mardi 31 mars 2009

Des nouvelles de l'occupation de Strasbourg

Quoiqu'il arrive, il faudra bien se poser la question: "Comment a-t-on pu en arriver là ?"

Je me demande si nos élu(e)s et militant(e)s socialistes espèrent occuper un terrain médiatique quelconque en nous présentant cette idée de "primaires à la française", après avoir lamentablement échoué à secouer quelque peu l'opinion sur l'état calamiteux des libertés en Sarkozie, et au moment même où se déploient avec une insolence rare tous les fastes d'un ordre totalitaire à la française.

A Strasbourg, précisément, transformée en bunker, par 9000 policiers et gendarmes... à l'occasion de la tenue du sommet de l'OTAN.

Et sous le prétexte de l'organisation d'un contre-sommet.

Ils sont où, les élus ?

Si nos élus représentatifs sont trop pris par leurs débats internes pour se rendre à Strasbourg, ils peuvent consulter les nouvelles sur quelques sites qui se sont mis en place et qui font, entre autres choses, ce travail de constat qui dans la situation me semble indispensable: la page Antirepression Strasbourg et le blogue du Scalp-Reflex de Paris. On y ajoutera la page de la coordination anti-OTAN et celle du collectif de Strasbourg.

Il ne faut pas oublier de visiter Tout est dans tout, blogue strasbourgeois qui se présente ainsi:

"La Feuille de Chou. Presse quotidienne radicale au capital illimité d'indignation. Ce qui n'est pas dans le Journal est dans la Feuille de Chou"

Au cas où, bizarrement, ces pages auraient des difficultés à s'afficher, il faudra que nos représentants suroccupés se rabattent sur la presse traditionnelle, sans plus de garantie d'indépendance que d'habitude... Pour ma part, j'irai voir le LibeStrasbourg, et les Dernières Nouvelles d'Alsace, qui a mis en ligne un blogue spécifique, où je lis par exemple ceci:

Une enquête est en cours au sein de la police à la suite d’un « acte isolé » où une patrouille a demandé à un Strasbourgeois de retirer un drapeau de la paix anti-Otan de sa fenêtre, a indiqué une représentante de la préfecture du Bas-Rhin.

Je pense qu'un lampiste va se retrouver à la circulation routière...

Ce n'est pas vilain sur un balcon...

En parcourant ces sources, on peut d'ores et déjà se faire une idée de ces contrôles suspicieux, de ces excès de zèle, de ces abus d'autorité, de ces légers accrocs à la stricte légalité, de ces provocations faites comme en passant, qui ne sont que l'écume produite par la grosse machine sécuritaire mise en place. Et l'on ne peut que revenir à ma question: "comment en est-on arrivé là ?"

Madame Alliot-Marie a évidemment pour tout ce qui se passe des justifications, fermes et sereines.

Pour les diffuser dans le Figaro.fr, elle a trouvé en la personne de Christophe Cornevin un auxiliaire précieux...

Christophe Cornevin possède certainement une carte de presse; il est possible qu'il se présente comme journaliste de profession. Mais il nous ferait presque oublier qu'il y a eu, et qu'il y a encore, des gens qui ont exercé, et exercent encore, ce métier au risque de leur vie, en pratiquant une éthique de la vérité, ou de la recherche de vérité.

Pour monsieur Cornevin, la vérité sort de la bouche de madame Alliot-Marie.

Pour le reste, l'essentiel de son travail consiste à trouver un plan suffisamment alléchant, des sous-titres accrocheurs ("Cinq à six mille «casseurs» attendus"), des formules à copicoller (voir cette mise au point d'Alternatives Libertaires) ...

Sans oublier la petite histoire finale qui vous pose en type informé:

Outre de nouveaux «éléments violents», se protégeant de plus en plus avec des équipements de hockey sur glace, les spécialistes du maintien de l'ordre ont vu émerger depuis dix ans une nouvelle génération de manifestants. Altermondialistes, pacifistes et écologistes, ils s'illustrent lors de sommets internationaux par de très audacieux happenings visant à paralyser des cérémonies. «Très entraînés, déroulant des trésors d'ingéniosité, ces militants non-violents s'entravent à des poids lourds, s'enchaînent à des tubulures d'acier dans des arbres, s'accrochent aux lampadaires ou sur des grues parfois hautes de 60 mètres , constate le lieutenant-colonel Francis Mézières, responsable de la division ordre public au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. Plusieurs heures sont parfois nécessaires avant de libérer les gens contre leur gré…» Une cellule de huit instructeurs gendarmes experts en la matière a été projetée sur les bords du Rhin début avril avec des disqueuses thermiques et des tronçonneuses. Ces manifestants de l'extrême se verront proposer casque antibruit et lunettes de protection lors de leur désincarcération. (...)

Bravo ! Le coup du casque antibruit et des lunettes, je n'y aurais pas pensé !

Outil de travail de C. Cornevin: lunettes à ultra-rouge.

Quelle que soit la suite des événements, madame Alliot-Marie restera sereine: il y aura quelqu'un pour nous expliquer pourquoi elle a (eu) raison.



PS du petit matin:

Les forces de sécurité, et leurs auxiliaires médiatiques, continuent à "prendre les devants" comme en témoigne cette dépêche que l'on doit trouver un peu partout.

Qui peut me dire pourquoi on n'arrive pas à protéger efficacement quelques hélicoptères au sol sans avoir à exercer une sorte de "droit de poursuite" plutôt provocateur ?

lundi 30 mars 2009

Inauguration printanière, mais ratée, à la Porte Dorée

C'était comme une impression bien diffuse, mais la légèreté de l'air, ce matin, aux abords de la Porte Dorée, où je suis allé flâner avant de revenir vers mes occupations normandes, m'incitait à une certaine alacrité.

Un large périmètre de sécurité avait été dégagé aux alentours de la Cité nationale de l'Histoire de l'Immigration, protégé par des représentants des forces de l'ordre, assez disparates et n'ayant pas encore terminé leur mue en cuirassés de la république. Certains d'entre eux s'oubliaient jusqu'à me dire "bonjour" avant de me signaler qu'il m'était impossible de passer par là... J'ai même pu renouer avec le plaisir, assez solitaire il est vrai, du bavardage enjoué, à deux tons, avec un membre de la police ou de la gendarmerie en tenue.

A l'expression de mon dépit de ne pouvoir aller saluer messieurs et dames les ministres en toute liberté, et "faire la bise aux dames", ajouté-je pour bien marquer ma qualité de galant français de souche, il me fut répondu que je pouvais toujours essayer. J'exprimai alors mon inquiétude d'en être vigoureusement empêché par mon aimable interlocuteur. Il me rétorqua qu'il faisait son "travail". Je commençais à aborder une réflexion sur cette notion de travail quand une invitée au raout d'inauguration me coupa la parole en brandissant son prétendu carton... Je fus ravi de constater qu'elle non plus n'avait pas le droit de passer par là, et que personne dans le cordon de flicaille ne savait où devaient passer les personna grata.

En me promenant, je vis beaucoup de ces invités désemparés...

J'avoue que je les ai regardés avec un certain mépris.

Tous ne le méritaient pas.

On notera la présence d'une flottille la brigade lacustre...

...et de quelques civils plus discrets que d'habitude.

Déjà en retard, car le printemps incite à quelque nonchalance, j'ai quitté le groupe des protestataires que les forces dites de l'ordre, de plus en plus équipées au fil du temps, maintenaient à bonne distance dans un coin de la place, en ayant, selon mes observations, préparé tout ce qu'il fallait pour faire une nasse en bonne et due forme.

Je n'ai appris la suite que par les dépêches...

Et la suite est délectable.

Car, comme nous l'apprend une dépêche de l'AFP:

Les ministres de l'Immigration Eric Besson et de l'Education nationale Xavier Darcos ont renoncé lundi en fin de matinée à inaugurer la médiathèque de la Cité nationale de l'Histoire de l'Immigration à Paris (XIIe), en raison de manifestations hostiles, a constaté une journaliste de l'AFP.

Précision indispensable:

Selon la préfecture de police, "aucune difficulté n'a émaillé le déroulement de la manifestation à l'extérieur qui était encadrée par la préfecture de police", précisant que les difficultés qui sont survenues à l'intérieur étaient "le fait de personnes invitées".

Je peux témoigner que la préfecture a bien dominé la situation.

Selon une autre dépêche de l'AFP:

Pendant que les vociférations couvraient le discours introductif de Jacques Toubon, le président de la Cité de l'histoire de l'Immigration, une personne se faisait expulser manu militari par le service d'ordre.

