difficultés inhérentes à la traduction de la préposition under. Sous, au-dessous, en dessous ? La patronne donna son avis, gravement.

De ses mains qui recommençaient à trembler, comment parvenait-il à sortir des poches du raglan quelques coupures froissées, à les déposer sur le zinc ? Puis il s'en allait, se laissant emmener par l'un de nous, à moins que les propriétaires ne dussent le mettre à la porte, car souvent, c'était l'heure où déjà l'on balayait le carrelage, où les chaises commençaient à s'empiler sur les tables. Dans la rue, il arrivait qu'il nous déclarât tout à coup : " Attendez-moi cinq minutes, je reviens... " Il ne revenait plus. On le cherchait, on l'apercevait à travers la vitre embuée d'un bar des environs avec, sur son visage, je ne sais quelle expression d'allégresse, de délivrance.

(On peut trouver ce texte, ainsi que quelques autres du même volume, sur dh3rm3.aikotoba.org)

Clarisse Francillon ne nous dit pas quelle était la préférence de la patronne du Perroquet, mais la traduction prévue parut en 1950 sous le titre Au-dessous du volcan.

Comme on dit que les pochetrons sont toujours entre deux vins, je suis toujours entre deux relectures d'Au-dessous du volcan, et chaque relecture est lecture nouvelle: je trace un sentier toujours différent dans la forêt de thèmes, images, symboles, allusions, citations, références, comme le fait chaque lecteur.

Comme le fait chaque auditeur du Requiem pour un jeune poète de Bernd-Aloïs Zimmermann.



Bernd-Alois Zimmermann : Requiem für einen jungen Dichter (1969). Dona Nobis Pacem.

lundi 27 juillet 2009

Un avis de spécialiste

Il y a bien des gens qui ne vont pas jusqu'au bout de leurs passions. J'en connais qui commencent un jogging à petites foulées et le terminent en hélicoptère...

Ce n'est pas le cas de monsieur Patrick Balkany: il préfère le cigare au jogging, et l'on sait qu'il est homme à aller au bout de ses fantasmes.

Il vient de nous montrer avec éclat que s'il avait commencé des études de médecine, il serait maintenant un grand spécialiste, capable de nous donner un avis éclairé et éclairant sur le "malaise" qui a affecté ce dimanche la santé de monsieur Nicolas Sarkozy.

On peut en juger aux quelques propos qu'il a tenus à la radio.

Et malgré le nombre impressionnant de spécialistes du "malaise vagal" qui se sont exprimés en vingt-quatre heures, il faut admettre que c'est sa voix qui a dominé cette foire d'empoigne de l'information médicale.

Certes, il a commis un léger faux pas en voulant nous rassurer sur l'état de santé de notre président en lançant son fameux "Il va bien, il a faim, il râle, donc tout va bien." Car c'est justement ce que l'on dit lorsque le papy, arrivé à la dernière extrémité, est tellement tuyauté de partout qu'il ressemble à une réduction un peu fondue du Centre Beaubourg. On ajoute souvent: "Il pince les fesses des infirmières", ce que monsieur Balkany, de manière étonnante de sa part, a oublié.

Sur le malaise lui-même, son diagnostic est péremptoire: "Il a eu - ce que je connais très bien - un malaise vagal, c'est-à-dire une baisse subite de tension, et vous tombez dans les pommes". Peu importe si un malaise vagal n'est pas exactement ce que dit le bon docteur Balkany et si le communiqué final de l'Elysée ne va pas du tout dans ce sens, être un proche du président permet de dire n'importe quoi.

Et même d'aller plus loin:

"C'est à la suite de la fatigue, des efforts, de son régime, etc. J'ai été surpris et inquiet quand j'ai appris qu'il a fait un malaise. On a été vite rassuré sur son état de santé après les premiers examens. Il faut qu'il fasse attention, qu'il fasse peut-être moins d'efforts et qu'il se nourrisse un peu plus (...) Il suit un régime parce qu'il se trouve toujours un peu trop... Il ne veut pas de surcharge pondérale... Je vous ferai remarquer que ces derniers temps, il était particulièrement affûté (...) J'espère pour lui que ça sera une alerte salutaire pour qu'il modère ses efforts"

Les gazettes, pas toujours bien intentionnées, voient déjà dans ces propos une pointe dirigée contre les habitudes alimentaires quelque peu anorexiques d'une ancienne top model...

Monsieur le professeur Balkany à l'entrée de la salle d'opération,
accompagné de son assistante préférée.

A ma connaissance, le professeur Bernard Debré n'a pas été interrogé sur le malaise versaillais de monsieur Nicolas Sarkozy.

On peut le regretter car, après ses déclarations sur la "grippette" A-H1-N1 qui s'annonce, il aurait pu nous faire un bon vieux numéro de franc-parler médical:

"Pfff... Un malaise de chochotte qui a ses vapeurs. Une bonne claque sur le beignet, un seau d'eau froide sur la tronche, un coup de pied au cul, et ça redémarre."

dimanche 26 juillet 2009

Gendarmes en réserve

Mes compétences en histoire naturelle sont très limitées, je l'avoue.

Alors que je peux identifier quelques familles et espèces de lépidoptères de nos contrées ou d'Afrique subsaharienne, j'ai la plus grande difficulté à m'y retrouver lorsque je suis face à un de ces coléoptères casqués, cuirassés et caparaçonnés qui se rassemblent en colonies assez denses et agressives, excrétant des produits puants et urticants, à la fin des manifestations. Je suis par exemple incapable de faire la distinction entre un gendarme mobile et un membre des CRS.

Pourtant, lorsque j'étais petit, je savais très bien reconnaître les gendarmes.

C'était assez facile, car sur le riche plateau agricole où j'ai grandi (modérément), nous n'en connaissions que deux, et de mœurs plutôt paisibles, ce qui facilitait l'observation. Ils faisaient épisodiquement leur apparition au village, soit pour une visite de routine ou de courtoisie, soit pour régler une affaire mineure de la vie courante: bagarre d'ivrognes, querelle de voisinage ou un exceptionnel homicide présumé. Ils arrivaient dans un véhicule dont j'ai oublié la marque et la couleur, mais qui a pris, dans ma mémoire, une forme assez curieuse, hybride entre la quatrelle et la juvaquatre. Le premier à en sortir, du côté passager, était un petit brun à moustache, que l'on appelait le "p'tit gros". Le second à se déplier était nettement plus grand, et glabre; on le surnommait le "grand Corse", car il avouait une origine insulaire. Certains allaient jusqu'à le désigner par "le grand couillon", mais c'était par pure gentillesse, et pour tenir compte d'une certaine réalité.

Ils n'ont jamais accumulé parmi nous un énorme capital d'antipathie, et malgré quelques embuscades en rase campagne, aux carrefours munis d'un "Stop", ils savaient inspirer confiance, et tenaient, grâce à leur connaissance du "terrain", un rôle de médiateurs plutôt qu'un rôle de "sales flics" jouant les cowboys. On disait parfois qu'ils n'avaient pas inventé la poudre, mais on reconnaissait qu'ils n'en faisaient pas tellement usage non plus.

Gendarme de nos campagnes ou Pyrrhocoris apterus.
Photographie © F. Köhler

Ce ne sont là que souvenirs d'enfance, racontés avec toute la complaisance que l'on met à raconter des souvenirs d'enfance, mais ils remontent à une époque où l'on ne parlait pas de "sécurité partout et pour tous" et où il n'était pas encore question d'entériner par une loi le rapprochement (inéluctable, forcément inéluctable, je suppose) de la gendarmerie et de la police. Ce rapprochement, on a pu le constater, depuis longtemps, en voyant la gendarmerie emprunter à la police nombre de pratiques et comportements, y compris les plus détestables.

