jeudi 28 mai 2009

Relâché

JBB, l'éditorialiste radiophonique de Fréquence Paris Plurielle (FPP), qui officie tous les jeudis, sans pour autant pontifier ni bafouiller, a eu une juste formule pour annoncer la nouvelle en sa chronique du jour:

La libération de Julien Coupat, une victoire du verbe et de la pensée.

C'est bien, anéfé, une pensée serrée, servie par un verbe cinglant, qui a eu raison du juge d'instruction Thierry Fragnoli, qui a fini par craquer et signer une ordonnance de remise en liberté sous contrôle judiciaire.

Le moral du juge F. donnait depuis quelques temps des signes de faiblesse. Il semblait se perdre dans des investigations gesticulatoires assez vaines: arrestation de type ouesterne à Belleville, coup de filet à Rouen, interpellations à Forcalquier...

Selon leMonde.fr:

Il y a quelques semaines déjà, le juge envisageait de libérer M. Coupat dans l'espoir de faire retomber la pression médiatique.

Et mardi soir, le juge F. aurait transmis au parquet une ordonnance directe de remise en liberté, une sorte d'anticipation, en quelque sorte, puisque c'est le lendemain qu'il devait affronter une audition de Julien Coupat.

Et, c'était prévisible, il n'a pas supporté.

Il faut dire, à sa décharge, que l'audition a été très longue: elle s'est terminée à 20h 30, après des heures et des heures d'interrogatoire, retranscrites dans 20 pages de procès-verbal.

La lecture de ces 20 pages nous permettrait de comprendre le calvaire enduré par le juge. Julien C. parle comme il écrit, utilise les mots dans leur sens le plus pur et les assemble avec un certain goût de la formule classique. Il cite couramment des auteurs abscons, en doublant la citation dans la langue d'origine, et recourt à des notions philosophiques subtiles qui n'apparaissent que très rarement dans les cours de l'école de la magistrature.

Le juge F. a bien tenté de réagir. Il a obtenu qu'on le munisse d'une édition du dictionnaire d'Emile Littré qui traînait, inutilisé, au ministère de la Justice. Et monsieur Alain B. lui a trouvé sur internet une histoire des concepts philosophiques en 10 volumes.

En vain.

Hier soir, victime du devoir, monsieur F. a signé.

D'étranges tags se sont épanouis dans le voisinage...

Selon leFigaro.fr (avec AFP), la sortie de prison de Julien Coupat fut beaucoup moins spectaculaire que son arrestation. Autres temps, autres mœurs !

Une Peugeot bleue break, conduite par une femme seule, est entrée à la maison d'arrêt de la Santé avant de ressortir par une issue située à l'arrière du bâtiment, avec Julien Coupat dissimulé dans son coffre, a constaté un journaliste de l'AFP. Peu après, une dizaine de partisans de Coupat ont fait diversion en ouvrant des parapluies devant l'entrée principale pendant une vingtaine de minutes avant de les refermer.

La sortie de Julien Coupat par la petite porte,
vue par un photographe de l'AFP.
Cette image confirme bien que J. C. est une cellule invisible à lui tout seul.

La question qui se pose est, bien sûr, de savoir ce qui a fait plier le Parquet (car on sait bien que le Parquet plie, mais ne craque pas).

Selon des milieux très éloignés de l'enquête, avec lesquels j'ai d'épisodiques contacts à l'heure de l'apéro, le procureur Jean-Claude Marin aurait maintenant trouvé une astuce pour déterminer si Julien Coupat est bien l'auteur du brûlot apologétique du terrorisme d'ultra gauche, L'insurrection qui vient.

Une équipe de spécialistes de l'analyse quantitative du langage vient de se voir confier, par un service de la SDAT, une étude permettant de comparer le texte dudit brûlot avec les écrits de prison que Julien Coupat a imprudemment fait passer au journal le Monde. Cette étude, qui porte sur le vocabulaire et sur les tournures de style, permettra de faire la lumière sur cette importante question.

Durant la journée, afin de faire les réglages les plus fins de leurs logiciels et de tester leurs procédures, les chercheurs ont réussi à déterminer, avec un risque d'erreur extrêmement faible, que Julien Coupat n'était pas l'auteur du discours que monsieur Nicolas Sarkozy a prononcé ce jour.

Le style en était trop relâché.

mercredi 27 mai 2009

Pour sauver rationnellement le monde

Faire la promotion d'un livre que l'on vient de lancer sur le marché en traitant une partie des lecteurs potentiels, ceux qu'il s'agirait de convaincre, d'analphabètes irrationnels, est sans doute une nouvelle méthode de marquétigne, scientifiquement testée dans les laboratoires de mercatique universelle.

C'est celle qu'emploie monsieur Jean-Claude Jaillette, auteur chez Hachette Littératures (sic), de Sauvez les OGM (2009), dans un entretien qu'il a accordé à Sophie Verney-Caillat pour Echo89. L'article, accompagné d'une vidéo, est titré:

« Les anti-OGM, pas accessibles à des arguments rationnels »

Sophie Verney-Caillat nous présente l'auteur, rédacteur en chef du service Société de l'hebdomadaire Marianne, comme un spécialiste des questions agroalimentaires, et ajoute:

Lorsqu'il était à Libération en 1996, il avait participé au basculement des consciences dans l'irrationnel avec ce titre, « Alerte au soja fou ».

On suppose que, depuis, notre auteur a retrouvé la raison, et l'on s'en réjouit pour lui.

C'était un temps de vaches enragées...

Le fait de savoir que Jean-Claude Jaillette est un converti à la cause, permet d'excuser le ton quelque peu excédé qu'il prend dans la vidéo postée sur Eco89. Quant au décousu de l'article, il n'en est pas responsable...

On peut trouver la quatrième de couverture sur le site de l'éditeur, et la présentation se fait plus apaisée:

(...) La production agricole plafonne depuis plusieurs années; la crise alimentaire provoque déjà des émeutes; le prix de l’énergie flambe, sans espoir réaliste de retour en arrière. Sans nouvelle révolution, l’agriculture ne pourra faire face aux besoins, au risque de graves tensions internationales. Passer à côté de ce que laissent espérer les OGM serait suicidaire, à défaut d’être criminel. (...)

Voilà quelques faits incontestables présentés de manière tout à fait rationnelle, nous menant à un tableau apocalyptique d'une très grande nouveauté, qui nous mène à son tour à une conclusion inéluctable: There is no alternative.

On comprend mieux le titre, pour sauver le monde de l'apocalypse agroalimentaire, il faut sauver les OGM.

Criminel irrationnel.

Pour avoir une idée plus précise des arguments avancés dans ce livre, on dispose d'une note de lecture postée par Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS, sur le site l'Association française pour l'information scientifique (Afis). On peut s'y convaincre de la nature éminemment rationnelle des développements de monsieur Jaillette.

Voici un balayage du livre, en trois parties:

La première partie du livre se termine sur la dénonciation d’une "imposture": pourquoi l’activisme contre les OGM de Greenpeace est-il quasi absent aux États-Unis (là où se concentrent 50 % des cultures OGM) et si virulent en Europe (où la culture des OGM est marginale) ? Réponse de l’auteur : une affaire de gros sous pour l’organisation "toujours à la recherche des meilleurs créneaux pour drainer des contributions financières".

La seconde partie dissèque l’accord passé entre Alain Juppé et les écologistes, pour les amener au Grenelle de l’environnement (les OGM contre le nucléaire), les manœuvres du gouvernement et du Sénateur Le Grand (pour aboutir à l’activation de la clause de sauvegarde contre le maïs MON810) et rappelle les insultes de Nicolas Hulot à l’encontre des scientifiques ("nervis des lobbies pro-OGM") opposés à cette interdiction.

J.-C. Jaillette n’est pas plus tendre avec ses confrères journalistes, notamment Paul Moreira, implicitement accusé d’"intox" (au sujet du reportage "OGM : l’étude qui accuse" diffusé par Canal+), et dans la troisième partie, la "grande prêtresse" Marie-Monique Robin, dont il rappelle le passé controversé (son reportage "les Voleurs d’yeux" sur un soi-disant trafic d’organes) et la similitude de méthode utilisée contre Monsanto : une "lecture partielle et partiale [pour] accréditer la thèse".

