Lorsque j'en ai marre de la vallée normande où je passe le plus clair de mon temps, et le plus sombre aussi, je vais prendre un peu d'altitude sur une des collines inspirées de notre belle capitale. Pas à Montmartre, non, mais sur les coteaux où se développèrent jadis les charmants villages de Belleville et de Charonne, dont il reste, malgré une urbanisation insensée, quelques traces (en voie de muséïfication à Charonne, pas encore vers Belleville).
Dans l'entre-deux, sur le territoire du hameau de Ménilmontant, je dispose d'une vaste gentilhommière de 25 m² environ, dont la fenêtre donne sur une petite voie qui fut autrefois un chemin rural serpentant entre les vignes aux produits criminogènes.
Quand j'arrive, secouant la boue normande qui colle encore aux semelles de mes espadrilles catalanes, je pénètre dignement dans un vrai café parisien.
Jusqu'à peu, j'y prenais un café-clope.
Depuis peu, je me contente d'un café-journal.
Et quand c'est dimanche, j'ose le café-croissant. Le dimanche, on a le temps.
La dernière fois, c'était lundi, et il n'y avait qu'un le Parisien qui traînait.
Après avoir lu, en première page "Nagui se blesse en faisant du ski", je suis parti à la pioche vers l'intérieur, jusqu'aux "échos de campagne", où j'ai lu ceci:
"XXe . Hier matin, la traditionnelle distribution de tracts au marché des Pyrénées, a viré à la bagarre. Des militants d'extrême droite se sont trouvés opposés à des militants d'extrême gauche. Quel groupe s'est attaqué à l'autre? L'affaire est assez confuse. La police s'est rendue sur place et a interpellé une dizaine de personnes avant de les relâcher. Un militant d'extrême gauche aurait été blessé. Dans un communiqué Fernanda Marrucchelli, de la Gauche alternative, et Pénélope Duggan, de la liste 20e Paris 100% à gauche (liste soutenue par la LCR) ont dénoncé ces actes. Les militants du FN, eux, auraient même porté plainte."
Le marché des Pyrénées, qui se tient entre la place du Guignier et le carrefour Pyrénées-Ménilmontant, est une institution du quartier. Je n'aime pas trop l'économie de marché, mais j'aime plutôt les marchés en général, et celui-là en particulier. J'y ai souvent croisé (et un peu plus car affinités) des "militants d'extrême gauche", avec des tracts entre les dents… (1)
N'ayant que peu de temps devant moi, je n'ai pu recueillir de témoignages directs. Mais pour me faire une idée, j'ai recherché quelques indications dans les divers communiqués que j'ai pu trouver.
D'abord, celui des deux candidates (signalé par le Parisien):
"Aujourd’hui, dimanche 2 mars, une vingtaine d’individus armés de manches de pioches et de bombes lacrymogènes, parmi lesquels des membres du Front National de la Jeunesse, ont agressé des militantEs sur le marché des Pyrénées (20e arrondissement). Ces actes abjects et inadmissibles sont les pratiques d’un parti – le FN, qui n’a certes plus le même poids politique, mais dont les discours sont légitimés et véhiculés par le gouvernement Sarkozy: le tout sécuritaire, le racisme, la xénophobie… Solidaires des militants antifascistes blessés, nous invitons la population du 20e arrondissement à la vigilance et à la condamnation de ces pratiques fascistes.
Paris, le 2 mars 2008
Fernanda Marrucchelli – Gauche Alternative
Pénélope Duggan – liste 20e Paris 100 % à Gauche (liste soutenue par la LCR)."
Ensuite, sur Indymédia, un communiqué d'un groupe de militants présents sur le marché:
"Attaque fasciste dans le XXe arrondissement de Paris Date Tue, 4 Mar 2008 00 :02 :31 +0100 (CET)
Dimanche 2 mars 2008, sur le marché de la rue des Pyrénées, une quarantaine de nervis de l'extrême droite française, dont des membres du service d'ordre du FN, et de Pro Patria, mouvement néo-fasciste, s'étaient fixés comme objectif une descente musclée sur le quartier. Armés de barre de fer, de casques et de torches, leur but était clairement d'en découdre aussi bien avec les habitants du quartier qu'avec les militants présents. Grâce à notre vigilance, les nervis d'extrême droite ont été stoppés et canalisés à l'entrée du marché ce qui a donné lieu à de violents affrontements en pleine rue devant les yeux médusés des badauds. Cette année le FN avait déjà tenté de venir en force sur ce marché. En effet, il y a 15 jours, le candidat du FN pour le 20ème arrondissement, alors protégé par le Renouveau Français de Thibaud de Chassey, avait essayé de s'imposer sur le marché. Ces derniers avaient alors rebroussé chemin rapidement face à la présence des militants et militantes antifascistes. Une fois encore l'extrême droite a pu constater que nous ne tolérons pas sa présence dans les rues de Paris.
