jeudi 8 janvier 2009

Les lycéens à la peine



Dans une agence de presse quelconque, un scribouilleur a dû avoir cette idée de génie, et, comme on sait, le génie est contagieux. Le Figaro et Libération usent donc, génialement, du même mot pour titrer leur papier sur la mobilisation lycéenne de ce jour: "Les lycéens peinent à remobiliser" (Libé), "Le mouvement lycéen peine à rebondir" (Le Fig).

Ce qui prouve bien qu'il n'y a pas que les grands esprits qui se rencontrent.

Il y a quelqu'un qui me semble peiner à se remobiliser et qui peinera peut-être à rebondir, c'est ce pauvre monsieur Darcos. Je dis "ce pauvre", parce qu'il doit être bien déçu et désabusé, lui qui déclarait dans cette délicieuse vidéo, chef-d'œuvre de mauvaise foi ministérielle, que LeFigaro.fr remet en ligne avec à propos: "Tout le monde souhaite la réforme du lycée".

Affermi dans ses bottes ministérielle par cette intime conviction, monsieur Darcos a déjà repoussé d'un an l'application d'une réforme qu'il veut rediscuter pour la faire repartir de zéro. Que pourrait-il faire de plus ?

Pour montrer sa bonne volonté, il laisse filtrer en direction des syndicats d'enseignants la bonne nouvelle selon laquelle il lâcherait du lest sur la question des Rased (réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté), en ramenant de 3 000 à 1 500 le nombre des postes supprimés en 2009. Il s'agit donc d'un demi recul.

Nos journaux nous assurent que le grand moment sera le discours que prononcera Nicolas Sarkozy à Saint-Lô en présentant ses bons vœux au corps enseignant, ce qui est une première sarkozienne. Selon une dépêche AFP, les principales fédérations de l'Education ne s'y rendront pas et tiendront une conférence de presse à Paris pour faire connaître "leurs vœux pour l'Education".

Après cela, monsieur Darcos verra s'il peut avancer...

Ce document insoutenable montre les conséquences des restrictions budgétaires
au ministère de l'Education Nationale: monsieur Darcos n'a plus de bureau,
il travaille maintenant sur une banquette du hall d'entrée.



Il pourra compter sur les bons petits soldats de l'Education Nationale qui sont toujours sur la brèche.

Madame la proviseure du lycée Joliot-Curie de Nanterre en fait partie. Un billet récent relatait ses aventures et ses combats, et donnait, accessoirement, une vue assez précise de ses qualités littéraires.

J'ai voulu savoir si les vœux qu'elle formulait "pour la réussite de tous les élèves au Lycée Joliot Curie dans le plaisir de travailler et de venir au lycée" avaient été un petit peu exhaussés.

Selon une dépêche de l'AFP, du 5 janvier, le lundi, à 08H00, pendant que les élèves faisaient leur rentrée encadrés par des policiers, des lycéens soutenus par des enseignants et des militants et élus de gauche ont distribué des tracts dénonçant les poursuites judiciaires.

(...)

Des enseignants en grève et des lycéens réunis en délégation ont demandé lundi après-midi que la plainte soit retirée, lors d'une rencontre avec l'Inspecteur d'académie, Claude Michellet.

Ce dernier, contacté par l'AFP, a exclu de retirer la plainte, qui repose selon lui sur "des faits objectifs". Il a cependant ajouté que les deux élèves exclus avaient été "rescolarisés" dans les Hauts-de-Seine, l'un à Saint-Cloud et l'autre, qui est l'un des mis en examen, à Rueil-Malmaison.

Quant aux deux autres lycéennes placées en garde à vue la semaine dernière, elles ne feront pas l'objet d'un conseil de discipline, a expliqué M. Michellet, qui a évoqué "un souci d'apaisement".

Sachant que la sanction maximum d'un conseil de discipline est l'exclusion de l'établissement, et que les sanctions pénales peuvent aller jusqu'à cinq ans de prison, on mesure bien que cette volonté d'apaisement a dû causer bien du souci à monsieur l'Inspecteur d'Académie.

Le lendemain, mardi, une chaîne de protestation est formée devant l'entrée du lycée.

Les forces de l'ordre interviennent.

Voici le récit qu'en donne le petit article de Véronique Soulé, publié par Liberation.fr sous le titre "à l'estomac" de "Lycéens, une nouvelle classe dangereuse":

(...) Alors qu’élèves et profs forment une chaîne humaine devant la porte, K., 15 ans, en seconde, est plaqué contre la grille du lycée, les bras tirés en arrière. Un policier le prévient que s’il milite, il doit en assumer les conséquences… Un enseignant d’anglais est projeté au sol par un policier qui le tutoie. Il s’en sort avec un traumatisme au tibia et trois jours d’arrêt.

On pourra "relativiser" en lisant une seconde dépêche de l'AFP, portant sur cette journée de mardi:

Selon la FSU 92, "un enseignant a été projeté à terre (...) une autre enseignante a été aussi bousculée" et "deux lycéens ont été également malmenés".

Une source policière a dit à l'AFP qu"il n'y a eu aucune violence de la part des policiers".

Et on sera totalement rassuré en lisant, dans la même dépêche, les déclarations de monsieur l'Inspecteur d'Académie:

L'Inspecteur d'académie des Hauts-de-Seine, Claude Michellet, s'est rendu sur place. Selon lui, l'intervention des forces de l'ordre est justifiée par le fait que des "personnes extérieures à l'établissement ont mis en place ce qui apparaissait être une tentative de blocage", a-t-il expliqué à l'AFP.

La majorité des cours de l'après-midi ont été annulés, a-t-il ajouté.

Monsieur l'IA (on dit comme ça, chez nous) parle mieux que madame la proviseure n'écrit, mais il ne fait pas illusion.

Véronique Soulé donne ces indications sur la journée de mercredi:

Hier, profs et élèves ont fait chacun une assemblée générale. Les enseignants ont adopté, à une large majorité, une motion dénonçant les violences policières et exigeant le retrait de la plainte. Les élèves ont voté l’occupation du lycée et appelé à la manifestation parisienne d’aujourd’hui.

Je n'ai pas trouvé de nouvelles sur ce qui s'est passé aujourd'hui.

Pas plus que je n'ai trouvé de renseignements sur ce qu'est devenue madame la proviseure...

Peut-être est-elle en stage pour devenir ministre...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Normalement, quand tu écris "les grands esprits qui se rencontrent", tu mets un lien vers mon blougui… nécessiteux...
Cordialités malgré tout

Guy M. a dit…

J'avais quelque peu hésité à cause de la négation...

Je rajoute le lien... nos lecteurs savent lire, après tout.

Salutations interrégionales.

Anonyme a dit…

"nos lecteurs savent lire, après tout."

Ça dépend des jours, hein. Quelquefois, mon cerveau est si embrouillé qu'il fonctionne à la même vitesse que celui d'une certaine proviseure de Nanterre décidée à mater à elle toute seule la révolte lycéenne. C'est dire si je ne réfléchis plus…

Guy M. a dit…

Allons, allons, tu minaudes...

Marianne a dit…

Nos médias , enfin ceux que je fréquente ne sont pas très explicites sur la suite du mouvement éducation nationale , je viens donc lire les nouvelles chez vous . J'ai une grande peine à voir Monsieur Darcos dans cette situation !

Guy M. a dit…

;-)

Mais il aime ça!