On voit que les arguments retenus par la lecture de Marcel Kuntz, qui dirige une équipe de recherche fondamentale sur la résistance des plantes aux conditions environnementales et est l’auteur du livre Les OGM, l’environnement et la santé (éd. Ellipses, coll. "Esprit des sciences", 2006), sont d'un indéniable caractère scientifique.

On appréciera l'allusion au "passé controversé" de Marie-Monique Robin, auteure de Le monde selon Monsanto et surtout l'insinuation à propos du reportage Les voleurs d'yeux, qui lui valut une accusation de bidonnage, et un prix Albert-Londres, maintenu par le jury après examen des faits (voir quelques détails ici et ).

J'ai beau relire cette note, je n'y trouve guère d'argumentation scientifique, à part peut-être dans cet extrait du dernier paragraphe:

On pardonnera à l’auteur quelques approximations (exemple : la transgenèse végétale utilise une bactérie passeuse naturelle de gènes dans les plantes, et non un virus) (...)

Ce qui me fait irrationnellement sourire.

Le géant vert qui sauvera le monde.

A côté de ce livre, monument de rationalité, les remarques faites par Marc Lavielle, professeur, actuellement en détachement à l'INRIA Saclay comme Directeur de Recherche, membre du Haut Conseil des Biotechnologies, doivent paraître anecdotiques. Il se contente de rappeler que les analyses statistiques menées à la six-quatre-deux-et-je-calcule-la-moyenne ont peu de valeur scientifique. On peut trouver sur sa page ouaibe le diaporama d'une conférence (je suppose) sur ce sujet, où prenant des exemples d'études publiées sur les risques des OGM, il montre que les conclusions de ces études reposent sur des analyses statistiques trop légères.

(Ces remarques ont donné lieu à un article du Monde, et il revient lui-même sur la question sur le site des matheux du CNRS.)

Il n'est pas impossible qu'un vrai journaliste scientifique se trouve avoir assez de talent pour mettre tout cela à la portée de ses lecteurs.

Cela nous changerait des imprécations prétendument rationalistes.

mardi 26 mai 2009

Relâche

Je ne voudrais pas abuser de votre temps aujourd'hui: vous avez beaucoup mieux à faire que de me lire.

Le Monde ayant obtenu de Julien Coupat des réponses écrites à quelques questions assez banales, mais pas vraiment inintéressantes, il sera plus agréable pour vous d'aller les lire in situ.

Julien Coupat donne à ces questions des réponses pertinentes, sur un ton impertinent dont on peut se délecter.

Le soin qu'il a apporté à son style a eu le don d'agacer prodigieusement certains commentateurs qui sortent de leurs gonds (voir Libération, voir le Figaro).

Cela aussi est délectable...

lundi 25 mai 2009

La puissance de la culture face à la culture de la puissance

Assurément, certains lecteurs abonnés du journal Le Monde ne se laissent pas rouler dans n'importe quelle farine. Ils tiennent à un blutage très soigné. Trouvent-ils un article non signé et titré "L'armée israélienne...", commençant par "La police israélienne...", qu'ils commentent:

L'armée ou la police ? Pourquoi parler d'armée en titre si l'article précise ensuite qu'il s'agit de la police ?

Et pour éviter tout déferlement d'aigreurs, le sérieux journal vespéral corrige:

La police israélienne empêche la tenue du festival palestinien de littérature.

J'ose espérer que cette bourde du digne et respecté journal n'est pas la conséquence d'une traduction hâtive du titre de l'article du Guardian, que le pigiste de service cite dans son introduction:

Armed Israeli police close theatre on first night of Palestinian festival.

Affiches du Festival palestinien de littérature.
Cliquez dessus pour consulter le site dédié au festival.

Le festival palestinien de littérature a été créé en 2008, sous le patronage littéraire de Chinua Achebe, John Berger, Mahmoud Darwish, Seamus Heaney et Harold Pinter. Ne serait-ce qu'en se contentant des indications fournies par les liens ouiquipédiesques, on constate que l'on peut trouver bien plus déshonorant du côté du quartier latin.

Ce festival itinérant, qui doit passer cette année par Ramallah, Jénine, Bethléem et Al-Khalil, devait s'ouvrir par une soirée au Théâtre national palestinien de Jérusalem-Est, le samedi 23 mai.

Selon le Guardian, que j'ai tenté de décrypter jour et nuit depuis hier soir, une douzaine de membres de la police des frontières sont entrés dans l'enceinte du théâtre pour en ordonner la fermeture, au moment même où la réunion commençait. Ces policiers auraient été munis d'instructions, émanant du Ministère de l'Intérieur israélien, interdisant cette soirée, considérée comme une initiative politique des autorités palestiniennes.

Arrivée des gens d'arme...

... en position d'intimidation...

... sous les ordres de ce monsieur.

Dans la confusion qui a dû suivre, il s'est passé un petit miracle: selon le blogue du festival, l'attaché culturel français aurait proposé de se transporter au Centre culturel français, situé dans le voisinage.

Je ne sais pas si les services du Quai d'Orsay apprécieront cette initiative. En tout cas, il y aura toujours un bol de soupe à Triffouillis-en-Normandie pour celui ou celle qui va se faire éjecter dans l'éventualité où monsieur Kouchner nous ferait une grosse colère.

C'est donc dans les jardins du Centre culturel français que l'on disposa de quoi accueillir les participants et les spectateurs. Il fallu improviser une sonorisation, et faire avec quelques coupures inopinées de courant électrique, ainsi que des interventions sonores intempestives de sirènes de la police (très présente dans la rue).

On s'est débrouillé.

J'ai la naïveté d'y voir une belle illustration de l'opposition entre la "puissance de la culture" et la "culture de la puissance", pour reprendre l'expression du grand intellectuel que fut Edward Saïd, citée par la romancière égyptienne Ahdaf Soueif, présidente du festival.

La culture peut toujours bricoler.




D'autres que moi, s'ils s'y intéressent, vous expliqueront à quel point il était important pour la survie de l'état israélien d'interdire cette soirée de lectures, de causeries, d'interventions d'écrivains et d'échanges avec le public.

Mais vous diront-ils que les manifestations culturelles ou simplement festives sont de plus en plus souvent interdites à Jérusalem-Est ou que le centre de presse palestinien qui devait permettre de "couvrir" la venue du pape a été fermé par la police ?

Cependant, ils ne manqueront pas d'analyser le choix de Jérusalem comme capitale de la culture arabe pour 2009, et de vous convaincre que cette désignation est une très grave provocation...


PS: Les images utilisées dans ce billet sont empruntées à la galerie Flickr du festival.

dimanche 24 mai 2009

L'humanisme européen ouvert et indépendant

Comme j'ai rompu assez tôt avec ma correspondante anglaise, mes progrès en la langue parlée en sa contrée ont été très limités, et je ne sais pas trop comment traduire l'expression think tank. J'ai bien essayé d'utiliser "réservoir à pensées", "citernes d'idées", "conteneur de cogitations", je n'ai rien trouvé de bien satisfaisant.

Mes recherches d'un équivalent acceptable ont été, de plus, quelque peu entravées par l'intervention de mon imagination, qui entretient encore d'assez bons rapports avec ma mémoire, et m'a imposé, en fond d'écran, l'image insistante de Coluche arpentant la scène en parlant des "milieux autorisés":

"C'est des endroits où les mecs y viennent pour s'autoriser à penser des trucs" (approximativement).

C'est à peu près l'idée que je me fais d'un think tank.

Une lectrice assidue m'a permis de découvrir un tel endroit où l'on s'autorise à penser. Grave.

A l'entrée, on affiche "l'Europe, notre seule frontière" et on se place sous la protection de Thomas More.

Vous cliquez, et vous entrez dans le vestibule de l'Institut.

