mardi 27 janvier 2009

Debout contre profitation*




Je ne sais pas si monsieur Hortefeux, dont le sens de l'humour pince-sans-rire dérape souvent sur un substrat plutôt fangeux, apprécierait qu'on lui rappelle que nous avons outre-mer des compatriotes à l'ascendance auvergnate rien moins qu'évidente...

C'est une interrogation assez oiseuse: il ne faut pas plaisanter avec n'importe qui.

Nos compatriotes de la Guadeloupe sont engagés depuis une semaine dans un mouvement de grève assez générale pour faire pas mal de vagues sur leurs rivages, mais ces vagues ne parviennent que très amorties sur les nôtres. Il est vrai que nos journaux sont bien trop occupés à dispenser de précieux conseils aux usagers pour "éviter la galère" du jeudi 29 janvier, en oubliant soigneusement de dire que le meilleur moyen de bien vivre cette journée est de se mettre en grève.

De cette grève générale, qui a débuté le 20 janvier, nous n'avons eu de vraies nouvelles qu'à partir du 23 ou 24 janvier. Le décalage horaire est une chose redoutable...

Elle a été précédée par un mouvement de protestation des gérants de stations service traditionnelles, opposés à l'implantation de nouvelles stations automatiques. Les 115 stations service de l'île ont donc fermé, dès le lundi 19.

La grève reconductible du mardi 20 janvier a été décidée par un collectif, Lyannaj kont pwofitasyon (Alliance contre l’exploitation outrancière), qui regroupe une cinquantaine d'organisations syndicales, politiques et culturelles . Selon LeMonde.fr:

... les très activistes centrales syndicales indépendantistes UGTG (51,67 % des voix aux prud'homales) et CTU (8,57 %) et la plus modérée CGTG (19,83 %), dirigée par un militant trotskiste, ont réussi à fédérer FO et la CFDT (7,24 % et 5,35 %), la CFTC et l'UNSA (3,61 % et 2,16 %), la FSU (1,41 %) et les syndicats d'enseignants, l'ensemble des syndicats de paysans producteurs de cannes à sucre, le PC guadeloupéen et les Verts, en s'adjoignant environnementalistes et associations de "carnavaliers" identitaires.

Ce décompte permet de mesurer un peu le poids de ce collectif qui s'est avancé dans la grève en portant bien haut une plate-forme de revendications qu'il n'est pas inintéressant de consulter, et dont je conseillerais même la lecture à nos petits chefs syndicalistes. Vous trouverez, sur cette page du site de l'UGTG, les 120 points de cette plate-forme qui a été envoyée, le 21 janvier, au représentant de l'Etat, le préfet Nicolas Desforges. Vous pouvez également la télécharger, en format pdf, ici.

Manifestation dans les rues de Pointe-à-Pitre, le 24 janvier 2009,
au cinquième jour de la la grève générale.

Une grande manifestation, samedi dernier, a permis de rassembler 25 000 personnes selon les organisateurs, beaucoup moins selon les forces de police. On y a entendu de jolies mélodies, probablement bien scandées, avec les paroles suivantes:

« La Gwadloup sé tannou,
la Gwadloup a pa ta yo:
yo péké fè sa yo vlé
an péyi annou »


(« La Guadeloupe nous appartient,
elle ne leur appartient pas :
ils ne feront pas ce qu’ils veulent
dans notre pays »).


Hier, lundi, ont commencé les pourparlers de sortie de crise, comme les gouvernants aiment à dire en leur jargon. Les représentants de l'état en Guadeloupe, les élus, les délégués syndicaux et le patronat, se sont rencontrés au World Trade Center de Jarry.

Samedi dernier, une première réunion avait déterminé la méthode des négociations, et le collectif Lyannaj kont pwofitasyon a réussi à imposer que soient vus tous les points de la plate-forme de revendications les uns après les autres et dans l'ordre.

Vous pourrez vérifier que le premier point est le suivant:

Un relèvement immédiat et conséquent d’au moins 200 €, des bas salaires, des retraites et des minima sociaux afin de relancer le pouvoir d’achat, de soutenir la consommation des produits guadeloupéens et plus généralement la demande.

Les six heures de discussions d'hier n'ont pas permis de dépasser ce premier point...

Pendant ce temps, le préfet réquisitionne des stations service qui restent fermées.

Et peut-être regarde-t-il le ciel avec l'espoir d'y voir apparaître, avec son attirail de superman, c'est-à-dire avec le slip passé au dessus du pantalon, le sauveur suprême de la nation.



PS: Lexpress.fr publie deux entretiens.

Le premier avec Elie Domota, porte-parole de Lyannaj kont pwofitasyon.

Le second avec Victorin Lurel (PS), président du Conseil régional.



*Cela veut dire : Doubout kont pwofitasyon.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est clair que jeudi ca va être vraiment le bordel avec la grève !

Guy M. a dit…

Alors, marchons !

En direction de la Bastille.

myriam a dit…

Merci de ces infos outremérites...
C'est vrai qu'on n'en a jamais.
(commentaire d'une mémé du sudouest de l'hexagone quand F2 lui apprend que c'est des Guadeloupéens qui vont réparer sa ligne EDF : "ah ben j'espère qu'ils nous apportent aussi le soleil...")

Guy M. a dit…

Ah les mémés du sud-ouest ! J'aurais aimé en avoir une pour hériter de ses recettes...

Anonyme a dit…

Eheh… Un point pas encore terminé, il en reste 119 derrière ? Sont pas sortis de l'auberge… :-)

"c'est-à-dire avec le slip passé au dessus du pantalon"

Rhôôôô… je te trouve un brin irrespectueux, sur ce coup…

Guy M. a dit…

Je crois qu'ils laissent une chance à la métropole de les rejoindre dans le mouvement...

Cette description très réaliste de superman m'a été prêtée par une ironique amie, que je remercie par la présente.