samedi 28 mars 2009

La révolte qui couve

Accoutumés que nous sommes au défilement des images animées, nous voyons cette photographie comme une courte séquence filmée au ralenti. L'absence de profondeur de champ, le cadrage rapproché de l'image, et le bougé de la prise de vue nous obligent d'une certaine manière à ajouter un peu de flou temporel, à épaissir l'instant, à en faire un bout d'histoire.

On ne fait pas de bonne omelette socio-économique sans casser des œufs.

Je regarde donc rêveusement des mains soigneusement manucurées protéger un visage du dégoulis glaireux d'un œuf qui vient de se casser en frappant un crâne ovoïde assez dégarni...

C'est rare chez moi, mais je ne ressens aucune sympathie pour cet homme humilié. Je n'ai même pas retenu son nom et sa fonction.

Seulement de l'indifférence. Mais sans commune mesure, j'en suis sûr, avec la sienne.

Car je n'oublie pas que cette petite histoire n'est qu'un épisode de la longue patience des ouvriers bernés de l'usine Continental à Clairoix...

Oui, patience.

Un œuf, c'est encore bien gentil.

Pas plus sympathique en emballage d'origine.

Cette photographie m'est parvenue au moment où s'accentuait l'obscénité des discussions besogneuses et hypocrites sur les rémunérations patronales, les stock-options et les parachutes dorés. On a suffisamment délayé le "débat", pour une fois, afin de faire comprendre au bon peuple que l'on tenait à satisfaire son intense besoin de justice, tout en restant d'un réalisme sans erreurs ni fautes.

On a ainsi vu apparaitre, au fil des discussions, une sorte de Société Protectrice des Riches Producteurs de Richesses, qui voudrait nous faire accroire qu'appauvrir les riches dirigeants serait comme sacrifier nos poules aux œufs d'or...

Car il n'aura échappé à personne que nos very important golden persons se distendent chaque matin les sphincters pour nous pondre un authentique lingot d'or...

Je veux bien le croire, mais j'ai bien peur d'être le seul.

2 commentaires:

Marianne a dit…

Non, non , nous sommes deux à croire à la ponte d'un lingot d'or chaque matin par un génial créateur de richesses, moi aussi j'y crois . Dommage que cela ne marche pas pour les licenciés de ces généreuses entreprises , nous aurions des photos de personnes accroupis tout sourire en lieu et place de photos de désespérés avec le poing levé .

Guy M. a dit…

J'ai un peu le sentiment que vous commencez aussi à perdre la foi...
,
Non