Thomas More, né en 1478, mort en 1535, béatifié en 1886 et canonisé en 1935, a été choisi par feu Jean-Paul II, que Dieu se le garde, comme saint patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques. On reconnaît bien là l'irrésistible humour du regrettable Jean-Paul: en plaçant les chefs d'état sous la protection d'un homme qui fut condamné à être pendu, éviscéré et traîné par les rues (mais, au final, seulement décapité), il leur donnait, sous la forme d'un memento Morus ironique, quelques idées des possibilités d'une fin de carrière honorable.

Avant que son chef décollé ne soit exposé sur le pont de Londres, Thomas More avait été un des esprits les plus brillants de cette époque: juriste, érudit, théologien, philosophe, soit un "humaniste" de cette belle période où les européanistes se trouvent volontiers des prédécesseurs, et où l'on s'étripait consciencieusement d'un bout à l'autre du continent.

Thomas More, vu par Hans Holbein (le jeune).
Tempera sur bois, 1527.

L'Institut Thomas More, fondé en 2003, "a pour but d'influencer et de peser sur les débats culturels, politiques, sociaux et économiques contemporains, en vue de promouvoir le bien commun, par le développement de la responsabilité de la personne au sein d'une société et d'une économie libres." Il se présente comme un "Institut européen de réflexion politique, ouvert et indépendant, (qui) veut faire entendre une voix libre et originale, et constituer une force de proposition novatrice et responsable."

Le projet de l'Institut tient en ces quelques points:

- Garantir les libertés fondamentales de la personne humaine
- Revitaliser la démocratie

- Promouvoir la liberté d'entreprendre, la qualité et la création
- Reconnaître les valeurs universelles et celles de notre culture occidentale

Il repose sur douze principes fondateurs que je vous invite à lire en détail.

Au moins deux fois.

La première, normalement, pour prendre connaissance, en suspendant tout jugement.

Et la seconde en chaussant vos lunettes de second degré, celles qui vous permettent de bien savourer la bouillie idéologique des prétendus humanistes de notre temps.

Si cette seconde lecture ne vous fait ni rire ni pleurer, je pense que vous pouvez devenir membre de l'Institut. Téléchargez le formulaire d'inscription, pour les personnes immorales ou pour les personnes morales, selon votre statut. Et n'oubliez pas de payer votre cotisation.


Cliquez et vous verrez...


A partir de la page d'accueil, ou en cliquant ci-dessus, vous pourrez avoir un copieux échantillon des très sérieux travaux de l'Institut. Il s'agit du baromètre des réformes de Nicolas Sarkozy, qui répond, avec toute la scientificité qui s'impose, à cette taraudante et térébrante question: Fait-il ce qu'il dit ?

Le programme du candidat a été découpé en vingt-deux sections, et la progression des réformes promises est évaluée dans chacune des sections par une note sur 20, et agrémentée d'une appréciation. On voit que l'Institut a un peu de mal à s'affranchir d'un modèle scolaire assez infantile.

Vous trouverez la mise à jour du 5 mai 2009.

La note globale obtenue est de 10,5.

La plus mauvaise note (7,5/20) est attribuée à la section Culture et communication, avec ce commentaire: Bonnet d'âne pour la culture.

La meilleure (14,5/20) est celle de la section Immigration et développement solidaire, avec cette appréciation: Une politique migratoire sur les rails.

Mon assidue lectrice, abusée par une notule dans la presse, croyait que cette bonne note était attribuée à un ministre dont, je ne sais pourquoi, elle ne soutient pas l'action.

C'est plus vicelard que cela: la note ne prétend que mesurer, en toute objectivité, l'état d'avancement d'une politique, mais est effectivement lue comme une sanction ou une récompense... Le modèle infantilisant des bulletins scolaires est toujours opérant.

Mes recherches d'une analyse un peu plus pensée, sous un angle humaniste, de la politique des réformes de Nicolas Sarkozy, et notamment de son inhumaine "politique migratoire", ont été parfaitement vaines.

Je n'ai pas dû bien chercher.

Car j'ai du mal à croire qu'un tel constat ne provoque pas, chez les humanistes de l'Institut, de terribles démangeaisons du côté de leurs principes fondateurs.

samedi 23 mai 2009

Le siège de Calais

Assurément l'affaire mérite de passer dans les annales de la bonne ville de Calais, et elle fera peut-être jurisprudence. Elle est relatée par le journal la Voix du Nord, le journal qui fait parfois regretter aux gens du Nord de ne pas être aphones.

L'article, non signé, nous apprend qu'un jeune homme d'une vingtaine d'année vient d'être condamné par le tribunal de Boulogne-sur-Mer à une peine de trois mois de prison ferme, "pour avoir, mardi, en fin de matinée, caressé la poitrine d'une Calaisienne avant de prendre la fuite".

Ces faits, qualifiés d'agression sexuelle, se sont produits lors de la traversée d'une rue d'une zone industrielle, au moment de la rencontre/croisement de la victime et de son agresseur.

(...) La victime se saisit alors de son téléphone portable, appelle à l'aide dans la rue... et provoque la fuite de son agresseur.

Une patrouille de police, présente à proximité, intervient rapidement. La jeune femme monte dans la voiture et une reconnaissance des lieux avec la victime est réalisée. Direction les rues adjacentes à la «jungle».

Pourquoi la "jungle" ? Mais parce que l'agresseur est un "migrant", un Afghan, assure le titre de l'article.

D'ailleurs, la victime reconnait son agresseur, que la police arrête avec une célérité admirable, et qui a été jugé hier.

Au tribunal, si l'on en croit la Voix du Nord qui reproduit ses propos, la victime n'aurait demandé d'autre dédommagement que le nettoyage de la "jungle" de Calais, en déclarant, sur un ton que j'imagine proche de l'hystérie:

Je veux juste qu'ils quittent tous la jungle. Je veux juste que les enfants puissent vivre ici en toute sécurité. Voilà ce que je veux. De la sécurité absolue.

Le jeune homme, qui nie avoir eu la main baladeuse, a été condamné "à une peine de trois mois de prison ferme et à une interdiction de séjour dans le Nord-Pas-de-Calais et les départements ayant une liaison maritime avec l'Angleterre."

Son avocate n'a pas demandé une reconstitution des faits.

Dommage.

Paluchage éhonté.
Suggestion de présentation.
Photo non contractuelle.

De la sécurité absolue, madame la victime avait pu s'en faire une idée la veille du jugement, en ce jeudi où une manifestation, initiée par SoS Soutien aux sans-papiers, devait se tenir à Calais.

Le titre de la Voix du Nord:

Un hélicoptère, trois compagnies de CRS et gendarmes... et quarante manifestants.

Celui de Nord-Eclair:

Des soutiens aux sans-papiers jouent au chat et à la souris avec les CRS.

Et celui d'Indymédia-Lille.

21 mai à calais : le préfet Bousquet nous envoie ses troupes.

A part peut-être le préfet et ses collaborateurs, personne ne semble très satisfait de cette journée: les militants qui n'ont pu mener les actions prévues et les journalistes rameutés qui n'ont pas eu leur dose de spectaculaire...

Laurent Renault (la Voix du Nord), très déçu par ce qu'il appelle une "non-manifestation", nous renseigne sur les raisons de ce dispositif policier disproportionné ( un hélicoptère et trois compagnies, quand même!):

«La manifestation était officielle et devait aller de la mairie au port», déclare le commissaire Jean-Philippe Madec.

Pourquoi autant d'hommes en tenue ? «Parce qu'il ne s'agissait pas d'une manifestation classique (défilé syndical par exemple). Nous ne savions pas combien ni qui ils étaient.» Alors une compagnie de forces de l'ordre à la mairie, une autre près du port rue des Garennes et une troisième au Centre de rétention de Coquelles car «on sait qu'il s'agit d'une de leurs motivations».

Thierry Saint-Maxin (Nord_Eclair), en s'entretenant avec un gendarme inconnu, apporte une lumière intéressante sur la préparation des troupes:

À 14 h, le lieutenant Champé, le n°2 de la gendarmerie calaisienne, et le commissaire Jean-Philippe Madec, commissaire de la police, fourbissent leurs armes sur la place du Soldat Inconnu. Un gendarme explique : « On attend une cinquantaine de personnes en provenance de Lille, des jeunes essentiellement, issues d'un groupuscule anarchiste qui ne viennent pas pour manifester mais pour casser. »

La photo illustrant son article donne un aperçu de l'agressivité des manifestants:

Il me semble, tout de même, qu'il y en a un qui rigole.