C'est à ce moment que Xavier Darcos et Eric Besson ont renoncé à prononcer leurs discours et se sont esquivés dans un espace plus privatif.

Je laisse le mot "vociférations" au crédit de l'auteur(e) de cette dépêche. Je suppose que c'est un(e) ancien(ne) élève de monsieur Darcos, pédagogue influent...

Il y a comme un grand sourire qui plane au dessus de mon clavier en ce moment, car j'imagine monsieur Besson, dans cet "espace plus privatif", ravalant la déconvenue d'être trahi par ses propres invités...

Il ne peut cependant s'empêcher de réagir:

Eric Besson a pour sa part regretté, devant quelques journalistes, que les manifestants "aient préféré les slogans à la discussion".

Mauvais perdant, monsieur Besson ?

Mise au point à propos d'Abdelmalek Sayad

En supplément à mon billet d'hier, je copicolle un texte qui m'est parvenu trop tard pour être cité dans mon post-scriptum.

Ce texte mérite d'ailleurs plus qu'une place de bas de page dans un billet d'humeur...

Vous le trouverez en version d'origine sur le site du réseau scientifique TERRA, où vous pourrez trouver bien d'autres choses intelligentes et stimulantes.



Laissez Abdelmalek Sayad en paix ! Non à l’instrumentalisation posthume du sociologue de l’immigration


La médiathèque « Abdelmalek Sayad » de la cité de l’immigration ouvrira le lundi 30 mars Pourquoi pas ? La création d’un outil institutionnel ouvert au public destiné à la promotion et à la valorisation des cultures de l’immigration a une utilité pédagogique en ces temps de stigmatisation tout azimut des populations venant des pays du Sud. Le fait que l’on donne le nom d’un intellectuel à une médiathèque n’a pas non plus en soi un caractère scandaleux. En revanche l’idée que la figure emblématique de la sociologie de l’immigration soit ainsi instrumentalisée et que cette inauguration soit conduite par les ministres C. Aubanel (Culture), X. Darcos (Education nationale), V. Pécresse (Enseignement supérieur et recherche) et E. Besson (Immigration et identité nationale) est inadmissible pour ceux qui respectent son œuvre. Que A. Sayad, décédé en 1998, soit arboré par des personnes ayant manifesté du mépris pour la pensée, pour le bien commun et participant de la xénophobie de gouvernement dans une cérémonie publique officielle est inacceptable. Il est pénible de penser que le dépositaire de la politique d’expulsion, d’arrestation et de traque des étrangers, le ministre de l’immigration, de l’identité nationale, de l’intégration et du développement solidaire, puisse récupérer d’une quelconque manière cette haute personnalité de la pensée.

Il y a plusieurs raisons à cela :

- Les critiques suscitées par la création en 2006 de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) et les hypothèques qui pèsent depuis sur l’établissement public de la Porte Dorée, auquel est rattachée cette médiathèque, ne sont pas levées. Rappelons-en rapidement quelques-unes : Le fait d’avoir imaginé un établissement ad hoc, en dehors de l’institution muséographique, pour aborder l’histoire et la mémoire immigrée pose toujours problème. Comme l’a expliqué A. Sayad, l’immigration est toujours traitée comme un cas particulier et ne fait jamais l’objet d’une prise en charge banale par le droit commun. En outre le symbole du site choisi pour installer la Cité, anciennement palais des colonies et jardin d’acclimatation est pour le moins de mauvais goût vu son histoire. Enfin, au vu des modalités du pilotage très « politique » et des découpages ethnico-thématiques des actions de la CNHI, les interrogations sur la manipulation symbolique demeurent entières. Les multiples escamotages et soubresauts qui ont accompagné la gestation et le lancement de la Cité, ainsi que la démission d’historiens de l’immigration de son conseil scientifique, ont témoigné de ces tensions. Rien n’a été réglé pour éviter les risques d’une production culturelle officielle, étatisée et ethnocentrée du récit des migrations.

- Deuxième raison fondamentale de notre refus de cette instrumentalisation : qu’est-ce qui justifie le fait de donner le nom d’Abdelmalek Sayad à un équipement culturel dédié à l’immigration ? N’est-ce pas une façon réitérée d’assigner identitairement et de confiner l’immigration, post-coloniale et algérienne en l’occurrence, dans cet espace ? Pourquoi à l’inverse a-t-on empêché qu’un collège des Hauts-de-Seine porte le nom du co-auteur du « Nanterre algérien » (1995) et de l’égal de Pierre Bourdieu ? Selon certains élus du département cela aurait été « porteur d’une trop forte connotation identitaire qui risquait d’enfermer ce collège dans une image communautariste » ! Et comme l’avait assené la vice-présidente du Conseil Général pour s’opposer à ce que le collège, aujourd’hui appelé « République », porte ce nom en dépit de la mobilisation associative - « il faut choisir des noms qui ne prêtent pas à la polémique » (sic) ! Ce qui veut dire : « pas de nom à consonance algérienne pour un équipement d’enseignement ». Mais un tel nom reste en revanche possible pour une médiathèque sur l’immigration inaugurée en grande pompe, pour faire symbole. Au beau pays de la République une et indivisible, un équipement dédié à l’immigration ne peut que porter un nom renvoyant à sa supposée altérité. Est-ce cela la philosophie de la diversité ? Qui ethnicise ici ?

N’entraînons pas A. Sayad dans cette galère de la fausse repentance et de la vraie commémoration! Savent-ils seulement, ces mondains, qui était A. Sayad ? Ont-ils lu ne serait-ce qu’une seule ligne d’un seul article de cet orfèvre patient et obstiné de la désoccultation des rapports de domination dans la migration ? Connaissent-ils « Les ‘‘trois âges’’ de l’émigration algérienne » (1977) ou El Ghorba (1975) narrant l’histoire de Mohand le Kabyle cachant à sa mère qu’il part de son village pour venir travailler en métropole ? Ont-ils jamais entendu parler du « foyer des sans-famille » (1980) mettant à nu le système d’encadrement spatial des migrants post-coloniaux ou encore de « la ‘‘vacance’’ comme pathologie de la condition immigrée » (1986) dévoilant les mécanismes du vieillissement en migration ? Non. Ces titulaires de maroquins n’en veulent rien savoir. Ils peuvent bien déclamer quelques sonnets tirés du Lagarde et Michard dans des talk show télévisés, ou inaugurer les musées du pillage colonial quand leur maître, l’homme du discours de Dakar, piétine la Princesse de Clèves, mais point lire l’auteur de « La pauvreté exotique » (2006) et de « L’immigration et la ‘‘pensée d’Etat’’ » (1997).

Penser que ces représentants politiques qui ferment des instituts culturels à l’étranger et des classes d’appui dans les quartiers populaires, qui précarisent et méprisent les enseignants, privatisent les chercheurs et externalisent les personnels des universités puissent inaugurer de conserve une médiathèque Abdelmalek Sayad est proprement inacceptable.

30 mars 2009

Agier Michel (anthropologue IRD - EHESS, CEAf)
Bazenguissa-Ganga Rémy (anthropologue Lille 1, EHESS-CEAf)
Bernardot Marc (sociologue, Univ. Le Havre)
Bigo Didier (politiste, Science Po, CERI, CEC)
Brossat Alain (philosophe, Univ. Paris 8)
Doytcheva Milena (politiste, Univ. Lille 3, GRACC)
Freedman Jane (politiste, Univ. Southampton / Univ. Paris 1, CRPS)
Guénif Nacira (sociologue, Univ. Paris 13)
Guichard Eric (information & communication, ENSSIB, Lyon)
Ivekovic Rada (philosophe, Univ. Saint-Etienne, Collège international de philosophie)
Le Cour Grandmaison Olivier (politiste, Univ. Evry)
Lemarchand Arnaud (économiste, Univ. Le Havre)
Palidda Salvatore (sociologue, Univ. Gênes)
Poiret Christian (sociologue, Univ. Paris 7)
Rechtman Richard (Psychiatre et anthropologue, Hôpital Marcel Rivière, EHESS-Iris)
Thomas Hélène (politiste, IEP Aix)
Valluy Jérôme (politiste, Univ. Paris 1, CRPS)
Vlassopoulou Chloé (politiste, Univ. Amiens)

dimanche 29 mars 2009

Inauguration du Centre Culturel des Expulsions

Pour héberger les admirations et les détestations qui me font vivre, j'ai le cœur et l'esprit larges: il y a de la place pour tout le monde, et je crois bien que tant que je serai encore quelque peu vivant, ce sera loin d'être complet.

Tel ou telle, bien sûr, viendra prendre sa place, au risque parfois de bouleverser la hiérarchie établie...

