mercredi 30 septembre 2009

Communiqué lourd de sens

On savait, depuis le mois de juillet, que l'homme qui, armé d'un flashball, avait, le 8 juillet 2009, à Montreuil, visé à la tête le réalisateur Joachim Gatti, puis tiré, était bien connu des services de police, puisqu'il en faisait partie.

Et d'ailleurs, il en fait toujours partie.

Isabelle Mandraud, dans un article du Monde daté du 31 juillet (que l'on peut retrouver dans les archives du Jura Libertaire), rapportait qu'un "responsable policier" lui avait déclaré, "sous le couvert de l'anonymat": «Le fonctionnaire en question n’est pas une brutasse»*.

De cela, on peut conclure que Joachim Gatti a eu bien de la chance de ne perdre qu'un œil; il aurait pu tomber sur une "brutasse", voire même une vraie brute.

D'ailleurs, il n'y pas de brutes dans la police française,
vous allez trop au cinéma.

Une dépêche de l'AFP, reprise ici par le Monde, nous a appris hier que:

L'auteur du tir, un policier appartenant à la brigade anticriminalité (BAC), a été mis en examen mardi. Cette mise en examen lui a été notifiée la semaine dernière par Jean Gervilliers, le juge chargé de l'enquête, mais il reste libre. Il lui est interdit de porter une arme mais il n'a pas d'interdiction d'exercer.

On reproche tout de même à ce fonctionnaire des "violences volontaires ayant entraîné une infirmité ou une mutilation par dépositaire de l'autorité publique", mais on n'a pas jugé plus prudent de lui interdire d'exercer ses compétences dans la police nationale.

Il est vrai que ce n'est pas une "brutasse".

Un trompe-l'œil détourné à Montreuil, en juillet dernier.

Cette décision de mise en examen peut sembler rapide, dans ce type d'affaire.

Il faut croire que le juge chargé de l'enquête a pu réunir en faisceau convergent un nombre suffisant de témoignages, expertises, preuves et présomptions, avant de prendre sa décision.

Car on ne peut pas dire que la mobilisation dans les milieux de la culture cinématographique ait pesé sur sa réflexion. Cela m'a peut-être échappé, mais il me semble que monsieur Frédéric Mitterrand, cinéaste au passé et ministre de la Culture au présent, n'a pas daigné lever le moindre sourcil : le réalisateur Joachim Gatti n'a pas la notoriété convenue du réalisateur Roman Polanski, et d'ailleurs, parle-t-on vraiment de la même culture...?

"Nous sommes tous, ce soir, la tragédie de Cronstadt.
Le futur s'y retrouve passé tout en étant continuellement présent"
Page d'accueil de La parole errante a la maison de l'arbre, Montreuil.


A la nouvelle de cette mise en examen, le syndicat Synergie-Officiers, deuxième syndicat d'officiers de police, a publié un communiqué, signé du Bureau National, qui martèle les points suivants:

SYNERGIE-OFFICIERS s’étonne que des édiles de Seine-Saint-Denis mettent en cause l’insuffisance de l’action policière dans leur département après que deux voyous ont été abattus à Saint Ouen « dans l’exercice de leurs fonctions » à l’occasion d’un règlement de comptes.

SYNERGIE-OFFICIERS affirme que ces mêmes élus ont largement participé à la situation de violence et de chaos qui gangrène aujourd’hui le département le plus pauvre de France.

SYNERGIE-OFFICIERS dénonce l’hypocrisie et le double langage de ceux qui ont sapé l’autorité des forces de police en les conspuant sans cesse : affirmations péremptoires de bavures imaginaires, stigmatisation de la reconquête par la police de quartiers abandonnés aux pratiques mafieuses, pétitions et propositions de lois visant à interdire l’usage du TASER ou du FlashBall, refus dogmatique et irrationnel de la vidéo protection, vote de la loi pénitentiaire qui organise l’impunité généralisée…

SYNERGIE-OFFICIERS constate avec amertume que la campagne de calomnie et de dénigrement orchestrée par le même aréopage contre la Police à l’occasion de l’émeute du 8 juillet dernier à Montreuil a abouti aujourd’hui à la mise en examen d’un policier pour avoir utilisé un FlashBall.

SYNERGIE-OFFICIERS prévient que les policiers écœurés n’accepteront plus longtemps d’être les boucs émissaires de politiciens irresponsables qui allument des feux et «caillassent» politiquement et médiatiquement ceux chargés de les éteindre.

Je suppose que le bureau national d'un syndicat d'officiers de police sait faire un usage "proportionné" de la force des mots.

Ceux-là me semblent lourds d'un sens assez déplaisant (pour éviter d'employer une expression brutale).


* J'ose espérer que le responsable en question a été identifié et sévèrement tancé par sa hiérarchie pour avoir ainsi laissé entendre qu'il pouvait y avoir des "brutasses" dans les rangs de la brigade anticriminalité...

4 commentaires:

JBB a dit…

J'adore particulièrement ce passage :

"affirmations péremptoires de bavures imaginaires"

En tout cas, bravo : aller fouiller dans les communiqués de presse de Synergie, faut du courage…

Guy M. a dit…

J'aime bien ce genre de prose, c'est parfois un peu rugueux, mais tellement spontané.

Chompitiarve a dit…

Comme le disait déjà Charles (celui qui est dans le pastis, pas celui qui est dans la bière...) du temps qu'il ministrait à l'Intérieur:
"Il n'y a pas plus de voyous dans la police qu'ailleurs ..."
;-)

Guy M. a dit…

C'est l'avis d'un grand connaisseur...