Quant aux manifestants, à quarante ou cinquante, que vouliez-vous qu'ils fissent contre trois compagnies ? Ils ont tout tenté pour rejoindre la "jungle", mais se sont trouvés bloqués de partout. On trouve sur le site d'Indymédia-Lille des images de ces verrous placés par les forces de l'ordre sur leur route.

Un des objectifs de cette journée était, si j'ai bien compris, d'attirer l'attention sur les projets français et britanniques dans la région de Calais: fermeture des campements, "nettoyage" de la "jungle" et, éventuellement, création, sur le port, d'un "centre de tri" sous juridiction britannique.

J'ignore si les militants présents ont profité de la présence des journalistes pour présenter les informations qu'ils entendaient diffuser, ou s'ils ont renoncé à le faire.

S'ils ont renoncé, alors oui, ils ont perdu leur journée, malgré le grand spectacle sécuritaire qu'ils avaient réussi à susciter.




PS: A propos de ce "centre de tri", qui ressemblera à une prison, il serait peut-être temps de laisser tomber le mot d'ordre "pas de Guantanamo sur le port de Calais" que l'on lance parfois. J'ai bien compris que l'on entendait par là dénoncer le caractère exceptionnel d'extraterritorialité qui serait accordé à cette prison, ou ce camp de rétention/détention...

Mais le projet est assez monstrueux comme cela, il me semble inutile d'en rajouter en utilisant les connotations propres au centre de Guantanamo (qui n'évoque en rien, pour monsieur Lamda-Bidochon, l'extraterritorialité...)

vendredi 22 mai 2009

Pour le retour de Mohamed Allouche

Dans l'harmonie infiniment changeante du monde, Mohamed avait trouvé une petite place, à Montrouge, auprès de Nadia et Noufel.

Mais les services diligents qui travaillent pour monsieur Besson, dont on sait qu'il n'aime pas certaines "petites musiques", ont trouvé que cela détonnait.

Mohamed Allouche a été expulsé vers la Tunisie le 7 mai.

Le temps commence a passer sur cette infamie, mais cela reste une infamie.

Je l'ai dénoncée une fois, deux fois, trois fois, et je continuerai avec les habitants de Montrouge et d'ailleurs qui demandent le retour en France de Mohamed Allouche.


Les soutiens de Mohamed, de Nadia et de Noufel, ont créé un site ouaibe, qui commence à se mettre en place, où l'on peut trouver le compte-rendu des réunions et surtout signer en ligne la pétition en faveur du retour de Mohamed.

Le texte est court:

Mohamed Allouche, père de Noufel (élève en CM2 à l'école Rabelais de Montrouge), a été expulsé jeudi 7 mai 2009.

Mohamed Allouche est marié à Nadia, Française dont il a reconnu le fils Noufel : il en est donc le père. Comme en attestent les maîtresses, Mohamed est très présent auprès de son fils. Il joue un rôle d'autant plus important dans sa scolarité que Nadia est sourde. Mohamed Allouche aurait dû recevoir, de droit, comme père et conjoint de Français, un titre de séjour que l'administration lui a refusé : arrêté le 15 avril 2009, il a été expulsé le 7 mai 2009.

Cette violence est intolérable
pour la famille qu’elle démantèle. Elle l’est également pour les copains de classe de Noufel, pour tous les enfants de l’école, pour les parents et pour les enseignants, pour les Montrougiens et pour tous les citoyens.


NOUS DEMANDONS LE RETOUR DE MOHAMED ALLOUCHE !

Pour signer, cliquez sur l'image.

Et si vous passez par Montrouge, vers 18h, un vendredi, vous pourrez toujours aller vers le kiosque à musique, qui se trouve devant la mairie. C'est là que se réunissent, chaque vendredi, les soutiens de la famille Allouche.

La solidarité, c'est assez harmonieux.

Couleurs des matins rouennais

Au train où vont les choses, il serait temps que vous examiniez très sérieusement si vous pouvez être considéré(e) comme un(e) proche de Julien Coupat.

Il y a plusieurs façons de définir la proximité, mais la plus simple et la plus scientifique est bien connue. Elle a donné naissance à un petit jeu de société qui permet parfois de faire languir un peu plus longtemps les conversations languissantes entre "amis" qui n'ont plus grand chose à se dire. C'est la proximité par salutations. Appelons, si vous voulez bien, indice de proximité avec X, le plus petit nombre de personnes figurant dans une chaîne d'échanges de saluts, poignées de mains, bisous, révérences, etc. vous amenant à X. Ainsi, pour prendre un exemple, je suis personnellement à 2 salutations de la reine d'Angleterre, puisque je connais un charpentier qui a travaillé dans le manoir normand d'un familier de la cour du Royaume Uni.

Etonnant, non ?

J'espère que mon indice de proximité avec Julien Coupat est très élevé, mais il faut être extrêmement prudent: la semaine dernière, croisant Eric Hazan qui était en train de boire une sorte de kir dans une librairie, je me suis bien gardé d'aller le saluer; mon indice serait alors probablement tombé à 1.

Claude Monet,
La cathédrale de Rouen, le portail et la tour Saint-Romain, plein soleil, harmonie bleue et or,
huile sur toile, 1894. Musee d'Orsay, Paris

Les trois rouennais, proches de Julien Coupat, qui avaient été arrêtés à l'aube du lundi 18 mai, et placés en garde à vue dans les locaux de la DCRI, ont finalement été relâchés dans la journée d'hier, après plus de 72 heures de séquestration légale.

Ils n'ont pas été mis en examen, ainsi que le précise le chapeau de l'article de Jane Hitchcock, paru dans le quotidien régional de ma région, Paris-Normandie.

Leurs "auditions", pour reprendre le joli mot anodin utilisé par l'auteure de l'article, ont permis aux enquêteurs d'établir que Christophe, Clément et Fatima "se trouvaient à Thessalonique, en Grèce, en septembre dernier à l'occasion de la Foire internationale, à un moment où Julien Coupat y était aussi."

On voit par là que les investigations progressent considérablement.

Sans lésiner sur les moyens:

«Ils sont sortis après plus de 72 heures de garde à vue sans avoir été mis en examen. Si le juge voulait juste recueillir leur témoignage, il n'avait qu'à les convoquer. Trois jours en isolement, avec des procédés aussi violents, cela fait quand même un peu beaucoup !», plaide Me Dominique Vallès, du barreau de Rouen, l'avocate de Christophe. Me Philippe Lescène, le défenseur de Clément et Fatima, s'insurge lui aussi: «Cela prouve que nous sommes dans la paranoïa et la démesure totale. Presque quatre jours d'interrogatoires, c'est scandaleux. Honteux!»

Me Vallès a vu hier matin les trois Rouennais, à leur 72e heure de garde à vue, comme la loi l'exige en matière de terrorisme, dans les locaux de la direction centrale du renseignement intérieur, à Levallois. «Je suis aussi allée à Nanterre, où Clément et Fatima avaient été transférés.» Physiquement, Christophe et Clément, titulaires tous les deux d'une licence de sociologie et respectivement âgés de 28 et 24 ans, étaient «marqués». En fait, «ils étaient tous les trois très fatigués. Ils ont subi des auditions jour et nuit. Christophe a été entendu à près de quinze reprises. Lumière blanche violente durant la nuit, pressions du style : " Je vais faire venir ta copine"… Tout a été fait pour que leur résistance cède. Incroyable! Anormal!», plaide Me Vallès.

Dominique Vallès ne plaide pas, elle constate.

Quant à son indignation, on peut estimer qu'on en est assez proche.

jeudi 21 mai 2009

Vers une police académique

Monsieur Jack Lang, homme politique français du siècle dernier, n'est pas mon cousin, et pourtant il reprend sans vergogne des expressions (comme "... en peau de lapin") chères à ma grand mère. Il est vrai qu'il a toujours veillé à user du langage de la jeunesse.