Ainsi de monsieur Eric Besson, qui jouait jusqu'à il y a quelques mois les utilités sur le strapontin que l'on réserve aux faux-derches, et qui maintenant, par effet sournois de comparaison, arriverait presque à me faire éprouver une certaine tendresse pour monsieur Brice Hortefeux.

Il me faut prendre sur moi pour me faire admettre qu'il ne faut pas se laisser aller à cette faiblesse, et que l'on peut détester absolument les deux.

Mais je reste particulièrement attentif aux actions et réactions de monsieur Besson qu'à chaque début de commencement de critique, je vois si impétueusement se dresser sur ses ergots de petit coq partant en bataille.

On me pardonnera cette comparaison peu flatteuse: naître et grandir à la campagne m'a doté pour la vie d'un riche échantillon d'images concernant les oiseaux domestiques, par ailleurs notablement enrichi de la mémorisation scolaire de quelques fables du bon monsieur de La Fontaine.

Parfois s'y mêlent des images plus contemporaines...

Il est plus que probable que les arrestations à la frontière de personnes sur le point de quitter le pays, que vient de dénoncer la Cimade, auraient pu tout aussi bien être faites sous l'autorité de monsieur Hortefeux.

Mais il n'est pas certain que monsieur Hortefeux aurait eu le culot de relever l'accusation, comme vient le de faire monsieur Besson, pour répondre avec cette mauvaise foi légaliste méprisante dont il ne se départit point.

"Ces interpellations arbitraires ne visent qu'à gonfler les chiffres des expulsions", assurait l'association, qui a aussi pointé des conditions de garde à vue "intolérables".

"Il n'y a pas d'affaire sur ce dossier", a rétorqué sur Europe-1 le ministre de l'Immigration, selon lequel "ce qui a été raconté est faux". "Ces personnes ont été très correctement traitées" et elles "ont été reconduites au Maroc dans des conditions totalement légales et humaines".

"Ils étaient en situation irrégulière", a-t-il fait valoir. "La police, lorsqu'elle fait des contrôles et qu'elle trouve sept personnes en situation irrégulière, elle les place dans un centre de rétention pour regarder leur situation et les a renvoyé totalement légalement dans leur pays."


A ses yeux, "il y a eu sur un point une erreur matérielle": "quelques personnes ont été séparées de leurs bagages", qui sont restés à bord du bus après l'arrestation des propriétaires.

Au pays de monsieur Besson, on se préoccupe plus d'acheminement des valises que de la dignité du traitement des vies humaines.

Monsieur Besson est un perfectionniste.

Cela pourrait être un mémorial de l'Immigration...

Demain, on pourra retrouver monsieur Besson, en toute indécence ministérielle et en compagnie de mesdames Albanel et Pécresse et de monsieur Darcos, à la cérémonie d'inauguration de la médiathèque A.Sayad, à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.

Je me permets de relayer, en toute solidarité, l'appel suivant:

Nous appelons au rassemblement de tous ceux qui s'opposent
aux méfaits de ces ministres :

Lundi 30 Mars à partir de 10h,
devant la Cité Nationale de l'histoire de l'immigration,
Palais de la Porte Dorée,
293, avenue Daumesnil, 75012 Paris, M° Porte Dorée

Que nous rebaptiserons à cette occasion :
Centre Culturel de l'Identité Nationale et des Expulsions

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Ni exhibition facile, ni liberté de mensonge pour les ministres et gouvernants !

La politique de l'« immigration choisie » exploite la population nécessaire à l'entreprise France et parallèlement persécute sous le joug de France police.

Regroupement familial ? Terminé.

Carte de résident permettant 10 ans de séjour ? Terminé.

Régularisations ? Au compte-gouttes et au forceps.

... Mais on va se servir du nom du sociologue Abdelmalek Sayad*, dont les analyses prenaient le contrepied de la barbarie de la politique actuellement mise en oeuvre.

Nous soutenons tous les refus de cette politique que constituent les grèves de travailleurs sans papiers, les solidarités de quartiers contre l'expulsion d'enfants, la lutte pour la régularisation de tous et les révoltes des retenus des centre de rétention.

Il n'est pas question pour nous que le sinistre Besson chargé de mettre en oeuvre cette politique puisse se pavaner, même en privé. En 2007, Brice Hortefeux, pour qui on venait de créer un ministère à l'intitulé vichyssois, n'a pas osé inaugurer la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Laisserons nous son successeur Éric Besson gloser sur l'histoire tragique de l'immigration entre deux expulsions de sans-papiers ?

Albanel rénove les cathédrales et bafoue les droits des salariés intermittents. Albanel défend l'excellence, stigmatisant ainsi l'ordinaire, voué à mendier des subventions à diverses féodalités

Par la loi Hadopi, ce ministre voudrait qualifier comme un délit de vol les pratiques de gratuité en matière de circulation des oeuvres. Il n'y a pas de politique culturelle acceptable sans une continuité de droits pour les salariés d'un secteur dont bien des productions reposent sur l'intermittence.

Il n'y a pas de politique culturelle acceptable lorsque la défense et l'extension de la propriété privée sont au poste de commande. Il n'est pas question pour nous que cette versaillaise dans l'âme prolonge à coup de communication et de privatisations, l'extermination des cultures populaires et des pratiques indépendantes.

Darcos et Pécresse sont en charge des réformes de l'école. De la maternelle à l'université, de la loi LRU au décret réformant le statut des enseignants chercheurs, il s'agit d'essayer d'imposer partout une logique managériale fondée sur l'évaluation, administrative et comptable, pour façonner une société de concurrence. Il s'agit de parfaire la société entreprise et de ce fait l'exploitation et la domination. Les luttes en cours à l'université depuis deux mois refusent cette politique.

Il n'est pas question que ces ministres en charge de la privatisation de l'éducation et de la recherche mènent à bien leur mission destructrice.

On nous voudrait terrorisés par l'insécurité sociale.

On nous voudrait devenus craintifs par la criminalisation des luttes.

On nous voudrait parfaitement atomisés par les exigences de la survie et le renoncement.

Avec ou sans droits, nous sommes et serons fidèles à la maxime de nos aïeux : paix aux chaumières, guerre aux châteaux.

Nous invitons donc à manifester ce lundi à 10h
devant le Centre Culturel de l'Identité Nationale et des Expulsions :

Tous les collectifs de sans-papiers,
Tous les étudiants, lycéens, enseignants, chercheurs en lutte,
Tous les intermittents, les chômeurs, les précaires, et
Tous ceux qui refusent la logique d'Exclusion Nationale, la logique de rentabilité universitaire, la logique de commercialisation du spectacle et de harcèlement des précaires....


PS: Sur la figure non récupérable d'Abdelmalek Sayad, on pourra consulter la notice minimale de ouiquipédia, qui suffit pour apprécier mon euphémisme sur "l'indécence ministérielle".

samedi 28 mars 2009

La révolte qui couve

Accoutumés que nous sommes au défilement des images animées, nous voyons cette photographie comme une courte séquence filmée au ralenti. L'absence de profondeur de champ, le cadrage rapproché de l'image, et le bougé de la prise de vue nous obligent d'une certaine manière à ajouter un peu de flou temporel, à épaissir l'instant, à en faire un bout d'histoire.

On ne fait pas de bonne omelette socio-économique sans casser des œufs.

Je regarde donc rêveusement des mains soigneusement manucurées protéger un visage du dégoulis glaireux d'un œuf qui vient de se casser en frappant un crâne ovoïde assez dégarni...

C'est rare chez moi, mais je ne ressens aucune sympathie pour cet homme humilié. Je n'ai même pas retenu son nom et sa fonction.

Seulement de l'indifférence. Mais sans commune mesure, j'en suis sûr, avec la sienne.

Car je n'oublie pas que cette petite histoire n'est qu'un épisode de la longue patience des ouvriers bernés de l'usine Continental à Clairoix...

Oui, patience.

Un œuf, c'est encore bien gentil.

Pas plus sympathique en emballage d'origine.

Cette photographie m'est parvenue au moment où s'accentuait l'obscénité des discussions besogneuses et hypocrites sur les rémunérations patronales, les stock-options et les parachutes dorés. On a suffisamment délayé le "débat", pour une fois, afin de faire comprendre au bon peuple que l'on tenait à satisfaire son intense besoin de justice, tout en restant d'un réalisme sans erreurs ni fautes.

On a ainsi vu apparaitre, au fil des discussions, une sorte de Société Protectrice des Riches Producteurs de Richesses, qui voudrait nous faire accroire qu'appauvrir les riches dirigeants serait comme sacrifier nos poules aux œufs d'or...

