A tous nos concitoyens bien éduqués, ceux à qui on ne la fait pas et qui n'en pensent pas moins, persuadés que l'Education Nationale, mis à part monsieur Darcos, est tenue par une bande de gauchistes, d'anarchistes, de spontanéistes non repentis, il faut donner l'exemple de ces enseignant(e)s méritant(e)s qui se démènent pour organiser des voyages permettant à leurs élèves de découvrir le fin du fin démocratique de notre pays: l'Assemblée Nationale.
C'était, en y ajoutant la Tour Eiffel et le Musée du Louvre, le programme prévu par mesdames Pébarthe et Breteche, enseignantes au collège Jean-Jaurès de Cenon (Gironde), pour la journée du 5 mars, avec leurs élèves de troisième.
Pour avoir vécu des journées de ce type, j'imagine qu'en rejoignant la gare Montparnasse pour prendre le train du retour, les deux organisatrices devaient nourrir le secret espoir de voir leurs ouailles, sur les genoux ou sur les nerfs, c'est selon, s'effondrer dans une bienheureuse somnolence sur les banquettes réservées...
Or quelques centaines de manifestants contre la réforme universitaire s'étaient donné un rendez-vous en cette même gare, après la manifestation du jour (largement "décentrée" en son parcours). Voici quelques images de cette action, dont peu (c'est un euphémisme ironique) de médias ont rendu compte:
Faire intervenir les forces de l'ordre dans une gare parisienne à une heure d'affluence est une décision remarquablement inintelligente, mais je pense que ces ordres sont donnés sans discernement, au risque de n'importe quelle bavure, par des gens qui s'estiment "couverts".
Les C.R.S., une fois dans la place, ont, semble-t-il, tenté d'isoler les manifestants, mais ont fini par perdre quelque peu leurs repères... Eh! oui, un manifestant, ça bouge...
D'où la pagaille matraqueuse qui s'ensuivit.
Nos collégiens et leurs accompagnatrices ont dû se trouver pris dans cette pagaille tourbillonnante plutôt que "coincés entre étudiants et C.R.S.", comme le dit l'article de Sud-Ouest.
Le résultat: dix collégiens matraqués et blessés (certificats médicaux) et une entorse cervicale pour madame Pébarthe.
Je crois que cela s'appelle une bavure et, bien que n'étant pas naturellement un donneur de conseil, j'aimerais bien que madame Alliot-Marie, qui s'effraie si fort de la menace anarcho-autonome, s'inquiète un peu de la menace qu'elle fait peser, avec ses troupes, sur la sécurité de tous les citoyens.
Je reproduis le communiqué des enseignants et des parents du collège de Cenon:
Les personnels et l'ensemble des parents d'élèves du collège Jean Jaurès de Cenon dénoncent les agressions subies par des élèves d'une classe de troisième et leurs enseignants. Ces faits se sont déroulés ce jeudi 5 mars au retour d'une sortie pédagogique à l'Assemblée Nationale dans le cadre de l'éducation à la citoyenneté. Alors que les élèves attendaient leur train, les CRS ont chargé dans la gare Montparnasse sans discernement les manifestants auxquels nos élèves ont été mêlés. Ils ont alors été traités avec la plus grande violence.
Ils constatent que plus de dix élèves ont été bousculés, frappés, jetés à terre, blessés comme en témoignent les certificats médicaux délivrés sur place.
Ils constatent également que tous les élèves gardent un souvenir terrorisé de cette expérience.
Ils constatent enfin que les enseignantes responsables et encadrant la sortie pédagogique ont été également malmenées au point de se voir délivrer un arrêt de travail.
Ils témoignent aux élèves et à leurs collègues victimes de ces violences policières inacceptables leur totale solidarité.
Ce comportement brutal met gravement en cause toutes les mesures éducatives et citoyennes mises en place par les personnels de l'établissement pour les élèves d'un collège situé par ailleurs en zone d'éducation prioritaire.
C'est pourquoi ils ne sauraient admettre ces violences policières et décident collectivement de déposer plainte pour coups et blessures.
Ils décident d'alerter leurs autorités de tutelles : Inspecteur d'Académie, Recteur, Ministre.
Ils se tournent également vers les élus afin que les responsables soient désignés et poursuivis, pour que de tels comportements ne se produisent plus jamais.
