vendredi 30 mai 2008

Salon du Livre Libertaire

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Juste une très brève pour rappeler la tenue du Salon du Livre Libertaire ce samedi de 10h à 20h, et ce dimanche de 10h à 16h, en l'espace d'animations des Blancs-Manteaux, au 48 de la rue Vieille-du-Temple (Paris quatrième, Métro Hôtel de Ville).


La notion de "programme" de ce salon a donné lieu à une polémique malintentionnée de la part d'une blogueuse estimée (que l'on avait connue de meilleures foi et humeur), aussi ne reviendrai-je point sur ce point.

Cependant, je tiens à confirmer ma présence sur les lieux. Bien que, à la suite d'un accord commun entre mon éditeur et mon médecin habituel, la parution de mes Aphorismes Posthumes ait été reportée sine die, je me ferai un plaisir de signer pour tou(te)s les admirateurs/trices présent(e)s un bon pour valoir ce que de droit, leur permettant d'obtenir un exemplaire dédicacé de mon ouvrage, et ce, le jour venu, dès la sortie du Père Lachaise.

jeudi 29 mai 2008

Le retour du plombier

"La plomberie mène à tout, à condition de sortir un tube..."
Joe Cocker, Entretien inédit.



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Monsieur Sarkozy, qui semble confondre la présidence européenne avec un nouveau terrain de jeux tout neuf où imposer ses lubies trépignantes, vient d'annoncer son intention de faire une importation massive de plombiers polonais en état de fonctionnement.

Je n'ai pas de tuyaux particuliers sur l'état de la plomberie hexagonale, mais ma légendaire et atavique prudence me fait craindre un engorgement rapide des canaux d'emploi dans cette belle profession.

Nos naïfs plombiers, piégés par les belles promesses sarkostiques risquent de se voir proposer des emplois de réadaptation: par exemple dans la gastroentérologie, ou la chirurgie viscérale, domaines où la France manque cruellement de spécialistes... De tout façon, ils n'auront pas à se plaindre: ils garderons les mains dedans.



PS1: A la suite d'un regain, sous forme aigüe, de ma feignasserie chronique, j'ai omis de vous parler du petit déjeuner au Livarot de madame Sarkozy-Bruni... J'ai failli "culpabiliser grave", mais j'ai pu entendre que le très estimé Didier Porte, la caution de gauche de la gauche du monarchiste tendance ridicule Stéphane Bern, avait très bien fait cela... sur France inter, hier.

Je me réserve de faire un billet lorsque le couple Sarkozy se verra offrir un petit déjeuner aux tripous aveyronnais... ce qui ne saurait tarder.

PS2: Je suis obligé de faire court, mais c'est pour vous laisser le temps de lire les quatre billets de Françoise.

lundi 26 mai 2008

Robuste constitution

"Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
Article 35 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
préambule de la Constitution de l'an I (1793).



Pour une fois, on a gagné quelque chose!

Je veux bien sûr parler de la Palme d'Or du festival de Cannes qu'on attendait depuis 21 ans.

Pour arroser ça, je vous offre un petit florilège musical sur notre hymne national.

J'ai évité de vous mettre la version pour malentendants de Mireille Matthieu et la version pour malembouchés de Michel Sardou, mais j'ai trouvé celle du célèbre XV de France qui décape pas mal non plus.

Je regrette beaucoup de ne pas avoir trouvé sur la toile, qui est un peu trouée par endroits, un florilège des interprétations de la Marseillaise par nos hommes et femmes politiques. Les plus âgés parmi nous se souviennent avec beaucoup d'émotion, qui n'a rien de patriotique, des versions de Raymond Barre ou de Valéry Giscard d'Estaing… Pas de traces. Dommage!

Sic transit gloria mundi.

Et ploum ploum tra lala.

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Je ne sais pas si la Constitution de la Cinquième République dit que la Marseillaise est bien notre hymne national, et j'ai décidé que cela me laissait indifférent… Dans le cas contraire, je pourrais toujours consulter ce site de l'Université de Perpignan, où se trouvent réunis les textes des constitutions françaises.

De toute façon, je crains que cette interrogation ne soit d'une extrême futilité face aux projets de "réforme" de la Constitution, sur lesquels le peuple français ne sera pas appelé à se prononcer.

Seuls en effet les parlementaires et les sénateurs feront à nouveau le voyage à Versailles (mais qu'y a-t-il à Versailles qui les attire à ce point ?) pour épargner au bon peuple le souci de réfléchir à l'encadrement constitutionnel des pouvoirs dans notre démocratie modèle. Grande économie de paracétamol et d'aspirine! Champagne à la Sécu!

Si malgré cela vous voulez réfléchir un peu à ce qui se prépare, ne perdez pas votre temps à me lire, mais allez plutôt sur le blog Republicæ , lire les billets intitulés Changement de régime et postés par Françoise aux-talents-innombrables (elle mérite bien cette épithète homérique!) A son talent d'illustratrice (certains dessins valent un long billet), Françoise réunit l'art de décortiquer un article de presse (ici un entretien avec Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris I, paru dans le Contre-Journal) , d'y accoler des références pertinentes qu'elle semble seule à pouvoir trouver sur la toile et d'y joindre, parfois avec beaucoup de malice, des citations qui éclairent les convergences ou contradictions.

Elle nous promet quatre billets… Les trois premiers sont disponibles en passant par votre fournisseur d'accès habituel…

Bonne lecture.

samedi 24 mai 2008

Le croissant du dimanche

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Au train d'enfer où vont les réformes jugées nécessaires par les quelques têtes de pioches qui se croient appelées à gouverner et par les quelques têtes de manches qui se croient autorisées à donner leur avis, j'éprouve quelques difficultés à me projeter dans l'avenir, moi-perso-tu-vois-au-niveau-de-mon-ressenti.

Mon indécrottable optimisme ayant rapidement repris le dessus, j'ai affiné mes projets de carrière et je puis vous annoncer que tout est quasiment près pour les finaliser.

Tous les bilans de compétence que mon administration d'origine m'a fait subir l'ont révélé de manière éclatante, je possède un rare talent à savoir m'occuper sans rien faire. Aussi j'envisage de profiter pleinement de mes loisirs, sans partir à la recherche d'un emploi-senior, inexistant dans ma spécialité. Au besoin, je pourrais faire clodo (et non SDF, c'est pas un mot ça, SDF). J'ai repéré, dans le XXième arrondissement de Paris, un banc que le libéralisme socialiste de monsieur Delanoé n'a pas encore remplacé par une machine à sous et à vélibs. Situé devant une boulangerie plus ou moins pâtisserie, on y profite en hiver de bouffées de chaleur parfumées, et en été, ce n'est pas pire qu'au Soudan. Il est actuellement occupé par un charmant clodo, qui a un faux air de Joe Cocker barbu, et qui y fume avec délectation un petit cigare en faisant la conversation avec les habitués. Je pense que nous pourrions partager ce banc, s'il accepte la présence de mon chien.

Car je compte bien faire l'acquisition d'un chien, accessoire indispensable pour réaliser un de mes rêves qui est d'appliquer à la lettre l'emploi du temps hebdomadaire que le regretté Boby Lapointe chantait ainsi:

Revanche

Le Lundi je mendie
Le mardi je mendie
Et l'mercredi, et le jeudi
Le vendredi, le samedi

Mais quand qu'c'est qu'c'est dimanche
J'paye un croissant au chien
Le chien lui il s'en fout...
Ça ou du pain...

Mais le bourgeois qui passe
Sur le trottoir d'en face
Ça le fout en pétard
C'est rigolard
Et j'en jouis
Toute la nuit
Jusqu'au lundi !

Et l'lundi je mendie... bof...



Heureux chien!