Reçu par Jean-Michel Aphatie, qui fait l'intelligent sur RTL, monsieur Lang a voulu placer un mot mûrement réfléchi sur les portiques détecteurs de métaux que monsieur Darcos n'excluait pas de faire placer à l'entrée des établissements scolaires:

Mais un mot sur les portiques. En plus ce qu'il annonce là ne relève d'aucune manière sa compétence, ce sont les collectivités locales, régions pour les lycées, conseils généraux pour les Collèges. Alors, c'est une proposition en peau de lapin, si j'ose dire. Et c'est une présentation d'un tigre de papier qui cherche à survivre quelques semaines encore.

On admirera la virtuosité du saut de cabri qui permet à notre causeur de passer de l'image de la "peau de lapin" à celle du "tigre de papier".

Précédemment, il s'était livré à une charge, métaphoriquement plus légère, contre le futur ancien ministre de l'éducation nationale:

(...) je crois qu'aujourd'hui l'équipe ministérielle est grillée, a perdu son autorité, n'a plus de relations véritables... Le ministre ne peut plus aller dans aucun établissement, sans craindre aussitôt... et un ministre qui ne peut pas se déplacer librement, n'est plus en mesure d'exercer.

Monsieur Darcos, qui n'était pas tenu d'apprécier le compliment, a dû consulter longuement son conseiller personnel en bons mots pour pouvoir répondre finement:

Il a estimé que l'ancien ministre socialiste dénonçait aujourd'hui le gouvernement "après avoir fait 'la danse du ventre' pour y entrer et n'avoir pu y arriver".

"Je n'ai rien contre M. Jack Lang en tant que personne mais tout le monde trouve extrêmement ridicule, d'ailleurs tout le monde finit par s'en moquer, cette espèce de 'porte-parolat' permanent depuis vingt ans de Jack Lang sur tous les sujets qui puissent toucher l'éducation et la culture", a ajouté Xavier Darcos.

J'ignore si "porte-parolat", qui n'enrichit guère la langue française, est de monsieur le ministre, ou si quelqu'un lui a soufflé.

Quand on pense qu'en août 2008 (date de cette photo),
monsieur Lang prêtait sa cravate à monsieur Darcos...

C'est sans doute pour bien montrer à monsieur Lang qu'il pouvait encore aller où il voulait et quand il voulait que le ministre de l'éducation nationale s'est rendu à La Rochelle, pour y ouvrir le 90ième congrès de de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP). On ne peut pas dire qu'il risquait d'y être accueilli par des sifflets et des lazzi, aussi a-t-il prononcé un discours que les médias ont partiellement décortiqué pour nous.

Pour rester dans la tonalité du congrès, j'ai pris mes informations dans le fidèle Figaro, en me disant que les journalistes de cet éminent journal devaient, dans leur grande majorité, être adhérents de la PEEP, et que j'avais plus de chance d'y trouver des infos de première main.

(En fait, l'article est signé S.L. (lefigaro.fr) avec AP, ce qui ne garantit rien.)

On apprend donc que le problème de la sécurité dans les établissements scolaires a été abordé sans détours:

(...) le ministre de l'Education estime qu'il faut «des moyens, mais des moyens bien utilisés». Son idée : «créer, auprès des recteurs, une force mobile d'agents qui pourront intervenir dans les établissements sur des missions de prévention et de contrôle».

Ces agents ne seraient pas des policiers, mais des «personnes formées et assermentées, placées auprès des recteurs, susceptibles de se rendre dans les établissements rapidement, pouvant constater des délits, confisquer des armes, opérer des fouilles si nécessaire».

Selon Xavier Darcos, ces agents devront «avoir les moyens juridiques et matériels d'agir», et notamment «le droit de faire ouvrir le cartable ou de fouiller l'élève qu'ils suspectent de vouloir introduire des armes».

«Faudrait-il aller jusqu'à donner la compétence d'officiers de police judiciaire à des chefs d'établissement ou recteurs et inspecteurs d'académie de sorte qu'ils puissent ordonner les fouilles?», s'est encore interrogé le ministre, avant d'ajouter: «Nous pouvons peut-être régler ça en interne».

Très gentiment, le Figaro signale que:

Le ton du discours ministériel a été tempéré par les services de Xavier Darcos, qui ont rappelé qu'il ne s'agissait là que de «propositions au conditionnel» sans «rien de ferme».

Cela nous rassure, étonnés que nous étions qu'une telle usine à gaz sécuritaire ne soit pas annoncée par le président lui-même à l'occasion du prochain incident dans un collège ou un lycée.

D'ailleurs, le ton de réflexion assez libre adopté par monsieur Darcos ("faudrait-il..."), fait penser à une aimable rêverie du ministre improvisée en humant l'air revigorant de La Rochelle.

Un agent de la force mobile rectorale partant en mission dans une école maternelle.

Alors ? Sérieux ou pas sérieux ?

A peine drôle, en tout cas.

L'article du Figaro se termine par:

Xavier Darcos soumettra formellement sa proposition mercredi prochain lors d'une réunion avec les associations de parents d'élèves, à laquelle les syndicats enseignants n'ont pas été conviés.

Manquerait plus qu'on demande leur avis aux enseignants !

Zèle policier

Ne comptez pas sur moi pour tenter de vous expliquer pourquoi la police girondine a dû utiliser deux véhicules et six fonctionnaires pour serrer deux présumés voleurs de bicyclette (ensuite innocentés) à la sortie de l'école élémentaire Louis-Aragon à Floirac...

(J'ai déjà du mal à finir les textes de Badiou, alors si je me lance dans les subtilités de la police nationale, je sais que je ne vais pas m'en sortir.)

Cette affaire, que l'on voit envahir toutes les sources d'information progressivement depuis ce matin, a été révélée par le journal Sud-Ouest, puis reprise par le Parisien, et relayée par les radios. Pour une fois, on lit et on entend surtout la version de la mère d'Hicham, le garçon de 10 ans, qui a l'air d'être une maman assez tonique.

Aussi vais-je reproduire ce que Sud-Ouest a obtenu du côté des intervenants policiers, en la personne du directeur départemental adjoint de la sécurité publique:

Afin de couper court à toute interprétation, la Direction départementale de la sécurité publique de la Gironde rappelle que les policiers "ont agi dans un cadre bien défini, validé par le parquet". C'est suite à la plainte d'une habitante de Floirac reçue dimanche matin pour un vol de vélo que les policiers ont déclenché une enquête à partir des éléments fournis par la victime. "Un enfant avait été vu par le voisinage et la plaignante savait où il était scolarisé", confie le commissaire divisionnaire Olivier Le Gouestre, directeur départemental adjoint de la sécurité publique. "Quand on a une plainte entre les mains pour un vol, et des indices nous permettant d'identifier un suspect, même s'il s'agit d'un mineur, on se doit de réagir. Lors des réunions de quartier, la population nous demande d'avoir une action rapide." Mardi, à la sortie des classes, les policiers accompagnés de la victime ont donc attendu que le jeune voleur présumé quitte le groupe scolaire. Selon la police, le vélo volé a bien été identifié et un enfant de 6 ans et demi a été contrôlé. Il a été amené au commissariat de Cenon où sa mère a été aussitôt prévenue ainsi que le parquet des mineurs indique la police. Un autre élève de 10 ans soupçonné d'être au guidon d'un vélo volé a été aussi interpellé.

Depuis quelques temps, on sait que les déclarations présentées "selon la police" sont à prendre avec des pincettes et à vérifier point par point. Je me garderai donc bien de laisser le champ libre à toutes les interprétations que ces précisions autorisent, mais on pourra en trouver quelques unes en consultant, toujours avec des pincettes, et un masque sur le nez, les commentaires des lecteurs de Sud-Ouest, qui ont l'air d'avoir tout compris.

Les vols de vélo, ce n'est pas toujours très simple.


Selon Europe1, madame Michèle Alliot-Marie aurait demandé l'ouverture d'une enquête interne, et pour monsieur Darcos cette affaire relèverait sans doute d'un excès de zèle.

Cela ne gène pas monsieur Darcos de piquer les trouvailles de monsieur Luc Chatel...