Ce lundi 9 mars l'ensemble du personnel et des parents d'élèves appelle la communauté scolaire à manifester son indignation en participant massivement à un rassemblement au collège de 16h à 17 h.
Post-Scriptum du 10/03:
En rédigeant ce billet, je n'avais pas osé trop ironiser en imaginant que quelqu'un allait bien trouver que la faute incombait aux enseignantes... Je me disais que même monsieur Frédéric-qui-n'en-rate-pas-une, de l'UMP, n'irait pas jusque là...
C'est pourtant ce que vient de faire madame Alliot-Marie, qui s'autorise de la formation d'enseignante jadis reçue pour déclarer, en substance, qu'il était de la responsabilité des enseignants de ne pas exposer leurs élèves dans des lieux où peuvent se tenir des manifestations agitées...
J'ai entendu ses propos en ouverture du journal de 8 h, sur France Inter. Il doit être possible de les réécouter.
Ce que je n'ai pas fait.
14 commentaires:
Comment faire la différence entre collégiens et universitaires surtout pour des CRS ? Ils ont déjà confondu épicier intellectuel et terroriste à Tarnac. Julien Coupat est toujours incarcéré et alliot Marie ministre de l'intérieur .
C'est vrai, il y a des collégiens tardifs et des étudiants précoces, et le casque quasi intégral n'élargit guère la vision des choses.
Voilà pourquoi il vaut mieux voyager en bus, et demander au chauffeur d'attendre le groupe bien sagement devant le dernier lieu visité. Quoique, si le bus est garé près du Canal Saint Denis, sous une voie de RER, on n'est à l'abri de rien. Restons chez nous, barricadons-nous, et faisons l'autruche !
On n'est plus tranquille nulle part: "ils" sont partout!
Finalement, l'établissement ne porte pas plainte…
http://www.sudouest.com/accueil/actualite/france/article/522673/mil/
Pffff !
Il est probable que la principale a tenu compte de l'avis de sa hiérarchie...
Comme tu dis: Pfff!
Aliot Marie n'a pas seulement dit qu'il était dangereux d'emmener des collégiens visiter l'Assemblée Nationale. Elle a aussi dit qu'il n'y avait pas eu de coups, mais, je cite, "éventuellement, le contact d'une matraque avec un estomac". Dont elle ne manque pas, décidément.
Excellente remarque!
(J'aurais du réécouter le journal d'Inter...)
Voir aussi le billet de l'ami Napakatbra :
http://www.lesmotsontunsens.com/collegiens-frappes-erreur-gare-montparnasse-michele-alliot-marie-mam-3641
Tu as raison de l'ajouter: il faut que l'info circule...
Au sujet de la formation d'enseignante de madame Alliot-Marie, précisons qu'elle n'en possède strictement aucune : sa carrière s'est entièrement déroulée dans le supérieur, d'abord comme assistante, puis comme maître de conférence. Elle a eu un titre d'enseignante certes, mais elle n'a jamais été formée dans un IUFM, elle n'a jamais suivi de stages de pédagogie, elle n'a jamais encadré de voyages ou de sorties scolaires dans les UFR de droit ou de science-po où elle a exercé, elle ignore tout de la réalité d'un collège de ZEP ou de la psychologie d'un adolescent ou des conditions matérielles d'une telle sortie.
Vous Guy M., faites une réflexion bien plus pertinente en disant que les accompagnatrices attendaient d'abord que les enfants s'écroulent de sommeil sur les banquettes du train. Parce que l'on a passé une longue journée toute en tension (compter et recompter son troupeau à chaque entrée ou sortie d'un lieu, vérifier qu'il n'y ait pas un garnement pour dégrader quelque chose, attendre l'élève qui vient de perdre son portable ou son sandwich, éloigner les élèves des marchands à la sauvette, aménager les pauses toilettes, faire attention à l'épileptique ou à l'asthmatique de service...) Je ne parle même pas des séjours à l'étranger qui demandent encore plus de démarches.
Un voyage scolaire est voté en conseil d'administration en début d'année scolaire, les dates exactes sont fixées des semaines avant, les horaires sont impératifs surtout lorsque l'on prend le train et que les compartiments ont été réservés comme il se doit dans ce genre de sorties (il faut que l'on puisse garder un oeil sur tout le groupe et on ne peut se permettre de réservations de dernière minute).