Heureux, lui qui s'en fout ("ça ou du pain"), car le croissant, notre croissant, est gravement menacé, comme nous l'apprend Isabelle Saporta dans son article L'éclipse du croissant paru dans Marianne.


Mais plutôt que de vous donner un extrait de cette prose assez peu croustillante, je préfère vous citer amplement un extrait de la méditation que Jacques Roubaud à consacrée à l'idéalité du croissant au beurre dans son Grand Incendie de Londres (Editions du Seuil, 1989).

(…) L'idéal du Croissant (et il s'agit, bien entendu, du croissant parisien, le croissant provincial, dans toutes les villes où je l'ai essayé, est un désastre), le croissant qu'on pourrait désigner comme Croissant au Beurre Archétypal, présente les caractéristiques suivantes: losange très allongé, arrondi aux bouts mais de corps à peu près droit (le Croissant Ordinaire, et lui seul, a l'allure ottomane, lunaire) - doré - dodu - pas trop cuit - pas trop blanc et farineux - tachant les doigts à travers le papier pelure qui l'enveloppe, ou plutôt le soutient - de chaleur récente (il est sorti du four il y a peu; il n'est pas encore refroidi), (réchauffé, ce qui est bon peut-être pour les "quiches", ou pour les volailles, ou pour ces discoïdes innommables que les Français appellent "pizzas", il croustille, ce qui est horrible, et il rancit, à cause du beurre).

Il se compose de trois membres principaux, de trois compartiments de chair articulés l'un à l'autre, recouverts d'une carapace tendre, qui l'apparente au jeune homard. La partie centrale est, dans cet homomorphisme croissant-homard, le corps du crustacé, les parties extrêmes sont des pattes sans pinces. C'est un homard extrêmement stylisé, un Homard Formel, en somme. Pour que le croissant soit parfait, il faut qu'en tirant sur les "pattes" elles se détachent du "corps" avec facilité, entraînant, chacune, avec elle une excroissance oblique et effilée de chair intérieure de croissant, soustraite à la partie centrale, extraite en quelque sorte sans effort de l'intimité même encore chaude du croissant, sans miettes, sans bruit, sans déchirements. Je revendique, hautement la découverte de cette correspondance, morphisme structural (du moins je n'ai pas encore trouvé de "plagiaire par anticipation") que je propose de baptiser loi de Roubaud du Croissant au Beurre.


Le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo

"Aussi quand tu partis, Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d'une banquette de troisième classe, l'enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m'en allant dans ma chambre en l'hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d'égorgement en bas dans la cuisine me chassa de l'éblouissement de la rue, et plus tard cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ?"
Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan,
traduction de Stephen Spriel,
avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l'auteur*.



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Oaxaca.

Pour un membre encore pratiquant de la secte des admirateurs de cet insurpassable roman de l'amour fracassé qu'est Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, le nom d'Oaxaca évoque d'abord cette lettre désespérée que le Consul n'a jamais envoyée et que Laruelle, son ancien rival, découvre dans un livre de poèmes élisabéthains un an après la mort du Consul, un an après qu'on eut "jeté un chien mort après lui dans le ravin"…


Malcolm Lowry


Avec une bonne volonté naïve et respectueuse, nous appliquions à prononcer au moins quelque chose comme: Oua-Ra-Ka…

Je fus donc proche de l'étranglement, par passage oblique d'un bout de biscotte tentant une fausse route, lorsque j'entendis, en 2006, monsieur Alexandre Adler commencer une chronique aussi prétentieuse, filandreuse et ennuyeuse que d'habitude sur les événements secouant une ville mexicaine qu'après avoir un peu bafouillé, il se décida à nommer Ouatt-Chou-Ka. D'où je pus conclure, après avoir beaucoup expectoré pour extirper le malencontreux bout de biscotte qui menaçait d'obstruer mes voies respiratoires, que monsieur Alexandre Adler n'était pas de ma paroisse**.



En ce temps-là, le "triste mot" d'Oaxaca résonnait comme un espoir, fragile et menacé, dont d'autres voix que celle d'Alexandre Adler nous donnaient des nouvelles…

Ces autres voix parlaient à côté des voix officielles et convenues des télés, radios et journaux, et à leur insu probablement, car nous ne risquions pas l'indigestion d'informations au sens usuel sur les développements des événements d'Oaxaca. La révolte de quelques gueux d'instituteurs mexicains et la tentative d'auto-organisation de toute une population de crève-la-faim ne méritait guère de mobiliser des moyens pour envoyer un journaliste sur place…

C'est tellement banal, n'est-ce pas, une revendication salariale affreusement catégorielle! Que les instituteurs d’Oaxaca se mettent en grève pour demander l’alignement de leur salaire sur celui de leurs collègues des autres États du Mexique, c'est limite vulgaire, non ?. Le gouverneur du coin, Ulises Ruiz, homme à poigne, corrompu, lance une attaque contre ces grévistes: 92 blessés. Moins de cent, coco, tu fais une brève, et pas trop longue, la brève (il faut de la place pour Sarko qui va parler).

Pourtant les assaillants sont repoussés par l’intervention de la population solidaire qui s'organise. Ce qu'on appellera "la commune d’Oaxaca" vient de naître.

Parmi ceux qui envoyaient vers notre vieux monde des nouvelles d'Oaxaca, il y avait un certain Georges Lapierre, grand connaisseur des peuples amérindiens, témoin direct et engagé, dont on pouvait lire sur la toile les courriels commençant invariablement par "Bien le bonjour d'Oaxaca!".

Ces courriels sont repris dans le livre La commune d'Oaxaca, chroniques et considérations que viennent de publier les éditions Rue des Cascades***.



Mais le livre est plus qu’une compilation de témoignages au jour le jour: il comporte trois parties, préfacées par Raoul Vaneigem, qu'il est toujours intéressant de retrouver. La première partie regroupe les réflexions très substantielles que Georges Lapierre propose pour analyser sans complaisance ce qui s'est passé à Oaxaca, ce qui a réussi, ce qui a échoué… La seconde partie (qu'on aura peut-être intérêt à lire d'abord, pour se remettre les faits en mémoire) donne le récit des journées du 29 septembre 2006 au 26 janvier 2007. La troisième partie est un ensemble de documents qui donnent la parole à d’autres sources concordantes.


"Ils veulent nous obliger à gouverner, nous n’allons pas tomber dans cette provocation."
Bombage dans une rue d'Oaxaca,
cité par Claudio Albertani



* Une autre traduction, de la plume de Jacques Darras, est parue sous le titre Sous le volcan, en 1987, aux éditions Grasset. Mais pour les "anciens", la traduction de Stephen Spriel (alias Michel Pilotin), et de Clarisse Francillon, avec l'aide un peu embrumée de Malcolm Lowry, est inoubliable.

** Simple confirmation, en réalité. J'ai un peu honte du manque de subtilité de mon intellect, mais monsieur A. Adler n'a pour l'instant réussi à nourrir mes profondes méditations que le jour où il énonça cette contrepèterie belge: "Il fait beau et chaud". (Si ça ne vous fait pas rire, c'est que vous avez bien fait de ne pas vous présenter à Normale Sup, vous auriez été un peu décalé-e dans ce milieu)

*** Editions Rue des Cascades. 32, rue des Cascades, 75020 Paris. Courriel: ruedescascades@no-log.org Distribution et diffusion: Court-Circuit. 5 rue Saint-Sébastien, 75011 Paris.
Il faut signaler aussi le hors série de CQFD, qui est peut-être épuisé… On peut prendre contact avec eux et consulter quelques archives par là (site de CQFD).