Le jeudi 23 juillet, les députés présents ont voté, à main levée, la loi qui rattache la gendarmerie au ministère de l'Intérieur, qui aura désormais le contrôle de l'organisation et du budget de la gendarmerie (qui dépendait auparavant de la défense).

Monsieur Hortefeux est très content, et il l'a fait savoir:

Brice Hortefeux a salué, dans un communiqué, l'adoption définitive jeudi du projet de loi consacrant le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, "une bonne nouvelle pour les 105 000 militaires qui assurent, au quotidien, sur le terrain, la paix et la sécurité publiques et, au-delà, pour l'ensemble de nos concitoyens". "A la fois nécessaire, pragmatique et concrète, cette réforme conforte le statut et l'identité militaires de la gendarmerie nationale et permet de mieux lutter contre la délinquance en plaçant, sous un commandement ministériel unique, l'ensemble des forces de sécurité intérieure", affirme le communiqué. Le ministre de l'Intérieur affirme qui veillera "à ce que ce rapprochement devienne rapidement réalité sur le terrain".

On comprend aisément que le fait de disposer d'une réserve supplémentaire de 105 000 petits soldats bien disciplinés soit une bonne nouvelle pour notre ministre.

Et pour le budget de l'Etat, puisque

L'objet de cette réforme est également de mutualiser les moyens et de réduire les effectifs. Sur les 100 000 gendarmes et 150 000 policiers que compte actuellement la France, 8 300 postes devraient disparaître d'ici à 2011, dont 3 500 de gendarmes et 4 800 de policiers.

Pour certains, comme le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, cette "mutualisation" mène à la fusion entre police et gendarmerie qui devrait venir "d'elle-même comme un fruit mûr". On peut consulter son point de vue de "spécialiste des questions de sécurité" dans un texte mis en ligne sur le site de Terra Nova.

Pour avoir un éclairage de l'intérieur sur ce passage de la gendarmerie à l'Intérieur, il faut lire l'article que Jean-Hugues Matelly a écrit en collaboration avec Christian Mouhanna et Laurent Mucchielli.

Les propos critiques du commandant Jean-Hugues Matelly, officier de gendarmerie et chercheur associé au CNRS, ont conduit sa hiérarchie a lui reprocher un manquement au devoir de réserve. Déjà blâmé, le gendarme citoyen Matelly est maintenant convoqué "devant la plus haute instance disciplinaire militaire" et risque la radiation.

Car décidément, ce commandant manque de réserve...

Mais quand on se veut citoyen,
la réserve n'est pas naturelle.

samedi 25 juillet 2009

Le prix de la désobéissance

Monsieur l'inspecteur d'académie de Toulouse n'est pas un "désobéisseur", on s'en doute.

Mais comme il se doit d'observer rigoureusement son obligation de réserve, il ne nous dira probablement jamais si la sanction qu'il vient de prendre à l'encontre d'Alain Refalo lui a été suggérée par son ministère de tutelle ou par sa propre conscience pédagogique.

Pour s'être rendu coupable de "refus d'obéissance, manquement à l'obligation de réserve, incitation à la désobéissance collective et attaque publique contre un fonctionnaire de l'Education nationale" (assavoir son inspecteur), Alain Refalo se voit donc infliger une "sanction disciplinaire de catégorie 2", qui consiste en un abaissement d'un échelon à partir de celui où on l'avait déjà maintenu au mois de février, en lui refusant la promotion qui lui était due.

Si l'on se souvient qu'Alain Refalo a toujours effectué la totalité de son service et que ses rapports pédagogiques sont très bons, cette mesure ne peut qu'être considérée comme une mesure de type strictement disciplinaire.

Et exemplaire.

Monsieur Luc Chatel, ministre de l'Education Nationale entend probablement donner aux enseignants ce que, dans le jargon, on nomme "un signal fort", avec l'espoir que ceux-ci enfin comprendront le message: en travaillant dans le domaine de l'éducation nationale, vous ne vendez pas seulement votre force de travail en "rentabilisant" le "capital" de savoir et de compétences que vous avez pu accumuler durant vos chères études, mais vous vendez aussi votre esprit critique, vos convictions et vos opinions.

C’est bien d’apprendre à compter aux enfants,
mais c’est encore mieux de leur apprendre ce qui compte.
(Merci à Lucky)

Dans leur communiqué du 24 juillet, le Comité de soutien à Alain Refalo et le Mouvement des Enseignants du primaire en Résistance Pédagogique font une évaluation du prix à payer pour la liberté de pensée et d'expression de cette pensée, lorsqu'on est professeur des écoles: "cette sanction représente pour les quatre ans qui viennent une perte d'au moins 7 000 euros".

Ce calcul indicatif pourrait faire croire à une pénalité financière limitée dans le temps, mais j'ai bien peur qu'il n'en soit rien. Si j'ai bien compris, en le rétrogradant à deux échelons au dessous de celui qu'il mérite, l'administration impose à Alain Refalo un retard définitif et à vie de son avancement. Il me faudrait plus de détails sur l'évolution des carrières d'un professeur des écoles pour faire une évaluation précise, mais on peut deviner que, loin d'être une sanction symbolique, la "punition" infligée au "désobéisseur" peut être lourde de conséquences sur sa carrière et sa vie.

Face à cela, la réaction d'Alain Refalo est en accord avec son engagement:

Alain Refalo : (...) Nous n’allons pas baisser les bras. Le mouvement de résistance va s’accentuer dés la rentrée.

LibéToulouse : Quelles formes va prendre ce mouvement ?

Alain Refalo : Les universités d’été des "enseignants du primaire en résistance" auront lieu les 26 et 27 août à Montpellier. Nous en discuterons à cette occasion. Nous prendrons les initiatives à la hauteur du défi qui nous a été lancé par le ministre.

Car Alain Refalo n'est pas seul.

Le ministre non plus, qui a derrière lui tous les sinistrés des réformes stupides de ses prédécesseurs.

A titre d'exemple, voici un commentaire glané sur 20minutes.fr:

si cet enseignant avait eu des convictioàns religiruses catholique ou musulmane, boudiste ou juive auriez vous admis qu'il les enseignat a vos enfants? Je ne pense pas, il n'est pas là pour enseigner ses convictions mais pour executer le programme mis au point (bon ou mauvais) par nos representants. j'ai souffert dans ma jeunesse d'un "maitre d'école" qui enseignait pluqs karl marks que l'histoire de france. Ce sont des enseignants pas des politologues. Les math modernes, les lectures globales voulues par eux, la morale tejettée autany d'echecs mis a leurs actifs. Ca suffit.

Incontestablement, le signataire, balladin83, a dû beaucoup souffrir de l'enseignement du marksisme, des maths modernes et de la lecture globale. Pour en arriver là, il a peut-être même développé des complications après son opération de l'appendicite en CE2...

Mais il est sans doute inutile de lui rappeler que les deux réformes ratées qu'il signale ont été décidées par les experts du Ministère, et mises en œuvre par une cohorte d'enseignants "obéisseurs" dont la souplesse d'échine et la soumission à leur prétendue obligation de réserve ont été bien récompensées par une rapide évolution de carrière.

