Vérité et Justice sont deux bien belles notions générales au profil de médailles. Leurs noms se trouvent souvent réunis pour désigner des collectifs demandant que vérité soit faite et justice rendue en un certain nombre d'affaires où un particulier a trouvé la mort dans des circonstances qui ne lui ressemblaient pas.
Par coïncidence, le particulier en question avait été pris en charge, avant son décès, par des représentants des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions.
Dans un billet du 22 juin, j'ai fait état de la mort de monsieur Ali Ziri, retraité de 69 ans, au cours d'un contrôle, suivi d'une interpellation, par la police d'Argenteuil. Vous y retrouverez les déclarations expéditives du représentant du parquet, monsieur Bernard Farret, et le témoignage de monsieur Arezki Kerfali, présent sur les lieux, qui est maintenant accusé d'outrage à agent et doit comparaître le 17 septembre.
La fermeté et la détermination du collectif d'associations qui s'est réuni autour de la famille d'Ali Ziri et de celle d'Arezki Kerfali ont conduit à une réouverture du dossier qui avait été rapidement classé. Une contre-expertise médicale a été effectuée.
En voici la conclusion, dans le jargon des carabins:
L'examen autopsique effectué après une 1ère autopsie à l'hôpital de Garches sur le corps de ZIRI Ali nous permet les observations suivantes:
- Multiples hématomes de l'hémicorps droit, antéro-latéraux et postérieurs, multiples hématomes des membres inférieur et supérieur droits, certains de ces hématomes peuvent correspondre à des lésions de maintien.
- Pas de fracture du crâne ou de l'ensemble du squelette.
- Erosions et hématomes superficiels de la face évoquant un appui de la face.
- Poumons d'asphyxie de type mécanique.
- Appui dorso-lombaire et thoracique latéral droit, de l'épaule et du bras droit.
Mort par anoxie probable, dans un contexte multifactoriel. Analyses toxicologiques, anatomopathologiques indispensables, associées à l'étude du dossier médical et de la procédure pour permettre toute synthèse utile.
Et c'est signé et daté du 20 juillet 2009.
Ces mots nous disent comment le corps d'Ali Ziri a été malmené...
Ce corps meutri a été mis en bière hier soir afin d'être rendu à sa famille en Algérie où le cercueil partira demain.
Photo S. Ortola / 20minutes.
J'avoue, à ma grande honte, que j'avais oublié le nom d'Abou Bakari Tandia...
Les faits remontent au mois de décembre 2004, et sont ainsi résumés sur le site de ceux qui, eux, ne les ont jamais oubliés:
5 décembre 2004, début de soirée
Abou Bakari Tandia, 38 ans, résidant en France depuis 13 ans, d’origine malienne, est interpellé rue du Clôs Lucé à Courbevoie par la Brigade Canine et emmené au commissariat de Courbevoie.
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004, Abou Bakari Tandia tombe dans le coma dans des circonstances encore troubles à ce jour. Les pompiers l’emmènent d’abord à l’hôpital de la Salpétrière à Paris pour examen, puis le ramènent à l’hôpital Louis Mourier de Colombes où il est admis en réanimation. Son coma est irréversible. Le procureur de Nanterre Bernard Pagès se déplace dans la nuit et classe l’affaire sans suite.
L'origine du doute
Plus tard, lors de l'instruction, la famille partie civile prendra connaissance de la version des policiers : Abou Bakari Tandia se serait volontairement frappé la tête contre le mur dans sa cellule et serait tombé inanimé. Mais ni les 2 hôpitaux concernés ni le rapport d'autopsie réalisé après le décès de Abou Bakari Tandia n'ont détecté de lésion du crâne. La famille n'a pas non plus constaté de marques visibles sur la tête ou le visage de la victime lors de la première visite à l'hôpital.
Abou Bakari Tandia s'est éteint le 24 janvier 2005.
En avril, une association de soutien se constitue, et la famille se lance dans le labyrinthe juridique en se constituant partie civile...
Novembre 2007
Le dossier est confié à Maître Yassine Bouzrou, du Barreau de Paris. Il reprend le dossier à zéro et met en évidence de nombreuses zones d'ombres. Grâce à ce spécialiste des affaires pénales, les parties civiles prennent connaissance d'éléments nouveaux : par exemple, que des documents primordiaux du dossier médical manquent à l'appel, et cela malgré les recherches.
Un article de Luc Bronner, consultable sur LeMonde.fr, donne les détails des derniers développements:
La réapparition du dossier a permis au juge de demander une expertise complémentaire. Ce nouvel examen des pièces médicales apporte d'autres doutes sur la version policière. Les médecins de l'institut médico-légal de Paris relèvent en effet "l'absence de lésion traumatique crânienne ou crânio-faciale par choc direct contre un plan dur". Ils estiment que la mort a probablement été provoquée par "un ébranlement cérébral par violente(s) secousse(s) de la victime, phénomène connu pour provoquer une commotion cérébrale mortelle". Le témoignage du policier affirmant avoir vu le gardé à vue se jeter contre un mur est aujourd'hui jugé "peu compatible" avec les constatations médicales. "L'exiguïté de la cellule de garde à vue ne permet pas de prendre un élan et une accélération suffisante pour créer ce type d'œdème cérébral", relèvent les experts.
Face à ces éléments, le parquet a demandé au juge de procéder à des instructions complémentaires. Le procureur de la République lui demande notamment de faire entendre les experts médicaux afin qu'ils précisent leurs conclusions. Surtout, il requiert que "tous les policiers" soient à nouveau convoqués pour les confronter à ces expertises.
Comme je manque totalement d'esprit, et surtout du mauvais, je me contenterai de m'étonner...
PS1: Le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri appelle à un rassemblement le 11 septembre, à partir de 18 heures, sur la dalle d'Argenteuil (à côté de la gare du Val d’Argenteuil) "où seront présentes d’autres victimes de violences policières, leurs familles et leurs avocats pour témoigner et exiger justice." Les prises de paroles commenceront vers 18h 30, et le rassemblement se terminera par un repas partagé (vers 20h 30).
PS2: L'association Vérité et Justice pour Abou Bakari Tandia appelle à un rassemblement le 12 septembre, à 14 heures, non loin du ministère de la Justice, à l'angle de la rue de Castiglione et de la rue St Honoré. Les rassemblements revendicatifs étant interdits Place Vendôme par la Préfecture de Police, le lieu précis de la manifestation reste encore à valider: voir confirmation du lieu de rendez-vous sur le site de l'association.
2 commentaires:
Mon petit doigt me dit que tu n'es pas loin de salir l'honneur de la police, avec un tel billet ; Hortefeux t'as dans la ligne de mire. Et puis :
"Comme je manque totalement d'esprit, et surtout du mauvais, je me contenterai de m'étonner..."
Je m'inscris en faux : tu es plein de mauvais esprit. Heureusement, d'ailleurs.
En fait, je suis soutenu par monsieur Hortefeux, qui a déclaré:
"Mes objectifs sont clairs: tolérance zéro pour les voyous, bavure zéro pour les policiers, qui le souhaitent autant que moi."
(in le JDD: http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Hortefeux-Tolerance-zero-pour-tout-le-monde-131383/ )
... mais lui aussi est affligé d'un certain mauvais esprit...
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