D'autres informations peuvent être consultées ici (site du CSPCL) et là (Site de la revue Divergences)


PS:A suivre…

20 mai 2008: Texte et photo extraits du site de RFI

Oaxaca

Comme si l'histoire se répétait, 5 000 enseignants, soutenus par l'APPO, l'Assemblée Populaire des Peuples de Oaxaca, ont organisé un campement rotatif, sous toile de plastique multicolores et carton, sur la place centrale de Oaxaca et les 20 rues adjacentes. Ils ont averti que si leurs revendications ne sont pas satisfaites, ils empêcheront la tenue de la Guelaguetza, un événement folklorique et commercial qui lance la saison touristique.

Cette grève de 70 000 professeurs, qui touche 13 000 écoles et plus d'un million d'élèves, est largement suivie dans les 7 régions de l'Etat. Les enseignants bloquent les routes, les ponts et les péages des autoroutes. Ils réclament de nouvelles élections syndicales pour évincer leurs dirigeants corrompus et surtout l'application des accords souscrits en octobre 2006 par le président Felipe Calderon.
Les hôteliers et restaurateurs de Oaxaca craignent que la situation ne dégénère et ne fasse fuir les touristes. Pour les rassurer, le gouverneur Ulises Ruiz a déclaré qu'il n'y avait aucun conflit avec le syndicat et que les négociations étaient en cours.

vendredi 23 mai 2008

L'art belge du coup d'Etat

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C'est en allant servir la France au Zaïre (anciennement Congo Belge, désormais République Démocratique du Congo) que j'ai découvert que les histoires belges étaient vraiment nulles.

En voici une que j'ai entendue in situ (j'ai effectué une légère mise à jour sur les détails contingents).

Dans une boucherie anthropophagique de Bruxelles*, une brave mère de famille demande de la cervelle pour son enfant. Le commerçant lui demande, bien sûr, si elle préfère de la cervelle de wallon ou de la cervelle de flamand**, en ajoutant "chacun ses goûts mais faut savoir, une fois***, ce qu'on veut" et en lui montrant son étal. On y trouve effectivement de la cervelle wallonne à 99,50 euros le kilo et une cervelle flamande à 1099,95 euros le kilo. La ménagère s'étonne d'une telle différence de prix observable dans un pays où l'économie est régie par la bienheureuse "main invisible" d'une saine situation de marché concurrentiel. Après avoir maugréé quelques banalités d'usage sur les charges sociales et les directives européennes, le boucher lui explique enfin: "…et puis, sais-tu, des têtes de flamand, une fois, faut en ouvrir beaucoup pour trouver une cervelle dedans."****

* Les Belges sont très contents d'avoir eu de féconds "échanges" culturels avec leur ancienne colonie.

** Rappelons aux plus incultes que la belgéité (qu'il ne faut pas confondre avec la belgitude) se décline en deux principaux groupes linguistiques (voire ethniques).

*** Pour faire couleur locale, j'utiliserai cet inutile marqueur de belgitude par deux fois.

**** Elle est pas bonne, hein!


Nota Bene: J'ai choisi de vous donner la version wallonne de cette blague. Elle existe aussi en version flamande, mais cela m'aurait obligé à ajouter des sous titres, et ça je ne sais faire.




Aux histoires belges , je préfère de loin les Belges qui font l'Histoire, et parmi eux, j'ai une admiration particulière pour la magnifique figure d'emmerdeur de Jan Bucquoy qui vient d'échouer dans sa quatrième tentative de coup d'Etat, devant le Palais Royal de Bruxelles. Cette tentative, d'abord solitaire et comportant un assaut sportif du Palais Royal, est devenue annuelle et se déroule "traditionnellement", comme dit la presse belge, le 21 mai.


Voici quelques images (un peu lointaines…) de la calme tentative de cette année.






De bien belles images, quand même, comme on aimerait en voir plus souvent aux portes de l'Elysée…


Comme la presse.be reproduit à qui mieux mieux le même article sur les faits, que ce soit ici ou , je vous le copicolle:

"Que faut-il faire pour que les gens bougent autrement que par des grèves formelles?"

L'artiste anarchiste belge Jan Bucquoy, accompagné d'Arne Baillière et Jan Hertogen, a tenté pour la quatrième fois, mercredi à 14 heures, d'occuper symboliquement le Palais Royal à Bruxelles. Arrivé dans le jardin du Palais Royal, il a été interpellé pour avoir franchi la zone neutre interdite à toute manifestation. Bucquoy et ses deux acolytes ont été emmenés dans une cellule de l'Amigo de la police de Bruxelles et ont été auditionnés à partir de 16 heures.

"Nous étions venus prendre le pouvoir et transformer le Palais en logements sociaux. Le coût de la vie devient impayable pour la population, mais malheureusement les gens ne réagissent pas. Je suis déçu par le nombre de participants à ce coup d'Etat. Que faut-il faire pour bousculer ce monde et que les gens bougent autrement que par des grèves formelles? Il faut pouvoir mobiliser les gens comme à l'occasion de la Marche blanche en 1996", a déclaré Jan Bucquoy depuis sa cellule.

"Les élections ne servent à rien, sinon ce ne serait pas toujours les mêmes qui reviendraient. Si elles servaient à quelque chose, elles seraient depuis longtemps interdites. Nous voulons redistribuer le pouvoir aux caissières du Delhaize et aussi aux policiers qui sont utiles. Le pouvoir serait plus représentatif. Ces gens connaissent la réalité du terrain contrairement à 95% des parlementaires qui sont mauvais comptables", a-t-il ajouté.

Jan Bucquoy estime que l'occupation des lieux stratégiques est la meilleure méthode pour renverser le pouvoir. Le cinéaste de 62 ans propose d'attribuer le pouvoir, le travail, le logement ou encore les héritages selon le principe de la loterie. (belga/7sur7) 21/05/08 17h20

jeudi 22 mai 2008

Fabrication artisanale de la peur

"La peur va valider l'Etat. L'opération électorale incorpore la peur et la peur de la peur à l'Etat,
en sorte qu'un élément subjectif de masse vient valider l'Etat. Disons que, après cette élection,
l'élu, Sarkozy très probablement, sera légitime au sommet de l'Etat d'avoir fait son beurre de la peur.
Il aura alors les mains libres, parce que, dès que l'Etat a été investi par la peur, il peut librement faire peur.

La dialectique ultime est celle de la peur et de la terreur.
Virtuellement, un Etat légitimé par la peur est habilité à devenir terroriste."

Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom? , Nouvelles Editions Lignes, 2007.


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Aujourd'hui, je vais m'associer solidairement au mouvement de grève nationale à la manière de Radio-France: pas de contenu éditorial, rien que la pub.

La première pub est pour l'ami Eric Hazan, qui publie dans Politis de ce jour (donc le numéro 1002, qui n'est pas en ligne), une tribune où "il montre en quoi l'anti-terrorisme est une technique de gouvernement visant à éliminer par la force les cellules rebelles de l'organisme social" (Je cite le "chapeau" de son article).

Le voici tel que le donne Indymedia-Paris-Ile de France.


Les habits neufs de l'ennemi intérieur

En France aujourd'hui, le nombre augmente sans cesse de ceux pour qui "ça ne peut pas durer", de ceux pour qui "ça va mal finir". Quand les banques perdent des fortunes, quand on tire au fusil sur la police dans les banlieues, quand on trouve alternativement dans la rue des magistrats, des lycéens, des chauffeurs de taxi et des sans-papiers, il y a bien de quoi s'inquiéter. Et, comme souvent en pareil cas, le réflexe de l'oligarchie est de créer un ennemi intérieur, pour recueillir l'assentiment général dans le resserrage de son dispositif militaro-policier.