C'est donc un type d'activité extrêmement contraignant pour les enseignants, qui demande un travail de préparation en amont et puis une attention de chaque minute pendant le séjour. On est fort loin de l'image de vacances pour les enseignants, on est aussi fort loin d'une idée d'improvisation comme le déclarait Michèle Alliot-Marie qui ne doit connaître le secondaire que par les journaux télévisés.
Les classes et les enseignants étaient là parce qu'ils attendaient le seul train dans lequel ils étaient autorisés à monter (sauf à demander un remboursement improbable auprès de la SNCF) et c'était prévu depuis plusieurs semaines. D'ailleurs comment auraient-ils pu savoir qu'il y avait une manifestation dans cette gare, la seule gare où ils devaient embarquer, alors que pendant une journée ils avaient visité la capitale au pas de charge ? Que voulait la ministre ? Qu'ils ratent leur train et qu'ils restent à Paris une nuit de plus et comment ? aux frais de qui ?
Mis à part l'incompétence et l'inculture crasse de la ministre, cela pose un autre problème : depuis les lois Vigipirate jamais vraiment levées, les voyages et les sorties scolaires sont devenus de plus en plus difficiles à organiser et même s'ils ont repris depuis 2001 (après une chute spectaculaire), on constate dans les établissements secondaires qu'il faut faire de plus en plus d'information auprès de l'administration et des parents, donner de plus en plus de cautions, justifier de plus en plus le centime supplémentaire ou l'objectif, se transformer en agent comptable ou en douanier. La pression, notamment pour les professeurs de langue (un peu moins d'histoire), devient presque intolérable. Et dans le même temps le discours officiel demande de faire sortir les élèves ou de développer des projets innovants au coût astronomique (certains de mes élèves vont ainsi aller étudier la canopée en Guyane en faisant de l'acrobranche, c'est chic, c'est beau, mais on ne peut pas subventionner le voyage d'un élève boursier vers un lieu historique de sa région alors que c'est au programme de son année et que toute sa classe y participe). Il y a deux ou trois discours officiels différents sur ces sorties.
Et puis il y a cette déclaration absurde de MAM qui dit que comme enseignante, elle n'aurait pas pris ce risque : mais si elle a été enseignante, elle n'avait pas le même type d'élèves, la même autonomie. Si jamais elle a organisé une sortie d'étudiants de droit ou de sciences po, elle pouvait compter sur le fait que ceux-ci disposaient d'une carte orange ou d'une voiture ou au moins d'un scooter ! Ils étaient majeurs et ils n'avaient pas besoin de rallier leur collège situé à 500 km de là dans la nuit avec des parents qui les attendent sur le quai d'une ville de province. Ce sont des propos tellement absurdes qu'on se demande pourquoi certains anciens enseignants du supérieur peuvent se réclamer de la même qualité que les enseignants du primaire et du secondaire afin de juger ces derniers.
C'est vraiment dommage que MAM vienne si rarement sur ce blogue. Elle trouverait dans votre commentaire une réponse claire à ses déclarations, et des informations précises sur ce qu'est le travail d'une sortie scolaires.
Merci.
MAM enfonce le clou à l'Assemblée Nationale.
Bises et bonne soirée (quand même)
Et voici la réponse de l'une des ensignantes:
Madame,
Etant une des deux enseignantes dont vous soulignez l'inconscience et l'irresponsabilité, je me sens le devoir de vous répondre, et ce, dans une lettre ouverte.
Laissez moi d'emblée vous dire que la désinvolture et l'inanité des
paroles qui vous sont prêtées(vous avez réellement tenu ces propos
ahurissants? ), ont provoqué en moi un kaléidoscope de sentiments et réactions, allant de la consternation au rire moqueur, en passant par la colère.
En ce qui concerne les agressions commises en Gare Montparnasse, ne
soyez pas rassurée, Madame, elles ont réellement eu lieu ,ce jeudi 5
mars en Gare Montparnasse, peu après 19 heures .En témoignent ou en témoigneront les caméras de surveillance de la gare, les policiers en civil , tous les voyageurs massés sur la plateforme de la gare, en attente du départ des trains , tous les voyageurs du train Paris-Bordeaux qui devait partir à 19h25 et parmi ceux-ci le médecin militaire qui a examiné , secouru et réconforté , durant le voyage ,les jeunes adolescents violentés . Il ne s'est pas agi d'une "bousculade", comme
vous avez la complaisance de l'annoncer ( et de le croire?), mais bien d'un matraquage .
