jeudi 9 juillet 2009

Exutoire pour voyous

Il y a un code de déontologie de la Police Nationale, savez-vous.

C'est ce qui fait de la France un grand pays démocratique mondialement reconnu comme mouillant sa chemise pour le respect des droits humains.

En son article 10, ce texte énonce ce principe général:

Toute personne appréhendée, est placée sous la responsabilité et la protection de la police;

L'article continue avec cette précision, qui semble bien superflue au pays des Droits de l'Homme:

... elle [la personne appréhendée] ne doit subir de la part des fonctionnaires de police ni de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.

Ce n'est quand même pas dans nos habitudes...

Beccafumi (1486 - 1551)
L’Histoire de Moïse sur le Mont Sinaï (1531)
Elément du pavement de la cathédrale de Sienne


Certes, un code de déontologie professionnel ne doit avoir aucune valeur dans la sphère juridique; ni plus, ni moins que la déclaration universelle des Droits de l'Homme, ou les dix commandements mosaïques. Mais, respecter ce genre de petites choses peut faire l'honneur et la dignité d'une profession.

A l'examen, la première partie de notre article 10 est d'une terrible exigence.

Responsabilité et protection, ce n'est pas rien.

Aussi, peut-on, de ce seul point de vue, et sans parler de quelque éventualité de bavure que ce soit, être assez surpris qu'un jeune homme de 21 ans, placé en garde à vue dans un commissariat, puisse tenter de s'y suicider et réussir.

Avec dignité, la famille de ce jeune homme a lancé un appel au calme, qui ne fut pas trop entendu, et déposé plainte contre X.

La dignité d'un deuil peut s'accompagner de la volonté de savoir.

Et cela est respectable.




J'ai planifié ce billet à l'heure où la famille Benmouna avait invité la population à venir se rassembler au pied de son immeuble de Firminy, façon très virtuelle de m'associer.

Mon fond d'optimisme irréductible me fait espérer que certains l'auraient peut-être souhaité, mais les policiers qui tout à l'heure patrouilleront sur ordre, pour prévenir les émeutes, échauffourées ou incidents, selon les sources, n'ont sûrement pas pu se joindre au sit-in.

Une certaine discrétion, ou délicatesse, s'impose parfois.

Cette discrétion et cette délicatesse, on pourra les goûter dans le communiqué publié ce jour par le syndicat Alliance Police Nationale, le "syndicat majeur", qui est titré

Violences urbaines à Firminy
Un exutoire de trop!

Comme les médias ont préféré signaler assez pudiquement ce communiqué, ce qui les honore, et que vous aurez peut-être peur de cliquer sur le lien, en voici l'incipit étendu:

ALLIANCE Police Nationale dénonce les violences urbaines qui sévissent depuis maintenant 48 heures à Firminy dans la Loire.

ALLIANCE Police Nationale affirme que le suicide malheureux d’un jeune homme gardé à vue dans le cadre d’une affaire judiciaire en cours pour extorsion de fond sert une nouvelle fois d’exutoire à une bande de voyous.


Le dramatique accident survenu au commissariat de Firminy est une fois de trop un prétexte à ces voyous toujours prêts à en découdre à la moindre occasion avec les forces de sécurité pour affirmer leur territoire et démontrer qu’en certains endroits ce sont eux qui dirigent et commandent.


Sur l'affaire elle-même, on peut y lire ces déclarations:

ALLIANCE Police Nationale réfute toute mise en cause de ses collègues, qui ne sont pas responsables de l’état de vétusté de certaines gardes à vue, souvent dégradées également par ceux là même qui y sont placés.

ALLIANCE Police Nationale ne peut accepter que la responsabilité des policiers soit également engagée au regard de l’état déplorable de certains locaux dans lesquels les policiers sont les premiers à en subir les conséquences avec des conditions de travail particulièrement difficiles.

Après ces paragraphes qui me semblent écrits à la va-vite, on trouve cette mise en perspective:

ALLIANCE Police Nationale rappelle que les policiers sont respectueux des règles déontologiques et qu’à ce titre ils sont d’ailleurs les plus contrôlés d’Europe (CNDS, magistrat, hiérarchie, conseil de discipline, IGPN, etc…).

Et cette conclusion, très convaincante:

En 2008 ce sont 3423 policiers qui ont été sanctionnés face à plus de 4 millions d’interventions de police réalisées en 2008 soit un ratio de 0,086%.

On se consolera en se disant que, si la qualité de l'expression laisse parfois à désirer, ces représentants syndicaux savent au moins calculer*.


*Voir aussi, pour information, la réaction du syndicat à l'étude sur les contrôles d'identité au faciès.

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