vendredi 19 septembre 2008
Vilains canards à la Tour d'Argent
Nous voilà rassurés, les vilains canards non numérotés, car sans papiers, qui se prélassaient avec leurs soutiens cégétistes dans les salons de la Tour d'Argent, ont été évacués hier matin.
Le point de départ de cette affaire est ainsi résumé dans LeMonde.fr:
Cinq mois après le lancement de leur mouvement, les travailleurs sans papiers continuent de se faire entendre. Mercredi 17 septembre, à 10 heures, une trentaine d'entre eux ont investi le prestigieux restaurant parisien de La Tour d'argent pour soutenir la demande de régularisation de leurs cinq camarades qui y sont salariés. (...) Avec cette nouvelle opération touchant un lieu de prestige, la CGT veut lancer un avertissement contre les "tergiversations du gouvernement et du patronat". "Le gouvernement refuse toujours d'établir des critères clairs. D'une préfecture à une autre, on continue d'avoir un traitement différent des dossiers de salariés d'une même entreprise", constate Raymond Chauveau, secrétaire général de l'Union locale CGT de Massy, à l'origine du mouvement. Se pose ainsi la question des intérimaires. "Nombreux sont ceux qui, sous ce statut, travaillent de façon quasi permanente pour la même entreprise, et ce parfois depuis plusieurs années", insiste le syndicaliste. (signé Laetitia Van Eeckhout)
De cette occupation, LeMonde a tiré un portfolio dont je tire cette image de Bertrand Guay (AFP):
D'après FranceSoir.fr:
André, le fils du regretté Claude Terrail, « le seigneur de la tour », nous a précisé que cette occupation s’est déroulée sans dégradation, dans le calme. Le sitting qui se poursuivait dans l’après-midi est resté limité au hall d’entrée du restaurant, les clients pouvant rejoindre la salle à manger située au dernier étage de la tour avec sa vue imprenable sur celles de Notre-Dame. Comme d’habitude, le service s’est parfaitement déroulé. Surpris et amusés de nombreux touristes ont pensé qu’il s’agissait d’une mise en scène cinématographique et après leur avoir fourni des explications, ils ont trouvés cette situation typiquement française. En fin de journée le service du dîner semblait devoir se dérouler normalement. Les responsables de la CGT n’ont cependant pas précisé combien bien de temps ils allaient occuper ce temple prestigieux de la gastronomie française mondialement reconnu et apprécié.
Les touristes ont bien fait d'en profiter au soir du 17, car au matin du 18 on apprenait que la direction avait fait expulser les occupants. Selon 20minutes.fr (avec agence):
«Les sept salariés grévistes ont été expulsés manu militari par la direction entre 08h et 09h du local qu'ils occupaient à l'intérieur du restaurant», a déclaré à l'AFP Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT, qui coordonne un mouvement de grève de salariés sans papiers en Ile-de-France. «Des coups ont été portés à certains salariés», a-t-elle ajouté. Selon une source proche du dossier, un employé du restaurant ayant participé à l'évacuation a déposé une plainte pour violence volontaire contre un sans-papiers, qui a lui-même déposé une main courante pour avoir été molesté. La direction a confirmé l'évacuation des lieux, mais démenti les accusations de violence. «Cela s'est passé très calmement. On est allé voir les grévistes, en présence d'un commissaire de police, et au bout de longues palabres, on a décidé qu'il était temps de libérer les lieux. Les grévistes ont compris notre démarche, il était important que l'accueil de la clientèle soit préservé», a indiqué le propriétaire de l'établissement André Terrail.
Le même André Terrail se voit attribuer, sur Europe1.fr, cette précision:
"Sur la sortie, il y a eu une bousculade entre un employé et un gréviste, qui a entraîné une morsure assez forte d'un des employés, qui a porté plainte (…) Mais il n'y a absolument pas eu de main levée, ni de coups portés. On a des vidéos", a indiqué de son côté le propriétaire de l'établissement André Terrail.
On le comprend, monsieur André Terrail, fils de Claude, lui-même fils d'André qui avait acheté l'établissement en 1911, ce n'est pas possible de laisser profaner le temple de la gastronomie française. Etre propriétaire d'un établissement comme la Tour d'Argent, c'est un peu être le grand larbin en chef, le grand ordonnateur de la servilité devant les friqués qui viennent s'offrir le folklore du célébrissime "canard Tour d'Argent", mis en scène par Frédéric Delair en 1890.
Je ne suis pas spécialement nationaliste normand, ni particulièrement fier de ma normanditude, mais ce fameux canard, savez-vous, que l'on peut appeler "canard au sang", "canard pressé" ou même "canard à la rouennaise", je me demande s'il ne serait pas né beaucoup plus en aval sur les bords de la Seine.
Une de mes tantes, celle qui en avait (de la moustache, je précise), préparait un canard, qu'elle avait au préalable étouffé sous son pied, d'une manière assez proche, mais sans tous les chichis prétendument rituels de la Tour d'Argent. Elle faisait aussi une sauce utilisant le sang de la bête, le foie écrasé et une giclée de gnôle, le tout additionné des sueurs de la carcasse grossièrement pressée après découpage. Or ma pauvre tante n'avait pour livre de cuisine que sa mémoire... et n'avait mis les pieds à la Tour d'Argent.
Elle utilisait un canard de Rouen, mais on admettait que le meilleur canard pour cette recette était celui de Duclair, dont la race est née des croisements de canes domestiques avec des canards de passage...
Comme on dit par chez moi, l'expulseur peut toujours se rengorger, les "canards Tour d'Argent", moi, je les ai connus vivants.
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7 commentaires:
Cachez ces noirs employés que nous ne saurions voir. Cela fait tache sur tout cet argent...
C'est vrai, ça, pourquoi ont-ils voulu se faire voir et photographier, et surtout s'exprimer!
A la plonge, ils étaient plus discrets...
Y en a des qui se croient toujours obligés de se faire remarquer. Et après on s'étonne...
En même temps, pas étonnant qu'ils se fassent jeter de la Tour d'Argent, lieux de restauration pour clients pavés d'or. Tandis qu'à la Bourse du Travail, pas de problème…
Euh... Pas de problème, c'est vite dit. Il me semble bien avoir lu quelque part que la CGT n'était pas contente du tout rapport à l'occupation de la Bourse du Travail, et que ça avait comme qui dirait créé des tensions avec le CSP75...
Bises !
Flo Py me coupe l'herbe sous le pied: j'allais faire allusion à ces dissensions entre le CSP75 et la CGT.
Il faudrait d'ailleurs examiner de plus près les positions de la CGT (qui, dans cette histoire de la Tour d'Argent a probablement voulu faire dans le spectaculaire médiatique).
Oups, je n'ai rien dit.
Il me semble aussi, par ailleurs, que la CGT a été accusée, lors du mouvement de grève des travailleurs sans papiers il y a quelques semaines ou mois, de faire de la comm médiatique sans trop se soucier de l'après. Ça vaudrait en effet le coup d'approfondir la question.
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