Car il n'aura échappé à personne que nos very important golden persons se distendent chaque matin les sphincters pour nous pondre un authentique lingot d'or...

Je veux bien le croire, mais j'ai bien peur d'être le seul.

vendredi 27 mars 2009

Obstinations symboliques

Hier encore, une tentative de réappropriation des bâtiments de la Sorbonne s'est achevée par une évacuation, avec contrôle d'identité, dans la soirée. Les forces de police avaient au préalable procédé à un nettoyage, aussi grossier que d'habitude, de la place de la Sorbonne où quelques centaines de personnes stationnaient en soutien aux occupants.

Le communiqué des participants, mis au point dans la journée, concluait:

Solidaires avec nos collègues en désobéissance de l’enseignement primaire, avec les lycéens et professeurs qui refusent les suppressions de postes dans l’enseignement secondaire, avec les chercheurs qui occupent en ce moment la direction du CNRS, avec tous nos collègues en lutte dans les IUT, dans les IUFM, dans les universités de France et d’Europe, nous affirmons que, de la maternelle à l’université, la production et la transmission du savoir constituent le bien le plus précieux d’une société, parce qu’ils sont gages d’avenir.

La Sorbonne doit être ouverte à toute la communauté universitaire et le Rectorat, comme la police, qui menacent le libre accès au Savoir et les libertés fondamentales, doivent s’en aller. Nous sommes pacifiques, nous sommes déterminés, nous resterons dans ces bâtiments où nous sommes chez nous, nous invitons tous les universitaires à nous y rejoindre pour en faire ce que la Sorbonne doit être : un lieu de liberté et de dialogue.


Les Occupants de la Sorbonne

Paris, le 26 Mars 2009

Quelques chercheurs étudiant de leur fenêtre
les mœurs de scarabés mutants.


Depuis le début de cette contestation, à tous les niveaux de l'enseignement, de la politique sarkoziste, incarnée et conduite par les célèbres duettistes Darcos et Pécresse, on essaie de nous convaincre, par des reculades, des atermoiements, des médiations, des réécritures, que sais-je encore, qu'il n'y a pas de problème de fond, mais seulement des détails à ajuster...

Pour se convaincre du contraire, on peut regarder et écouter cette conférence que madame Geneviève Azam a donnée à l'université de Toulouse Le Mirail, le 23 mars.


Sur le terrain, on ne peut que constater un bon niveau d'inventivité de la part des protestataires. Cette créativité a su parfois atteindre le grand public; ainsi a-t-on vu La Princesse de Clèves devenir enfin un best-seller... D'ailleurs, je m'attends, d'un jour à l'autre, à apprendre qu'un ami du président, producteur de cinématographe, envisage d'en faire une adaptation dans le genre télé-réalité...

On remarquera cependant la plupart de ces actions se placent à un niveau symbolique assez difficile à atteindre par les tenants du sarkozisme basique. Mais je ne suis pas du genre à bouder mon plaisir: si certaines initiatives flirtent avec le spectacle, il est bien meilleur que celui qui est donné en permanence par notre meneur de revue et sa troupe.

L'essentiel est que l'on continue de s'intriguer de cette colère du milieu de l'enseignement, que l'on finisse par en parler, et, pour cela, il n'est pas déraisonnable d'utiliser images et symboles...

Tourner en rond, jour et nuit, place de l'Hôtel de Ville, à Paris, cela peut ressembler à un pur symbole vide de sens...

Il vous suffira d'aller consulter le site de cette Ronde infinie des Obstinés, pour vous convaincre que non.

Cette Ronde est la marche permanente de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, estiment que l'idée même d'Education Nationale, d’université, d’enseignement et de recherche est mise à mal par les réformes actuelles. Non, l’université n’est pas une entreprise ni le savoir une marchandise.

(...)

Nous marcherons sans fin car nous n’avons pas l’intention de céder,
Et nous tournerons encore et encore pour manifester notre obstination, pour partager, pour débattre et pour résister.
Pour inventer les universités que nous voulons.

La ronde sera lancinante ou ne sera pas !

Le monde de l'éducation n'est pas le seul à subir les agressions et le mépris de ce pouvoir. Précaires, chômeurs, intermittents, salariés et retraités, sont traités aujourd’hui avec un cynisme sans égal. Aussi appelons-nous tous les citoyens solidaires à venir se joindre à la ronde infinie des obstinés ou à ouvrir leur propre ronde où qu’ils soient.

Je vais y aller faire un tour ou deux...

Mais avant de tourner en rond dans un territoire de symboles, j'ai envie de me faire un petit plaisir symbolique, en regardant ceci, qui n'a aucun rapport... Quoique...




jeudi 26 mars 2009

Gavage médiatique

Difficile de décider si nous sommes plus gâtés que gavés, mais au moins ne sommes-nous pas sous-alimentés en informations concernant les dossiers des inculpés du 11 novembre.

Gavage traditionnel
utilisant une matraque en coudrier.


Comme je suis d'un avéré et lucide pessimisme en ce qui concerne l'indépendance de la presse dans ce type de nouvelles, je suppose qu'une cellule invisible de communication pilote ce goutte à goutte sur lequel sont branchés dépêches d'agence et articles de quotidiens. Ce n'est pas une concession à une quelconque théorie du complot, mais une application d'un principe de prudence épistémologique: il me semble de moins en moins évident que les enquêteurs de la presse aient suffisamment de liberté pour pouvoir enquêter sur les enquêteurs du ministère de l'Intérieur...

Hier, dans le journal Le Monde daté d'aujourd'hui, car ce journal a la fâcheuse habitude de faire croire aux parigots qu'ils sont en avance, Isabelle Mandraud donnait deux articles concernant le contenu du fameux dossier d’instruction de l’affaire des inculpés du 11 novembre.

Le premier est assez court, mais bien détaillé, et il introduit bien au second, qui, me semble-t-il, avait droit à la une de la version Le Monde-papier.

On apprendra donc, avec une certaine alacrité, il faut bien le dire, qu'à la fin de 2005 (que c'est déjà loin, tout ça...), l'acquisition de la ferme du Goutailloux, à Tarnac, avait fait l'objet d'une enquête très professionnelle menée de la part du brigadier Lilian L., de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), qui a dû patauger pendant huit mois dans les vérifications de comptes bancaires, statuts et registres d'associations, sans parler de la boue des chemins corréziens, avant de conclure:

"En aucun cas, il n'a pu être démontré le blanchiment d'activités criminelles ou délictueuses."

Cette affaire, classée sans suite, figurerait dans le dossier...

Là, je reste en position du lotus abruti, je ferme les yeux, et je hurle d'une voix de canard, sur un air tibétain: "j'aiconfianceenlajusticedemonpayyyyyyyyys", et j'ajoute "amen", au cas où.

Méditation avec moulin à prière
recyclé en machine à gaver.

L'article de fond Ce que contient le dossier d’instruction de l’affaire Tarnac, n'est pas seulement une variation avant-gardiste sur le mot "Rien", résumant ce que l'on savait déjà:

Le dossier a beau être dense, il ne contient ni preuves matérielles ni aveux, et un seul témoignage à charge, sous X, recueilli le 14 novembre.

Isabelle Mandraud donne aussi une bonne idée des moyens employés pour mener cette traque policière, dont les motivations profondes ne sont toujours pas explicitées... à moins d'en revenir à cette idée d'une construction fantasmatique et foireuse d'un terrorisme intérieur menaçant la sérénité promise par le Sarkozisme épanoui.

La publication de cet article dans le Monde, petite goutte d'information dans un océan de camouflage, a été suivi d'un scoupe libéré par l'AFP et presqu'aussitôt relayé par le NouvelObs.com, accompagné de son habituel manque de mise en perspective.

L'étau se resserre sur le "groupe Coupat", après la découverte d'un manuel de fabrication de bombes sur l'ordinateur de la compagne de Julien Coupat, Yldune Levy, mise en examen pour destructions et associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.


On avale gentiment...

Isabelle Mandraud a-t-elle mal exploité son accès au dossier de l'instruction ? Comment a-t-elle pu passer à côté d'un fait qui semble si important ? Aurait-on manipulé la rédaction du Monde pour pouvoir sortir cette véritable petite bombe médiatique ?

Comment croire que les experts informatiques de la police scientifique (ou d'ailleurs) aient besoin de plus de quatre mois pour lire les informations d'un disque dur, à moins de supposer qu'ils sont effectivement nuls, au sens du zéro absolu, ou qu'ils travaillent sur des machines à coudre Singer à pédales reconverties en lecteurs de disques durs...

Encore un petit effort...

Tout ceci m'inquiète énormément...

