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Il est assez réjouissant d'imaginer qu'un digne employé du service de communication du ministère de l'Intérieur, affecté là pour ses talents littéraires, consacre une partie de son temps qui échappe à la pratique du sudoku à chercher et même trouver des acronymes plaisants pour désigner les fichiers informatiques que l'état policier prétend instaurer "pour notre sécurité".
Avec sa débordante imagination, qui me semble cependant un peu marquée au niveau sub-libidinal par l'âge d'or du minitel rose, il nous a pondu Edvige et Cristina, sans tenir compte du fait que pour les tempêtes tropicales et autres cyclones dévastateurs on appliquait désormais la règle de parité... C'est vrai ça, pourquoi pas Edvard ou Cristof ?
Il pourra largement compenser cette indélicate bévue avec les nombreux fichiers que semble annoncer madame Michèle Alliot-Marie dans sa réponse aux inquiétudes de la Halde sur le fichier Edvige. En bref, pour celui-là, c'est fait, c'est fait, cochon qui s'en dédit, mais pour ceux qui viendront, on vous consultera "très en amont"... En toute candeur dans le texte.
A propos d'Edvige, les élus se réveillent: "Fichier Edvige: un élu lyonnais dépose un recours devant le Conseil d'Etat", nous apprenait samedi une dépêche AFP...
Le recours de l'élu lyonnais se fonde essentiellement sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme - sur la vie privée - ainsi que sur un arrêt rendu en 2006 par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) contre la Suède.
Selon cet arrêt, "un fichier n'est autorisé que sur des motifs de sécurité publique et ne doit comporter que des informations nécessaires concernant la sécurité publique", a précisé M. Tête.
Avec tous mes encouragements... et le soutien évident de mes compatriotes!A ce propos, permettez-moi de copicoller cet article de Jean-Marc Manach qui, à l'occasion du trentième anniversaire de la création de la CNIL, évoque opportunément l'ombre du grand projet Safari (ah quand les RG partaient en chasse!) et donne de précieuses indications sur Edvige et Cristina.
A qui profite la CNIL ? (Edvige, Cristina, la DST, les RG, et caetera)
11/07/2008, par jmmLa CNIL fête cette année les 30 ans de la loi Informatique et libertés, l’une des toutes premières lois du genre dans le monde, censée protéger les citoyens du fichage informatique.
A l’époque, le spectre de Big Brother était l’Etat. Depuis, le monde a bien changé, l’informatique est (presque) partout et Alex Türk, président de la CNIL, n’hésite pas à déclarer que “si vous croyez que le monde ressemblera un jour à celui de Big Brother, détrompez-vous… Vous êtes en plein dedans !”.
Le même, en marge de la conférence de presse où il annonça sa nomination à la tête du G29 (qui réunit les CNIL européennes) expliqua qu’il se demandait si cela valait encore la peine de s’opposer à un fichier policier, ou à une proposition de loi sécuritaire, puisqu’à chaque fois, ils ne sont pas entendus, et que le projet passe en l’état.
En 1978, la loi informatique et libertés avait donné la possibilité à la CNIL de bloquer la mise en place des fichiers manifestement contraires aux droits de l’homme, à la vie privée ou aux libertés. Mais en 2004, la nouvelle loi informatique et libertés, préparée sous Jospin, et soutenue par Alex Türk, a retiré ce pouvoir à la CNIL (cf. Une loi dont l’Etat se fiche pas mal et A qui profite la CNIL ?).
Début juin, je découvrais, consterné, que les Français étaient nuls ou presque en matière d’informatique et libertés, et qu’ils étaient aussi ceux qui, de tous les Européens, sont les plus enclins à militer pour (ou accepter) la surveillance de l’internet.
Aujourd’hui, le Syndicat de la Magistrature, la Ligue des Droits de l’Homme et d’autres s’émeuvent de la création d’Edvige, un fichier (avalisé, avec certaines réserves, par la CNIL) fichant entre autres les personnalités publiques (& les mineurs) “susceptibles de porter atteinte à l’ordre public”.
