samedi 1 mars 2008

Littérature policière

On attribue à beaucoup de grands penseurs, d'Aristote à Žižek, l'assertion établissant que l'adjectif "militaire" dénature et vide de sa substance tout substantif auquel il est accolé. Exemples: musique militaire, justice militaire. Il en va de même, selon moi, de l'adjectif "policier" (je préfère parler de "polars" que de "romans policiers").

Voici un exemple de littérature authentiquement policière, rédigée probablement par une plume sergent-major ou brigadier-chef (vous avez du remarquer que l'on se préoccupe tellement des "plumes" ces temps-ci qu'on ne sait plus où se les mettre).

Il s'agit du tract qui a été distribué aux passagers du vol Paris-Casa du 27 février. Je l'ai trouvé sur le Quotidien des Sans-Papiers, qui indique pour source Indymédia.

entête (République française, Ministère de l’Interieur et de l’Aménagement du territoire).

Notice d’information :

Mesdames, Messieurs,

Vous avez peut être été sollicité, à titre personnel ou pas des incitations, pour vous opposer à l’embarquement d’une personne expulsée de France en vertu d’une décision légale prise par une instance administrative ou judiciaire et qui embarquera sur le vol que vous empruntez aujourd’hui.

Les éléments suivants doivent être portés à votre connaissance, afin que nul n’en ignore :

La décision de reconduite d’un étranger est un acte légitime de l’État français, qui s’exécute après que toutes les voies de recours aient été épuisées.

À ce titre, le fait d’entraver de quelque manière que ce soit la navigation et la circulation des aéronefs et d’empêcher le départ de cet aéronefs en incitant les passagers à faire débarquer une escorte policière ainsi que l’étranger non admis sur le territoire national ou reconduit hors des frontières françaises, en opposition avec les règles de sécurité et les procédures applicables aux décollages aéronefs, est un délit prévu et réprimé par l’article L 282-1 4° du code de l’aviation civile.

Ce délit sera puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 18.000 euros.

La tentative est punie des mêmes peines.

1. En outre, l’outrage et la rébellion, délits prévus et réprimés par les articles 433-5 et 433-6 du code pénal, pourront également être retenus à l’encontre de l’auteur, qui encourra une peine de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 7.500 euros. Si ce délit est commis en réunion, la peine sera d’1 an d’emprisonnement assortie d’une amende de 15.000 euros.

2. Enfin, la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui (tels que les matériels composant l’aéronef...) est un délit prévu et réprimé par l’article 32261 du code pénal.

L’auteur de ces faits pourra être puni d’une peine d’emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 30.000 euros.

Toutes ces peines pourront vous être appliquées sans préjudice de recours civils engagés à votre encontre par la compagnie aérienne, pour réclamer des indemnités de dédommagement.

Nous vous prions de ne pas vous associer à cette consigne et de respecter scrupuleusement les instructions de sécurité de la compagnie aérienne, lors des phases de roulage et de décollage de l’appareil.

Le directeur de la PAF de Roissy Charles-de-Gaulle"

Autre nouvelle que je trouve dans Le Monde.fr

"Le tribunal correctionnel de Bobigny a relaxé, vendredi 29 février, une Française âgée de 30 ans, Khadija Touré, qui s'était opposée à la reconduite à la frontière d'un Malien, en novembre 2006 à Roissy.

Lors de l'audience, le 15 février, le procureur de la République avait requis trois mois de prison avec sursis contre Khadija Touré, accusée d'"entrave à la circulation d'un aéronef", un délit passible de cinq ans de prison et d'une amende de 18 000 euros, selon l'article 282-1 du code de l'aviation civile. "J'ai agi humainement, je ne vois pas ce qu'on peut me reprocher", avait expliqué la jeune femme. "Elle a eu un comportement humain de compassion, de résistance citoyenne" qui est "à l'honneur de notre pays", avait estimé son avocate, Me Irène Terrel.

Le 29 novembre 2006, alors qu'elle embarquait pour le Mali, Mme Touré avait été alertée à l'aéroport par des militants du syndicat SUD-Etudiants de la présence à bord du vol d'un étranger en situation irrégulière expulsé. Une fois embarquée dans l'appareil, elle avait demandé à plusieurs reprises à parler au commandant de bord, qui avait menacé de la débarquer. Le sans-papiers avait finalement renoncé à s'opposer à son expulsion et la passagère s'était rassise. Mais elle avait été interpellée à son retour en France."

Je ne sais pas si le Parquet a fait appel.

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