mardi 10 mars 2009

Eric Besson et "cette petite musique-là"

Je suis bien conscient de la facilité qu'il y a à faire un billet de plus sur les déclarations d'un Eric Besson: son itinéraire tragique de traître shakespearien, son éclatant sourire à la Buster Keaton et son infatigable dévotion à la casse des liens familiaux l'ont rapidement rendu sympathique à tous les nationaux de souche.

Malheureusement, sa susceptibilité d'écorché vif à l'épiderme encore trop sensible après retournement, l'expose à prendre la mouche pour trois fois rien.

Philippe Lioret, cinéaste, a réalisé un film, Welcome, dans la région de Calais. L'argument, très résumé, du film, qui sortira demain, est le suivant:

Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage...

Le réalisateur, revenu à Calais pour présenter son film, a accordé à la Voix du Nord un entretien qui se termine sur ces deux échanges:

- C'est aussi une histoire d'amour...

« L'affectif des gens, ça régit tout. Il se trouve que le personnage de Vincent Lindon se trouve dans une phase affective très épineuse, à ce moment-là. Au début, il va aider le jeune Kurde pour de mauvaises raisons. Et puis il va se laisser prendre, comme un apprenti sorcier. Et on arrive à ce truc fou : si demain, vous voulez rendre service à un mec qui n'a pas de papiers, vous tombez sous le coup d'une "aide à personne en situation irrégulière"... Dans quel pays on vit ? »


- Vous n'êtes pas tenté d'apporter des solutions ?

« Je ne suis pas un politicien, moi. Et c'est quoi la solution ? Ça m'a tellement scié de voir ça. De voir qu'un brave mec, d'un seul coup, se retrouve mis en examen, et qu'il peut aller en taule. C'est dingue. J'ai l'impression qu'on est en 1943 et qu'on a planqué un Juif dans la cave. »



Vincent Lindon (qui tient le rôle de Simon) pendant le tournage.

Cette dernière phrase a irrité monsieur Eric Besson. Selon le NouvelObs:

( Philippe Lioret) "a plus que franchi la ligne jaune lorsque dans une interview à La Voix du Nord, il dit "les clandestins de Calais sont l'équivalent des juifs en 43" : cette petite musique-là est absolument insupportable", a déclaré Eric Besson sur RTL. "Suggérer que la police française c'est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu'ils sont l'objet de rafles, etc., c'est insupportable", a-t-il insisté.

Si monsieur Eric Besson n'aime pas "cette petite musique-là", on peut lui suggérer que la musique, grande ou petite, qu'il nous joue depuis son arrivée au ministère de l'Identité protégée ne nous plaît pas non plus.

Dans le domaine de la très grande musique, la production d'Eric Besson a été suivie d'assez près par le RESF, qui en a fait un relevé (non exhaustif) éloquent. Mis en ligne ici.

C'est surtout dans le domaine de la petite musique, insinuante et suggestive, que monsieur Eric Besson révèle toute l'originalité de son talent.

Pour avoir une idée de cette petite mélodie, on peut revenir sur l'histoire de la garde à vue de madame Monique Pouille.

Cette habitante de Norrent-Fontes a été arrêtée le 25 février avec treize migrants érythréens et enfermée pendant huit heures au centre de rétention administrative de Coquelle. Depuis plusieurs années, avec d'autres bénévoles de l'association Terre d'Errance, elle apporte son aide aux migrants: un peu de nourriture, recharge de leur portable... C’est ce qui lui a valu son arrestation.

Solidaires, simplement humains, donc présumés délinquants...

Dans un article du mercredi 4 mars, la Voix du Nord revient sur les motifs de l'interpellation de madame Monique Pouille... Et l'on y entend trop bien la petite musique fielleuse et répugnante que veut nous faire entendre monsieur Eric Besson:

Prélude:

(...), une source proche du dossier affirmait : « D'autres éléments nous font penser qu'il n'y avait pas que des recharges de téléphones portables. On ne place pas des bénévoles en garde à vue sur un abus de pouvoir. »

Thème:

Lundi soir, invité de l'émission Ce soir ou jamais sur France 3, le ministre de l'Immigration a été interrogé sur la garde à vue de Monique Pouille et l'audition d'un autre bénévole de Terre d'errance, le même jour. « Pour qu'une personne puisse être mise en cause par la justice, il faut qu'elle entre dans la filière d'immigration clandestine et qu'elle apporte volontairement son aide à l'entrée ou au séjour illégal, a-t-il répondu. Par exemple en apportant de l'argent au passeur pour le transport. »

Variation:

Face à lui, Vincent Lindon, acteur vedette du film Welcome, s'est fait l'avocat des bénévoles. Il s'est insurgé contre cette loi qui peut sanctionner les particuliers venant en aide aux migrants de 5 ans de prison et 30 000 € d'amende. « Il faudrait préciser "aide à but lucratif" », a proposé l'acteur. « Parfois, par conviction et pas simplement par intérêt lucratif personnel, on peut se mettre hors la loi en entrant dans une filière et c'est ça qu'il faut réprimer », a rétorqué le ministre.

Il vaudrait mieux être sourd que d'entendre la petite musique de monsieur Besson.



PS: Il y a dans le patois du Nord, dans l'accent du Nord une musique infiniment plus agréable à entendre. C'est peut-être le patois de Monique, ou son accent...

Pour l'entendre, vous pouvez lire ce texte que Bertrand Cocq, auteur patoisant, a écrit, parce que "cha soulache": L’pétite file au nom d’tchien.

Vous pourrez en trouver une traduction sur le site de Terre d'Errance.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est dommage, ton joli texte ne touchera jamais ce salopard de Besson : en matière de musique, lui n'aime que cette petite mélodie de l'indignité qui voit les lâches et les vendus danser le sabbat des sans-consciences.

(Pour mon retour en tes terres, j'avais envie d'une longue phrase. Je peux ? )

Guy M. a dit…

Ah! sûr! que j'aimerais être capable de longues phrases musicales!

Mais je perds un peu le souffle...

Anonyme a dit…

"Mais je perds un peu le souffle..."

D'abord : non (tout au moins, pas dans tes billets, toujours aussi bons. Pour la lassitude du blogueur de fond, sûr qu'elle n'est qu'occasionnelle). Et ensuite : ne te plains pas, il te reste ton instrument. Le mien est soumis au bon vouloir de mon hébergeur, seul capable de remettre les choses sur les rails.

Guy M. a dit…

Merci...

(Je râle parfois contre Blogger, mais grosso modo, ça ne déraille pas trop... Courage, si ça dure, on fera une pétition!)

Anonyme a dit…

"si ça dure, on fera une pétition!"

:-)

(Bien joué !)