dimanche 8 mars 2009

Les papiers d'Asger Jorn

Ainsi donc, la vente Bergé-Saint Laurent a inauguré la peut-être longue série des "ventes du siècle" dans le domaine de l'art...

A moins que l'art ne soit un jour rendu à toutes et à tous...

Mais la description des acheteurs que fait Claude Aguttes, directeur d'une maison d'enchères à Neuilly, me fait douter de cette éventualité:

Une certaine sensibilité artistique est nécessaire, mais la plupart des acheteurs possèdent déjà tellement d'œuvres qu'il leur est impossible de les apprécier toutes à leur juste valeur... Certains achètent des collections entières qu'ils exposent dans des appartements ou des bateaux sur lesquels ils passent trois jours par an. Une telle fortune mène parfois à une boulimie acheteuse, qui ne correspond plus vraiment à la démarche d'un vrai amateur.

Vrai ou faux, mais amateur quand même, je me contente des expositions que parfois les musées mettent en place.

J'ai profité d'un passage à Paris pour aller sur le plateau Beaubourg où le centre Pompidou présente une centaine d'œuvres sur papier signées d'Asger Jorn.

A l'entrée de l'exposition, quelques affiches intemporelles
produites en leur temps par l'atelier des Beaux-Arts...


Il y aurait amplement matière à faire de l'œuvre de Jorn une grande exposition rétrospective qui lui rendrait pleinement justice. Les grandes zinzinstitutions culturelles y penseront peut-être un jour... Ou pas...

Car faire une place à Asger Jorn dans l'institution muséale, c'est prendre le risque d'abandonner les lieux à une explosion de liberté, d'humour et de générosité.

La Fleur du Mal, 1946.

Né au Danemark en 1914, Asger Oluf Jørgensen est arrivé en moto à Paris, en 1937, pour étudier avec Kandinski, mais il s'inscrit à l'Académie Contemporaine de Fernand Léger. Pendant la guerre, il participe à la résistance avec les communistes danois, mais prend rapidement ses distances avec le parti.

Membre de CoBrA et du Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste, il participe en 1957 au congrès fondateur de l'Internationale Situationniste. Il quittera l'I.S. en 1961, tout en restant en bons termes avec Guy-Ernest Debord.

C'est à cette époque qu'il fondera l'Institut Scandinave de Vandalisme Comparé dont le nom m'a toujours fait rêver... Parmi les productions de l'Institut, figure un livre malheureusement absent de ma bibliothèque:

JORN A. & GLOB P. V. 1964. — Signes gravés sur les églises de l’Eure et du Calvados.
Redigeret af Skandinavisk Institut for Sammenlignende Vandalisme, København ; Paris.

Jusqu'à présent mes recherches ont été vaines. Mais je dois reconnaître que je n'ai pas beaucoup cherché...

C'est en 1964 que le Vandale du Jutland reçoit le prix Guggenheim (2500 $), il répond par ce télégramme adressé au président Harry F. Guggenheim:

GO TO HELL BASTARD--STOP--REFUSE PRIZE--STOP--NEVER ASKED FOR IT--STOP--AGAINST ALL DECENCY MIX ARTIST AGAINST HIS WILL IN YOUR PUBLICITY--STOP--I WANT PUBLIC CONFIRMATION NOT TO HAVE PARTICIPATED IN YOUR RIDICULOUS GAME.

(Je suppose que Jorn a rédigé en anglais, alors je le laisse en anglais...)

Le premier mai 1973, Asger Jorn quittait ce monde qu'il avait embelli d'environ 2500 œuvres, peintures, gravures, dessins, céramiques, sculptures, livres, collages, décollages, détournements...

Il en a légué une grande partie au Musée de Silkeborg, dans le Jutland, où il faudra se décider à passer quelques jours si la rétrospective se fait attendre.

Asger Jorn.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Une bonne intro à l'Internationale Situationniste:

"La critique situationniste ou la praxis du dépassement de l'art"

Guy M. a dit…

Merci pour le lien.

Anonyme a dit…

En réalité, après 1961, Asger Jorn continue à collaborer à l'IS pendant encore un an, sous le pseudonyme de George Keller (Source: Raspaud et Voyer, L'Internationale Situationniste, Protagonistes, Chronologie, Bibliographie (avec un index des noms insultés)", Champ Libre, 1972).

De Jorn, on ne saurait trop conseiller : La Genèse Naturelle, Allia, Paris, 2001.

Cordialement,

Guy M. a dit…

Merci de cette précision (à vrai dire, je ne suis pas très au point sur l'histoire du situationnisme...)

Merci aussi de rappeler que Jorn est aussi un écrivain, théoricien, d'une grande culture mais l'utilisant pour sortir résolument hors des sentiers battus.