mardi 29 septembre 2009

Moment choisi dans Calais libéré

Le ouiquende dernier, la ville de Calais entendait fêter avec éclat sa Libération.

Il ne s'agissait évidemment pas de la libération de la ville des hordes de migrants qui semaient le trouble, le désordre et l'insécurité dans toute la région, selon les dires (à peine amplifiés par ma mauvaise langue) de certain(e)s...

D'ailleurs, à strictement parler comme madame Bouchart, les opérations de fermeture de la "jungle", commandées par monsieur Besson ont eu un effet de "soulagement", et non de "libération".

Nuance.

Donc, le ouiquende dernier, Calais fêtait le soixante cinquième anniversaire de sa libération par les troupes canadiennes.

Calais fut alors libérée de ce qu'on a pris l'habitude de périphraser, assez machinalement, en utilisant l'expression "barbarie nazie".

La mairie avait bien prévu les choses, pour qu'il y ait du spectacle et de la bonne humeur.

Parc Richelieu, le club Ansérien de Reconstitution historique de véhicules militaires proposait au public la reconstitution d'un camp militaire. On pouvait y voir une quinzaine de véhicules de la deuxième guerre mondiale, entourés d'une trentaine de modèles vivants en tenue militaire d'époque...

Nuit et jour, vous pourrez venir les voir vivre, manger, préparer leur matériel...

Je sens que vous avez déjà un petit regret d'avoir raté ça...

Pour ceux qui n'ont pas la fibre mécanique, l'office du tourisme de la ville avait organisé un bal de la Libération, sous chapiteau, place d'Armes, presqu'entièrement d'époque puisqu'on y promettait des musiques swingantes des années 50. Au cas où personne n'aurait su se trémousser sur les rythmes endiablés de l’orchestre Opus One Big Band, l'animation du bal était assurée par les danseurs de la DSAR (que les calaisiens doivent connaître).

Alors là, vous regrettez grave.

Pour faire plus sérieux, deux conférences étaient programmées au musée des Beaux-Arts, assurés par des membres de société historiques des Amis du Vieux Calais, et le hall de l'hôtel de ville accueillait une exposition de photographies, accrochées par le musée de la Guerre, et des maquettes de trains prêtées par l'association calaisienne les ferrovipathes (sic et quid ?).

Le programme se termine par un "temps de célébration" à l'église Notre-Dame, de 9h à 9h 45, le dimanche matin.

En fin de matinée, bien que le programme ne le dise pas, je suppose qu'une cérémonie un peu plus laïque et républicaine devait être prévue, en présence des élus et du sous-préfet.

Arrivée des officiels.

Ce type d'hommage est assez conventionnel et ennuie tout le monde...

Alors, on expédie les choses: des discours, pas trop longs, les discours, peut-être une gerbe de fleurs, pas trop fanée la gerbe, une sonnerie aux morts, pas trop fausse la sonnerie, et puis, tiens ! le chant des partisans, tous en en chœur, donc tout à fait faux.

Et puis, à l'année prochaine ! On essayera de faire un peu plus vite...

Cette année, cependant, la fin de la cérémonie républicaine fut émaillée de ce que la Voix du Nord appelle un "incident": Des militants No Border parmi les militaires (c'est le titre de l'article).

Petite erreur: Calais a été libérée en 44.

Voici le communiqué de presse No Border (j'ai corrigé les erreurs de dates):

Des migrants et des militant-e-s de No Border ont honoré aujourd’hui la mémoire de celles et ceux qui ont lutté contre le fascisme en libérant Calais voici 65 ans, en appelant à poursuivre cette libération en mettant fin à l'oppression des migrant-e-s à Calais.

Le groupe, qui comprenait des migrants iraniens, pachtouns et africains, a assisté silencieusement à cette commémoration de la libération de la Calais, avant de dérouler des banderoles, de sortir des pancartes et dévoiler des t-shirts en fin de cérémonie.


Ils comportaient des slogans démontrant que la destruction de la "jungle" et le déni des droits humains étaient en contradiction avec les actes courageux de de ces hommes et de ces femmes qui résistèrent au fascisme il y a 65 ans.

Comme un fait exprès, la police en a fait des tonnes et a tenté de s’emparer des banderoles affirmant "Calais a été libéré en 1944. Continuons à combattre le fascisme".

Incapable d’égaler la dignité dont ont fait preuve les migrants présents, la police a échoué dans ses tentatives de provocation, et l’action s’est terminée dans le calme.


No Border - Calais


Human rights have no borders.

Si l'on suit le témoignage de Zetkin sur IndymediaLille, les migrants et les militants ont été rapidement repérés par les policiers, qui sont intervenus plus vite que leur ombre, provoquant ainsi l'incident.

Ce que É. A. confirme dans son article de la Voix du Nord:

La police intervient avant même que le message ne soit entièrement dévoilé. S'ensuit une longue lutte entre policiers et militants pour récupérer l'objet du litige.

Dans la foule, des voix se seraient élevées: «C'est honteux», «Ce n'est pas le moment»...

Les braves gens sont comme ça...

Monsieur Jacky Hénin, témoin de la scène, aurait déclaré que «le moment est effectivement mal choisi».

Mais qui est donc ce monsieur Hénin pour se croire autorisé à porter un jugement sur l'opportunité d'un cri d'indignation poussé, par banderoles interposées, pour dénoncer une barbarie, au moment même où l'on commémore la libération d'une ville d'une barbarie historique ?

Monsieur Jacky Hénin est membre du parti communiste français, ancien maire de Calais, conseiller municipal et titulaire d'un confortable strapontin de député européen. Un jour, si cela se trouve, il sera peut-être sénateur.

C'est un homme de consensus, qui face à une action comme celle dont il a été témoin, ne peut que déclarer:

«Mais la police a aussi cristallisé les choses. C'est dommage car les gens auront plus vu ça que les célébrations de la Libération.»

Il est bon observateur, il a bien vu le rôle joué par les policiers, mais, homme de sa classe, la classe politique, il regrette que "les gens" aient plus vu une démonstration de protestation que les molles "célébrations" auxquelles il assistait.


PS: Monsieur Jacky Hénin ne sera pas de si tôt libéré des inopportuns militants No Border ou autres, ils sont toujours à Calais...
Ils appellent à soutenir une grève de la faim qui vient de commencer à Calais.

2 commentaires:

JBB a dit…

"Je sens que vous avez déjà un petit regret d'avoir raté ça..."

Oh que oui. Tu m'as presque donné l'eau à la bouche… :-)

"Mais qui est donc ce monsieur Hénin pour se croire autorisé…"

Que veux-tu ? Les communistes sont comme ça. A force de se planter sur toute la ligne, ils en ont pris la fâcheuse habitude.

Guy M. a dit…

Je regrette surtout le bal: le swing des années 50, c'est toute ma jeunesse...

Le sieur Hénin n'a pas perdu l'habitude de donner des leçons, grande spécialité historique du PC.