Cette obsession sur ce que peuvent lire les gens...

Je dois avouer à messieurs les enquêteurs que, hélas, je ne suis pas très intelligent, sinon j'aurais fait enquêteur, bien sûr, mais je suis extrêmement curieux. Tellement curieusement curieux qu'il y aurait bien de quoi inquiéter un enquêteur curieux...

Je me suis parfois demandé s'il était possible de faire des pétards (au sens artificier) avec certain désherbant, par exemple...

C'est louche, non ?

Je me suis renseigné aussi très minutieusement sur les techniques de gavage des oies... J'ai téléchargé de la documentation.

Je me suis même demandé, à l'heure d'un mémorable apéritif, s'il ne serait pas possible d'ainsi faire ingérer la totalité de ses stock-options à un heureux bénéficiaire, en petite coupures, précuites....

...avec une auxiliaire faussement sexy
très années cinquante...



Maintenant, c'est pire: je vais chercher s'il n'y a pas un moyen d'utiliser mon certain désherbant pour effacer mon disque dur.

Je vous dirai si ça marche.

Enfin, non, je ne dirai rien.

(Suis-je benêt, j'ai failli tout "leur" dire.)

mercredi 25 mars 2009

Laurent Joffrin en grand patron

Des manifestations préprintanières parisiennes, comme celle d'il y a une semaine, je rapporte en général une podalgie inflammatoire aiguë qui s'explique aisément par le piétinement prolongé dans des chaussures faites pour marcher que j'ai jadis achetées chez Triathlon (une sous-marque), et une crève carabinée qui se traduit par une trachéo-bronchite assez spectaculaire pour me doter momentanément d'une voix de crapaud mâle en rut, ce dont je profite éhontément pour tenter de séduire les jolies princesses de contes de fées de mon canton.

Je rapporte aussi beaucoup de tracts, que je n'ai jamais le temps de lire sur place à cause de l'exubérance de mon entourage qui n'encourage point la concentration...

L'un de ces tracts, signé du Comité de Soutien à Florence Cousin, commence par me faire tiquer:

Depuis près de 40 jours, la journaliste de Libération Florence Cousin poursuit une grève de la faim dans les locaux du journal fondé par Jean-Claude Vernier avec l'appui de Maurice Clavel puis de Jean-Paul Sartre.

(J'ai tenté de reproduire les choix graphiques des auteurs du tract...)

Ce qui me fait tiquer, c'est cette référence révérencieuse, et surtout incomplète, à des fondateurs dont la puissance symbolique devrait éclairer cette affaire...

Je veux dire rapidement que le quotidien Libération n'a été fondé ni par Jean-Claude Vernier, ni par Philippe Gavi, ni par Serge July, ni par Jean-René Huleu, ni par moi, mais par nous tous, des centaines ou des milliers, je ne sais, qui avons donné de notre temps pour le faire naître, l'alimenter et le diffuser... Et il est inutile de dire que ce Libération, que nous avons tous rêvé et créé, est mort. Très vite. Le fait qu'il y ait pu y avoir une période où ce journal a vécu de sa belle vie de journal est une très grande énigme...

La terrasse du mausolée actuel de Libération, 11 rue Béranger.

Le quotidien ayant depuis une éternité coupé son cordon ombilical, le rappel "aux valeurs d'origine d'un titre" qui porte de "beau nom de Libération", me semble assez illusoire et peu éclairant.

Je suis allé, vieux réflexe, chercher un peu de lumière sur la page facebook du Comité de soutien, et j'y ai trouvé ce résumé:

Depuis le 10 février, une journaliste française, Florence Cousin, 48 ans, mère de famille, est en grève de la faim dans le hall d’entrée de son journal, Libération, 11 rue Béranger, à Paris (75003), place de la République.

Elle refuse le licenciement pour supposée “incompétence” qui vient de lui être signifié, après 25 ans de présence dans l’entreprise, plus de 20 ans de militantisme syndical (déléguée du personnel sur liste CGT, trésorière du Comité d’Entreprise...), et plus de 15 ans de harcèlement, constatés et dénoncés en courrier recommandé par l’Inspection du travail !

Pour en savoir plus, j'ai dû cliquer de manière un peu hasardeuse, en cherchant à ne pas trop m'égarer.

J'ai ainsi pris connaissance de la position de Florence Cousin par un entretien publié par le NouvelObs, qui a donné également la parole à Laurent Joffrin.

J'ai appris, par Acrimed, la censure (c'est comme cela que cela s'appelle) d'un billet de Pierre Marcelle, qui va finir par en prendre l'habitude (mais que voulez-vous, quand on écrit infiniment mieux que le patron...)

J'ai lu avec attention le récit que fait Michel Puech, en son blogue, de sa visite à Florence Cousin dans ce qu'il appelle "le hall de la honte" et de sa rencontre avec un monsieur Laurent Joffrin très très colère et fort peu courtois. Il a tiré un très beau portrait photographique de ce dernier, mais il insiste tellement sur son copyright que je le laisse admirer in situ.

J'ai suivi le blogue de Skorecki, entièrement consacré à la grève de la faim de Florence Cousin.

J'ai lu avec intérêt le communiqué de la rédaction qui, après le blocage de la sortie du quotidien, le 21 mars, exprime sa "stupeur" de "constater qu'une petite minorité syndicale extérieure à l'entreprise a bloqué par la force la parution du journal..."

J'ai appris que la direction avait décidé de faire transporter Florence Cousin et ses petites affaires, bouteilles d'eau, livres, affiches, dans un petit local à l'abri des regards, et que cette décision avait été exécutée par six vigiles le 21 mars.

C'est propre, fonctionnel, c'est l'idéal patronal ?

A vrai dire, j'ai parfois eu le sentiment d'effleurer beaucoup de non-dit, de sous-entendu, d'à-mi-mot, comme si la profession d'informer avait grande réticence à informer sur elle-même et sur la manière dont on la dirige... Alors, je vous ai livré des liens qui ouvrent des pistes pour essayer d'y comprendre quelque chose.

J'ai bien failli laisser tomber en arrivant sur le site LeMondeReel.fr qui recueille les signatures du Comité de Soutien... Etrange impression, vraiment, devant cette mare aux crapauds antédiluviens (je veux parler du froid déluge "réaliste" des années 80, bien sûr) menée par un gréviste de la faim "historique" (sic)... Je n'ai pas signé.

S'il y a un texte de soutien que je contresignerais à deux mains, c'est celui-ci, rédigé par Gilles Tordjman, et relayé par Skorecki:

Lettre ouverte à Laurent Joffrin, par Gilles Tordjman.

—« Répondre à l’insensé selon sa folie, afin qu’il ne s’imagine pas être sage ».

Florence Cousin est en grève de la faim depuis quarante jours dans le hall du journal « Libération » pour contester les conditions évidemment iniques et indignes de son licenciement après vingt-cinq ans de travail dans cette entreprise.

D’autres ont dit, mieux que moi, l’atroce comique qu’il y a dans le fait de découvrir au bout d’une si longue collaboration l’incompétence supposée d’une employée. D’autres, encore, ont cru devoir reproduire la version policière de l’histoire en disant que Florence n’était pas aimable, ou qu’elle était « spéciale », ou que c’était une folie de mettre sa vie en jeu pour un travail.

Bref, qu’elle méritait d’une certaine manière son sort, et qu’elle n’avait finalement qu’à s’en prendre à elle-même puisque, paraît-il, les humanistes patrons de « Libération » lui auraient fait, après négociation, des propositions « qu’on ne peut pas refuser », comme on dit.

Mais ces propositions-là, Florence Cousin les refuse. Comme elle refuse également d’être le jouet d’une guerre si pacifique que se mènent depuis toujours des patrons et des syndicats qui —de mon strict point de vue personnel — méritent les mêmes égards.

Faut-il mettre sa vie en jeu pour dénoncer cela ? Beaucoup de gens pensent que non, pour une seule raison : la grève de la faim serait un moyen ultime, qu’il conviendrait de sanctuariser, et qu’il serait indécent d’utiliser pour un simple conflit du travail. Victime d’une injustice, Florence Cousin serait donc doublement coupable parce qu’elle abuse de la victimisation en se mettant en danger.

On reconnaît bien là les traits les plus remarquables d’une société où tout le monde râle, manifeste, pétitionne, sans jamais rien détruire ce qui travaille à la détruire, sans jamais se défendre. Florence Cousin ne fait que se défendre, avec ses armes à elle : son corps, sa bonté, sa patience. Et elle se méfie bien des choses bizarres qu’on peut faire en se posant comme victime : c’est elle qui a décidé de la juste réplique à l’outrage qu’on lui fait.