Scalp-Reflex Paris
SCALP-Reflex, groupe parisien du Réseau No Pasaran ! 21 ter rue Voltaire 75011 Paris 01.43.48.54.95. 06.30.91.89.48."
Et pour être tout à fait objectif, le communiqué du Front National:
"dimanche 02 mars 2008
Incidents dans le 20e arrondissement de Paris
Ce dimanche matin, un groupe de militants du Front National, venus soutenir sur le marché Pyrénées-Ménilmontant (XXe arrondissement) leur candidat dans le cadre de la campagne des élections municipales à Paris, a été très violemment pris à parti par une cinquantaine de nervis armés, issus de divers groupuscules d’extrême gauche radicale.
Tanguy Deshayes, tête de liste dans le XXe du "Pôle des Tricolores", liste présentée par le FN et Martial Bild à Paris, et le Front National dénoncent cette scandaleuse agression et déplorent ce climat de violence qu’essaient d’imposer en cette fin de campagne des organisations qui souhaiteraient, au déni de toute démocratie, empêcher notre mouvement de venir à la rencontre de ses électeurs, et du peuple français, dans un arrondissement populaire de Paris.
Des plaintes ont été déposées et certains individus, professionnels de l’agitation et de l’activisme gauchiste ont déjà été identifiés. Le Front National suivra avec la plus grande vigilance les développements policiers et judiciaires de cette affaire.
Il appelle enfin les électeurs du XXe arrondissements excédés par de tels comportements sectaires et choqués par cette démonstration extrêmement brutale à le dire par leur vote le 9 mars prochain."
J'aime assez cette variété d'ironie que l'on appelle aussi "foutage de gueule" (je la pratique parfois, à l'occasion) et je suis toujours ravi lorsque je vois certains de nos compatriotes dénoncer les comportements sectaires et pleurnicher au nom de la démocratie.
Mais, bref, au vu de ces divers communiqués, il semble bien difficile de faire une synthèse... tout juste peut-on regretter l'extrême naïveté des militants d'extrême droite, s'imaginant être les bienvenus dans un quartier pareil, qui, sans être un paradis, prouve à qui le fréquente l'inanité de toute xénophobie et de tout racisme.
Aussi croient-ils bon de venir avec quelques ustensiles de propagande, casques, manches de pioches, barres de fer, bombes lacrymogènes, etc., destinés à s'attirer la sympathie d'un public populaire.
Comme si leur allure martiale ne suffisait pas!
(1) Je raconterai un jour leurs terribles agissements.
6 commentaires:
Tiens, le FN existe encore... Les manches de pioches ne sont pas morts.
"Municipales : où sont passés les candidats du Front National ?"
http://www.politique.net/2008030301-municipales-les-candidats-du-front-national.htm
Il est vrai que deux "fronts" à droite, cela fait peut-être un de trop.
J'approuve Françoise : deux fronts pour une seule tête font glisser vers elephant man, un destin tourmenté et douloureux.
(si j'avais su en venant ici que partie seule mais par un prompt renfort entourée d'ustensiles guerriers je brandirai une affiche de David Lynch...)
Kiki :-)
@Françoise
S'il n'y avait que les manches de pioches, mais il y a aussi les têtes de pioches...(comme on dit par chez nous)
@Kiki
Ne pleurons pas trop sur ce destin douloureux (ou alors en souhaitant une disparition rapide du monstre).
Plus d'information sur les groupuscules liés à cette descente dans le XXème arrondissement sur le site de la revue d'information antifasciste Reflex(es)
http://reflexes.samizdat.net
Notamment une photo montrant l'outillage démocratique dont étaient munis les chères têtes blondes du Renouveau Français. Enfin, blondes, j'en sais rien, je conjecture, vu qu'elles étaient casquées.
http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article331
No Pasaran!
Et peut-être rasées de près aussi ?
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