Paul Bley a largement prouvé, depuis les débuts de sa carrière dans les années 1950, qu'il avait suffisamment de talent et de musique dans la tête et sous les doigts, pour jouer avec presque tout le monde. Et il l'a fait, que ce soit avec Charlie Parker, Lester Young, Art Blakey, Sonny Rollins ou encore Charles Mingus, Ornette Coleman, Don Cherry, Charlie Haden, Jimmy Giuffre… Mais sa musique n'est jamais plus captivante que lorsqu'il improvise seul et en toute liberté devant son piano.
Sa première grande réussite en solo est l'album Open, to love, enregistré en 1972. On l'y entend détailler une partie des splendeurs du thème Ida Lupino que son ex-épouse Carla Bley a dédié à cette grande artiste du cinéma.
(L'image est fixe... Vous pouvez en profiter pour consulter, sur le site de la cinémathèque française, les pages sur Ida Lupino, actrice et réalisatrice.)
Trente ans plus tard, en 2003, au Chivas Jazz Festival de Saõ Paulo:
Chaque improvisation de Paul Bley est une exploration inédite, qui prend des allures de lente déambulation, sur les chemins des beautés possibles d'un thème ou d'une progression d'accords. Le choix d'un tempo très lent rend perceptibles, dans cette promenade, les instants où le pas du marcheur se suspend, en attente. De là nait ce phrasé méditatif, entre tous reconnaissable et si caractéristique de Paul Bley, que certains surnomment "le pianiste le plus lent du monde", mais qui est aussi l'un des plus grands.
En septembre, à la Cité de la Musique de la Villette, Paul Bley repartira en quête de ces pur moments de grâce qu'il sait si bien découvrir, et, j'en suis sûr, nous aurons, encore une fois, le sentiment de le voir explorer les morceaux qu'il choisira de jouer, comme s'il les explorait la première fois...
PS: A écouter, après une visite chez un disquaire, si vous en connaissez un qui ne vende pas que de la soupe en boîte, les dix "variations" de Solo in Mondsee, enregistrées sur un "grand piano" de rêve, et avec une telle minutie qu'on croirait y entendre les doigts du pianiste se poser sur les touches.
Paru en 2007, chez ECM.
4 commentaires:
Ah tu sais ça, toi ? Se jeter à pleine face dans les météores (encre noire, mandarines écrasées, chaleur blanche, grêle opaque), se jeter aussi dans Paul Bley, quand l'écran plat de l'ordinateur est beau, rectangle noir, enfin noir, coupant, mat, lisse, muet, de biais sur l'angle du mur sale, pâle, tout griffé d'histoires.
J'aimais beaucoup aussi, avec Carla et toute la bande, Escalator over the hill. Ma cassette audio s'est étranglée il y a longtemps, peut-être que je ne l'aimerais plus. Va savoir.
Renversant aussi, à se jeter face aux météores pour ne pas périr orphelin dans les trompes aspirantes, les soupières d'apparat, le hasard ni le gingembre des Indes au sucre : The hapless child (1976), avec Robert Wyatt, Carla Bley, Steve Swallow, Jack de Johnette, Terje Rypdal. Textes : Edward Gorey, Amphigorey, G.P.Putnam's Sons, 1972.
C'est quand même dommage pour ta cassette audio (quelle idée aussi, à notre époque si résolument moderne !), mais cela peut toujours s'arranger. "Escalator over the hill" a pris de l'âge, je trouve, mais reste la trace d'une sacrée aventure musicale...
Quant à "The hapless child", qui est sorti sous le nom de Michael Mantler si j'en crois mes ouiqui-indics, je ne le connais pas.
Je vais bien sûr combler cette lacune dès que possible.
Ah pfff merde de moi... Oublier de mentionner Michael Mantler.
The hapless child m'emporte toujours à la force des bras (genre ces mêmes trucs du désir trente-quatre ans plus tard, qui entretiennent l'illusion qu'on est resté fidèle à soi-même, tu vois ?). La cassette audio fonctionne toujours.
Peut-être trouverai-je le cd à une étape quelconque de ma route...
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