C'est dans Le Figaro (8 juin 2007) que paraît le premier article sur les "anarcho-autonomes", reprenant sans état d'âme un communiqué des Renseignements Généraux. Notons en passant que le doublet est un procédé policier habituel pour désigner des groupes à la fois dangereux et repoussants, judéo-bolcheviques, hitléro-trotskistes, islamo-fascistes. Dans ce numéro, on apprend que "les autorités s'inquiètent de la résurgence de groupes extrémistes [...] qualifiés d'anarcho-autonomes par les services de police". Il s'agit de former le profil de la menace, de forger un sujet responsable des actions qui ont entouré l'élection du Président - attaques de locaux de partis politiques, confrontations avec la police, émeutes organisées. Il s'agit de répandre l'idée d'un partage séparant la population, incarnée par son gouvernement, de quelques individus dangereux qu'il faut neutraliser dans l'intérêt de tous.

L'article date donc de juin 2007. Puis vient le "mouvement" contre la loi Pécresse dans les universités. Une vague d'occupations incontrôlées se répand, sur la simple base de la haine politique contre le nouveau régime. Les organisations militantes ne sont pas seulement débordées, elles sont souvent exclues, inadéquates qu'elles sont pour lutter contre un monde qui leur ressemble tant, un monde de gestion et de manipulation. Et comme il faut bien donner un nom à ce qui vous échappe, les organisations commencent à voir partout se propager le péril autonome. Hallucinées, elles imaginent des "totos" partout. A voir le président de Science-Po Grenoble frapper à la barre de fer un malheureux partisan du blocage, on en vient à redouter qu'il ait été lui aussi, homme si doux par ailleurs, atteint du terrible virus.

Le dispositif est en place, il ne reste plus qu'à le nourrir. On arrête donc à Toulouse, dans les derniers jours de novembre 2007, trois jeunes gens transportant en voiture un engin explosif. Deux sont déjà fichés comme "anarcho-autonomes". On trouve chez eux un exemplaire de L'Insurrection qui vient, livre publié chez La Fabrique, et un exemplaire du second numéro de la revue Tiqqun. En janvier 2008, c'est le tour de deux jeunes parisiens, fichés eux aussi: ils sont arrêtés alors qu'ils se rendent à une manifestation contre le centre de rétention de Vincennes. Dans leur voiture, des fumigènes artisanaux. Enfin, quelques jours plus tard, deux automobilistes, dont l'un connu des services comme "anarcho-autonome", sont fouillés et trouvés en possession de chlorate de soude, d'un livre en italien détaillant la fabrication de bombes, et d'un plan de l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville.

Le 2 février 2008, c'est au tour du Monde de se prêter à l'opération médiatico-policière: l'article est intitulé "Les RG s'inquiètent d'une résurgence de la mouvance autonome". La veille, dans Le Figaro, la ministre de l'Intérieur récitait d'ailleurs, avec sa maladresse de vieille fille, la leçon apprise: "Depuis plusieurs mois, j'ai souligné les risques d'une résurgence violente de l'extrême gauche radicale."

La vérité de l'opération policière en cours, c'est ce versant médiatique. Un système qui ne se maintient plus que par l'inflation de ses forces de police doit donner des rebelles une image haïssable: ce sont évidemment "des terroristes" - terme qui désignait, je m'en souviens parfaitement, les combattants de la Résistance à la radio de Vichy. Mais si nul n'a jamais réussi à produire une définition incontestée du "terrorisme" - tant il est vrai que le terroriste de l'un est toujours le résistant de l'autre -, on sait bien ce qu'est l'antiterrorisme, au nom duquel sont poursuivis les huit individus mentionnés plus haut. D'après les lois antiterroristes françaises, ce qui qualifie une infraction de "terroriste" n'est pas intrinsèque à l'infraction. Ici, c'est l'intention qui compte, dès lors que l'on est "en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Ainsi, les détenteurs de fumigènes dont j'ai parlé ne seraient pas incarcérés à l'heure actuelle s'ils n'avaient pas été préalablement fichés aux RG, s'ils n'étaient pas déjà tenus pour des individus dangereux. De même, c'est par pure construction policière que le chlorate de soude et le document italien sont devenus une bombe "en puissance", destinée à faire sauter la prison pour mineurs de Porcheville.

En réalité, l'antiterrorisme n'a rien à voir avec le "terrorisme". Il s'agit d'une technique de gouvernement visant à éliminer par la force les cellules rebelles de l'organisme social. C'est pourquoi nous devons soutenir les subversifs récemment arrêtés : au moment où l'on s'attend à des troubles graves, leur incarcération préventive est une pure manœuvre d'intimidation menée par la police politique. Ne la laissons pas sans réponse.

Eric Hazan, éditeur, directeur de la maison d'édition La Fabrique.




Et puisqu'Eric Hazan parle amplement de cette résurgence des "anarcho-autonomes" suivie avec l'attention du bon élève pas trop critique par nos journalistes à la langue basse, passons à une réclame pour le dossier "Mauvaises intentions" que vous pourrez télécharger à cette adresse ou encore à celle-là. Vous y trouverez regroupés les articles parus dans la presse, ainsi que des compléments substanciels (textes juridiques, tracts, affiches…)



Comme toutes les pubs sont désormais suivies d'un avertissement culpabilisant le "consommateur", j'ajouterai:

Attention! Après avoir lu cela, vous ne pourrez plus dire "Je ne sais pas où on va, mais on y va."

Car vous en devriez avoir au moins une idée…


PS: Une dernière information, pour mes voisins de l'est parisien (et les autres).
Les 23, 24, 25 mai 2008, se tiendra au Lieu-Dit, 6, rue Sorbier- Paris 20ème, le premier salon du livre indépendant, "Lire, écrire et résister", avec des discussions et rencontres entre lecteurs, éditeurs, auteurs et libraires.

Voir le programme à cet endroit.

mercredi 21 mai 2008

Confiture mi-figue mi-raisin pour Frédéric Beigbeder

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Il faut reconnaître à monsieur Frédéric Beigbeder, écrivain, un certain panache. Son art de tirer à la ligne, même sur le capot d'une voiture en stationnement, mérite toute l'admiration qu'on doit accorder à un neuilléen de naissance.

Mais j'avoue que ses ouvrages me tombent des mains au bout de, disons, une page (ou deux, si c'est imprimé pour mal-voyant). Ses apparitions télévisées, où son louque de cradingue sortant de sa douche fait fureur chez les dames écrivaines qu'il reçoit, ne me réconcilie pas avec son talent…

Cependant.

Cependant, je tiens à exprimer à monsieur Frédéric Beigbeder, écrivain, ma profonde gratitude pour avoir su publier, alors qu'il prenait des responsabilités éditoriales chez Flammarion, le premier roman de Lola Lafon, Une fièvre impossible à négocier (maintenant en poche J'ai lu, dans la collection Nouvelle Génération).

Mais, j'avoue que si j'avais su que le roman de Lola Lafon avait été le premier livre publié par cette baudruche de Beigbeder en tant qu'éditeur, je ne l'aurais sûrement pas lu…

Mais, voyez-vous, les voies du destin sont incontrôlables.




Lola Lafon et Leva
Photo Stéphane Lavoué (2006)



Le destin, en la personne d'un très cher et très estimé jeune homme, m'a d'abord mis dans les mains et sous les yeux le second roman de Lola Lafon, De ça je me console, chez Flammmarion (2007). Le livre n'a pas quitté sa place, bien en main et dans la zone "vision rapprochée" de mes variluxe antireflets, jusqu'à la fin de ma lecture.

Je me suis étonné (mais pas trop, quand même) que nos excellents critiques parlent si peu de ce livre où, avec ses phrases qui murmurent, ses phrases qui hurlent, ses mots qui cognent ou caressent, Lola Lafon tresse en amitié et en colère les vies de ceux et celles qui refusent encore toute résignation et toute soumission. Un livre prenant, qui s'inscrit dans la vie vécue et la vie écrite, en rendant hommage à l'oncle fictif Pierre Goldman (l'auteur de Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France), et au père* Henri Lafon (le spécialiste du XVIIIème siècle, l'auteur de Crébillon sur Danube)…



Lola Lafon et Loic Lantoine
Completement à l'ouest


Au deuxième acte, le destin avait le grand sourire rayonnant de E. qui, devant la Rôtisserie Sainte Marthe, sans me brusquer, m'a bien fait comprendre que mes admirations littéraires, c'était bien gentil de ma part, mais qu'il fallait absolument que je lise le premier roman de sa copine Lola. Et elle avait bien raison.