Nous sommes quelques-uns à avoir décidé que le mieux que nous pouvions faire pour la soutenir, c’était d’aller la voir.

Or aujourd’hui, dimanche 22 mars, en allant voir Florence à « Libération » comme je le fais depuis plus d’un mois, je me suis fait refouler par un vigile très poli au motif que « la direction a décidé que Madame Cousin ne pouvait voir que son médecin, son mari ou ses enfants ».

Ce traitement de faveur était jusqu’à présent réservé à Louis Skorecki, un homme notoirement dangereux puisqu’il peut témoigner des qualités humaines de Florence, pour avoir travaillé de longues années avec elle, et qu’on a donc viré du hall de « Libération » manu millitari pour ces raisons mêmes.

On peut toujours dire que quelques vieilles inimitiés recuites justifient un tel comportement de boutiquiers alarmés, mais je crois que rien, jamais, en aucune occasion, ne justifie la brutalité, la bêtise ou le cynisme.

Après avoir attendu tranquillement que Florence Cousin fasse un malaise, la direction de « Libération » décide maintenant, en toute bonne conscience, de la priver de toute autre visite que celle approuvées par la Faculté et le Goupillon ; son médecin et son mari. Bref, on veut bien qu’elle meure, mais sans témoins.

En privant Florence Cousin de visites amicales (et, j’espère, légères), on la prive simplement de la dernière liberté qui lui reste.

Je m’étais jusqu’ici abstenu de stigmatiser les personnes à l’origine d’une si honteuse situation.

Et je répète que la chasse au « Rotschild », si facilement pratiquée par quelques staliniens attardés, me met extrêmement mal à l’aise.

Mais, face à une si grande violence faite à Florence, face à une si révoltante injustice menée par des cosaques sans conscience, ni culture, ni humanité, ni rien, je le dis très sereinement : Monsieur Joffrin, vous qui a avez si bien achevé le travail de sape d’un journal autrefois estimable, vous qui donnez des leçons de morale à la terre entière (mais plutôt à la radio ou à la télévision), vous aurez à répondre, devant moi, de m’avoir empêché de voir aujourd’hui Florence Cousin.

Je ne suis pas méchant, mais très sensible ; c’est pourquoi je n’aimerais pas être à votre place.

Et puisque vous avez eu le front d’accuser Florence Cousin d’être « illettrée », je vous offre ce vieil adage du Yi-King, que vous connaissez forcément, vous qui êtes si lettré : « le fort perd sa force ; le faible la gagne ».

Méditez-le, selon vos moyens. Il ne semble pas vous être très favorable.

Gilles Tordjman


Là, je me reconnais davantage, voyez-vous.

mardi 24 mars 2009

Inventions d'esprits tordus

Si je me souviens bien, monsieur Besson s'était permis de parler d'esprits tordus, allusion fort plaisante de sa part qui avait dû me faire ricaner, ce que je regrette beaucoup. Car, à la réflexion, quel sens de la rectitude peut donc se former ce pauvre monsieur Besson, tout perdu dans l'environnement du Ministère de Notre Identité, qui me semble être un refuge pour tous les esprits suspicieux et dévoyés qu'ont pu produire nos facs de Droit, nos Instituts de Sciences-Po ou notre ENA.

On dirait même qu'ils peuvent s'y épanouir dans de bien meilleures conditions que dans, par exemple, la lutte anti terroriste.

Si on se laisse aller à réfléchir un peu, à tête reposée, la criminalisation de l'aide apportée aux étrangers en situation présumée irrégulière est déjà une idée bien tordue, qui soulève une indignation qui a presque percé le mur de l'indifférence objective des médias. Quand on découvre comme je viens de le faire que la loi de finances 2009 fixe un "objectif chiffré d’interpellations d’aidants pour 2010" à 5 500, on se dit que nos technocrates tordus ont de la suite dans les méandres de leurs idées.

Un vrai fau de Verzy*, pour rester dans le ton.

Les associations solidaires également.

Vous pourrez trouver sur le site de RESF, un appel à une réaction citoyenne "Si la solidarité devient un délit, nous demandons à être poursuivis pour ce délit!", déjà signé par Emmaüs France, RESF, Fédération Entraide Protestante, Cimade, Comede, Gisti, FASTI, UNIOPSS, Secours Catholique.

Mercredi 8 avril 2009, à 10h00, devant les palais de Justice de Paris, Lille, Marseille, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes et ailleurs en France, nous serons 5 500 à nous présenter comme prisonniers volontaires, affirmant avoir, un jour, aidé un homme ou une femme sans papiers en difficulté. Nous serons 5 500 citoyens décidés à rester des «aidants» ! Si vous souhaitez participer à ces rassemblements, vous pourrez dès vendredi 27 mars vous inscrire sur le site d'Emmaüs France.

C'est assez curieux d'en arriver à devoir revendiquer la simple humanité...

Celui-ci semble encore plus tordu...

Il faut reconnaitre à ces penseurs et protecteurs de Notre Identité de ne pas économiser les coups tordus, et d'avoir une certaine inventivité dans ce domaine.

Je n'en veux pour preuve que les faits rapportés par cette pétition des Amoureux au Ban Public:

Mlle Charry, de nationalité française, est appelée à comparaître dans les prochaines semaines devant le tribunal correctionnel pour répondre du délit d'aide au séjour irrégulier de son concubin marocain, M. Naimi. Le couple devait se marier le 17 avril prochain à Dijon après plusieurs mois de concubinage. A la suite d'une transmission par la mairie du dossier de mariage au procureur, M. Naimi a été interpellé le 17 mars chez des amis et placé au centre de rétention de Lyon-St-Exupery en vue de son expulsion qui doit intervenir dans les prochains jours.

Ce cas n'est pas un cas isolé, l'association signale que, depuis sa création en juin 2007, elle a eu connaissance de "quatre autres procédures judiciaires engagées contre des français en concubinage avec des étrangers en situation irrégulière ainsi que de plusieurs rappels à la loi prononcés par le Parquet." Vous pourrez en trouver le résumé en allant signer cette pétition.

Sur le même site, vous pourrez également découvrir comment une lettre courageusement anonyme a pu, à Bordeaux, empêcher un mariage...


Et puisque vous serez de passage, vous pourrez en profiter pour réserver votre CD de soutien aux Amoureux.

Puis-je vous avouer que ça me réchauffe de voir, embarqué dans l'aventure de ce disque, ce magnifique grand tordu flamboyant qu'est Jacques Higelin:

« Je me révolte contre cette guerre dans le noyau du dernier endroit où il reste une liberté : celle d’aimer qui on veut, quand on veut. »



*Les parisiens peuvent voir deux faux de Verzy (ou hêtres tortillards) qui ont été transplantés dans le jardin qui borde les arènes de Lutèce... Ils survivent et emmêlent leurs branches, comme deux amoureux traqués par les services de monsieur Besson.

Riposte policière virile à Toulouse

Au soir de la manifestation du 19 mars, un nommé Laurent Abadie, qui est peut-être journaliste, a dû se mettre devant son clavier pour pondre une note concernant les événements survenus devant le Monoprix de la rue Alsace-Lorraine, à Toulouse. Comme il n'a certainement pas assisté à tous les développements des événements en question, il a pris grand soin de recouper ses informations avec celles des forces de police. Il est donc nécessaire de parcourir les commentaires, souvent peu amènes, pour rectifier les inexactitudes de cet article.

Je ne saurais trop conseiller à monsieur Laurent Abadie d'adresser son C.V. au ministère de l'Intérieur, il est possible qu'il puisse trouver à y employer son sens de l'adjectif euphémisant:

Tirs de grenades assourdissantes, flash ball: l’intervention est musclée.(...)

Il est probable que notre journaliste, la prochaine fois, qualifiera ce type d'intervention de "virile", comme s'il était en train de commenter un match de rugby...

Est-ce trop demander qu'il soit simplement fait état dans ces compte-rendus de la réelle violence de plus en plus utilisée par les forces de police ?

Une arme virile, mais "faiblement létale".
Photo prise rue Alsace, publiée par LaDepeche.fr
Auteur: DDM-MICHEL LABONNE

L'articulet de LibéToulouse mérite aussi, et surtout, d'être épinglé pour incompétence journalistique grave en ce qu'il ne donne pas l'information la plus dramatique de cette soirée.

Pour la trouver, il faut lire l'article de Valérie Sitnikow, publié le 23 mars dans LaDepeche.fr.