Mais il est vrai que l'excès de zèle devient épidémique dans notre pays...

mercredi 20 mai 2009

La couleur de nos matins

Bien que l'humaine nature soit un réservoir inépuisable de perversions diverses, il ne doit pas être très jouissif de venir arrêter des présumés suspects au petit matin, à l'heure où autrefois passait le laitier. Ceci explique sans doute le peu de convivialité de ces interpellations matinales, et leur relative impopularité.

Naïfs, nous croyions que ces mises en scène étaient pratiques courantes d'autres polices que la nôtre...

Mais nos matins commencent à prendre une drôle de couleur.

Une sorte de bleu, un peu trop noir.

Nos policiers sont pourtant sympas... mais n'ont pas le goût de la couleur.

Lundi matin, les services de police ont voulu montrer qu'ils étaient partout, voyaient tout, contrôlaient tout (mais ne comprenaient pas tout) en procédant à deux séries d'interpellations, la première, sur la rive droite de Rouen, et la seconde dans la jolie région de Forcalquier.

Vous trouverez les informations que le journal local, Paris-Normandie, donne sur les opérations rouennaises, en vous rendant sur le site de l'indispensable Jura Libertaire. Les trois personnes arrêtées sont encore en garde à vue à Levallois-Perret, dans les maintenant célèbres locaux de la Sous-direction antiterroriste.

A Forcalquier, quatre personnes travaillant dans l'édition, et membres du Comité de Sabotage de l'Antiterrorisme, ont été interpellées matutinalement, dans des conditions qui ont fait dire à monsieur Christophe Castaner, maire (PS) de la ville:

(...) dans un pays démocratique comme le nôtre, on n'interpelle pas les gens au petit matin parce qu'ils ont diffusé un tract dénonçant un acharnement judiciaire. On a quand même le droit d'émettre des réserves sur une décision de justice.

(C'est la rédaction de La Provence qui a mis du gras dans les propos de l'élu.)

C'est en effet pour avoir distribué un tract que Johanna Bouchardeau, François Bouchardeau, Samuel Autexier, Héléna Autexier ont été placés en garde à vue.

On se dit que pour avoir été cause première d'une telle procédure ce tract devait être porteur d'un potentiel incendiaire, voire explosif, hors du commun. On cherche des précisions dans la presse, en se disant que les correspondants locaux des agences ont dû le faire pour nous. On trouve, dans une dépêche d'agence, que:

Ces interpellations font suite à la diffusion d’un tract qui comporte l’adresse d’une résidence secondaire de M. Squarcini [directeur central du Renseignement intérieur] dans la région, a-t-on précisé de source proche de l’enquête. Diffusé à plusieurs centaines d’exemplaires lors de manifestations et par mail, le tract aurait également été déposé dans la boîte aux lettres de la résidence de M. Squarcini.

On se dit qu'anéfé, c'est gravissime. Et l'on se dit (pas trop fort quand même, il pourrait nous écouter) que monsieur Squarcini a bien de la chance d'avoir une résidence secondaire dans la région, mais qu'il est bien imprudent de ne pas l'avoir tenue secrète (ce sont des choses qui se font dans le Renseignement) et entourée de grands murs gardés par des molosses (ce sont des choses qui se font dans cette région, parole de randonneur).

Ceci n'est pas la vue depuis la villa de monsieur Squarcini...

On en est encore à se demander si cette atteinte à la vie privée d'un homme, dont le métier est d'organiser la surveillance de la vie (entre autre privée) des gens ordinaires, mérite un placement en garde à vue, quand on apprend, mais cette fois presque incidemment, après la libération des quatre éditeurs, que:

Contrairement à de premières informations, l’adresse de la villa ne figurait pas sur le tract, selon des sources concordantes.

Le parquet de Digne s’est refusé à tout commentaire sur cette affaire.


(D'après AFP)

On comprend le parquet de Digne... car il n'y a pas de quoi faire le fier, comme aurait dit ma grand mère, qui savait se tenir.

L'épisode relaté par ce communiqué de la Fédération des Bouches-du-Rhônes de la Ligue des Droits de l'Homme vous permettra de comprendre pourquoi:

Marseille, lundi 18 mai 2009

Nous étions, vers 18h, une cinquantaine de personnes devant l’Hôtel de Police (l’évêché) pour soutenir Johanna Bouchardeau, François Bouchardeau, Samuel Autexier, Héléna Autexier, mis en garde à vue, depuis le matin, suite à leur engagement dans un Comité de Sabotage de l’Anti-Terrorisme qui est de fait un Comité de soutien, aux inculpés de Tarnac, à Forcalquier.

Une délégation ( Andrée Reversat élue Verts au Conseil Régional, Philippe Dieudonné, vice Président de la Fédération des Bouches du Rhône de la LDH, Bruno Chiambretto du comité de Forcalquier) a été reçue par Mr Gauze Directeur Interrégional de la Police Judiciaire et deux de ses adjoints.

Après avoir affirmé « que ce n’était pas l’affaire du siècle, que tout était transparent, » il a précisé que les 4 personnes étaient entendues à la demande du parquet de Digne, suite à la diffusion d’un texte pour lui « anodin » comportant une photo. Cette photo représenterait un pilier du portail d’entrée de la résidence secondaire, à Digne, de Mr Squarcini (Directeur Central du Renseignement Intérieur). La police voulant déterminer « quelles étaient leurs intentions »., et qu’« ils seront vraisemblablement relâchés, le temps que l’on examine leurs ordinateurs ».

Bruno Chiambretto ayant demandé des nouvelles de la santé de ses amis le Directeur l’a invité à rester dans le bureau cependant que les deux autres membres de la délégation sortaient rendre compte de l’entrevue. De fait il s’agissait d’un piège pour mettre Bruno Chiambretto en garde à vue.

La LDH condamne fermement de tels procédés visant une personne qui est venue de son plein gré et qui n’avait rien à cacher. Le fait que ce piège ait été mis en œuvre par un haut fonctionnaire d’un service public représente pour LDH une circonstance aggravante.

La LDH dénonce une fois encore des méthodes et des procédures d’exception débouchant sur la violation de principes fondamentaux de l’Etat de droit au constat notamment de la disproportion évidente entre les moyens mis en œuvre et une affaire concernant l’exercice de la liberté d’expression.

La LDH estime que ce nouvel épisode s’inscrit dans une instrumentalisation d’un pseudo terrorisme visant, dans une période pré électorale, à détourner l’attention sur les conséquences catastrophiques au plan social et économique de la politique actuellement conduite.

La LDH demande la mise en liberté immédiate de ces cinq personnes.

A moins qu'il n'ait été relâché sur le coup de 3h du matin (c'est une chose qui se fait, on trouve ça assez rigolo dans la police, je suppose), Bruno Chiambretto est encore en garde à vue...

lundi 18 mai 2009

Les excès de la Commune

Récemment, j'ai recherché, et finalement retrouvé, dans ma bibliothèque, le livre que Prosper-Olivier Lissagaray a écrit sur l'Histoire de la Commune de 1871, dont la première version a été publiée à Bruxelles en 1876 (et fut, bien sûr, interdite en France). Je possède la réédition de la version de 1896 que firent les éditions François Maspéro dans la fameuse "petite collection", dont tant de volumes ont été dérobés sur les tables de la librairie La Joie de Lire.

Je n'ai pas relu Lissagaray, je me suis simplement promené dans ses pages, en recherchant des faits ou des proclamations, dont j'ai évidemment abandonné la quête en cours de route, allant un peu au hasard. Ce chemin aléatoire m'a conduit dans les annexes, où sont cités grand nombre de discours et d'articles. On y retrouve l'ancêtre de notre Figaro, par exemple, et l'on peut constater que ce Figaro-là n'est pas si éloigné de ce Figaro-ci (tant il est vrai que, si la Commune n'est pas morte, l'esprit versaillais non plus).

On y repère une belle unanimité, à gauche comme à droite, pour dénoncer les "excès de la Commune de 1871"...