C'est un livre écrit, après, par une "âme décousue" qui a rejoint les squats et les groupes antifascistes. Après un viol par un "homme insoupçonnable", "un garçon cool, impassible et éduqué, en tennis blanches", qui a voulu entendre "oui" quand elle disait "non".

"Ne tirez pas de conclusions primaires sur moi.
Je ne suis pas triste.
Je ne sais pas
Comment continuer à vivre
Avec ce qu'il a fait
C'est tout."


C'est un livre décousu de fait, car la vie de la narratrice l'est, mais c'est un livre qui a été composé, arrangé, harmonisé, sur des accords précis, sonnants ou dissonants, sur des motifs choisis, avec ou sans variations, et qui finalement donne un morceau de musique qui ne respecte assurément pas les normes des grandes compagnies (ce n'est pas une musique qui "se laisse écouter"), mais qui se fait entendre aussi clairement que possible… comme la voix de la chanteuse Lola Lafon, une voix jeune, voire juvénile, mais vibrante et capable de recueillir et exprimer les révoltes et les espoirs de ceux qui disent "NON" et veulent que l'on entende "NON".

Bref, un livre pour maintenant** et après…




* En réponse à un questionnaire un peu débile, Lola Lafon glisse cette remarque superbe: "Mon père est mon père par inadvertance, il était l'Ami, il ouvrait toutes les routes , et même, il les inventait."

** Le "maintenant" de Lola Lafon (programme de lectures, de concerts, etc…) est en partie en ligne sur son blog et le site de Lola Lafon et Leva.


free music


PS1: Lola Lafon sera présente au salon du Livre Libertaire, les 31 mai et 1er juin, à l'espace des Blancs-Manteaux, 48, rue Vieille-du-Temple.

PS2: Vous pouvez lire une nouvelle de Lola Lafon à cette adresse.

mardi 20 mai 2008

Un beau dimanche

free music


Un de mes anciens petits camarades de l'Eduk-Nat, à qui pourtant j'avais adressé le faire-part de naissance de mon blog, vient de découvrir cet admirable objet virtuel, et profite de son courriel semestriel (ce garçon écrit lentement…) pour me reprocher avec une certaine acidité son caractère non quotidien. J'ai assez longtemps partagé avec lui les fauteuils de la salle fumeur d'un lycée de province, où il venait parfaire son sevrage tabagique en inhalant les volutes de mes roulées, pour savoir que ce grief n'est que le masque d'une profonde inquiétude, que doit renforcer chez ce sensible cycliste les récents manquements observables dans la tenue de mes chroniques.

Je dois, hélas! répondre que ce blog est en train de subir une mutation printanière assez douloureuse: insensiblement, par la force des choses et du destin, il va prendre une forme intermittente et aléatoire.

A mon âge, on ne peut pas tout faire!

Dimanche dernier, par exemple, j'aurais aimé assister aux diverses actions organisées pour célébrer la Commune de Paris par les sept librairies indépendantes de l'est parisien , mais je n'ai pu que voir la barricade de livres s'élevant devant la mairie de XX°, place Gambetta. J'ai raté la fanfare, les lectures, l'orgue de Barbarie. Mais, tout ça n'empêche pas, Nicolas, que, si Mai68 est bien mort, la Commune, elle, n'est pas mo-o-orte!



Place Gambetta, 18 mai 2008



Si j'ai abandonné la place Gambetta, c'est que j'avais promis de représenter quelques anciens collègues à la manifestation des enseignants et parents d'élèves d'Opéra à Bastille. Et en pensant très fort à ces forçats qui, armés de leur bic rouge (ou vert, c'est moins traumatisant selon les dernières découvertes en psychopédagogie) étaient en train de terminer la correction de leur ultime bac blanc, je me mis en route…

J'ai fini par retrouver la célèbre blogueuse Flo Py après une valeureuse partie de "téhoulà". Le "téhoulà", qui est un jeu utilisant deux téléphones portables en état de marche, est assez éprouvant pour un vieillard en formation, à demi-sourd en cas d'appel, et fort déficient du pouce pour répondre en texto… mais le dieu qui préside aux incertaines rencontres entre blogueurs était avec nous.

Il y a pour moi un grave inconvénient à suivre une manifestation avec Flo Py: elle marche très vite, d'un pas ample, souple et aérien, sans fatigue apparente. Je suis obligé de me cramponner à ce qui me reste de souffle et de dignité pour ne pas me laisser distancer, en espérant qu'un point de vue, une perspective, un groupe, une attitude, un visage vont attirer son attention de photographe et provoquer une pause pour quelques poses.

Car Flo Py est une photographe de talent, qui fait voir ce qu'on n'a pas vu, ou ce qu'on avait cru voir.

Ses photos de la manifestation se trouvent dans cet album de son blog.


D'autres très belles photos se trouvent sur le blog collectif la Fleur au Fusil.

mardi 13 mai 2008

Futurs souvenirs de mai 08, en vrac

"En mai, fais ce qu'il te plaît… Essaye un peu, pour voir!"
La sagesse des nations, inédit
.




free music


Comme je n'ai pas de souvenirs pittoresques de Mai 68, et que cela m'a beaucoup desservi dans ma vie privée et ma vie professionnelle (si ça se trouve je pourrais être député européen franco-normand…), j'essaye de faire le maximum de choses à chaque joli mai nouveau.

La récolte de souvenirs est bien meilleure cette année qu'en 2007, mais il reste beaucoup à faire.

Alors, en prenant la méthode camion-benne:

1) Ecouter de toute urgence l'émission Répliques du 10 mai "Mai 68: quel héritage et pour qui ?", où l'on peut entendre Alain Finkielkraut s'opposer à un groupe décidé à lire un texte en les traitant de "goujats", puis de "crétins" (quelle montée de la tension dramatique!). Il faudrait que j'aille jusqu'au bout.

2) Faire un billet sur cet immonde article du Point "Les nouveaux combattants de l'ultragauche", que je vous conseille de lire. Je me console de mon manque de sérieux en lisant les commentaires qui suivent l'article et qui expriment mon avis beaucoup mieux que je n'aurais pu le faire.

3) Ne pas oublier de faire enfin un billet sur le blog indispensable d'Olivier Bonnet, qui fonctionne à nouveau à plein régime de sérieux journalistique et d'intelligence. Signaler par la même occasion la sortie de son livre: Sarkozy, la grande manipulation. Et lui adresser le grand coup de chapeau qu'il mérite.

4) Aller voir l'exposition de Patti Smith à la Fondation Cartier, ça ne me rajeunira pas, mais ça ne me vieillira pas non plus.

5) Rencontrer Pierre Bouvier (auteur de Le lien social, Gallimard, collection « Folio Essais », 2005) au Local, 18 rue de l'Orillon, 75011 Paris, métro Belleville (Dimanche 18 mai à 17h00 - Entrée libre)

6) Participer à la construction d'une barricade de livres, le 18 mai à partir de 11h, au Père Lachaise (entrée rue des Rondeaux, non loin du mur des Fédérés), pour célébrer l'anniversaire de la commune de Paris.

6bis) Eventuellemnt, aller à la
 Manif "Contre la casse des services publics", jeudi 15 mai, 14h30, à Place d'Italie (direction Bastille, puis République)

 Manif des enseignants et des parents d'élèves, dimanche 18 mai, à 13h30, à Opéra.