Il s'est agi d'une souricière organisée par" les forces de l'ordre", pour "réceptionner" le groupe d'étudiants ,chassés des voies qu'ils occupaient .Toutes les issues de la plate-forme de départ ont été bloquées,enserrant ainsi les voyageurs.Et ce fut la charge .Une colonne d'hommes, armés de matraques, casqués , boucliers au bras, a traversé au
pas de charge, d'un bout à l'autre le hall du départ,bousculant les
voyageurs surpris et terrorisés .( La jeune femme dont la poussette a
été cassée et qui a sauvé in-extrémis son enfant du piétinement a-telle porté plainte?). Cette colonne a chargé le groupe de collégiens puisque
ceux-ci ,obstacles bien involontaires et qui ont tenté de fuir, se trouvaient sur la route de vos forces de l'ordre vers leur "cible", ...
Mais tout ceci est écrit dans les rapports établis par la gendarmerie de Tresse, qui devant la gravité des faits , a eu la gentillesse de se déplacer et venir recueillir nos témoignages, au collège , sur ordre du
Préfet de Bordeaux , dès le lendemain .
Je me souviens avoir confié à l'officier de Gendarmerie qui recueillait ma déposition, mon étonnement et ma révolte :" comment certains de ces
représentants de l'ordre ont-ils pu frapper sciemment des adolescents, après que ceux-ci aient clairement dit être des collégiens repartant à
bordeaux? D'où leur vient ce sentiment d'impunité? " L'officier m'avait reprise gentiment , en soulignant le fait de sa présence et celle de ses collègues , ce vendredi 6 mars au collège. C'était la garantie , selon
lui, d'une détermination en hauts lieux, à diligenter une enquête et
rechercher les coupables de ces agressions .
Aujourdh'ui votre terme "bousculade" scelle et renouvelle ce sentiment d'impunité qui a animé ces hommes et est le garant de leur brutalité à venir .
Quant au deuxième point de vos propos, nous concernant directement ,ma collègue et moi, je vous réponds ce qui va suivre.J'ai pensé , en riant
que vous aviez dû être ,dans votre jeunesse une piètre enseignante. Ne
pas organiser de sortie pédagogique , au prétexte que votre
groupe-classe aurait à fréquenter des lieux aussi dangereux qu'une gare parisienne, n'est pas une attitude très responsable ni très flamboyante !
D'autant que la sortie du train par le toit de la Gare Montparnasse n'a eu lieu qu'une seule fois, ce me semble, et c'était en Octobre 1895,
vous n'étiez donc pas encore prof!De plus, vous conviendrez avec
moi,que lorsqu'on habite en province et que l'on se rend à L'Assemblée Nationale , il est assez pratique et économique de prendre un train. Et, à ma connaissance , il n'existe pas encore d'autre moyen de prendre un
train , même au vol , que de se rendre dans une gare .
Enfin il me faut rajouter que cette gare, que nous avions traversée le matin à 9heure 30 ne présentait aucun danger , pas plus qu'à18h45 . même quand les étudiants braillards sont arrivés sur les escalators .
Elle ne l'est devenue que quand vos forces de police sont entrées en action pour diriger ces jeunes gens ...... en direction des voyageurs, et quand la colonne armée a foncé dans la foule ., transformant ce hall de gare en terrain d'affrontement .
Il me reste à vous confier mon étonnement devant votre attitude
officielle : si peu de compassion pour ces adolescents et ma collègue
brutalisés, aucune condamnation pour ces moment de terreur que vos hommes ont répandu parmi les voyageurs!
Il faudra du temps pour cicatriser ces blessures intérieures , d'autant que vos propos qui ne reconnaissent pas la réalité , pire, la nie , sont terribles pour nous .
Je tiens à exprimer la colère et le dédain , que je ressens à l'égard de ceux de vos hommes qui ont brutalisé ma collègue et mes élèves, envers ceux qui donnent l'ordre inique de traverser un hall de gare en chargeant ,en pleine foule des voyageurs, un groupe d'étudiants ..La colère et le dédain envers ceux et celles qui les couvrent .
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