vendredi 26 septembre 2008

Oui ou non au référendum



C'était une grande femme un peu osseuse, au visage peu souriant taillé au burin, avec une énorme sacoche de cuir épais qui semblait peser des tonnes. Sur sa mobylette elle parcourait les petites routes de ce plateau d'une platitude de plat pays où je suis né, pour y distribuer le courrier. On l'appelait la "factrice" et je ne lui ai jamais connu d'autre nom, ni de prénom.

Par elle me parvenaient les magazines auxquels j'étais abonné, les albums où je pouvais ranger les images du chocolat Suchard ou les timbres du chocolat Cémoi... Et pendant un été (entre la sixième et la cinquième), elle me transmit fidèlement les missives de ma correspondante anglaise, Pamela, championne de natation dont la précocité, quasiment palpable sur le portrait en buste qu'elle m'envoya, accompagna fantasmatiquement les préludes de mon adolescence.

On comprendra, à cette évocation, mon attachement très sentimental au service public de la Poste.

Autre évocation sentimentale.

D'autres raisons, moins sérieuses, m'amènent à penser, comme beaucoup de mes concitoyens, que "l'ouverture du capital" de la poste ressemble fort à un coup fourré menant à une privatisation.

Je ne suis pas encore guéri, malgré les récents brillants développements dans le domaine de la finance, de cette incoercible méfiance que je ressens devant tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une adaptation aux règles économiques de l'idéologie libérale... Et je crois qu'il me faudrait encore une cinquantaine d'année de pédagogie sarkoziste pour m'en sortir.



Bernard Thibault manifeste le 23 septembre dernier
contre l'ouverture du capital de la Poste.
(AFP PHOTO JACQUES DEMARTHON)


Bernard Thibault, lui non plus, n'est pas tout à fait guéri. Il vient de faire "sa rentrée" au Zénith (très occupé ces jours-ci), et on peut en lire un petit compte-rendu dans LeFigaro.fr, sous ce titre décoiffant: Thibault fustige la politique de Sarkozy.

"Devant 4 000 de ses «camarades» surexcités" (dixit Marc Landré, signataire de l'articulet), il serait allé "jusqu'à transformer le célèbre «travailler plus pour gagner plus» du candidat Sarkozy en «pour gagner plus, il faut lutter plus»".

Sur la fin, nous pouvons lire:

Au plan national, il entend également «livrer bataille» sur plusieurs fronts. Celui du pouvoir d'achat en proposant «de porter immédiatement le smic à 1 600 euros par mois», sans préciser en net ou en brut, et en réclamant une nouvelle fois «une augmentation des salaires». Celui contre l'ouverture de capital de La Poste, sujet sur lequel il réclame «un vaste débat public qui pourrait se conclure par un référendum».

Chouette! Un référendum!

Cette idée de référendum sur l'avenir de la Poste semble titiller beaucoup de monde... J'ai même entendu Ségolène Royal en parler ce matin avec Nicolas Demorand...

Il est vrai qu'au vu du sondage CSA* publié par l'Humanité mardi dernier, cela semble dans la poche.

Oui, mais...

J'ai l'impression qu'autour de cette idée, on discute tellement que bientôt il va falloir pétitionner pour organiser un référendum dont la question sera "Faut-il envisager de faire une pétition pour demander un référendum sur l'avenir de la Poste ?"

On a été tous bien élevés, comme en mon village relié au monde par une inamovible factrice, où les vieux se penchaient, sourcil froncé, sur les mouflets contestataires pour leur dire: "c'est pas beau de dire non..."

Art postal par C. Gasarian


* Les résultats sont ainsi résumés par l'AFP:

Six Français sur dix disent ne pas être favorables à un changement de statut de La Poste, selon un sondage CSA publié par l'Humanité mardi, jour d'une grève des postiers à l'appel de cinq syndicats contre la transformation de l'entreprise publique en société anonyme dès 2010.

Selon cette enquête, 61% des personnes interrogées se déclarent "pas favorable" au changement de statut (21% plutôt pas et 40% pas du tout). A l'inverse, 29% y sont "favorables" (21% plutôt et 8% tout à fait). 10% ne se prononcent pas.

(...)

Enfin, si un référendum était organisé sur le statut de la Poste, 61% des personnes qui se prononceraient, voteraient "non" contre 39% qui voteraient "oui". Mais 53% des personnes interrogées s'abstiendraient ou voteraient blanc ou nul.

Ce sondage a été réalisé par téléphone les 17 et 18 septembre auprès d'un échantillon représentatif de 853 personnes âgées de 18 ans et plus constitué d'après la méthode des quotas.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avais ouï dire que pour être représentatif, un "échantillon de population" devait comprendre au moins mille personnes…

Guy M. a dit…

J'ai entendu parler d'un millier "environ"...

Il faudrait regarder de près la théorie statistique (ce que je n'ai jamais eu le goût de faire).

Ceci étant, en démocratie, il arrive qu'un seul individu soit déclaré représentatif!

Anonyme a dit…

C'est bizarre, mais depuis le coup du Traité prétendument "mini", le mot "référendum" évoque pour moi le foutage de gueule caractérisé. J'ai du mal à croire que ce soit une bonne idée d'en réclamer un...

Bises et bonne journée !

Anonyme a dit…

Un référendum ? Puis quoi encore ?

Finis les référendums, faudarait quand même pas trop donner de choix aux citoyens.

"un coup fourré menant à une privatisation."

Il y a longtemps qu'elle a commencé la privatisation de la Poste. Ce ne sera jamais que son achèvement.

Guy M. a dit…

@ Flo Py,
Oui, l'idée est un peu vaseuse: a-t-on vraiment besoin, dans ce cas, d'un référendum pour dire "NON!" ?

@ Françoise,
Tu as raison de relever mon optimiste euphémisme: j'aurais dû dire "privatisation complète, totale, intégrale..."