Et j'en oublie encore sûrement… Merci à Flo Py de m'avoir signalé deux omissions impardonnables.

Pour ceux que tout cela n'intéresse pas (et aussi, les autres), vous pouvez toujours tomber/retomber en état amoureux. Ce sont des choses qui se font, au mois de mai, et d'après l'almanach luni-solaire de Michel le jardinier, c'est la meilleure saison.

"Le monde des amants n'est pas moins vrai que celui de la politique.
Il absorbe même la totalité de l'existence,
ce que la politique ne peut pas faire.
"

Georges Bataille
(vu placardé sur certains murs de Paris.)

De Viris Illustribus (2)

"Tout est dans tout, mais sûrement pas pour n'importe qui."
Guy M, Aphorismes, Œuvres préposthumes (à paraître)



A fin d'édification de ma petite bécacousine au second degré, je voudrais vous livrer, en copié-collé-emballé-et-pesé, tiré des "vies" de Michel Foucault*, cet intéressant "biographème" (ainsi que disait le gentil, charmant et onctueux Roland Barthes dont l'étonnante virtuosité dans la sodomisation indolore des mouches littéraires a fait la gloire).

Le narrateur est Claude Mauriac, "fils-de"**, ancien secrétaire du général de Gaulle, écrivain ,  critique de cinéma, chroniqueur au Figaro, auteur d'un grand montage de son journal intitulé Le Temps immobile… L'extrait suivant trouve place à la fin du tome 3 du Temps Immobile, sous-titré Et comme l'espérance est violente.

L'époque est celle de l'interminable fin physique de cet archétype de la crevure majuscule que fut (et restera) le caudillo Francisco Franco***.

En 1975, onze hommes et femmes sont condamnés à mort par la "justice" franquiste.



Goya: El garrotado
(Le caudillo aimait beaucoup ce supplice)




Un groupe de protestataires a rédigé une pétition et obtenu les signatures d'André Malraux, Pierre Mendès France, Louis Aragon, Jean-Paul Sartre et François Jacob. Ils ont décidé de porter le message physiquement à Madrid et d'y donner une conférence de presse…

22 septembre 1975, Claude Mauriac raconte:


6 h. Salon Madrid, au 15e étage. Un bar-salon de thé paisible. La plupart des journalistes sont déjà là, - toutes les agences étrangères sont représentées et il y a quelques confrères espagnols. Les clochers, les dômes, les toits pressés, les Cortès ou l'ancien Palais-Royal (je ne sais plus) dans la poussière du soleil. Derrière une autre fenêtre, les vieux toits de tuiles rousses. Quelques amoureux prennent le thé. Nous sommes dans un coin. Nous attendons. J'aimerais que l'on commence le plus vite possible, en cas d'arrivée de la police, mais les autres préfèrent que l'on attende d'éventuels retardataires; nous y allons enfin, nous nous présentons, je dis quelques mots, dont ma phrase sur la "justice terroriste". Yves Montand lit notre texte en français; nous n'aurons pas la possibilité de le faire lire en espagnol par Régis Debray; quelques policiers en civil de la Seguridad ont fait irruption, nous ne les avons vus qu'au moment où leur chef, à la petite moustache de Charlot cruel, nous a intimé l'ordre de nous taire et de rester assis - les journalistes et nous. Nous n'en continuons pas moins, par brèves interventions. CostaGavras me passe, griffonné sur un bout de papier le numéro de téléphone de l'ambassade de France. Il sert d'interprète. Foucault demande:

"Nous sommes donc en état d'arrestation?"

Réponse :

"Vous n'êtes pas arrêtés, mais tout le monde doit rester assis, personne ne doit bouger"

Foucault a un principe: obliger les flics à aller jusqu'au bout de leur travail, ne pas le leur faciliter... Devant le barrage des flics en civil nous prenons acte de notre arrestation de fait.

Ainsi le message de Malraux, d'Aragon, de Sartre, de Mendès France, de François Jacob a été lu à Madrid et remis à Madrid à la presse. Aucun journaliste ne pourra avant un certain temps donner la nouvelle. Mais le correspondant d'une agence a diffusé notre texte avant de venir.

L'attente est longue, oppressante.

Nous avons à la main, roulés, ceux des tracts que nous n'avons pas distribués. Le chef des inspecteurs en civil intime l'ordre à Michel Foucault de lui remettre les siens. Il refuse. L'autre insiste. Il y a un bref affrontement, - qui nous paraît très long. Michel ne veut pas céder. Il ne s'y résigne, à la fin, que sur mon intervention pressante, à demi-mot. Après quoi je dépose moi-même sur la table sans qu'on me les ait demandés, les exemplaires que je tenais...

... Ainsi donc j'aurai vu deux fois, dans ma vie, Michel Foucault résister à des flics, avec la même pâleur, la même ardeur. (Comme je me serai trouvé deux fois avec lui dans une voiture de police aux fins grillages tressés. Mais nous n'en sommes pas encore là...) .

... Michel Foucault, de faible devenu puissant et de courtois, inquiétant - tel que je l'avais déjà vu une fois face à des flics français - des C.R.S. -, dressé plus témérairement encore devant ces flics espagnols de la Seguridad, face à leur chef à la petite moustache dérisoire et à l'air cruel, Michel Foucault pâle, tendu, frémissant, prêt à bondir, à jaillir, à passer à l'attaque la plus inutile, la plus dangereuse et la plus belle, d'autant plus admirable dans son refus, son agressivité, son courage que, l'on sent (que l'on sait) qu'il s'agit chez lui d'une réaction physique et d'un principe moral: l'impossibilité charnelle de subir le contact d'un policier et de recevoir un ordre de lui...

Il murmure, à mon intention, avec honnêteté :

"S'il avait eu une mitraillette, j'aurais cédé plus vite, naturellement..."



Faut-il te le grasseyer, petite cousine?

Réaction physique et principe moral: l'impossibilité charnelle de subir le contact d'un policier et de recevoir un ordre de lui...





* Bien sûr, M. Foucault préférait la vie des hommes infâmes… Mais j'espère que les foucaldiens purs et durs me pardonneront ce clin d'œil à sa mémoire.

** C'est un "état" assez recherché de nos jours. Le cas de Claude Mauriac mériterait d'être médité.

*** Penser que j'ai été pendant près d'un quart de siècle le contemporain de cette ordure me fait mal… Ce mal a été ravivé récemment par la lecture de Moi, Franco, un très grand livre de Manuel Vásquez Montalbán.
 
 

lundi 12 mai 2008

De Viris Illustribus (1)

free music

"Tout est dans tout, mais peut-être pas n'importe comment"
Guy M, Aphorismes, Œuvres préposthumes (à paraître)


A Paris, j'ai une cousine au second degré, que je vois épisodiquement, lorsque son extrême jeunesse veut bien accorder quelques instants à mon grand âge barbichu.

Suite aux effets conjugués des efforts éducatifs des hussards grisâtres de notre ministère de l'Education et des parutions insistantes des numéros spéciaux du magazine Télérama, c'est elle qui m'entraîne dans les salles des Musées Nationaux (c'est bien du dévouement de sa part et pour cela elle mériterait qu'on l'honore du grand cordon de chevalier des Arts et des Lettres).

De notre dernière "sortie", je garde en mémoire peu de traces des objets minuscules "scénarisés" comme il se doit par un éminent "muséographe", mais je garde un souvenir un peu désagréable de la grogne présénile qui me prit en passant le portique d'entrée vigipiratassisté.