Et peut-être même les palmes académiques...

jeudi 23 juillet 2009

Curiosité flamande, suite

Faire savoir à un adversaire politique que l'on possède sur lui des renseignements d'ordre personnel, comme son nom, son prénom, son adresse, etc. est une bonne vieille pratique, historiquement bien attestée, qui sent assez mauvais.

Comme une bien tenace odeur d'huile de ricin.

Et le fait que la police,dans certains cas, puisse aussi utiliser cette technique d'avertissement, ne la rend pas plus honorable.

La mise en ligne, sur You Tube, d'un montage vidéo donnant la liste des prénoms, initiales des noms et adresses, des vingt-six personnes interpellées par la police lors de la manifestation du 23 mai à Lille, semble bien relever de cette tradition d'intimidation.

On peut trouver assez curieuses ces menaces que rapporte la Voix du Nord, sous la plume de Benjamin Duthoit:

(...) le 3 juin, lors d'une soirée à la fac de Lille II. Selon trois membres du milieu autonome, une vive discussion s'est engagée avec un individu, qui aurait affirmé "avoir en sa possession les noms et adresses des personnes interpellées le 23 mai" et proféré "des menaces de mort". Il aurait aussi indiqué "prendre fréquemment des verres avec des policiers". Et aurait fait "le salut nazi", qualifiant les anarchistes de "Bisounours".

Cet incident est également relaté, dans un communiqué d'inculpés du 23 mai, en ces termes:

Le 3 juin 2009, au Fac bar de Lille 2, a eu lieu une soirée organisée par l’association "gégéne". Yohan, Pierre et Fatima, présent-e-s le 23 mai à la manifestation, y ont rencontré le trésorier de la Vlaams huis (maison flamande), qui les a menacé de violences physiques, a fait un salut nazi, et a qualifié les manifestant-e-s du 23 de "bisounours".

Mais, puisque dans un communiqué, la Maison Flamande affirme de son côté que "les faits allégués à l'encontre de notre adhérent, comme le reste, sont purement fictifs", nous la considérerons présumée hors de cause.

Derechef: sic, et dont acte. N'en parlons plus.

Et faisons une pause coloriage...

Curieusement, on peut constater que tentatives d'intimidation et agressions envers des militants situés plus à gauche que la gauche se pratiquent parfois en région lilloise.

Selon un bref article, non signé, de la Voix du Nord:

Deux incidents visant des militants "autonomes" sont survenus récemment, dans la même journée. Ils avaient participé à la manifestation du 23, mais n'avaient pas été interpellés. Leur identité avait été prise lors d'un rassemblement de soutien aux interpellés à l'hôtel de police de Lille-Sud. L'un d'eux aurait reçu le 6 juillet, vers 13 h, de la visite en sortant du zoo de Lille où il effectuait un TIG (travail d'intérêt général). Deux "hommes au crâne rasé" l'auraient interpellé en lui criant "black bloc", surnom des autonomes, et coursé. Ils l'auraient déjà dévisagé "devant chez lui" le 3 juillet.

Un peu plus tard ce 6 juillet, vers 20 h, Fatima (prénom modifié), 20 ans, a été agressée boulevard Victor-Hugo à Lille peu après avoir quitté le domicile de son petit ami, arrêté le 23 mai: "Je marchais. Soudain, un gars m'a chopée par-derrière et bloqué les bras. Un autre a sorti un opinel. Il m'a lacéré légèrement la joue droite et le cou. Et il m'a dit : 'C'est de la prévention. Dis à tes petits copains de se calmer et d'arrêter leurs conneries'." Des représailles de groupes d'extrême droite après la manif du 23 mai ? La description des deux individus "correspond" à ceux du zoo de Lille : "Ils veulent instaurer un climat de peur." Fatima a porté plainte.

Ces faits sont également relatés dans le communiqué des inculpé-e-s du 23.

On y fait aussi allusion dans un communiqué de la Vlaams Huis, intitulé en réponse aux casseurs autonomes, qui atteste d'une hauteur de vue parfois assez difficile à suivre:

Nous avons pris connaissance de l ’article paru dans la voix du nord en date du 16/07/09 et 17/07/09.

Il faut que vous sachiez que la "Maison du peuple flamand" condamne (si ce n’est pas le syndrome du R.E.R) très fermement les agressions dont auraient été victimes deux militants d’extrême gauche, qualifiés "d’autonomes", ayant participé à la manifestation nationale "contre la répression d’Etat" du 23 mai 2009 à LILLE.


Elle condamne également les dégradations commises par des participants à cette manifestation, au cours de laquelle les villes de Lille et de Lambersart se sont vues recouvrir de différents tags, leurs magasins souillés, le slogan "un flic, une balle, justice sociale !" entendu et le portail de notre association dégradé.

De plus vous ne représentez qu’une infime partie de la mouvance d’extrême gauche (moins de vingt personnes sur Lille), et pas la plus respectée.

Heureusement pour vous que les médias en mal de sensation vous ont donnés cette vitrine d’expression. Elle vous permet encore d ’essayer de mettre à mal notre Maison et d'espérer voir bouger les Politiques, Préfecture ou autres afin de nous faire fermer.


Vos méthodes fascistes et violentes vous (scalp, autonomes et autres déviants) condamnent auprès de vos pairs; D'ailleurs de nombreux militants de gauche se sont vus intimidés voir menacés parce qu'il n’allait pas dans votre sens.


Vous vous prenez pour la nouvelle police politique sur Lille et cela vous a amené beaucoup d’ennemis dans votre propre camp.


De nombreux militants de gauche souhaitent vous voir disparaitre car vous salissez et empêchez tout mouvement respectueux des lois et de la liberté d’expression d’avancer.


Vous ne représentez rien mais savez faire dans la manipulation et le sensationnel, cela suffit à vendre quelques journaux supplémentaires.


Sachez encore que votre comportement a permis de jeter des passerelles avec des individualités d’extrême gauche et d’associations modérées de votre camp.


Celles-ci ne demandent qu’à avancer dans la sérénité et le respect des lois.

"Vous pensiez l’ennemi en face, il est dans votre lit".


(Cette explication est donnée avec l’accord de tous les partis)


Laissons donc faire la justice, sa réponse vous rendra ridicule et ne nous manquerons pas de faire la publicité nécessaire autour de votre tentative de manipulation.

Admettons que ce qui se conçoit bien ne s'énonce pas toujours clairement et que les mots parfois se bousculent avant d'arriver.

Mais surtout, rassurons les membres de la Vlaams Huis: je suis sûr que les nouvelles amitiés de l'extrême gauche raisonnable seront assez fortes pour empêcher la fermeture de la Maison Flamande, qu'ils semblent si fort redouter.

Ce serait vraiment trop inzuste, non ?

Attention: il est déjà colorié !

mercredi 22 juillet 2009

Curiosité flamande

"Curiouser and curiouser!" cried Alice (she was so much surprised,
that for the moment she quite forgot how to speak good English).


Lewis Carroll, Alice's Adventures in Wonderland, chapter II.


Il faut remonter au 23 mai dernier, date à laquelle les lillois étaient conviés à une manifestation qui devait se réunir à 14h 30.

Voici l'affiche.