J'aime beaucoup la justesse de cette expression, à condition de la détourner quelque peu en l'utilisant au singulier; car je me demande si, au lieu de toujours analyser l'histoire de la Commune à partir des "manques" qui l'aurait conduite à son échec, il ne serait pas plus intéressant de la penser comme "excès" historique radicalement non récupérable.

(D'une certaine manière, bien à lui, c'est sans doute ce que fait Alain Badiou dans la partie de son Hypothèse Communiste (éditions Lignes, 2009) qu'il consacre à la commune de 1871... Mais je ne suis pas suffisamment au fait de la philosophie développée par Badiou pour lire son texte jusqu'au bout... Chacun a ses limites à repousser...)

Sur une table, à l'entrée du Père-Lachaise, samedi 16 mai 2009.

N'ayant pas la mémoire des dates, et peu de goût pour les fêtes, anniversaires et autres commémorations, je me suis muni d'un très élégant agenda à couverture toilée, qui impressionne grandement mes jeunes ami(e)s par l'irrésistible sérieux qu'il me confère. J'y avais noté la réunion commémorative devant le Mur des Fédérés, pilotée par l'association des Amis de la Commune de 1871. Rendez-vous à 14 h 30, entrée rue des Rondeaux, métro Gambetta.

Cette célébration est l'héritière des "montées au Mur" qui se faisaient jadis à partir de l'entrée principale du cimetière, sur le boulevard de Ménilmontant, à la date anniversaire de la fin de la Semaine Sanglante, le 28 mai. Ces montées, interdites ou tolérées, moments de recueillement ou d'émeute, ont une histoire qui a dû être étudiée, et dont je ne connais que des bribes. Elles sont nées de la volonté populaire d'honorer les morts de la Commune, à commencer par les fusillés du Père-Lachaise. Dès la Toussaint de 1871, on tenta de fleurir les abords de la fosse commune creusée au pied du Mur, et aux printemps suivants, malgré l'interdiction préfectorale, on commença à accrocher au mur des couronnes de fleurs rouges, qui furent saisies. Se mit ainsi en place une cérémonie qui empruntait beaucoup aux rituels funéraires, avec une dévotion quasi religieuse qui fait penser à la célèbre phrase de Karl Marx:

Le souvenir des martyrs de la Commune est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière.

(Cité par Alain Badiou, qui se demande si la classe ouvrière à un cœur. J'ai grasseyé l'adverbe marxien, qui semble si peu marxiste.)

Devant le Mur, 16 mai 2009.

Comme il n'y a rien de déshonorant à honorer les morts, je suis donc descendu jusqu'au lieu de mémoire en suivant une petite foule porteuse de drapeaux rouges (à l'entrée seuls les parapluies étaient noirs).

Drapeaux rouges, et quelques logos.

Le rassemblement entendait célébrer la "modernité" de la Commune de 1871, en mettant l'accent sur les idées avancées alors sur le rôle de l'école nouvelle, et sur ce qui se mit en place durant ces deux mois d'effervescence démocratique.

Tout cela est vrai, mais on ne gagne rien à penser les communards comme des "précurseurs" (le précurseur est peut-être un génie, mais c'est surtout quelqu'un qui a couru en avant, tout seul, pour rien). La Commune n'a pas légué à l'avenir un programme (de gauche) qu'il s'agirait de mettre en œuvre, et dont on pourrait pointer l'avancement au cours de l'histoire, en constatant, comme voulait me le faire remarquer un des participants à l'entrée du cimetière, qu'il y a encore des points qui n'ont pas été réalisés, et d'autres sur lesquels nous serions en recul.

Ce qui me fit penser, en descendant, à ce passage de Badiou:

Appelons "la gauche" l'ensemble du personnel politique parlementaire qui se déclare seul apte à porter les conséquences générales d'un mouvement politique populaire singulier. Ou, dans un lexique plus contemporain, seul apte à fournir aux "mouvements sociaux" un "débouché politique".

L'excès de la Commune a surtout été de rendre inexistante cette gauche-là, qui persiste à ne pas le comprendre.

vendredi 15 mai 2009

Jusqu'au retour de Mohamed Allouche

Tous les vendredis, se tiendra à Montrouge, devant la mairie, autour du kiosque, un rassemblement d'honnêtes gens, un peu obstinés et franchement déterminés.

Et cela, jusqu'au retour de Mohamed Allouche, le mari de Nadia et le père de Naoufel, dont j'ai évoqué l'histoire par deux fois déjà (ici et ).

Ce soir, on devrait y distribuer ce tract d'information, qui résume l'affaire.

Hôtel de Ville de Montrouge.
Le kiosque ne doit pas être loin.


Je ne sais quel est le chercheur mentionné dans cet extrait de journal de France Inter (par ailleurs très instructif), mais sa formule "séduire, réduire, salir" me semble d'une terrible justesse.



France Inter, 12 mai 2009.


C'est bien la salissure, comme on dit dans nos campagnes, qui a été utilisée par les services de la préfecture des Hauts-de-Seine.

Une lettre ouverte a été adressée au préfet. Elle est signée de Agnès Verdurand (FSU 92 et RESF), Alain Doustalet (FCPE 92 et RESF), Muriel Roger (membre du bureau FCPE Montrouge) et Richard Moyon (RESF 92).

Ces signataires n'ont pas besoin de hausser le ton, comme certains, il suffit qu'ils restent à la hauteur de leur engagement.


LETTRE OUVERTE A M. STRZODA, PREFET DES HAUTS DE SEINE

Précédé d’une déshonorante série de rumeurs (Mohamed Allouche serait un délinquant international, connu pour abuser des femmes en situation de fragilité, il aurait été marié en Italie) à laquelle nous voulons croire que vous n’avez pas pris part et que vous condamnez, un communiqué de vos service (AFP 7 mai 2009) tente de justifier l’expulsion de Mohamed Allouche, Tunisien marié à une Française sourde et muette et père d’un enfant Français de 11 ans scolarisé en CM² à Montrouge. Vous manifestez ainsi le souci louable de convaincre vos concitoyens de la pertinence et de la valeur morale des mesures que la politique du ministre vous conduit à prendre. Vous n’y réussissez pourtant pas, et, hélas, vous ne le pourrez pas.

Rappelons qu’il est question de la vie d’un homme, en France depuis plusieurs années, qui y a noué des liens familiaux étroits, qui s’y est marié, a reconnu l’enfant de son épouse et contribue à son éducation. Il suffit d’entendre l’enfant parler de celui qu’il appelle Papa pour mesurer le drame qui se joue.

A vous lire, votre décision d’expulsion serait fondée sur « l’entrée en 2005 et le maintien irrégulier de M. Allouche en France ». La situation n’a rien de très exceptionnel pour un sans papiers. On est surpris de vous voir la citer comme un élément aggravant…

« Absence de communauté de vie avec son épouse » écrivez-vous. Permettez tout d’abord qu’on s’inquiète d’une dérive qui autoriserait l’administration préfectorale à décider quelle est la « communauté de vie » qui lui agrée et celle qu’elle ne reconnaît pas. Le ministre Besson a déjà été qualifié humoristiquement de ministre du Trou de serrure, personne ne voudrait que des préfets héritent du même titre. Sur le fond vos allégations sont manifestement infondées. Totalement. Démenties par les enseignants de Noufel, la directrice de l’école, les parents d’élèves, les camarades de classe, les assistantes sociales, les voisins, les commerçants du quartier ; Des dizaines de témoignages spontanés ont été enregistrés par la presse.

Votre phrase « il n’a d’ailleurs ( ?) reconnu » l’enfant « qu’un an après le mariage » nous stupéfie. Quel commentaire vous inspirent, par exemple, les dates de reconnaissance par leurs parents respectifs d’Eric Fottorino, directeur du Monde, ou de Mme Bruni-Sarkozy actuelle épouse du président de la République ?

Vous précisez que M. Allouche « fait l’objet d’une fiche de recherche » de la police italienne. C’est trop ou pas assez. Si vous avez des éléments précis et fondés, mentionnez-les. Mais, pour être pratique courante dans certains cabinets ministériels, les airs entendu et allusions équivoques sont néanmoins des procédés inadmissibles. Pour tout vous dire, M. le Préfet, la prolifération des fichiers, en Italie et ailleurs, nous fait craindre d’être nous aussi « l’objet de nombreuses fiches des recherche » en Italie, en France et ailleurs. Et sans doute l’êtes-vous aussi.

