lundi 14 juillet 2008

La romance du quatorze juillet

Nous avons tous noté que la Fête Nationale est, en France, une étincelante vitrine où s'étale avec faste cette part essentielle de notre Identité Nationale: le bon goût.

Élèves de l'École militaire interarmes
pendant le défilé du 14 juillet 2007 sur les Champs-Élysées.
© Marie-Lan Nguyen / Wikimedia Commons



Pour vous enivrer de poésie dans ce monde de brutes, je vous offre un aperçu de la délicate Romance du 14 juillet, qui est probablement au départ une chanson d'atelier (mais de quel atelier ? de couture ? de mécanique ? je ne sais) et qui figure maintenant dans les livrets de chansons de salles de garde.

Pour avoir une idée de la subtile mélodie, la voici interprétée ici par la chorale de l'ULB:

boomp3.com

Les paroles diffèrent selon les livrets, mais je préfère de loin cette version, chantée par Les souliers à bascule, qui est celle que j'ai moi-même interprétée au temps où jouais les utilités au saxo, au tuba, à l'hélicon, à la caisse claire, à la grosse caisse ou au chapeau, dans une fanfare à géométrie tellement variable qu'elle en devenait fractale.


Romance du 14 juillet.

1


Ell'n'avait que seize ans à peine
Quand ell'sentit battre son cœur
Un beau soir pour le môm'Gégène.
Un instant elle a cru au bonheur.

C'était l'soir d'la fêt'nationale
Ouss'que les bombes pètent en l'air
Ell' sentit comme un grand coup d'flamme
Un frisson qui pénétrait sa chair.


Refrain

Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Sans chichis, sans manières,
Elle a connu l'amour.

Les oiseaux dans les branches
En les voyant s'aimer
Entonnèr'nt la romance
Du quatorze juillet.

2

Et quand refleurit l'aubépine,
Au premier jour' du printemps,
Fallait voir la pauvre gamine
Mettre au monde un tout petit enfant.

Mais Gégène, qu'est l'mec à la coule
Lui dit: "Ton goss', moi j'm'en fous !
J'te l'ai mis, maint'nant je m'les roule
A ta plac' je lui tordrais le cou.

Refrain :

Par devant, par derrière,
Tristement comm' toujours,
Fallait voir la pauvr' mère,

Et son goss' de huit jours,

En fermant les paupières
Ell' lui tordit l'kiki
Et dans l'trou des ouatères
Elle a jeté son p'tit.

3

Mise au ban de la cour d'assises
Comme à c'ui d' la société
Ell' fut traitée de fill' insoumise
Au lend'main du quatorze juillet.

En entendant l' verdict atroce
Qui la condamn' au bagn' pour vingt ans.
Elle songeait à son pauvre gosse

Qu'ell' ne reverrait plus maintenant

Refrain :

Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,

Elle est mort' la pauv' mère
A Cayenne un beau jour,

Morte avec l'espérance
De revoir son petit
Dans la fosse d'aisance

Là ousqu'ell' l'avait mis.

Les oiseaux dans les branches
En la voyant clamser
Entonnèrent la romance
Du quatorze juillet.


En voici une version très braillarde par les Crévaindieux…

boomp3.com


Comme aime à dire notre président en se tournant avec grâce vers sa compagne:

"C'est beau, hein!"

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Hmmm... Oui, c'est très frais.
Et ça accompagne assez bien le vrombissements des bôôô n'avions (ben oui, je suis tout près de Paris, à vol d'oiseau ou d'avion militaire).

Bises martiales

Anonyme a dit…

La douce Clara va peut-être chanter ça à l'élyséenne gardeune-partie...

Ah... Ça ne fait pas partie de son répertoire ? Une omission impardonnable !

Anonyme a dit…

Tiens, au sujet du répertoire de Carlita, j'ai découvert hier soir, sur le blog de Pépina (Journal d'une jeune fille (dé)rangée), un extrait d'une chanson de son nouvel album. Ça donne ceci :

«Tellement je tiens
à être tienne
je fais une croix sur mes emblèmes
sur ma carrière d'amazone
sur ma liberté souveraine...»

Chacun appréciera à sa juste valeur cette belle tirade...

Bises !

Anonyme a dit…

Ah... Merci Flo Py !

C'est beau comme de... comme des... comme du... Bref... Inoubliable !

Guy M. a dit…

On nage dans la pure beauté ici, ça fait plaisir!

L'extrait cité par Flo Py, et qui laisse Françoise sans voix, est d'une étonnante modernité, non ?

Le thème, pour commencer: la femme libre qui se soumet à la loi du mâle élu au nom de l'amûûûr, on n'a jamais entendu ça.

Et la forme, alors là, il fallait oser: ce n'est pas rimé! On sait bien que la rime est, dans la chansonnette, une façon de masquer la navrante banalité du texte et de forcer sa mise en mémoire...

C'est courageux de prendre comme ça le risque d'être oubliée très vite...

Anonyme a dit…

Comme disait Guidoni juste avant de chanter "Viril" (sur la scène de l'Espace Européen, en 1989) : "C'est pas moderne, c'est contemporain".

Bises !