Joan, 25 ans, est hospitalisé depuis jeudi soir au service d'ophtalmologie du CHU Purpan. Il va subir dans les prochains jours deux interventions délicates, pour tenter de lui sauver son œil. (...) Joan a été atteint au visage, vraisemblablement par un tir de flash ball, lors des incidents qui ont éclaté devant le magasin Monoprix au centre ville en début de soirée entre les forces de l'ordre et les manifestants du mouvement étudiant. Les policiers de la Bac et de la compagnie d'intervention ont fait usage de ces armes, tirant des balles en caoutchouc, pour repousser les manifestants qui venaient d'effectuer un « blocage économique » aux entrées du magasin.

L'article détaille le témoignage de Joan:

« J'étais à la manif et je suis resté dans la cortège étudiant. On s'est retrouvé devant Monoprix. Je suis resté aux abords. je n'étais pas dans la chaîne humaine qui bloquait le magasin. Et puis, ça a basculé. Les flics ont chargé. J'ai entendu des bruits de détonation. Un attroupement s'est formé, je me suis replié à l'intérieur pour ne pas rester isolé. On s'est mis à reculer doucement. On était contre la ligne des CRS. Ils m'ont tiré dessus alors que j'étais à moins de 10 mètres d'eux. J'étais effectivement au premier rang, confiant, entrain de dire on recule, on s'en va. Je n'ai absolument pas jeté de canettes ni de projectiles. Je suis sûr que c'est une balle de flash ball qui m'a touché, vu la force et l'impact… On m'a clairement visé ».

« J'ai un œil en moins. J'y vois tout noir. La rétine est décollée, avec un hématome interne,
le plancher orbital fracturé. Le pronostic des médecins est réservé… »


Avec Infozone, liste d’information pour la France sauvage, on se souviendra d'un cas analogue à Nantes, fin 2007 (cette info a été relayée par le Jura Libertaire ):


Cette violence d’État menace à terme tous les manifestants et s’ajoute aux précédents cas dramatiques, comme celui du jeune lycéen mineur blessé à l’œil le 27 novembre 2007, devant le Rectorat de Nantes, par un «Lanceur de balle de défense» (LBD, super flashball en cours d’expérimentation). Il a perdu la vue de son œil.

Cette affaire semble indiquer que la police se moque apparemment des récentes recommandations de la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité).

Nous verrons si, comme à Nantes, le préfet de Toulouse osera affirmer à la presse locale que le blessé n’a rien de grave.

Nous verrons également si, comme dans le cas de Nantes, madame le ministre de l’Intérieur fournira de fausses informations dans une réponse écrite à deux députés, parues au Journal officiel, afin de tenter de justifier l’usage de cette arme barbare et évidemment inadaptée pour le maintien de l’ordre.

Nous verrons enfin, si comme à Nantes, le procureur de la République à Toulouse décidera d’ouvrir une enquête indépendante menée par deux juges d’instruction.

La Dépêche nous apprend que madame Michèle Alliot-Marie est attendue à Toulouse vendredi prochain.

Je pense qu'aucun naïf incorrigible n'a envisagé un seul instant qu'elle puisse s'inquiéter de la santé de Joan...

Elle viendra installer en grande pompe une "unité forte de cent nouveaux policiers".

dimanche 22 mars 2009

Libertés printanières

Il y a un printemps pour tout, et aujourd'hui c'est donc le printemps des libertés qui vient couronner le bel effort du parti socialiste en faveur des libertés publiques et privées. Cette opération, qui devait durer une dizaine de jours, a été initiée par la mise à disposition de la presse et du public d'un livre noir des libertés, qui avait fait flip-flop-plouf... et a été sans doute suivie par un grand nombre de mobilisations printanières, aussi timides que les premières primevères...

J'ai coupé le programme.
Quand vous me lirez, il sera trop tard pour y aller.


Evidemment, il est trop facile d'ironiser sur les initiatives du parti socialiste, et de critiquer leur mise en œuvre.

C'est d'ailleurs une spécialité que monsieur Manuel Valls, social-réaliste de son état et député-maire de sa profession, manie avec une virtuosité déconcertante. Le grand art du crachat dans la soupe socialiste n'est pas perdu.

Son dernier billet, intitulé Printemps des libertés: préférer l'éthique à l'épique (sic), se consacre à une critique acerbe du livre noir La France en libertés surveillées.

Si j'entends bien monsieur Manuel Valls, il aurait fait cela autrement si on lui avait demandé de le faire.

Certes.

Et peut-être n'aurait-il rien fait, car il semble bien que pour monsieur Manuel Valls, tout n'aille pas si mal dans le moins mauvais des mondes possibles, mais que tout irait beaucoup mieux dans un monde virtuel où la gauche socialiste et réaliste aurait un programme suivant ses réalistes prescriptions.

Au lieu de constater les dérives et de les dénoncer, ce qui, selon lui, relève du "gauchisme infantile" ou de "l'anti-sarkozysme obsessionnel", il juge plus important de remettre en avant cet article basique du credo sécuritaire:

Oui, enfin, nous devons refuser le faux choix entre la liberté et la sécurité. Et c'est même précisément parce que la droite échoue à rétablir cette sécurité dans les quartiers populaires que nous devons rappeler – sans honte et sans faiblesse – qu'elle est l'une des premières libertés des citoyens qui y vivent.

La note de monsieur Valls est tour à tour drôle, ridicule ou pathétique.

Il ne lui manque même pas la référence intellectuelle gratuite:

A notre époque, les libertés individuelles sont menacées, hélas, par des dangers beaucoup plus pernicieux que par le retour de l'Usurpateur. Penser que « la société de surveillance » est ordonnée depuis un bureau du Palais de l'Elysée trahit une méconnaissance coupable de la complexité du phénomène. Depuis les analyses de Foucault et Deleuze, la gauche devrait savoir que les mécanismes de contrôle ont aujourd'hui essaimé dans tout l'espace public et qu'ils fonctionnent avec la participation – pour ne pas dire la complicité – de tous. (...)

Invoquer les analyses de Foucault sur la "société de surveillance" pour dire que "ah, ben, chers camarades, c'est plus complexes que vous ne croyez", combine assez bien, à mes yeux, le pathétique, le ridicule et la drôlerie involontaire d'un qui se la joue à l'intello (allant même jusqu'à nous parler de "défi de la postmodernité").

Il faudrait lui dire que la postmodernité a fait long feu depuis belle lurette... et qu'il devrait peut-être tenter sa chance avec la notion d'hypermodernité, qui est un peu moins kitsch.

Quoique.


Le plus beau des couteaux de poche: le laguiole.

Je laisse monsieur Valls à ses lectures pour lancer une invitation destinée aux parisiennes et parisiens, ou assimilé(e)s, qui se lèvent assez tôt.

Ce lundi 23 mars, à 9 heures, à la 29e chambre du TGI de Paris, sis, comme il se doit, au palais de justice de Paris, aura lieu le procès de cet inquiétant et énigmatique personnage que l'on nomme "le pique-niqueur aveyronnais", qui sera jugé pour des tas d'actes délictueux: insulte, rébellion et port d'arme de sixième catégorie.

Les gens qui ont, comme monsieur Valls, de bonnes lectures qu'ils n'ont jamais faites, qualifieraient les aventures de notre pique-niqueur aveyronnais de "surréalistes". Le 31 janvier, à la fin de la manifestation des soutien aux inculpés de l'antiterrorisme, à Paris, notre camarade s'était avisé de casser une petite croûte, place Denfert-Rochereau, où le cortège se dispersait. Il fut semble-t-il dérangé par les forces de l'ordre, ce qui, on le conçoit, a pu entrainer quelques protestations de sa part. Ces protestations furent, comme il est de règle désormais, assimilés et enregistrées au titre d'insultes et de rébellion.

Les récits (très rares) de l'aventure ne sont pas très précis sur le menu de notre pique-niqueur: on a parlé de saucisson, on parle maintenant de jambon... Toujours est-il, et cela n'a pas échappé aux forces de répression, qu'il ne pouvait se restaurer qu'en faisant usage d'un couteau de sa région, un laguiole...

C'est pour cette raison irréfutable qu'il fut inculpé de port d'arme de sixième catégorie...

samedi 21 mars 2009

L'humour aggravé de madame Boutin

Le ci-devant cardinal Ratzinger, qui a pris le pseudo de Benoît XVI, histoire de bloguer à l'aise, commence à râper les genoux de monsieur Juppé, dont les bottes sont célèbres mais ne montent pas jusque là. Je m'en réjouis.

Monsieur le pape, durant son périple africain, nous aura donné un florilège de sa pensée.

