mardi 6 janvier 2009

Gestion concertée des flux migratoires





Quand l'habile diplomate qu'est monsieur Sarkozy aura rétabli la paix au Proche-Orient, ce qui ne saurait tarder, il reviendra très probablement se pencher sur la constitution du gouvernement Fillon N+1, et monsieur Hortefeux en sera, puisque monsieur Sarkozy lui en aurait fait la promesse, et que monsieur Sarkozy tient toujours ses promesses.

On raconte beaucoup de choses sur le futur poste de monsieur Hortefeux, mais c'est normal, en période de crise, il y a bien peu de sujets d'amusement. Alors, que ce soit l'Intérieur, les Affaires Sociales ou l'Education Nationale, on sait qu'il fera tout son possible pour nous pourrir la vie.

En attendant, il paraît qu'il aimerait étoffer un peu le bilan de son ministère actuel du côté du codéveloppement, qu'il faut appeler désormais développement solidaire.

Le codéveloppement est un concept extrêmement malaisé à comprendre. Personnellement, je n'ai jamais vraiment compris de quoi il s'agissait; mais je dois dire que je n'ai pas tellement essayé non plus, il faut être honnête... Ce qui me tarabuste, c'est que monsieur Hortefeux ne me semble pas avoir fait beaucoup d'effort pour creuser cette importante notion. Il ne s'est jamais fait rédiger un important discours par un nègre de son ministère pour nous expliquer ça. Les grands discours ne conviennent pas trop à quelqu'un qui sait surtout faire expulser.

Quelque chose me semble ressembler à l'idée que doit se faire monsieur le ministre de l'Immigration du développement solidaire, ce sont les accords de gestion concertée des flux migratoires entre la France et un autre pays. De tels accords ont notamment été signés avec le Sénégal, le Bénin, la République Démocratique du Congo, la Tunisie et le Gabon (on trouvera le texte des accords avec le Gabon ici).

Ce type d'accord est mitonné en suivant d'assez près, il me semble, la recette du pâté d'alouette que m'a léguée ma grand-mère.

La recette est classique: vous prenez un cheval, que vous désossez et réduisez en chair à pâté; vous prenez ensuite une alouette, que vous plumez soigneusement et hachez finement (en Normandie, on ne désosse pas l'alouette, on mange tout, bien broyé); mélangez les deux hachis, ajoutez sel, poivre, une grosse lichette de calva, et faites cuire au four en terrines. Laissez reposer deux jours au frais avant de déguster.

Dans un accord de gestion concertée des flux migratoires, la recette est: nous, on ferme nos frontières à vos ressortissants (sauf une poignée qui ont le bon profil); vous, vous les empêchez de partir. Et oouala!

Ah! pardon, j'ai oublié l'alouette: en échange, on va vous aider pour votre développement, promis!

D'ailleurs, c'est écrit... là... derrière... en petit...

Avouez que c'est alléchant.

Après signature par le pays concerné, ces accords doivent être ratifiés par les députés et les sénateurs. Cette procédure prend environ un an.

Le 16 décembre dernier, le sénat examinait les accords signés avec le Bénin, la Tunisie, le Sénégal et le Congo. Madame Eliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis, membre du groupe CRC-SPG (groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche), a fait une intervention dont vous pourrez lire le texte intégral sur son site.

Je ne sais pas si madame Assassi a le temps de cuisiner le pâté d'alouette, mais elle explique assez bien les choses.

Le gouvernement veut nous faire croire que ces accords auraient été signés dans l’intérêt de chacune des parties contractantes. Chacun sait pourtant ici que ces accords s’inscrivent dans la politique d’« immigration choisie » prônée par la France et l’Europe.

(...)

Les accords que vous faites signer aux pays africains de départ vous permettent de faire pression sur eux, d’exercer une sorte de chantage : vous leur promettez des possibilités de migrations légales - qui restent toutefois très limitées - et une aide au développement. En contrepartie, vous leur demandez d’être les « gendarmes » de l’Europe c’est-à-dire de contrôler les flux migratoires depuis les pays de départ mais aussi de transit et de faciliter les réadmissions des personnes expulsées par la France.

A l’évidence, ces accords sont loin d’être équitables. La France a tout à y gagner tandis que les pays d’émigration sont pieds et poings liés et se voient dans l’obligation de faire la police chez eux en devenant les sous-traitants de la gestion des flux migratoires pour obtenir d’hypothétiques possibilités de migrations et autres aides au développement.

(...)