Cette manifestation eut lieu comme prévu. On peut trouver, sur Lutte en Nord, un compte-rendu partiel, avec quelques photographies, ainsi qu'une vidéo du début de la manifestation. On peut retrouver la trace de cette manifestation dans la Voix du Nord, dont l'article du 24 mai est reproduit sur Indymedia Toulouse, mais ne semble plus disponible sur le site du journal. On peut y lire ce récit de la fin de la manifestation:

Devant le bâtiment des services de la préfecture, une boutique de surplus militaire reçoit deux impacts : "On ne comprend pas, peste le patron, les policiers qui étaient à côté ne sont pas intervenus." Mais, pour l’instant, les forces de l’ordre laissent le cortège avancer, craignant qu’une action dans ces rues très fréquentées ne génère des incidents. D’ailleurs, la "manif" se poursuit dans le métro, direction Lambersart. À la sortie, ils ne sont plus qu’une centaine à rejoindre la maison du Peuple flamand et commencent à s’attaquer au portail. Cette fois la police charge avec flashball et gaz lacrymogène. Bilan : vingt-cinq personnes interpellées (dont un jeune homme juste avant le départ, qui transportait des frondes), quelques dégradations et aucun blessé. (signé A. D.)

(En réalité, vingt-six personnes seront interpellées.)

La Maison Flamande (Vlaams Huis) est un "lieu d'accueil et de convivialité" sis à Lambersart, commune qui jouxte Lille, où vous irez vous amuser si vous le souhaitez, mais sans moi. Je me sens assez peu de goût pour les activités proposées par la Vlaams Huis, et ses affinités avec les Identitaires et Terre Celtique, qui ne sont pas de mes amis, ni des amis de mes amis, suffiraient à m'en détourner.

Les militants lillois ne se sentent pas non plus beaucoup de sympathie pour la Maison Flamande. Et réciproquement.

Au mois d'avril dernier, la municipalité de Lambersart agita la menace d'une fermeture de la Maison pour obtenir une mise en conformité de l'alarme incendie. Selon monsieur Luc Pécharman, de la Nouvelle Droite Populaire, cette contrainte imposée à la Vlaams Huis, faisait suite aux "pressions exercées par l’extrême gauche", et était "la seule possibilité légale pour les chiens de garde de gauche du système capitaliste d’espérer voir la Vlaams Huis fermer ses portes."

A force de pleurnicher à droite et à gauche (enfin, plutôt à droite), nos conviviaux flamands réunirent les fonds nécessaires et sauvèrent leur Maison.

Le logo de la maison sauvée...

Aussi nos pacifiques pêcheurs à la ligne durent-ils avoir très peur quant la horde d'anarcho-autonomes ultragauchistes (c'est pire que l'extrême gauche !) s'attaqua à leur portail en ce funeste 23 mai. Mais la police veillait...

Sur les vingt-six militants interpellés, tous relâchés, seuls quelques-uns ont été l'objet de poursuite. C'est habituel.

Les événements qui suivent sont plus curieux.

D'après la Voix du Nord, sous la signature de Benjamin Duthoit:

Le 9 juin, sur YouTube, une vidéo est diffusée par la Maison flamande. Un montage de photos montre notamment des images des incidents du 23 mai. Beaucoup plus surprenant, des remerciements finaux ironiques sont adressés aux 26 interpellés, dont des coordonnées défilent à l'écran : prénom, première lettre du nom et ville de chacun ! Parmi ces communes, le petit village italien, "inconnu des autres manifestants", donné aux policiers par une jeune femme originaire d'Italie mais vivant en Belgique. Le tout, sur fond musical des Bisounours.

La vidéo en question a été retirée au soir du 14 juin, mais a été téléchargée par des manifestant(e)s du 23 mai, qui en ont également pris des copies d'écran, afin de porter plainte contre X pour "avoir divulgué ou s'être procuré illégalement des informations personnelles". Ce qui fut fait par sept d'entre eux, le 10 juillet.

Dans un communiqué, la Maison Flamande affirme:

Aucune donnée confidentielle n'a jamais été obtenue, ni diffusée, par la "maison du peuple flamand" (...)

A ce titre, nous avons d'ores et déjà déposé plainte concernant ces allégations qui nuisent aux bonnes relations avec d'autres associations et individus de cette mouvance qui ont le mérite de ne pas prôner la violence.

Sic, et dont acte.

B. Du. qui rapporte l'essentiel de la position de la Vlaams Huis, complète son article par quelques considérations syndicales, qui ont de quoi titiller notre curiosité:

Benoît Lecomte, secrétaire zonal du syndicat de police Alliance, estime que "les faits dénoncés peuvent laisser penser à une divulgation illégale d'informations". Toutefois, insiste-t-il, ces éléments pourraient aussi avoir "une origine extérieure à la police ou à la justice". Il ajoute : "Ce qui m'a été confirmé, c'est qu'un des membres de la Maison flamande a pas mal de relations, dont certaines seraient 'bien placées'."

La Maison Flamande n'a pas dû bien prendre ces curieuse allégations...

Indépendamment d'autres faits curieux survenus à Lille, sur lesquels je reviendrai, se trouve ainsi posé un délicat problème de porosité entre les services de police, à quelque niveau que ce soit, et un certain monsieur X, ou un certain groupe X, nostalgique des Bisounours et capable d'utiliser des données personnelles, obtenues par une sorte d'osmose, à des fins que l'on sait être essentiellement de menaces personnalisées.

B. Du., qui continue à suivre l'affaire, indique dans un dernier article, du 18 juillet:

L'affaire de la vidéo de la Maison flamande de Lambersart pourrait faire l'objet d'investigations. Le parquet de Lille l'a indiqué hier, "sous réserve de la lecture de la plainte" déposée contre X par sept militants anarchistes. Il envisage d'ouvrir une enquête "dans les prochains jours".

On peut se demander si, dans cette éventualité, les enquêteurs sauront pousser assez loin la curiosité pour détecter l'origine de ce qui ressemble fort à des fuites.

mardi 21 juillet 2009

Un petit pas dans mon jardin secret

Neil Armstrong, Edwin "Buzz" Aldrin et Michael Collins, peuvent bien exhiber leurs sourires faussement modestes de retraités de l'armée américaine dans une posture de garde-à-vous sénile aux côtés du président Obama, moi, voyez-vous, je ne leur dis pas "merci" à ces trois papys. Car ces "trois icônes", ces "trois véritables héros américains", peuvent se vanter d'avoir, certes, fait perdurer la croyance néfaste en un bénéfique et inéluctable progrès militaro-scientifique, mais aussi d'avoir changé le cours de ma vie, et assurément gâché la fin de mes vacances de l'été 1969.

Edwin "Buzz" Aldrin, Michael Collins, Neil Armstrong,
et Barack Obama en visite à la maison de retraite,
en train de tester un tour de prestidigitation pour les nuls.


Je reposais alors ma jeunesse fatiguée de dix-huit ans et demi d'existence dans les parages de l'Albigeois, au cœur d'un vaste campigne qui étalait toutes ses installations, et la vulgarité qui va avec, sur les berges d'un lac assez grand pour abriter toute une flottille de pédalos et quelques coques de noix équipées de voilures. Cet arsenal était entretenu et surveillé par un autochtone qui exhibait une impressionnante musculature, une mauvaise humeur chronique et une suspicion généralisée, dont sa fille, Cunégonde*, prenait plus que sa part.

Toute la jeunesse rassemblée en ces lieux passait ses soirées dans un endroit écarté, appelé la Boitaclous, où elle aimait s'adonner, en musique, aux juvéniles gesticulations précopulatoires qui accompagnent généralement ce type de réunions.

J'avais accoutumé de venir m'y abreuver de quelques verres de cuba libre, boisson syncrétique où le rhum blanc de la révolution s'édulcore en présence du coca-cola impérialiste. J'y refaisais le monde gaiement en compagnie de Cunégonde, et lorsqu'il était partiellement refait à notre goût, nous allions prendre place dans l'agitation de nos contemporains.