L'employé idoine, malabar bodibildé, me fit d'abord vider sur un plateau de self-service le contenu métallique de mes poches (mon couteau à cran d'arrêt, les clés de mes appartements et hôtels particuliers, mon ciseau à barbiche, mon peigne à moustache et le nécessaire de survie en euros, doubleuros et eurocentimes…), puis me fit déposer mon élégant sac à dos dégriffé sur la table. Provincial intimidé par ce luxe de précautions, je me soumis à tout cela sans râler, mais sans m'en réjouir non plus…

Ce qui provoqua un léger excès de sécrétion de mes hormones coléreuses fut la demande, en termes courtois, qui me fut adressée d'ouvrir moi-même les diverses fermetures de mon sac. Je risquais alors de mettre sérieusement en cause une grande partie de l'ascendance du préposé à la sécurité, du conservateur en chef du musée et même, je l'avoue, de diverses personnalités proches du pouvoir… quand ma chère cousine, avec son air de sainte nitouche soumise, me demanda de m'arrêter, car je n'étais pas crédible (sic).

Certes.

Certes, ma colère un peu surjouée n'était pas crédible (malgré ma ressemblance frappante avec Alain Delon, ma carrière d'acteur-vedette fut très courte). Mais ce que cette petite bécasse de cousine, gavée depuis son entrée en maternelle de la bouillie de la citoyenneté responsable, voulait vraiment dire, c'est qu'il n'est pas crédible qu'un citoyen rassis (elle m'appelle souvent "tonton croûton") puisse s'indigner qu'on lui demande de prêter la main à l'acte même qui le rend publiquement sinon suspect, du moins suspectable.

Que répondre à ma cousine au second degré, cette pauvre petite dinde, lorsqu'elle me rétorqua dialectiquement qu'en acceptant d'ouvrir moi-même mon sac, je ne faisais qu'affirmer mon état sans reproche face aux exigences de la loi (qui doit s'appliquer à tous) ?

Simplement que je ne vois pas pourquoi j'aurais à procéder à cette affirmation, et que, fondamentalement, je n'ai aucun désir de n'avoir rien à cacher. Citoyen, s'il le faut… mais pas nécessairement citoyen transparent, et pour commencer sûrement pas citoyen contrôlable à chaque coin de rues et à tout bout de champs. Si je veux bien marcher droit, ce n'est pas au sens de la rectitude du trajet indiqué par les flèches, mais au sens de ma propre verticalité.






Cette photo a été trouvée par le plus grand des hasards
sur le blog de la Section Socialiste de l'Ile de Ré

dimanche 11 mai 2008

Le Matricule des Anges, encore

free music






Chaque début de mois, la motocyclette jaune du facteur m'apporte, en plus du "bonne journée" qui est devenu le souhait normé que s'adressent désormais à toute heure du jour les citoyens efficaces, l'inestimable Matricule des Anges, mensuel de la littérature contemporaine et surtout, pour moi, revue de découvertes littéraires, publié dans la bonne ville de Montpellier par une fine équipe dirigée par Thierry Guichard.
 
Je dois au Matricule une aventureuse extension de ma bibliothèque dans le domaine de la littérature bien vivante, avec si peu de "déchets" que je me dis qu'il doit y avoir entre eux et moi une sorte d'affinité... Toujours est-il que j'ai dû renforcer certains de mes rayonnages avec des étais de maçon laqués carmin, ce qui donne à ma bibliothèque une touche très contemporaine et même absolument hyperpostmoderne.

Dans sa dernière "livraison", comme on dit peut-être encore, le Matricule des anges consacre un dossier à Antoine Emaz.

Comme je ne connais pas grand-chose à la littérature, je découvre. Et mieux, puisqu'il s'agit d'un poète, je rencontre…

J'ai profité d'un séjour parisien pour faire un élégant saut capricant sur le boulevard du Montparnasse, à la librairie Tschann, où l'on peut encore trouver des livres de poésie…




Et après avoir lu Peau (aux éditions Tarabuste) et Lichen, lichen (aux éditions Rehauts), je crois pouvoir dire que j'ai fait plus que rencontrer la poésie d'Antoine Emaz, mais que j'ai pu la rejoindre dans ses mots, ou que ses mots ont pu me rejoindre dans mes sensations.

En dire plus aborderait les rives de ma biographie, et je ne suis pas là pour ça.

Seulement ceci, pour marquer un accord au moins sur "le monde" :

"Ce monde est sale de bêtise, d'injustice et de violence; à mon avis, le poète ne doit pas répondre par une salve de rêves ou un enchantement de langue; il n'y a pas à oublier, fuir ou se divertir. Il faut être avec ceux qui se taisent ou qui sont réduits au silence. J'écris donc à partir de ce qui reste vivant dans la défaite et le futur comme fermé. S’il n’est pas facile d’écrire sans illusion, il serait encore moins simple de cesser et supporter en silence. Donc... J’aime à penser la poésie comme un lichen ou un lierre, avec le mince espoir que le lierre aura raison du mur."



Si vous voulez découvrir Antoine Emaz et lire quelques uns de ses textes (poésies ou notes sur son travail poétique)
1) Achetez le Matricule des Anges de ce mois;
2) Consultez le dossier de Remue.net;
3) Et ce dossier de Esprits Nomades;
4) Allez voir votre libraire, il doit au moins pouvoir vous trouver Caisse claire (Points Seuil) qui propose une anthologie des poèmes de 1990 à 1997.



mercredi 7 mai 2008

Blog en jachère

free music


Ma condition de gentilhomme-jardinier (ou encore de gentleman- gardener, ainsi qu'essaierait de dire monsieur Fillon) va me conduire à laisser ce blog en friche pour quelque temps. J'entends bien les lamentations qui s'élèvent dans les chaumières en prenant leurs grands airs de polyphonies bulgares agrémentées de mélismes arabisants, mais la conjoncture économique me pousse inéluctablement à remettre en culture forcée mon potager de neuf mètres carrés. Certes, sa surface est idéale (pile-poil!) pour le transformer en "studette" pour étudiant(e) parisien(ne), opération qui serait d'un meilleur rapport financier, mais à Trifouillis-en-Normandie, l'étudiant(e) parisien(ne) ne court pas les champs.





Le document qui précède vous montre l'état de la parcelle que j'ai destinée à la production des juteuses tomates de l'été. Un examen superficiel de la chose devrait vous convaincre qu'un travail acharné à partir de ce jour et jusqu'à la Saint Raffarin (anciennement lundi de Pentecôte) ne sera qu'un minimum. J'espère qu'alors l'inflammation du sciatique droit, la déchirure musculaire du fessier gauche, et surtout les ampoules et cals récoltés sur les paumes délicates de mes mains de feignasse (comme on dit par chez nous) ne m'empêcheront pas de reprendre mes activités régulières de blogueur au dixième degré. Mes billets seront peut-être seulement un peu plus courts, car il faudra bien que je me libère de temps en temps pour aller arroser, mais conserveront cet esprit délicat et nuancé qui a fait passer ce mois-ci mon blog de 7023ième place à la 7017ième au classement Wiwikikéla dans la catégorie des moins lus par la cellule de surveillance de l'Elysée ( ce qui devrait changer, suite aux efforts méritoires de mémé Kamisole).


Les amateurs d'agronomie amusante pourront observer ci-dessous un beau bouquet de poireau perpétuel qui a encore l'air en bonne forme, ainsi qu'une belle montée en graine de quelques pieds survivants d'oseille large de Belleville (évidemment, on connaît mon attachement viscéral à cette belle colline où la main de l'UMP a tant de mal à prendre pied - doivent pas arroser...).



Cette digression involontaire me donne l'occasion de rappeler que se tiendra le 8 mai, à partir de 15 heures, place de Ménilmontant, à côté de l'église, le déjà célèbre petit bal sauvage de la commune libre de Bellevill'Montant, dont l'édition 2007 fut malheureusement endeuillée par l'annonce, en catimini, et sur la base d'informations en provenance de Suisse ou de Belgique, de l'entrée en agonie du modèle social français.
 