Vous assurez qu’il « détenait des produits stupéfiants » lors de son arrestation. Ce fait n’est mentionné dans aucun des documents de la procédure. S’il est avéré, il doit figurer au procès-verbal d’interpellation. Que ne le publiez-vous ? Les produits ont été saisis : nature ? Quantité ? Où sont les scellés ? Si Mohamed Allouche a commis un délit, il doit être déféré et jugé. L’administration préfectorale n’a pas vocation à se substituer à la justice, et moins encore en infligeant des peines de bannissement administratif pour un improbable délit.

Enfin, curieusement présenté comme une circonstance aggravante de ce qui précède, vous accusez Mohamed Allouche de « travailler également dans une pizzeria sans autorisation administrative ». Hé bien oui, Mohamed Allouche à qui vous interdisez de travailler le fait quand même pour élever son fils, contribuer pour l’essentiel aux ressources du ménage et assurer à sa femme et à son enfant une vie peut-être modeste mais digne. Cela vous choque ? Une vie que votre action et l’acharnement de vos services viennent de détruire et que vos allégations publiques risquent de rendre plus douloureuse encore.

Quand il y a quelques semaines vous aviez reçu une délégation du RESF 92, vous aviez affirmé vouloir conduire votre mission sans faiblesse mais dignement. Nous sommes au regret de constater, Monsieur le Préfet, que ce n’est pas possible. L’obligation de résultats chiffrés, la pression des services ministériels, l’inadaptation des moyens dont vous disposez conduisent nécessairement à des drames tel que celui que vous venez de provoquer. Vous n’appliquerez pas la politique de M. Besson sans renier vos valeurs. Votre volonté désespérée de justifier moralement des décisions qui révulsent la conscience ne peut pas aboutir. Quand une politique est injuste dans son essence même – et en ce domaine celle de M. Sarkozy l’est, et depuis longtemps elle ne peut produire que de tels effets. Et dévorer ceux qui s’y laisseraient compromettre.

Nous vous prions, Monsieur le Préfet des Hauts-de-Seine, d’agréer l’expression de nos salutations respectueuses.

mercredi 13 mai 2009

A la place de madame Alliot-Marie

Si j'étais à la place de madame Michèle Alliot-Marie...

D'abord, ça serait un bien beau bordel carnavalesque et charivarique que j'aimerais bien revoir au moins une fois dans ma vie...

Et ensuite (et fin), je me méfierais comme de la peste, du choléra et de la grippe porcine réunis en une seule pandémie, de ce monsieur Eric Besson, qui me semble avoir toutes les qualités requises pour faire un bon, un très bon, un excellllllent ministre de l'Intérieur.

D'ailleurs, on doit en parler dans les milieux qui se croient autorisés à en parler, mais je n'en fais pas partie, alors je me contente de prophétiser son arrivée place Beauveau, pour faire peur à mes ami(e)s qui finissent par admettre qu'il a bien le profil du djobe.

Là, il est de face, mais on voit bien qu'il a le profil...
Ou alors, c'est que vous êtes de mauvaise foi.

En toute objectivité, il faut reconnaître à monsieur Besson la qualité cardinale d'un ministre de l'Intérieur: la réactivité aux sollicitations extérieures qui lui permet de répondre avec célérité à toute attaque. Du point de vue de ce que nous nommerons "teignosité", il semble aussi doué que tous ceux qui ont occupé ce poste.

Sur le délit de solidarité, qui peut être sanctionné grâce en vertu de l'article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il affirme qu'il n'existe pas. Pointalaligne. Le Gisti publie une liste de condamnations de solidaires. Il mobilise quelques juristes de ses services pour l'examiner à la loupe et publie un triomphal: "Le GISTI décrédibilisé", qui n'a rien de convaincant, mais seul le titre sera repris par la presse.

Cet art de la communication pète-sec a entraîné un courrier émanant de bon nombre d'associations . Je pense qu'il se gaussera de cette lettre ouverte qui souligne son agressivité dans les relations avec ses partenaires.

Son bras d'honneur à la justice est qualifié de "méthode de voyou", il s'en offusque. Le mot était certes maladroit: il ne faut jamais mettre en cause l'honnêteté des méthodes employées par un renégat... Il va consulter son service juridique afin de déposer une éventuelle plainte pour diffamation. Qu'elle soit déposée ou non importe peu; l'annonce invitera le presse trop critique à la prudence.

Square Villemin, dans le Xième arrondissement de Paris.

Mais ce qui m'inquiéterait le plus, si j'étais à la place de madame Alliot-Marie, c'est le récent succès remporté par monsieur Besson dans cette opération de démantèlement d'un réseau d'immigration clandestine, à Paris et en région parisienne.

Avec beaucoup de doigté, les services de l'OCRIEST (Office Central de Répression de l’Immigration irrégulière et de l’Emploi d’Etrangers Sans Titre) ont procédé à une dizaine d'interpellations, en toute discrétion. Monsieur Besson a su éviter l'écueil d'une opération par trop spectaculaire: pas de descente de policiers cagoulés roulant des mécaniques devant les caméras. Tout s'est déroulé dans la sobriété.

En cas de plantage, c'est tout de même plus commode.

La presse a eut droit, bien sûr, à quelques informations. Mais avec une modestie étonnante, après une courte communication, le ministre triomphant a laissé la parole à monsieur
Jean-Michel Fauvergue, chef de l'OCRIEST, dont les dépêches reprennent les propos.

On y apprend que tous les grands moyens habituels ont été mis en œuvre, depuis août 2008. Ecoutes, filatures, surveillance...

Comme le square Villemin était un passage obligé de cette filière, on remarquera que la surveillance n'évite pas que des rixes ne dégénèrent.

Mais bon, on ne saurait tout voir non plus.

Photo tirée du site du ministère de notre piètre Identité,
où l'on omet de dire qui est avec monsieur Besson.
Il s'agit probablement de Jean-Michel Fauvergue, Chef de l’OCRIEST.

mardi 12 mai 2009

Communiqué à relayer

Suite à la double bavure (si l'on peut dire) de samedi dernier à Villiers-le-Bel, les parents de Pierre, lycéen mineur blessé à l'œil le 27 novembre 2007 devant les grilles du rectorat de Nantes, demande de faire circuler le communiqué suivant:

Nantes, le mardi 12 mai 2009,

Le fait que deux jeunes habitants de Villiers-le-Bel aient pu être tous les deux blessés à l'œil simultanément samedi dernier 9 mai, par des policiers, conduit évidemment à s'interroger sur la possibilité de visées intentionnelles au visage ou même précisément aux yeux.

Cette grave affaire s'ajoute à celle de Toulouse, le 19 mars dernier, où un étudiant manifestant a perdu l'usage d'un œil, et de Nantes, le 27 novembre 2007, où c'était le cas d'un lycéen mineur, également manifestant, dans le cadre d'une expérimentation, « in vivo » en quelque sorte, par la police d'une nouvelle arme, le « Lanceur de balles de défense » (LBD 40), un super flash-ball extrêmement précis et dangereux.

On peut estimer ce soir que les enquêtes ouvertes par les procureurs de Nantes et de Toulouse n'aient aucunement dissuadé la police d'utiliser de tels armements sans discernement, pas plus que les reproches graves et circonstanciés faits à la police dans l'affaire de Nantes par la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) et par Amnesty Internationnal.


Il est urgent que l'ensemble des personnes et mouvements attachés à la démocraties se saisissent de ce problème urgent, le nouvel armement de la police et les graves mutilations qu'il peut causer sur des innocents, problème encore actuellement placé au second plan dans le débat public.


Les parents de Pierre, lycéen blessé devant le rectorat de Nantes, le 27 novembre 2007
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Pour vous informer sur le combat admirable des parents de Pierre, vous pouvez consulter le blogue 27novembre2007, où vous trouverez aussi suffisamment de liens pour vous documenter sur ces nouveaux armements.