Le monde entier va bientôt nous les envier: nous avons les policiers anti-terroristes les plus finauds de la planète.
Une preuve: ils ont été le premiers à comprendre que ce que l'on ne peut trouver en ville, on doit le chercher à la campagne, et ils ont mis au point une technique imparable qui consiste à viser les petits commerces ruraux, épicerie, bar-tabac, ou autres, tenus par des "originaux" qui font dans l'associatif, l'alternatif, le revendicatif.
Le paradigme de cette méthode: les investigations autour de l'épicerie de Tarnac, avec le succès que l'on sait, et sur lequel nous ne reviendrons pas.
A Trifouillis-en-Normandie, nous sommes tranquilles de ce côté-là, notre bar-tabac-journaux est tenu par un naturiste de la mouvance chasse-pêche et gueule de travers. On ne devrait jamais trouver son officine fermée pour cause de garde à vue prolongée.
Les habitants de Saint-Pons-de-Thomières, dans l'Hérault (c'est à dire le 34, comme on dit maintenant), n'ont pas notre chance. La librairie-bureau de tabac La Cigale a attiré l'attention des fins limiers de la police, qui ont inventé de soupçonner son patron, monsieur Pierre Blondeau, d'être le "corbeau" auteur d'une trentaine de lettres de menace, signées "Combattants de la cellule 34", toutes postées du département de l'Hérault, et adressées essentiellement à des personnalités politiques de droite.
On dit qu'une expertise graphologique aurait trouvé dans ces lettres des "similitudes" avec l'écriture de Pierre Blondeau.
Aucune piste n'étant à négliger, surtout quand on n'en a qu'une, on peut penser que c'est sur la base de cet indice convergent vers lui-même que la police a lancé une vaste opération de "vérifications" dans le Saint-Ponais. Onze personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, et "tous ceux qui côtoyaient Pierre Blondeau ont eu droit à la visite des enquêteurs et ont été perquisitionnés, notaire de Saint-Pons compris."(d'après LeMonde.fr)
Parmi les vérifications effectuées, le quotidien Libération note qu'afin de comparer leur écriture avec celle du "corbeau" (présente sur certaines enveloppes), les personnes interrogées ont dû se soumettre à une dictée qui n'était autre que Le corbeau et le renard.
Quand la police fait de l'humour, on est forcément mort de rire.
Ces vérifications n'ont rien donné, évidemment: tous les gardés à vue ont été libérés.
Mais l'enquête continuera... Il le faut !
Il est possible qu'elle continue avec obstination à tourner autour de la forte et sympathique personnalité de Pierre Blondeau, car le bonhomme, malgré son passé de militaire, a l'art de marcher hors des rangs. Notre buraliste-libraire est membre du Parti Communiste, secrétaire de la cellule Saint-Ponaise du parti, baptisée «cellule de l’abbé Jacques Roux», du nom d’un abbé révolutionnaire en 1789. Les réunions se déroulent dans l’arrière-salle de la Cigale. Il est le rédacteur d'un journal local La Commune, où il critique avec entrain la politique du député-maire socialiste Kléber Mesquida . Enfin il fait partie de l'association Hurlevent, créée en mars 2008 pour s'opposer au projet de Zone de Développement Eolien dans les Avant-Monts de l'Hérault (au sein du Parc Naturel Régional du Haut Languedoc).
Monsieur le maire n'est pas venu.
Pierre Blondeau a été libéré samedi soir, il est arrivé à Saint-Pons vers 22 heures. Une cinquantaine de personnes l'attendaient.
Il y avait peut-être Jeannot le Suisse, un habitué de la librairie-tabac, interpellé lui aussi et libéré, qui, dans une interview du Midi Libre, décrit ainsi l'ambiance de La Cigale:
On s'y réunit régulièrement, entre gens de sensibilité de gauche, tous différents. On discute, on se dispute. C'est peut-être le seul endroit en France où il y a autant de partis de gauche qui se mettent autour d'une table.
A la fin de l'interview, on lui demande:
Pourquoi ce surnom de Jeannot le Suisse ?
Réponse:
Parce que j'ai travaillé en Suisse comme chauffeur et que je suis de descendance suisse. Mais je vis à Saint- Pons depuis 30 ans. Cela dit la cellule antiterroriste m'a confié que les gendarmes de Saint-Pons m'avait donné un autre surnom: le renard argenté.
Quand la gendarmerie fait de l'humour aussi, forcément on est mort de rire...
4 commentaires:
Ce que je trouve plutôt classe, c'est qu'à chaque fois que les forces de l'ordre s'attaquent ainsi à des piliers de la vie locale, qu'il s'agisse des épiciers de Tarnac ou d'un libraire de Saint-Pons, ils soulèvent un vent de fronde parmi les habitants du bled, décidés à ne pas s'en laisser conter par les fiers limiers de l'antiterrorisme. C'est au moins une bonne nouvelle : parfois, des gens peu politisés sont prêts à se bouger pour le mec qui leur livre le pain depuis deux ans ou leur vend le canard.
Malgré leur humour, les policiers ont du mal à se faire apprécier des frustres populations de nos provinces.
Il va falloir organiser des rencontres citoyennes pour renouer le dialogue. J'en dirai un mot à Brice.
"J'en dirai un mot à Brice."
Fais gaffe : pas un mot plus haut que l'autre et seulement de douces paroles. Sinon, tu sais ce qui te pend au nez…
Tu me connais: je parle très onctueusement, ce qui est remarquable pour un sourd.
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