Dans le même temps, personne ne parle de Cristina, un autre fichier, bien plus problématique. La question, en résumé, revient à se demander s’il est plus dangereux, pour une démocratie :
- de constituer une police politique dont on sait qu’elle s’intéresse tout autant aux personnalités publiques (politiques, syndicales, religieuses, médiatiques) qu’aux délinquants potentiels, mais avec quatre fois moins de policiers qu’avant (du temps des RG),
et/ou
- de constituer une police politique dont on ne sait pas à qui elle s’intéresse exactement, sinon que la surveillance et l’écoute des télécommunications fait expressément partie de ses missions, et qu’elle dispose de deux fois plus de policiers qu’avant (du temps de l’ex-DST)…
Ce 11 juillet 2008, le premier fichier, Edvige, est évoqué, sur Google, sur près de 15 000 pages web. Le second, Cristina, ne l’est que sur 3 pages…
Explications :
En 1974, la France découvrait, atterrée, le projet de méga-base de données du ministère de l’Intérieur pudiquement intitulé Safari (sic, pour “Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus”). Le scandale fut tel que ce Safari fut stoppé net, entraînant l’adoption de la loi informatique et libertés (LIL), et la création de la CNIL.
Pour fêter les 30 ans de l’“autorité indépendante”, le ministère de l’intérieur a décidé de lui offrir deux nouveaux fichiers, aux noms très printaniers : Edvige (pour “Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale”), qui remplacera l’ancien fichier des RG, et Cristina (“Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux”), qui récupérera celui de la DST.
Edvige fichera les identités, adresses (électroniques comprises), comportements, déplacements, relations, opinions politiques et religieuses, appartenances sexuelles, ethniques, syndicales et associatives des personnes “susceptibles de porter atteinte à l’ordre public”, ou qui jouent “un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif”. La différence avec l’ancien fichier (papier, et régionalisé) des RG ? Le fichage commence dès l’âge de 13 ans, et comme il sera informatisé, sa consultation sera grandement facilitée pour l’ensemble des policiers et gendarmes habilités (il suffit de demander).
La CNIL regrette certes de ne point savoir comment les données seront sécurisées, d’autant qu’elles seront conservées de manière illimitée. Mais elle a aussi été écoutée… en partie : le ministère, qui s’y opposait, a finalement accepté de publier son avis au JO. C’est d’ailleurs le seul pouvoir qui lui reste, depuis qu’en 2004, la nouvelle LIL lui ait retiré tout pouvoir de blocage des fichiers “de sûreté”. Comme le Canard l’avait alors relevé, si le gouvernement est toujours tenu de lui demander son avis, il n’a plus à en tenir compte. On a connu autorité plus “indépendante”…
Le fichier Cristina, lui, est passé d’autant plus inaperçu que la CNIL n’a pas le droit de commenter son “avis favorable avec réserves” qui, seul, été publié au JO. Si l’on ignore ce qu’il contiendra, Cristina fera probablement bien plus de ravages qu’Edvige. Car si les RG passent de 4 000 à 1 000 policiers, la DST, rebaptisée Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), et présentée par MAM comme un “FBI à la française“, passera elle de 2000 à 4000 condés !
Leurs missions : lutte contre l’espionnage, le terrorisme, protection du patrimoine économique, et surveillance des individus et mouvements susceptibles de “porter atteinte à la sécurité nationale”. Le décret portant création de la DCRI précise également qu’“elle contribue à la surveillance des communications électroniques et radioélectriques susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat”. Bref, Cristina sera truffé de données issues des écoutes téléphoniques et internet de ceux qui auront l’heur de déplaire à notre “FBI à la française”.
La CNIL, qui avait prévu de contrôler les fichiers des RG, dit maintenant attendre qu’Edvige soit mis en place pour s’y atteler. Des esprits retors pourraient penser que les RG en auront profité pour les nettoyer, d’autant qu’une bonne partie des informations seront récupérées par la DCRI. Et qu’elle n’aura pas le droit de fourrer son nez dans Cristina. Pour ne rien arranger, la LIL a donné le droit aux fichiers policiers d’attendre 2010 pour se conformer à la loi. Et dire que lorsque la CNIL n’existait pas, les Français avaient réussi à bloquer Safari !
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