mercredi 18 mars 2009

L'OTAN prévoit d'envahir Strasbourg

Pour le cinéphile repenti, devenu quasiment cinéphobe, que je suis, l'évocation de cette grande chose qu'est le commandement intégré de l'OTAN, que nous devons réintégrer sur talonnettes, ne peut que susciter les images délirantes et grand guignolesques, mais artistiquement justes, du centre de décision et de commandement que Stanley Kubrick a filmées pour son Docteur Folamour (Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb). Je vais même jusqu'à imaginer l'irruption du président français dans cette assemblée pour y annoncer notre décision unanime et démocratique d'y revenir prendre notre place, et y recueillir les congratulations qui lui reviennent pour avoir accompli cet acte courageux, ainsi que les sourires entendus qui devraient suivre son vibrant et incongru plaidoyer pour la constitution d'une défense européenne...


Cette annonce devrait être faite au sommet du soixantième anniversaire du Traité de l'Atlantique Nord, qui se tiendra à Strasbourg et Baden-Baden, durant le premier ouiquende du mois d'avril.

Un contre-sommet se réunira en parallèle et devrait culminer dans une manifestation internationale le samedi 4 avril à Strasbourg.

Le conditionnel est de rigueur, car il est évident que les autorités préfèreraient que cette manifestation « Non à la guerre – Non à l'OTAN » ait lieu beaucoup, beaucoup plus loin, vers l'île de Sein, par exemple.

Les strasbourgeois sont plus ou moins informés du fait que la survie sera pour eux assez difficile. Deux « zones rouges » ont été découpées dans la ville, dans lesquelles la circulation libre sera pratiquement impossible: je recommande instamment aux habitants de ces zones qui envisagent de nous faire un malaise cardiaque d'aller faire un petit séjour en Normandie. Les zones rouges sont entourées de zones orangées, où la circulation sera un peu plus aisée, mais strictement surveillée. Les habitants ont reçu un courrier les invitant à venir retirer des passes nominatifs, leur permettant de se déplacer, et au mieux de rentrer chez eux. Ils doivent pour cela renseigner des fiches, où on leur demande notamment s'ils envisagent de recevoir des amis chez eux, et qui, et que, et quoi... Certains riverains ont reçu la visite de fonctionnaires leur conseillant, sans vouloir les commander et sans vouloir les déranger, de fermer leurs volets... Les lycées et collèges de la zone seront fermés, et probablement l'université. Des hélicoptères sonoriseront le ciel, où glisseront majestueusement les drones français et les dirigeables allemands, équipés des plus fines caméras actuellement disponibles.

Vous comprenez bien qu'à côté de cela, une banale visite présidentielle en banlieue, s'il y en avait, serait de la petite bière.

Ce que n'est pas la bière d'Alsace...

Mais c'est que c'est important, l'OTAN !

Et puis tellement pacifiste...

La concurrence étant devenue assez forte dans le domaine de la production de massacres – dans les pays du Sud, on vous fait ça à la machette - , les organisations militaires, vous l'aurez remarqué, se présentent maintenant comme productrices de paix, et de son maintien. Si vis pacem, para bellum, et toutes ces sortes de fadaises...

Mais il est intéressant de savoir ce que peut entendre par « paix » un cerveau militaire à plein temps. A mon humble avis, on n'est pas trop loin de la notion en tarabiscotant un peu la vieille blague de notre camarade Clausewitz: la paix, c'est encore la guerre, avec exactement les même moyens. Ce qu'un cerveau civil à plein temps considère comme la paix n'est autre que cet état transitoire, voire même illusoire, qui est celui du vainqueur.

Rester en paix, c'est donc gagner toujours la guerre, et surtout celle du futur. La gestion de guerres éloignées du sol national, d'opérations de protection, de sauvetages, a jusqu'à il y a peu suffit. On pourrait songer à rendre cette doctrine plus performante en améliorant son efficacité: il est possible qu'au sommet de l'OTAN on évoque la possibilité d'utiliser effectivement des armes nucléaires dans des cas à préciser... aussi larges que possible, hein, on n'est pas là pour rigoler non plus.

Mais l'invention de la menace terroriste a conduit à envisager une doctrine qui est une sorte de grand rêve paranoïde: l'intervention proactive, opposée à la tardive intervention rétroactive.

Il s'agirait, par exemple, par un travail d'analyse d'un nombre considérable de données, d'agir avant qu'un réseau terroriste ne voit le jour, avant même qu'il ne s'organise et ne se pense comme réseau...

Sachant que la paranoïa s'accorde très bien avec l'exercice de facultés intellectuelles bien supérieure à la moyenne, et que l'OTAN est aussi une fourmilière de grands cerveaux qui ont renoncé au prix Nobel de la Paix, on peut trouver cela bien excitant...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Euh…

Docteur Folamour, I suppose ?

(Y a des jours comme ça…)

Marianne a dit…

Conclusion si Mam n'avait pas demandé à la police d'intervenir à Tarnac c'est l'OTAN qui serait intervenue ?
Ah non puisque pour l'instant nous ne sommes pas à jour de nos cotisations puisque nous avons stoppé notre abonnement . Je vais peut être refaire une lecture plus lente de votre billet !

Guy M. a dit…

@ JBB,

Yes, man !

(Chez moi, ça dure parfois des années.)

@ Marianne,

Notre Mam n'a pas encore bien intégré la "doctrine", j'en ai peur.

Cependant, l'idéal dans la lutte otanesque contre le mal aurait été de contrer la reprise de l'épicerie de Tarnac, par exemple.

Anonyme a dit…

Pauvres Strasbourgeois ! Un camp retranché... Voilà qui ne saurait que plaire à notre petit parano... De la police à gogo. souhaitons seulement qu'il n'y ait pas d'affrontements car cela risquerait de faire très mal. Il y déjà eu un mort à Gènes il y a quelques années.

Tout ça en plus pour que la France réintègre le commandement intégré de l'Otan. Un strapontin. 42 ans après que de Gaule en ait claqué la porte. l'UMP ne peut plus de dire gaulliste, sauf une petite frange qui rue à peine dans les brancards.

Guy M. a dit…

Les strasbourgeois ont une certaine habitude des contraintes dues à la présence des instances européennes, mais là, je crois qu'ils vont découvrir du nouveau.

J'aime bien l'image du strapontin: très réaliste.