L'observation selon laquelle " Ya pas que la rigolade, ya aussi l'art", énoncée, sous cette forme ou une forme approchante, par l'un des personnages de Zazie dans le métro, du regretté Raymond Queneau, est bien admise: allez voir n'importe quelle exposition, en la choisissant assez rétrospective, d'un "incontournable" de l'histoire de notre culture occidentale, et, vous tournant vers les visiteurs, vous aurez l'ineffable spectacle d'une concentration appliqué et parfois, semble-t-il, assez douloureuse.
J'ai employé le mot "ineffable" sans réfléchir... mais je vais le laisser, pour faire ironique.
Car l'émotion esthétique, réelle ou simulée, est de plus en plus bavarde dans les musées et les expositions. Lorsque, par chance, vous ne vous trouvez pas embarqué au milieu des niaiseries convenues et pédagogiquement correctes d'une sortie scolaire, il vous faut en général supporter les discours empesés ou les développements érudits des gens qui, de naissance, savent tout et tiennent à le faire savoir.
J'envisageais de distraire quelque peu l'une de mes charmantes jeunes cousines en l'accompagnant au Centre Georges Pompidou, pour lui faire visiter la grrrrande rétrospective Vassily Kandinsky que tout parisien lecteur de Télérama et/ou du Figaro se doit d'avoir vue. Quand on ne lit ni l'un ni l'autre, aller quand même à l'exposition permet de donner le change, et c'était mon but.
Pour cela, et pour ne pas paraître trop défaillant à cette chère enfant qui, affectueusement, me surnomme "tonton", et parfois "papy" (mais il y a là quelque exagération), j'ai téléchargé le dossier pédagogique du centre Pompidou, et je comptais bien le consulter avec tout le sérieux qui s'impose... Mais j'en fus empêché par un fâcheux contretemps: la découverte du dernier numéro de Le Tigre, le fameux "curieux magazine curieux", qui est presque aussi beau qu'une revue, et beaucoup moins ennuyeux que le Figaro Magazine ou Télérama.
et, comme on n'arrête pas le progrès dans ce blogue,
vous pourrez lire le sommaire en faisant clic dessus.
C'est en allant chercher l'inévitable numéro spécial de Télérama au kiosque à journaux de la place Gambetta, dans le XXième arrondissement de Paris, que j'ai eu cette inspiration: demander Le Tigre. Il y a beaucoup de choses dans ce kiosque à journaux, en plus du sourire, et le dernier numéro rayé venait d'arriver.
Et dans ce dernier numéro, il y a un reportage de Lætitia Bianchi, sur l'inauguration de l'exposition Kandinsky au Centre Georges Pompidou. Elle passe de salle en salle, en regardant, en écoutant, note ce qu'elle voit, ce qu'elle entend. Elle en fait un montage qui n'engendre pas la mélancolie, et qui est aussi, sans prendre de grands airs savants, un bel hommage au travail de l'artiste Kandinsky.
Alors, je n'ai rien lu, j'ai retrouvé ma petite cousine à la station Rambuteau, nous sommes allés faire la queue, et nous avons parcouru les salles de l'expo. Nous avons plus ou moins joué aux personnages figurant dans le reportage du Tigre, nous en avons découvert d'autres devant les tableaux et nous avons imaginé la suite de leurs aventures.
Et souvent, nous avons ressenti une étrange impression de plein équilibre en totale apesanteur.
A la suite de cette visite pleine d'alacrité et d'émerveillements, ma charmante cousine a tendance à me prendre pour un rigolo.
Ce n'est pas que cela soit tout à fait faux, mais elle n'aurait sûrement pas développé cette opinion si j'avais étudié, par exemple, ce "décryptage d'une œuvre mystérieuse", au lieu de m'amuser à lire l'article de Lætitia Bianchi.
Naturellement, je garde une dent contre Le Tigre.
9 commentaires:
Tu me donnes envie pour l'expo. Si je pouvais être dispensée de queuleueleue à l'anpe, j'irais volontiers cette semaine. Mais j'ai plein de trucs plus "sérieux" à faire.
J'aime bien tes références à Zazie... Ca me donne envie de le relire. :)
L'expo Kandinsky fait nocturne tous les jours d'ouverture, je crois (il faut voir sur le lien Beaubourg) et sera peut-être accessible pour la nuit des musée, le 16.
Quant à Zazie, il faut le relire une fois par an...
C'est les Fleurs bleues que je relis régulièrement, mais ça y est, j'ai ressorti Zazie. Merci, j'avais oublié que le tonton Gabriel était si drôle.
Sinon, en lisant lemonde.fr à l'instant, je me suis dit qu'il fallait que je te demande... tu en sais peut-être plus, toi, sur les 6 assos qui se partagent désormais l'aide aux résidents des centres de rétentions (les rétendus?)... en particulier le "collectif respect", créé d'après l'article que je viens de lire après un match de foot où la Marseillaise avait été sifflée... ? Ca m'inquiète un peu, ce dernier point.
Pour l'expo, on verra, j'ai aussi cours le soir. (ah, le dur métier de demandeur d'emploi...)
... j'ai donc pas de tuyau à te filer quant au don d'ubiquité... bien essayé! ;)
Le "collectif Respect" est une association qui n'a aucune expérience du travail en centre de rétention.
La signature dont parle la dépêche est tout simplement un coup de force de Besson.
A vomir !
Kandinsky, c'est comme à boire quand on a tant soif.
Le Tigre, en papier ou en ligne, est tout plein de gais savoirs.
Merci pour ce récit sans idiot-guide, qui me rappelle ceci:
http://punctum.blog.lemonde.fr/2009/04/30/fra-angelico-et-les-primitfs-italiens-sans-audioguide/
On ne devrait autoriser qu'une seule phrase dans les audioguides: "Regarde, de tous tes yeux, regarde!"
Faut- il tout comprendre lorsque l'on visite une exposition ? ou regarder, aimer ou ne pas aimer ? Je suis toujours surprise de tout ce que l'on fait dire aux artistes surtout lorsqu'ils ne sont plus la pour le faire eux mêmes . En vis à vis de Kandinsky ,l'exposition de Calder est très émouvante et pleine de poésie .
Félicitations pour l'esprit de famille !
Je vais m'offrir Calder quand la file d'attente sera un peu réduite...
Là aussi, il suffira de regarder, j'en suis sûr.
Enregistrer un commentaire