Comme je prends l'affaire en marche, je le retrouve, éclatant de blancheur, sous le soleil de l'Angola, au deuxième jour de sa visite dans ce pays. Il a célébré une messe dans l'église Sao Paulo de Luanda, qu'on a récemment restaurée. Il y a donc prononcé un sermon ou une homélie où, nous dit-on, il a souligné que l'évangélisation restait une exigence pressante pour l'Eglise catholique, aujourd'hui comme hier. Il en a profité pour appeler les catholiques de cette région du monde à travailler à la conversion des adeptes de la sorcellerie.

Je ne sais pas quelles méthodes de persuasion va recommander le Vatican, qui est au pape ce que le gouvernement est à monsieur Sarkozy. Beaucoup d'expérimentations ont été menées dans l'histoire de l'Eglise, et dans le domaine de la lutte contre la sorcellerie, qui est un exercice illégal de la religion reposant sur une concurrence déloyale, les inquisiteurs ont laissé des manuels qui pourraient être utiles dans ces contrées.

Vous gardez le masque pour le musée des Arts Premiers,
et vous brûlez le reste.

La veille, dans un discours à la présidence de la république angolaise, monsieur le pape avait abordé un sujet plus habituel de la part d'un haut dignitaire de l'Eglise catholique, apostolique et romaine: l'avortement.

Il n'est pas pour.

Et ça le préoccupe grandement.

Parce qu'un pape, n'est-ce pas, ça ne peut pas se contenter de se préoccuper de ses propres fesses...

Son discours s'est cependant distingué des discours habituels en mettant en question toute forme d'avortement, y compris thérapeutique. Ce qui prouve qu'il n'y a pas lapsus, c'est que:

Le texte officiel du discours diffusé par le service de presse du Vatican précisait que le pape se référait à l'article 14 du protocole de Maputo, une charte sur les droits des femmes en Afrique adoptée en 2003 par l'Union africaine.

L'article 14 appelle à "protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé, en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus".

Devant la montée des indignations diverses, le Vatican s'est vu obligé de faire une hypocrite mise au point, de manière à ce que tout cela paraisse un peu plus flou, mais tellement plus humaniste...

Selon le père Lombardi, "l'Eglise catholique accepte l'avortement quand la mort du fœtus n'est pas voulue mais la conséquence de soins prodigués à la mère".

Ceci dit, j'ai un faible pour cette belle expression juridique: "protéger les droits reproductifs des femmes".

Depuis toujours la femme africaine porte l'avenir sur son dos,
alors, monsieur pape, faites-en la moitié...

En route pour le Cameroun, qui devait être la première étape de son voyage africain, monsieur le pape a, d'après d'éminents vaticanistes, prononcé pour la première fois de sa sainte bouche le mot "préservatif". C'est anéfé un bien vilain mot pour un monsieur le pape... J'espère que sa grand mère lui avait fait prendre l'habitude, après avoir dit un gros mot, de se laver la bouche au savon noir, en offrant ses nausées à Dieu...

Selon Benoît XVI, le problème du sida «ne peut pas être réglé» avec le préservatif. Mardi, des propos tenus dans l'avion qui l'emmenait à Yaoundé, pour son premier voyage en Afrique depuis son arrivée au Vatican. «Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème», selon le pape.

C'est cette sortie de sa sainte bouche qui a fait réagir notre nouveau camarade Juppé.

Et vous trouvez ça drôle...

Pendant ce temps-là, madame Christine Boutin, qui était en train de songer à obtenir son diplôme de dinde professionnelle honoris causa, en a profité pour faire, sur RTL, cette déclaration:

"Ce n'est pas drôle de mettre le préservatif quand on fait l'amour."

Cette fine observation ne laisse point de m'inquiéter au plus haut point, et ce pour deux raisons essentielles et fondamentales.

La première est que la formulation abrupte de madame Boutin laisse supposer que cette digne militante chrétienne aurait fait l'amour en "mettant le préservatif". Passe encore de faire l'amour avec un partenaire qui vous l'impose, en quelque sorte, mais participer à la chose, c'est doublement contrevenir aux enseignements de notre sainte marâtre l'Eglise.

Il est possible qu'une de ses amies lui ait raconté, mais je me demande si, titulaire d'un ministère, on n'a pas autre chose à faire que de parler de coïts protégés avec ses copines.

La seconde raison d'inquiétude est l'utilisation de cet adjectif "drôle" qui révèle une conception bien peu canonique de l'œuvre de chair.

Je rappellerai simplement que l'union de l'homme et de la femme n'est pas à considérer comme une partie de plaisir, ou une partie de rigolade: cet acte, béni par Dieu et son Eglise, n'est légitime, stricto sensu, qu'en tant qu'acte de procréation. On s'y livrera donc de préférence durant les périodes fertiles de la femme. On pourra tolérer un écart à ce calendrier de manière à contenir l'éventuelle impétuosité de l'époux, mais uniquement pour lui éviter de pécher en allant répandre sa semence en un autre vase. L'épouse, allongée sur le dos sur la couche conjugale, permettra l'intromission du membre turgescent de l'époux, en évitant de prendre une posture trop luxurieuse. Il est conseillé de fermer les yeux et d'écarter les pensées lubriques que le malin pourrait suggérer en récitant un Pater (Noster) pour dix Ave (Maria)...

Madame Roselyne Bachelot a jugé "irresponsable" le bon mot de madame Boutin:

"Je pense que cette réflexion est elle aussi irresponsable", a-t-elle lancé à l'adresse de sa collègue du Logement. "Je ne sais pas si c'est 'pas drôle de mettre un préservatif quand on fait l'amour' mais je sais que c'est absolument dramatique d'être contaminé par le virus du SIDA."

On remarquera que, moins délurée que sa collègue du gouvernement, elle "ne sait pas" si c'est drôle ou pas.

Faudrait peut-être essayer, alors...

vendredi 20 mars 2009

Grand succès de la mobilisation policière

Face à l'indécent triomphalisme syndical qui a suivi la journée d'hier, de fins analystes de la presse écrite ont observé que si les manifestations de cette seconde journée nationale de protestations ont réuni plus de participants en leurs cortèges, le nombre de « vrais » grévistes a au contraire baissé sensiblement.

Nananère !

C'est sur la page du Figaro.fr que, vers 19 heures, j'ai pris connaissance de cette information qui devrait rabattre quelque peu le caquet cacophonique des gros bras et grandes gueules des syndicats irresponsables qui agacent madame Parisot.

Dans sa petite revanche, le Figaro.fr est bien sûr aussi misérable que d'habitude, et se contente d'une approche bien superficielle: s'il y a moins de grévistes, c'est qu'il y déjà moins de travailleurs et déjà plus de chômeurs. Il n'est tout de même pas nécessaire d'avoir fait H.E.C. pour trouver ça. Quand on sait à quel point le chômeur, et cet autre vindicatif ressentimental qu'est le retraité, aime à se promener au soleil de mars en se collant des « casse toi, pauv'con » sur le ticheurte, on comprend tout...


Monsieur Fillon, droit dans ses souliers vernis à semelles surbaissées, est intervenu très rapidement. Il a choisi de répondre à l'aimable invitation de TF1, ce qui est prudent de sa part: là, au moins, il était sûr que la grève n'était pas trop suivie et qu'il allait pouvoir bénéficier des soins attentifs d'une vraie maquilleuse professionnelle, et non d'une intérimaire ayant fait ses premiers essais dans un institut de thanatopracteur.

Il a été fort clair: « C'est la crise, mondiale, la crise , bande de cons. » (Je résume.)

Dans un souci d'apaisement, il n'a fait aucune allusion aux divers outrages proférés par le peuple braillard à l'encontre de monsieur Nicolas Sarkozy. Environ trois millions de personnes échappent ainsi à la rigueur de la loi. On perd trois millions d'euros symboliques, mais on économise trois millions de procès.

Merci, monsieur.

Archive: c'était un 18 mars, place de la Nation.
(Manifestation contre le CPE)

A l'heure où monsieur Fillon intervenait si magnanimement, madame Alliot-Marie demandait à ses troupes, place de la Nation, à Paris, d'appliquer sa géniale stratégie à peine révisée: on se met bien en évidence, on répartit bien les "civils", on prend quelques canettes sur le casque, on gaze, on cogne, on interpelle.

Et après, on compte: trois cents personnes arrêtées*.

Comme je suppose que les brigades cuirassées de CRS ont respecté la consigne demandant de bien repérer, isoler et neutraliser les meneurs, et comme on nous apprend que cinq cents personnes s'en sont pris aux forces de l'ordre, je ne suis pas loin de conclure qu'il y a décidément une très forte proportion de meneurs.

C'est quasiment l'anarchie...


* Bien sûr, il est inutile de chercher des informations sur cette opération de police dans la presse...