mercredi 20 mai 2009

La couleur de nos matins

Bien que l'humaine nature soit un réservoir inépuisable de perversions diverses, il ne doit pas être très jouissif de venir arrêter des présumés suspects au petit matin, à l'heure où autrefois passait le laitier. Ceci explique sans doute le peu de convivialité de ces interpellations matinales, et leur relative impopularité.

Naïfs, nous croyions que ces mises en scène étaient pratiques courantes d'autres polices que la nôtre...

Mais nos matins commencent à prendre une drôle de couleur.

Une sorte de bleu, un peu trop noir.

Nos policiers sont pourtant sympas... mais n'ont pas le goût de la couleur.

Lundi matin, les services de police ont voulu montrer qu'ils étaient partout, voyaient tout, contrôlaient tout (mais ne comprenaient pas tout) en procédant à deux séries d'interpellations, la première, sur la rive droite de Rouen, et la seconde dans la jolie région de Forcalquier.

Vous trouverez les informations que le journal local, Paris-Normandie, donne sur les opérations rouennaises, en vous rendant sur le site de l'indispensable Jura Libertaire. Les trois personnes arrêtées sont encore en garde à vue à Levallois-Perret, dans les maintenant célèbres locaux de la Sous-direction antiterroriste.

A Forcalquier, quatre personnes travaillant dans l'édition, et membres du Comité de Sabotage de l'Antiterrorisme, ont été interpellées matutinalement, dans des conditions qui ont fait dire à monsieur Christophe Castaner, maire (PS) de la ville:

(...) dans un pays démocratique comme le nôtre, on n'interpelle pas les gens au petit matin parce qu'ils ont diffusé un tract dénonçant un acharnement judiciaire. On a quand même le droit d'émettre des réserves sur une décision de justice.

(C'est la rédaction de La Provence qui a mis du gras dans les propos de l'élu.)

C'est en effet pour avoir distribué un tract que Johanna Bouchardeau, François Bouchardeau, Samuel Autexier, Héléna Autexier ont été placés en garde à vue.

On se dit que pour avoir été cause première d'une telle procédure ce tract devait être porteur d'un potentiel incendiaire, voire explosif, hors du commun. On cherche des précisions dans la presse, en se disant que les correspondants locaux des agences ont dû le faire pour nous. On trouve, dans une dépêche d'agence, que:

Ces interpellations font suite à la diffusion d’un tract qui comporte l’adresse d’une résidence secondaire de M. Squarcini [directeur central du Renseignement intérieur] dans la région, a-t-on précisé de source proche de l’enquête. Diffusé à plusieurs centaines d’exemplaires lors de manifestations et par mail, le tract aurait également été déposé dans la boîte aux lettres de la résidence de M. Squarcini.

On se dit qu'anéfé, c'est gravissime. Et l'on se dit (pas trop fort quand même, il pourrait nous écouter) que monsieur Squarcini a bien de la chance d'avoir une résidence secondaire dans la région, mais qu'il est bien imprudent de ne pas l'avoir tenue secrète (ce sont des choses qui se font dans le Renseignement) et entourée de grands murs gardés par des molosses (ce sont des choses qui se font dans cette région, parole de randonneur).

Ceci n'est pas la vue depuis la villa de monsieur Squarcini...

On en est encore à se demander si cette atteinte à la vie privée d'un homme, dont le métier est d'organiser la surveillance de la vie (entre autre privée) des gens ordinaires, mérite un placement en garde à vue, quand on apprend, mais cette fois presque incidemment, après la libération des quatre éditeurs, que:

Contrairement à de premières informations, l’adresse de la villa ne figurait pas sur le tract, selon des sources concordantes.

Le parquet de Digne s’est refusé à tout commentaire sur cette affaire.


(D'après AFP)

On comprend le parquet de Digne... car il n'y a pas de quoi faire le fier, comme aurait dit ma grand mère, qui savait se tenir.

L'épisode relaté par ce communiqué de la Fédération des Bouches-du-Rhônes de la Ligue des Droits de l'Homme vous permettra de comprendre pourquoi:

Marseille, lundi 18 mai 2009

Nous étions, vers 18h, une cinquantaine de personnes devant l’Hôtel de Police (l’évêché) pour soutenir Johanna Bouchardeau, François Bouchardeau, Samuel Autexier, Héléna Autexier, mis en garde à vue, depuis le matin, suite à leur engagement dans un Comité de Sabotage de l’Anti-Terrorisme qui est de fait un Comité de soutien, aux inculpés de Tarnac, à Forcalquier.

Une délégation ( Andrée Reversat élue Verts au Conseil Régional, Philippe Dieudonné, vice Président de la Fédération des Bouches du Rhône de la LDH, Bruno Chiambretto du comité de Forcalquier) a été reçue par Mr Gauze Directeur Interrégional de la Police Judiciaire et deux de ses adjoints.

Après avoir affirmé « que ce n’était pas l’affaire du siècle, que tout était transparent, » il a précisé que les 4 personnes étaient entendues à la demande du parquet de Digne, suite à la diffusion d’un texte pour lui « anodin » comportant une photo. Cette photo représenterait un pilier du portail d’entrée de la résidence secondaire, à Digne, de Mr Squarcini (Directeur Central du Renseignement Intérieur). La police voulant déterminer « quelles étaient leurs intentions »., et qu’« ils seront vraisemblablement relâchés, le temps que l’on examine leurs ordinateurs ».

Bruno Chiambretto ayant demandé des nouvelles de la santé de ses amis le Directeur l’a invité à rester dans le bureau cependant que les deux autres membres de la délégation sortaient rendre compte de l’entrevue. De fait il s’agissait d’un piège pour mettre Bruno Chiambretto en garde à vue.

La LDH condamne fermement de tels procédés visant une personne qui est venue de son plein gré et qui n’avait rien à cacher. Le fait que ce piège ait été mis en œuvre par un haut fonctionnaire d’un service public représente pour LDH une circonstance aggravante.

La LDH dénonce une fois encore des méthodes et des procédures d’exception débouchant sur la violation de principes fondamentaux de l’Etat de droit au constat notamment de la disproportion évidente entre les moyens mis en œuvre et une affaire concernant l’exercice de la liberté d’expression.

La LDH estime que ce nouvel épisode s’inscrit dans une instrumentalisation d’un pseudo terrorisme visant, dans une période pré électorale, à détourner l’attention sur les conséquences catastrophiques au plan social et économique de la politique actuellement conduite.

La LDH demande la mise en liberté immédiate de ces cinq personnes.

A moins qu'il n'ait été relâché sur le coup de 3h du matin (c'est une chose qui se fait, on trouve ça assez rigolo dans la police, je suppose), Bruno Chiambretto est encore en garde à vue...

2 commentaires:

JBB a dit…

A la base déjà, l'histoire est désolante. Mais que les fins limiers en uniforme aggravent leur cas en tendant un piège au cinquième larron confinerait au burlesque le plus ridicule s'il ne s'agissait de la liberté d'un homme. C'est peu dire qu'ils se comportent comme des chiens…

Guy M. a dit…

Bruno a été remis en liberté dans l'après-midi, c'est déjà mieux qu'à trois heures du mat'.

Je ne sais pas si le parquet de Digne continue à se taire...