Cette année, sous un ciel sans nuages, les heureux présents, dont je ne serai pas, pourront voir (et entendre), en toute temporaire insouciance, combien Riton la Manivelle est grand.

mardi 6 mai 2008

Un autre anniversaire en mai

"Etre se prend en plusieurs acceptions…"
Aristote, Métaphysique, livre Gamma,2.
(Version un peu personnelle)




Soirée du 6 mai 2007
Musique Mazzy Star





«Je dois vous dire que je ne respecte absolument pas le suffrage universel en soi, cela dépend de ce qu'il fait. Le suffrage universel serait la seule chose qu'on aurait à respecter indépendamment de ce qu'il produit ? Et pourquoi donc ? Dans aucun autre domaine de l'action et du jugement sur les actions on ne considère qu'une chose est valide indépendamment de ses effets réels. Le suffrage universel a produit une quantité d'abominations. Dans l'histoire, des majorités qualifiées ont légitimé Hitler ou Pétain, la guerre d'Algérie, l'invasion de l'Irak… Il n'y a donc aucune innocence dans les majorités "démocratiques". Encenser le nombre parce que les gens sont allés voter, indépendamment de ce que ça a donné, et respecter la décision majoritaire dans une indifférence affichée à son contenu est une chose qui participe de la dépression générale. Parce qu'en plus, si on ne peut même pas exprimer son dégoût du résultat, si on est obligé de le respecter, vous vous rendez compte ! Non seulement il faudrait constater la récurrente stupidité du nombre, mais il faudrait avoir pour elle le plus grand respect. C'est trop !»

Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Circonstances, 4, Nouvelles Editions Lignes, 2007.


lundi 5 mai 2008

... une parenthèse (Comme)

                                                                                          A rêver d'un endroit dans un autre
                                                                                          J'aimerais bien que ma poésie propose
                                                                                          Quelque chose comme cet accord
                                                                                          D'un visage avec un autre.

James Sacré, Un restaurant dans Paris


Au matin du 2 mai, je me suis arrêté pour faire quelques maigres photos dans cet endroit de Paris, en pensant à la suite de poèmes que James Sacré lui a consacrée.





    On dirait que l'aspect du restau change
    Les boiseries les voilà comme si de l'eau sale
    Avait coulé dessus
    Parce qu'on aurait nettoyé les plaques qui disent le nom des rues.
    La toile de l'auvent prend l'aspect
    D'une bâche de chantier. Devant
    Les arbres sont devenus trop grands.
    Tout un arrangement de bacs, avec des plantes,
    Fait comme un buisson tant que bientôt
    Faudra s'approcher tout près
    Pour voir que le restau est là derrière
    Sa boiserie restée plus blanche en bas, mais les bouteilles et les bonbonnes dans la vitrine
    Maintenant cachées par des pampres roux avec des raisins gros bleu
    Qu'on a peints sur la vitre.
    On voit de moins en moins bien,
    Mais qu'est-ce qu'on voulait voir ?


Poème de la suite Un restaurant dans Paris, reprise dans Ecrire à côté, Tarabuste éditeur, 2000.






PS: Sur James Sacré, on peut consulter l'article de Wikipedia , cette note du blog Lumière des jours , cet article de Remue.net sur Un paradis de poussières, le dernier livre de J. Sacré, paru chez André Dimanche.

dimanche 4 mai 2008

Poisson d'avril à retardement au Monde

Toute la France au moins est au courant: "Ils" ont des difficultés au Monde.

Cela doit expliquer pourquoi, à ma connaissance, le Monde n'a pas publié au premier avril de poisson mémorable, genre découverte inattendue d'une série de photos de Carla B. habillée, décès mystérieux de Jean-Pierre E. à son domicile ou remontée spectaculaire de Nicolas S. dans les sondages d'opinion.

Mais le grand quotidien de référence a pu se rattraper avec un délicieux poisson de fin avril délicatement parfumé aux herbes hilarantes, présenté sur son lit de julienne jubilatoire et nappé de sa sauce désopilante émulsionnée au second degré.

Tout à mes préparatifs de départ pour la capitale où je pensais assister aux grandes fêtes commémoratives du quarantième anniversaire de Mai 68, avec intromission de Daniel Cohn-Bendit tout vif et tout cru dans les caveaux du Panthéon, j'avais laissé passer cette occasion de goûter pleinement l'humour printanier de notre grand quotidien.

Heureusement, j'ai reçu un courriel du style "tavussa" d'un de mes correspondants à l'esprit encore alerte, et j'ai vu ça.

«Les "jeunes pop" de l'UMP font la révolution sans faucille (LE MONDE | 29.04.08 | 14h21 • Mis à jour le 29.04.08 | 14h21)

Au départ, en février, c'était juste une boutade lancée lors d'un dîner: "Mai 68 appartient à tout le monde!" Et puis d'échanges de mails en réunions pizza, la blague est finalement devenue une savante OP (opération), avec tracts, affiches, et slogan: "La jeunesse qui bouge a changé de camp." Un pavé volontiers provocateur, lancé lundi 14 avril, par le Mouvement des jeunes populaires à l'UMP, avec le soutien bienveillant des caciques du parti, dans la mare des cérémonies de commémoration.»

Vous constaterez qu'au Monde on n'économise pas les marqueurs linguistique de la "jeunesse" et les clins de zyeux vers un lectorat parfaitement à l'aise dans le second degré.

«Au programme: débats, pique-niques, tournoi de foot... Associés aux jeunes du Nouveau Centre, les "jeunes pop" UMP veulent débattre de Mai 68 au regard des "valeurs de la génération 2008". Les philosophes Alain Finkielkraut et André Glucksmann sont annoncés pour animer certaines de ces rencontres tout au long du mois de mai.»

Je passe sur le tournoi de foot, qui affaibli un peu la plaisanterie, mais je voudrai souligner la drôlerie irrésistible du choix de ces deux noms: Alain Finkielkraut et André Glucksmann. André Glucksmann et Alain Finkielkraut. Arrivé à ce point, en imaginant ces deux croûtons vaticinant à la même tribune, j'ai la rate dans un état de dilatation qui me bloque la respiration.

Plus loin, nous apprenons que le prétendu leader du groupe a trouvé tout seul la très forte formule: "Pas besoin d'avoir une faucille pour être révolutionnaire!" Qu'un soi-disant polytechnicien de 25 ans, affirme qu'en soixante-huit, dans la rue, "(il) y serai(t) allé mais en retard!"

Ma rate se détend, mais j'ai les lacrymales qui se frottent dangereusement avec les zygomatiques, et je pleure comme une madeleine déjantée retrouvant son marcel.

«Ils ont, assurent-ils, monté ce projet tous seuls. "On a amené notre dossier à l'UMP à 9 heures, et à 11 heures, après trois phrases de retouchées, c'était annoncé au point presse", détaille Camille Bedin, 22 ans, étudiante en droit et seule fille de la bande. Jeudi 24 avril, lors de la retransmission au siège de l'UMP de l'intervention télévisée du chef de l'Etat, les neuf de "quarante ans plus tard" étaient savamment placés aux avant-postes pour répondre aux journalistes présents.»


Comme il faut honorer les grands esprits comiques qui font encore preuve d'invention, avec tous les risques que cela comporte dans une carrière journalistique, signalons que l'auteure de ce canular à retardement est Elise Vincent.

PS1: Vous pourrez trouver d'autres renseignements sur ces braves jeunes sur Marianne2 , sur Betapolitique , sur le site de l'UMP et encore, si la rigolade est pour vous un but dans la vie, sur le site de ces jeunes bien propres. (c'est un peu incomplet: j'ai cherché, sans trouver, la photo du tocard qui gérait le budget pizzas).

PS2: Pour vous entraîner avant de les rejoindre, un karaoké par Macaq.