Cunégonde était une adepte d'une version albigeoise du rock'n roll, adaptée, disait-elle, du bebop fleurissant à la Libération dans les caves germanopratines. Elle pratiqua, en ma direction, un prosélytisme acharné auquel je succombai, et je pris, dès lors, un grand plaisir, purement esthétique, à faire danser ses douces rondeurs sur le rythme rude et carré des pionniers du rock.

Je me dois de préciser, pour mes lecteurs et lectrices en bas-âge, qu'à cette époque lointaine où les retombées de la course à l'espace n'avaient pas encore touché l'industrie du sous-vêtement féminin, le soutif était un tel instrument de torture que beaucoup de jeunes filles en faisaient l'économie, préférant s'abandonner à l'état d'apesanteur.

Lorsque, vers la mi nuit, le lanceur de disque baissait les lumières pour diffuser des musiques plus moelleuse, c'était l'heure de fin de permission pour Cunégonde que son père intraitable attendait près du hangar à pédalos.


La nuit où l'humanité fit un grand pas, le campigne se regroupa autour des quelques téléviseurs disponibles. Le bar-pizza-marchand-de-pains-de-glace resta ouvert pour accueillir une assistance au bronzage éclatant. Au premier rang le père de Cunégonde somnolait patiemment en ronflant jusqu'à ce que son voisin le réveille. Il écarquillait alors des yeux hallucinés sur les images floues et tremblantes.

Cunégonde, elle, ne parut pas.

La traîtresse avait retrouvé la veille un bellâtre, directeur de la colonie de vacances des Postes et Télécommunications, et avait profité de cette nuit historique pour échapper à la surveillance paternelle et blottir son petit cœur d'artichaut dans les bras de cet Apollon toulousain.

Qui, de plus, dansait comme un pied.

A peu près comme ça...


* J'ai changé le prénom, par mesure de sécurité pour elle.

lundi 20 juillet 2009

L'art du double démenti

Comme le faisait récemment remarquer mon éminent confrère Bernard-Henri Lévy, "un nom, c'est plus qu'un nom."

Je dirais même, si vous le permettez: "beaucoup plus."

A condition de garder une certaine mesure.

Notre besson national, par exemple, l'homme en partie double qui paradoxalement est chargé de "gérer" notre identité, ne saurait à cause de son nom, et de ce qui est plus que son nom, être suspecté d'une quelconque duplicité.

Non.

Monsieur Eric Besson est la transparence même: il ne prendrait jamais personne en traître. Même pas un réfugié afghan survivant d'espoir insensé dans ce que l'on appelle la "jungle de Calais". Monsieur Besson tient à faire les choses les plus indignes de la manière la plus digne qui soit.

Il l'a dit ! En promettant une répétition générale.

Metteur en scène en pleine répétition.

Ce matin, le préfet du Pas-de-Calais réunissait, dans les locaux de la sous-préfecture, un certain nombre d'associations humanitaires.

Des militants, membres d'associations, observateurs ou no borders, avaient pris soin de se réunir devant les grilles de la sous-préfecture où ils avaient accroché une banderole scandant les mots: "arrestations, détentions, expulsions, indignation !" Au mégaphone, ils rappelaient haut et fort qu'il n'y a pas de dignité dans un crime contre l'humanité.

Leur présence voulait adresser un avertissement aux organisations humanitaires et caritatives, leur rappeler que la charité n'est pas la solidarité, et, surtout, les encourager à ne pas entrer dans la collaboration avec les autorités.


L'association SALAM, présente à cette réunion, en a publié un très court compte-rendu.

Interrogé sur la destruction de la principale "jungle", dont un large faisceau d'informations laisse présager qu'elle pourrait être mise en œuvre dès ce mardi, le Préfet n'a ni confirmé ni infirmé cette information, alors que le ministre Besson avait lui-même démenti (dépêche AFP).

Le Préfet a par ailleurs refusé d'expliquer le concept de "répétition générale" qui devrait précéder le démantèlement de la Jungle. (Article NouvelObs.com)

Enfin, le Préfet a également démenti les propos du Ministre Eric Besson qui avait indiqué vendredi dernier que des associations humanitaires seraient concertées pour le démantèlement de la Jungle. Selon le Préfet, il n'est pas question que les associations humanitaires soient informées de la destruction de la Jungle. A l'issue de cette réunion, l'association SALAM Nord/Pas-de-Calais appelle plus que jamais à la vigilance et réitère sa condamnation sans équivoque du plan de retour forcé programmé par le Gouvernement.

Les observateurs, membres des Calais Witnesses, notent de leur côté que les autorités ont refusé l'installation de douches proposée par des associations.

Salle de bain
L’hygiène est une des obsessions des migrants, indépendamment de la précarité de leur situation.
Etre propre, rasé, bien coiffé, c’est garder sa dignité d’homme.
C’est garder un lien d’appartenance à la société.
Photographie de Julie Rébouillat.

Il est vrai que la question des douches pour les migrants semble être devenu une sorte de tabou dans la bonne ville de Calais.

Du moins, pour la très sympathique madame Natacha Bouchart, maire de la ville:

Le 14 juillet, Mme Bouchart, la maire de Calais distribuait des bâtons lumineux aux passants se rendant au feu d’artifice. Ayant été aperçue, un groupe de 5 personnes dont trois avaient participé au camp no border ont tenté de la taquiner : "tiens, vous distribuez des tickets de douches pour les migrants ?" a commencé à s’adresser à la Princesse, l’un des opposants. "Ce n’est pas le moment !" aurait-elle rétorqué. S’ensuivit une discussion âpre avec la maire de Calais qui fut sauvée par son chef de cabinet UMP, le jamais élu Demassieux.

Ce dernier appela la police. Et hop, le contradicteur est ceinturé par 3 policiers, garde à vue, convocation pour outrage et rébellion !

Le lendemain, on apprit par journaux que la maire déposait plainte contre un no border. Madame ne pourrait plus se promener tranquillement. Le journaliste indique que son dépôt de plainte ne serait pas retenu.

Je vous ai livré le récit qui est fait sur IndymediaLille.

Si vous voulez, en supplément, la transcription fidèle des glapissements de la dame, il vous faudra consulter Nord Littoral.

dimanche 19 juillet 2009

Jour de repos au sommet

Comme beaucoup d'intellectuels du dimanche, il m'arrive de me vautrer dans la lecture d'un article ou deux du Journal du dimanche.

Dans la dernière livraison, l'entretien que Claude Askolovitch a obtenu de monsieur Bernard-Henri Lévy, nouveau philosophe vieillissant, publié ce jour sur le jdd.fr, permet d'atteindre une sorte de sommet dans l'échelle des plaisirs peu avouables que l'on peut prendre à cette fréquentation dominicale.

Afin de se libérer d'un long glaviot philosophique en direction de la face du "grand cadavre à la renverse" qu'est le parti socialiste - à croire qu'il bouge encore - , notre Bernard-Henri préféré éprouve le besoin de dégager ses voies respiratoires très supérieures en se gargarisant de quelques noms illustres de bonne tenue. Sont ainsi convoqués, Jean-Paul Sartre, Paul Nizan, Alfred Jarry, Italo Calvino, Maurice Clavel, Hannah Arendt, Karl Marx, Léon Blum, Jean Jaurès, Albert Camus, Jules Guesde et Victor Hugo... et j'ai bien dû en oublier...