La France et l’Europe veulent désormais non plus empêcher les migrants de pénétrer en Europe mais les empêcher de quitter leurs pays d’origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu’une expulsion du territoire français qui n’est pas toujours effective. Cela fait autant de sans papiers potentiels en moins qui pourraient - une fois entrés sur le sol français - s’y maintenir en situation irrégulière. (...)

(...)

Vouloir que les flux migratoires s’adaptent aux capacités d’accueil d’un pays : marché du travail, situation du logement, existence de services sanitaires, sociaux, scolaires, etc. c’est méconnaître ou ignorer la réalité des migrations dans le monde singulièrement s’agissant de leurs causes multiples : famines, guerres, maladies, catastrophes climatiques, misère, etc. C’est nier le droit à la liberté de circulation des hommes et des femmes dans le monde. En tout état de cause, dans le contexte actuel de crise économique et de récession, la France et l’Europe ne pourront pas accueillir les migrants issus d’une migration de travail. L’immigration illégale, dans ces conditions, ne pourra que perdurer.
(...)

Si les possibilités de circulation ne sont pas au rendez-vous, si l’aide au développement est absente, alors il faut se poser la question suivante : que restera-t-il de ces accords ? Uniquement le volet "lutte contre l’immigration illégale" avec le renforcement de la coopération policière qui profitera à la France et à l’Europe qui veulent être à n’importe quel prix des « forteresses imprenables ».


Madame Assassi et son groupe n'ont pas voté le texte proposé.

Avant d'être validé par les députés et sénateurs, l'accord doit être signé par le pays...

Ce n'est pas encore le cas pour le Mali, mais le gouvernement français doit penser que c'est bien dommage.

D'après une information de RESF:

Une délégation française doit se rendre à Bamako le 7 janvier pour tenter d'imposer au gouvernement malien la signature de l'accord franco-malien dit de "gestion des flux migratoires". Il s'agit en réalité de permettre à la police française d'expulser les Maliens (et d'autres !) de façon plus expéditive encore.

Cela fait plusieurs fois que la France tente d'imposer cet accord... impopulaire au Mali et encore plus dans la diaspora malienne. La mobilisation de l'opinion malienne, au Mali mais aussi en France avait convaincu les autorités maliennes de refuser cet accord. Il est encore temps d'aider le Mali qui avait vaillamment résisté jusqu'alors à ne pas céder aux pressions très appuyées d'Hortefeux.

(Voir aussi l'article de Boukary Daou dans Le Républicain du 6 janvier 2009.)

Les parisiens de mon quartier pourront participer, à l'appel de la Coordination Sans-papiers 75 et de l'association Droits devant, au rassemblement prévu le 7 janvier à 14h devant le Consulat du Mali à Paris, 60 rue Pelleport (métro Pelleport ou Gambetta).

7 commentaires:

Marianne a dit…

Je vais au Mali à la fin du mois . Je fréquente et admire l'Afrique depuis longtemps , Sénégal , Burkina faso . Les africains sont toujours montrés comme demandeurs alors qu'ils viennent à regret chez nous en Europe et dès qu'ils le peuvent ils retournent au pays .Pour eux être expulsés est une honte . Égoïstement, j'espère que ces accords ne vont pas pourrir la gentillesse des maliens . Le codéveloppement je n'y crois pas du tout tant que nous dirons aides alors qu'il s'agît de prêts à des taux prohibitifs contre des demandes excessives et inapplicables au pays et à la façon de vivre des africains .
Tout n'est pas parfait sur le continent africain mais nous avons beaucoup de choses à apprendre.

Anonyme a dit…

Jolie description culinaire de la peu ragoutante cuisine des prétendus accords de codéveloppement. Le seul truc, même si ce n'est pas le sujet (désolé…), c'est que je m'inquiète un peu de tes talents de chef cuistot : si tu as la même conception de la gastronomie que celle de ta grand-mère, je crains le pire… :-)

Guy M. a dit…

@ Marianne,
J'espère que le Mali ne signera pas, malgré les pressions.

@ Charençon,
Le pâté d'alouette est exquis, mais on ne le fait plus guère, par manque de chevaux.

Anonyme a dit…

"par manque de chevaux."

Je me disais aussi…

Guy M. a dit…

A moins d'avoir des entrées du côté de la garde républicaine...

Anonyme a dit…

@charançon et autres
Les grands mères s'accordent comme les grands esprits. La rectete reste toujours la même : 1 cheval, 1 alouette (ni désossée ni plumée quoi qu'essaient de nous faire croire les chansons traditionnelles).
Pour ma part, c'est mon père qui m'a transmis cette recette que j'ai moi même légué à mes enfants bien avant ma mort.

Guy M. a dit…

Ah! en Normandie, nous plumons tout ce qui passe...