Comme le dit si bien BHL au cours de l'entretien:

"N'importe quel nominaliste vous le dira: un nom, c'est plus qu'un nom."

(Je regrette qu'il ne nous résume pas en trois mots bien sentis la question des universaux...)

On ne peut que s'incliner devant tant de science mise au service du "bon libéralisme".

BHL, épée du dieu du "bon libéralisme",
et son fourreau.*

A ceux qui aiment respirer l'air parfois raréfié, mais toujours tonifiant, des vrais sommets, je ne saurais trop conseiller ma seconde lecture de ce jour, qui est la réédition du Discours préliminaire de l'Encyclopédie des Nuisances, paru en novembre 1984.

La réédition qu'en font les Editions de l'Encyclopédie des Nuisances est précédée d'une présentation, d'avril 2009, signée de Jaime Semprun, et suivie d'une annexe donnant le texte du Prospectus de l'Encyclopédie des Nuisances, daté de septembre 1984.

La quatrième de couverture est un extrait de ce Prospectus:

Les gémissements écologistes de cette époque ne sont que des sophismes. Demander à l'Etat aide et protection revient à admettre par avance toutes les avanies que cet Etat jugera nécessaire d'infliger, et une telle dépossession est déjà la nuisance majeure, celle qui fait tolérer toutes les autres.

Notez l'adresse, pour votre libraire:
80, rue de Ménilmontant,
XXème arrondissement de Paris.


Le Discours commence ainsi:

Pour Diderot et ses amis, la puissance pratique qu'étaient en train d'acquérir les hommes avec le développement de la production marchande annonçait un monde délivré des préjugés et gouverné par la raison, un monde plus riche en occasions de jouissances, où chacun serait libre dans sa recherche du bonheur. Après plus de deux siècles, et quoique dans sa modestie elle prétende être encore loin d'avoir dispensé tous ses bienfaits, le moment est à l'évidence venu de juger sur pièces cette production marchande: elle a en effet assez transformé le monde pour qu'il soit possible d'apprécier ce qu'elle nous a apporté, et pas encore assez pour qu'il soit impossible de se souvenir de ce dont elle nous a privés. Voilà d'ailleurs une opportunité que l'on peut s'étonner de voir si peu utilisée: jamais les discussions sur la nécessité de l'économie marchande ne furent aussi rares qu'à présent, alors que, pour la première fois, tout le monde peut en discuter. Il est vrai que si nos contemporains saisissaient cette possibilité de juger leur histoire, ils pourraient aussi bien s'emparer de celle de la faire librement. Nous n'en sommes pas là, mais, pour y parvenir, il nous semble opportun de répandre le goût pour la première de ces activités. Nous allons essayer d'y aider.

En effet, nous ne comptons plus guère sur la production mar­chande elle-même pour lasser enfin, par l'accumulation de ses résultats désastreux, la patience de ceux qui en sont quotidiennement les victimes. Cela même était sans doute encore trop lui accorder, car il s'avère qu'en même temps qu'elle produit ce qui paraissait hier encore insupportable, elle produit également les hommes capables de le supporter. Ou du moins incapables de formuler et de se communiquer leur insatisfaction, ce qui revient au même: les mœurs se détériorent, la perte du sens des mots y participe. C'est donc ce côté de la production présente de nuisances que nous envisageons de saboter, puisqu'il se trouve que c'est celui sur lequel nous pouvons avoir quelque action.

Notre ambition est de montrer concrètement comment la société de classes contient (recèle et refoule) la possibilité histo­rique de son dépassement, et comment sa lutte contre cette menace la mène aux pires excès dans la nocivité. L'ouvrage que nous commençons, et dont nous n'osons espérer que nous soyons contraints de l'interrompre par manque de matière, a ainsi deux objets: comme Dictionnaire de la déraison dans les sciences, les arts et les métiers, il doit exposer comment chacune des spécia­lisations professionnelles qui composent l'activité sociale permise apporte sa contribution à la dégradation générale des conditions d'existence; comme Encyclopédie, il doit exposer l'unité de la production de nuisances comme développement autoritaire dont l'arbitraire est l'image inversée et cauchemardesque de la liberté possible de notre époque. Il s'agit en même temps d'indiquer, là où elles peuvent se discerner, les voies du dépassement de cette paralysie historique que les classes propriétaires rêvent de rendre irréversible en l'accablant de prothèses.

La suite est chez votre libraire.



* Désolé, j'ai toujours eu un faible pour cette vieille blague attribuée à Voltaire.

samedi 18 juillet 2009

Répétition générale

Au parti socialiste, on doit parfois beaucoup regretter le départ fracassant de monsieur Eric Besson, car, malgré son côté "sinistre qui ne rigole que lorsqu'il se brûle", ce triste sire possède une créativité hors du commun qui, alliée à la coutumière mauvaise foi des politiques, peut avoir de miraculeux résultats.

Ne voilà-t-il pas que monsieur Besson vient d'inventer, et de lancer médiatiquement, le très beau et très élégant "concept" de répétition générale d'une opération de police programmée. Il l'a fait avec un tel sérieux, et un tel talent, que cette annonce n'a pas déclenché la pluie de lazzis qu'elle aurait dû recevoir d'un peuple comme le nôtre qui possède un certain sens du ridicule.

C'est en marge d'une réunion avec la presse, ce vendredi 17 juillet, que monsieur Besson a présenté cette "stratégie innovante". Il s'agissait surtout pour lui de répondre à des interrogations sur l'imminence du démantèlement des "jungles" de Calais - ce que madame le maire de Calais nomme, avec tant d'élégance morale, le "nettoyage" et la "désinfection". Selon des observateurs présents à Calais, et selon l'Association Salam, cette opération de basse police était prévue pour le lundi 20 ou le mardi 21 juillet. Un communiqué du MRAP, que je n'ai pas vu, allait dans le même sens.

Pas gêné du tout, monsieur Besson répondit:

"J'ai demandé au préfet du Pas-de-Calais de faire sur le plan logistique une espèce de répétition générale près d'un mois avant le démantèlement (...) . Comme il faut des interprètes, des CRS, des associations humanitaires, des cars pour emmener les personnes, cela demande beaucoup de logistique."

Le mot du jour était "logistique"...

Cette "opération de grande envergure à blanc (...) va se faire dans la transparence", a assuré Eric Besson. "Il y aura mobilisation de tous les moyens pour vérifier que nous sommes capables de le faire dignement". "Fermer la jungle, c'est facile. La fermer dignement, c'est plus complexe", a conclu le ministre de l'Immigration.

Le second mot du jour était "dignement"...

Malgré ce mot, qui est toujours un peu choquant dans la bouche de monsieur Besson, les journalistes présents ont sans doute cru à cette invraisemblable histoire de répétition générale.

Eric Besson, surpris en pleine répétition de lui-même.

Ce vendredi, pour monsieur Besson, était surtout le jour de la rencontre avec les 24 associations d'aide et de soutien aux migrants qui avaient accepté son invitation.

Libération, qui est très fier d'avoir participé à l'amplification de ce débat, annonce:

La brûlante question du «délit de solidarité» était à l'ordre du jour.

Selon Delphine Legouté, qui signe l'article, monsieur Eric Besson aurait fait trois propositions:

(...) il a ainsi promis aux associations présentes de «compléter l'article 622-4 afin de protéger les actes humanitaires». Concrètement, les «travailleurs sociaux et médico-sociaux» devraient être exemptés de poursuite en cas d'aide aux sans-papiers dans le cadre de leur mission.

Le ministre de l'Immigration a également annoncé qu'il souhaitait «préparer une circulaire qui encadrera les conditions d'intervention des forces de l'ordre». Certains lieux, comme les écoles et les préfectures, sont en effet censés être exclus des contrôles de police et de gendarmerie. Cette circulaire devrait préciser et allonger la liste. Enfin, un «guide des bonnes pratiques» censé marquer la frontière entre aide humanitaire et aide à la filière clandestine devrait être élaboré et distribué aux bénévoles.

"Du côté des associations, le bilan est globalement positif.", nous dit-on...

Et, moi qui ne suis ni travailleur social, ni travailleur médico-social, ni même bénévole d'une association, je regrette cette appréciation molle des propositions du ministre.

Je me retrouve davantage dans la position du Gisti, rappelée par Delphine Legouté:

Toujours très virulent dans sa lutte contre le «délit de solidarité», le Gisti a préféré décliner l'invitation du ministre. «Nous voulons l'abrogation pure et simple de l'article 622-1 et non une simple modification, a-t-il déclaré. De plus la circulaire ne nous intéresse pas car elle n'a pas valeur de loi».

J'aime mieux être virulent avec le Gisti, que d'accorder la moindre confiance à monsieur Besson.

Si ça se trouve, cette réunion n'était qu'une répétition générale, pour de rire...

vendredi 17 juillet 2009

Sources de tensions potentielles

Dans la catégorie des braves gens qui, à part quelques infractions mineures au code de la route, n'ont rien à se reprocher, il ne faut pas négliger la sous-catégorie des braves gens de gauche, qui propose à l'observateur impartial que je suis une très grande variété de colorations diverses.

Le CCM, comité des citoyens montreuillois, est une de mes dernières découvertes dans le domaine des braves gens. Ce comité partage le blogue Montreuil à gauche avec la tendance GUC (sic) du conseil municipal de la ville de Montreuil (Seine-Saint Denis), et GUC (sic), cela se déplie en Gauche Unie et Citoyenne (resic). Incontestablement, ces braves gens-là doivent être de la grande famille de la gauche.

Comme les histoires de famille sont toujours trop compliquées pour moi, je ne sais pas si j'ai tout compris, mais il me semble que ce comité soutient monsieur Jean-Pierre Brard, député de la 7ème circonscription de Seine-Saint Denis et ancien maire de Montreuil. Ancien membre du Parti Communiste Français, il fait partie du groupe parlementaire de la Gauche démocrate et républicaine.

On ne s'étonnera pas de constater que cet élu "de gauche" et ce groupe "citoyen" se sont sentis "concernés" par les "récents événements" survenus à Montreuil, les 8 et 13 juillet, notamment.

C'est le 16 juillet que monsieur Brard a fait mettre en ligne un communiqué daté du 15. Il mérite d'être cité en intégralité:

Jean-Pierre Brard, député de la Seine-Saint-Denis, maire honoraire de Montreuil, déplore les violences qui se sont produites dans le centre de Montreuil dans la soirée du 13 juillet.

Jean-Pierre Brard souligne l’ambiguïté de l’attitude de la municipalité à l’égard du squat dit de «la clinique» dont quasiment aucun membre n’est inscrit au fichier des demandeurs de logement de la Seine-Saint-Denis.

Jean-Pierre Brard condamne l’utilisation des flash-balls par la police et demande au ministre de l’Intérieur le retrait de cette arme qui peut tuer.

Le laconique cynisme politicard de monsieur Jean-Pierre Brard n'appelle aucun commentaire, et comme vous savez lire, je ne grasseye rien.

Le CCM, quant à lui, a réagi de manière plus étendue par un communiqué daté du 16 juillet.

Alors que le texte du député provoque un haut-le-cœur assez soudain, la prose des braves gens qui le soutiennent installe une sensation de nausée persistante.

AGIR POUR QUE MONTREUIL RETROUVE SON CALME !

Nous déplorons et condamnons tous les débordements qui ont eu lieu à la suite de l’expulsion du squat situé à deux pas de la Croix de Chavaux et sommes tous indignés par la violence utilisée par des membres des forces de l’ordre qui a notamment conduit à de graves blessures sur la personne de Joachim Gatti.

Depuis le début de ces évènements, toutes les organisations progressistes ont condamné ces débordements. Certaines se sont d’ailleurs mêlées aux manifestants le 13 juillet au soir pour faire entendre leur voix et condamner le recours à la violence. Dès le 13 juillet au matin, le Comité des Citoyens Montreuillois a rappelé son opposition résolue à l’utilisation de la violence et d’armes telles que les flash-ball ou taser.


(...)


Il aurait aussi été important que dans un contexte explosif, la municipalité - consciente de la montée des tensions et des tentatives de récupération du mécontentement par une toute petite minorité d’activistes - appelle publiquement au calme et à la retenue plutôt que de se livrer à des déclarations dans la presse qui ne peuvent qu’ajouter à la tension encore palpable aujourd'hui.

(...)

Il ne faudrait pas non plus faire des amalgames dangereux comme nous avons pu le lire ici ou là. Dans le cas présent les forces de l’ordre n’ont pas mené des "opérations coup de poing" dans "nos quartiers" et dans "notre banlieue". Il peut-être dangereux d’employer à propos de ces évènements déjà suffisamment graves des termes susceptibles de mettre le feu aux poudres.

Enfin, n’oublions pas que l’installation et la pérennisation de certains squats peuvent être sources de tensions potentielles. Il ne faudrait pas jouer au pyromane en laissant se détériorer la situation. Il y a nécessité à anticiper pour proposer des solutions adaptées. Cela permettrait peut-être d’éviter des évènements insupportables tels que ceux que nous venons de connaître.

Détecteur de tensions potentielles.


On dirait que les braves gens peuvent être aussi bien de médiocres canailles et de pauvres crapules que d'honnêtes "citoyens".



PS: Malgré leurs déclarations, ni Jean-Pierre Brard, ni le CCM n'ont à cette heure validé leurs signatures sur la pétition Pour l’interdiction immédiate du Flash-ball que vous pourrez trouver à cette adresse.

jeudi 16 juillet 2009

La peur des clowns

Grâce à Julien Ménielle, qui signe un article dans 20minutes.fr, la presse-qui-se-prend-au-sérieux a pu être informée des intéressants développements de la parade donnée en ce 14 juillet par la Brigade Activiste des Clowns et ses ami(e)s.

L'article étant plutôt centré sur les mésaventures d'un photographe indépendant, Cyril Cavalié, qui suivait le défilé des clowns pour l'immortaliser (quelques heures de garde à vue et deux d'incapacité totale de travail), le médias n'ont pas jugé bon de reprendre la question. Ils avaient déjà la garde à vue et le traitement infligés à un journaliste stagiaire du Monde, ils ont dû écarter ce nouveau sujet afin de ne pas lasser leurs lecteurs.

(On fera exception pour Rue89, les Inrocks et le Télégramme (!!))

Pourtant, les violences policières en tous genres semblent devoir fournir cet été une série bien étoffée...

L'annonce du rassemblement non autorisé.


Heureusement, sur le ouaibe, on peut trouver récits et photos en grand nombre.

Sur le site de la BAC, vous trouverez un communiqué tout comme il faut, un compte-rendu et des liens pour aller voir des photos; et sur Article XI, vous lirez un reportage de grande classe, comme d'habitude, et même encore mieux que d'habitude car, pour être sûrs d'y arriver, ils se sont mis à quatre pour le faire.

On peut avoir ainsi plusieurs points de vue, parfois un peu discordants, parfois un peu bordéliques, mais c'est normal: l'AFP n'était pas là.

Pour les photos, vous pourrez en voir tout un tas, malgré les déboires des photographes, sur les sites de Dominique, Laetitia, Tatiana, un photographe de rue, Claire, pshitt, Jérome92, tofz4u, woyalex et Askatom.

Les clowns, c'est très photogénique.

L'art d'emballer, comme à la parade.
Groupe de photos emprunté à Tatiana.

A regarder toutes ces images, et surtout celles où les forces de l'ordre sont en présence des fantassins du désordre, on peut se demander si les démonstrations de force des policiers étaient bien nécessaires...

Mais leur intervention, au prétexte que la manifestation n'était pas déclarée, donne une triste image d'un pouvoir qui commence à avoir peur de tout.

Je me souviens vaguement des interminables discussions sur la notion de "carnavalesque" que mes amis littéraires mangeaient à toutes les sauces, mais en l'arrosant de vodka-orange, depuis que Mikhaïl Bakhtine avait été traduit. Il m'en reste ce constat: les pouvoirs sûrs de leur autorité, et des valeurs fondant leur autorité, ont toujours su ménager, voire aménager, des moments où s'inversent les échelles de valeurs, lors de manifestations populaires ou estudiantines, telles que les carnavals, les messes de l'âne ou l'élection du pape des fous. Ces sociétés ne s'en sont pas trouvées plus mal: la hiérarchie ainsi subvertie retombait finalement sur ses pieds.

En donnant l'ordre de disperser la parade, puis de coffrer les clowns, la préfecture de police prouve bien sûr son indécrottable manque d'humour, mais aussi sa peur d'être dépassée par la dérision d'un défilé coloré et joyeux.

C'est une bonne nouvelle: on va pouvoir rigoler.

Car la peur des clowns n'évite pas le ridicule.

mercredi 15 juillet 2009

Pas de questions qui dérangent

Christophe Cornevin, Paul-Henri du Limbert et Anne Rovan, qui œuvrent dans les colonnes du Figaro, ont eu l'honneur d'être reçus par monsieur Brice Hortefeux, au ministère de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales, dans son bureau de la place Beauvau, le lundi 13 juillet. On se demande bien pourquoi ils ont dû se mettre à trois pour lui poser une dizaine de questions maigrelettes et assez convenues, mais c'était peut-être pour tenter de l'impressionner, en appliquant une vieille recette policière.

Mais, rassurez-vous, ils ont bien pris soin de ne pas trop le déstabiliser, en faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour lui permettre d'exploiter ses petites fiches toute prêtes: nombre de voitures brûlées en 2008 à l'occasion de la Fête Nationale, effectif des policiers et gendarmes mobilisés et déployés en 2009 pour garantir la sécurité festive, statistique de la délinquance et stagnation de l'accroissement de sa diminution...

Bref, de quoi arriver à un message fort qui servira de titre: la mission du ministre est bien d'"assurer la sécurité partout et pour tous, dans le respect des libertés individuelles".

Nos trois journalistes n'ont pas manqué d'audace non plus, en osant une question sur les "trois nuits d'échauffourées" de Firminy. Ils auraient, certes, pu poser une question voisine, sur l'étrange tentative de suicide d'un jeune homme dans une cellule de garde à vue, mais ils auraient reçu la même réponse:

"Pour ma part, je tiens à souligner que toutes les garanties de transparence ont été, sont et seront respectées."

Avant de quitter le ministre, les trois investigateurs n'ont pas honte de demander:

Comment avez-vous vécu votre nomination surprise à l'Intérieur ?

Monsieur Hortefeux leur donne cette réponse superbe, qu'il a dû apprendre par cœur à son arrivée au gouvernement, car il nous la recycle à chaque entretien:

Je suis un homme d'engagement, pas un homme de carrière. ­Je vais donc accomplir cette nouvelle mission qui m'a été confiée par le président de la République avec enthousiasme et détermination.

Il en faudrait plus pour le surprendre.

Aucune question ne fut posée sur la blessure reçue par un manifestant, dans la soirée du 8 juillet, à Montreuil. On ne va tout de même pas importuner un ministre pour une banale histoire d'œil perdu dans une charge de police...

Et lundi matin, madame Voynet n'avait pas encore révélé cette déclaration du directeur départemental de la sécurité publique de Seine-Saint Denis, donnée en réponse à l'indignation de certains résidents de Montreuil:

"Si vous n'êtes pas contents, il faut être conscient du fait qu'en Iran, on tire sur des gens".

(Cette déclaration est reprise par l'éditorialiste de Libération, François Sergent, qui affirme que cette réponse fut faite à madame Voynet elle-même... Ce n'est pas ce que j'avais compris.)

Il est évident que si ce manquement au devoir élémentaire d'intelligence avait été connu, nos journalistes auraient insisté auprès du ministre pour savoir comment un tel dérapage verbal était possible venant d'un haut fonctionnaire...

Prémonitoire ?

Un autre ministre est actuellement très sollicité par la presse, et à juste titre, car au vu des premiers résultats obtenus, on peut en espérer beaucoup*. Il s'agit de monsieur Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Le Figaro-blogue d'Armelle Héliot, Le grand théâtre du monde, relate une "une mini-conférence de presse à l'Hôtel de la Mirande", donnée lors de son passage (quasi obligé) en Avignon. On peut constater que, contrairement à son collègue de l'Intérieur, ce ministre n'a pas fait préparer de fiches et qu'il s'en remet à son talent d'improvisateur, qui semble assez réduit.

On ne cherchera donc pas de réponses dans ce billet, mais j'y ai trouvé, curieusement, une question non-posée, sur laquelle Armelle Héliot insiste:

On oublie de l'interroger sur la tragique intervention policière de Montreuil : un jeune homme, Joachim Gatti, 34 ans, a perdu un œil dans un assaut qui semble assez disproportionné. Il se trouve qu'il appartient au monde du spectacle vivant, de la défense de la culture. Il est le petit fils d'Armand Gatti. (...) On rappelle que Montreuil est le lieu des ateliers de Méliès et de La Maison de l'Arbre, grand foyer d'invention théâtrale et civique animé par Armand Gatti, son fils Stéphane, son petit-fils Joachim, la famille. Et qu'Armand Gatti a été un grand combattant dans la guerre.

Une journaliste du très convenable Figaro nous rappelle qu'avec Joachim Gatti, c'est aussi la culture vivante qui a été blessée par les représentants de la brutalité méthodique.

Cette culture vivante, Armand Gatti, le grand père de Joachim, l'a incarnée toute sa vie, sans relâche, sans reniement, sans compromis.

Armand Gatti.

On peut découvrir Armand Gatti sur une très belle page que Mona Cholet lui a dédiée sur Périphéries et sur le site de La parole errante, qui lui est consacré.

En y apprenant que son père, qui, les jours d'examen, le lestait d'un grand bol de café mélangé de vin rouge, et l'expédiait à l'école d'un "Montre-leur ce que sait faire le fils d’un anarchiste !", avait été tué dans le matraquage d'une manifestation, je suis resté rêveur...



* Tout récemment, à propos de Sale pute d'Orelsan:

"Rimbaud a écrit des choses bien plus violentes et qui sont devenues des classiques."

Comme je suis totalement inculte, sinon je serais ministre de la culture, je ne vois rien dans Rimbaud d'aussi violent et, surtout, d'aussi nul que Sale pute.

Monsieur le ministre Frédéric Mitterrand pourrait-il m'éclairer ?