Samedi dernier, sur le marché il y avait comme un début de printemps. La petite vendeuse de jonquilles avait perdu son air de Cosette frigorifiée. Elle proposait ses bouquets avec un beau sourire de prochaine jeune fille en fleur. Seuls les marchands d'UMP avaient encore la "polaire" sur le dos, avec le nom de leur candidat écrit dessus, et proposaient café chaud et petits chocolats en attendant le champagne. Je leur clouais leur sourire en disant que, de toute façon, j'allais voter communisse dans mon village.
En rentrant, je me suis dit que j'allais faire un billet printanier, en mettant en exergue cette cobla sur le thème de la reverdie.
Ab la dolchor del temps novel
Foillo li bosc e li aucel
Chanton chascus en lor lati
Segon lo vers del novel chan:
Adonc esta ben c'om s'aisi
D'acho dont hom a plus talan.
Les bois feuillissent les oiseaux
Chantent chacun en son latin
Selon les vers du nouveau chant
Il est donc naturel de prendre
Ce que chacun désire le plus.
C'est le début d'une canso de Guillaume IX de Poitiers, et je l'ai reprise, pour le texte et la traduction, du livre de Jacques Roubaud, La fleur inverse (éditions Ramsay, 1986).
Les chemins du ouaibe étant aussi inextricables que les rayons d'une bibliothèque bien rangée, je suis passé des gracieux oiseaux "chantant en leur latin" à la fin de la trêve hivernale pour les locataires, et j'ai finalement rencontré Madame Boutin.
Etonnant, non?
Après tout, il y de la cohérence là-dedans. Madame Boutin est un drôle d'oiseau qui doit très bien chanter en latin de sacristie.
Lorsqu'elle s'exprime en langue vulgaire, cela peut donner quelque chose comme ça:
«Jean-Jacques Bourdin: Vous ne reconnaissez pas le droit de mourir à Chantal Sébire parce qu'elle ne peut plus vivre?
Christine Boutin: Mais pourquoi ne peut-elle plus vivre? Parce qu'elle dit qu'elle souffre mais il y a les médicaments qui peuvent empêcher cette souffrance, parce qu'elle est difforme mais la dignité d'une personne va au-delà de l'esthétique de cette personne. Quand elle parle de ses petits-enfants, je suis absolument convaincue que cette ancienne institutrice peut aider encore ses petits-enfants à aller de l'avant. Ses enfants l'aiment aussi.
Jean-Jacques Bourdin: Ils l'aiment mais ils comprennent sa demande et sont prêts à l'accompagner...
Christine Boutin: Vous croyez vraiment que donner la mort c'est un geste d'amour, non, ce n'en est pas un, c'est un non-respect de la dignité de toute personne. Ce qui est en cause dans cette personne c'est sa souffrance.
Jean-Jacques Bourdin: Vous pensez qu'elle est instrumentalisée?
Christine Boutin: Oui, je le crois. Elle n'est pas suffisamment entourée, je crois qu'il faut qu'il y ait des médecins qui soient autour d'elle, qui l'aident à ne pas souffrir car aujourd'hui je suis convaincue qu'il peut y avoir un accompagnement. Apparemment, vous la voyez dans le Parisien, assise, cette femme, mis à part son visage qui est bouleversant, elle semble en parfait état physique. C'est un échec total que de laisser penser que c'est un geste d'amour ou un progrès.»
(Source : RMC.fr)
Que Madame Boutin soit chrétienne, catholique, c'est son droit. Mais elle appartient à la faction la plus dure et la plus rétrograde de cette église.
Il est évident que les religions en général cherchent à répondre à nos nombreux tourments existentiels. Plus que les autres, la religion chrétienne s'est attachée à donner un sens au scandale que constitue la souffrance des innocents; d'abord en rendant tous les innocents coupables, ensuite en proclamant la valeur rédemptrice de la souffrance. D'où son caractère profondément pénitentiel, volontaire ou imposé. Cela n'a pas empêché une certaine pratique de la compassion, illustrée par les cohortes de religieuses bourrues et moustachues qui faisaient tourner les hôpitaux d'antan et qui ont réconforté plus d'un malade.
Que Madame Boutin porte le cilice, se flagelle tous les matins et vienne au ministère en avançant sur les genoux, si cela la soulage. Mais rien ne lui permet de juger de la souffrance physique ou psychique d'un autre être humain.
Madame Boutin est une brute.
Quand je l'entends parler de "geste d'amour", j'aimerais mieux en rire.
Mais je n'y arrive pas.
7 commentaires:
Ah ! Christine Boutin... S'il y une con...ie à dire, on est sûre qu'elle va ne va pas la rater.
Il faut souffrir pour gagner son paradis n'est-ce pas ? Le martyr ira à la droite (forcément très très à la droite) du Seigneur.
Comment peut-on juger de la souffrance des autres ? Mme Boutin ose parler d'amour et de dignité ?
Toutes ces bonne âmes confites dans les bénitiers ne savent rien de ce qu'est "l'amour du prochain". La souffrance (des autres) est sublime.
Il faut lui reconnaître une grande candeur (euphémisme!): d'une photo, elle déduit que ça ne va pas si mal... "parfait état physique"!
"une grande candeur"
Oui, c'est cela... :D
Aux innocents les mains pleines et la tête vide...
Bravo ! Je garde "Que Madame Boutin porte le cilice, se flagelle tous les matins et vienne au ministère en avançant sur les genoux, si cela la soulage. Mais rien ne lui permet de juger de la souffrance physique ou psychique d'un autre être humain." Ce paragraphe est d'une pertinence à toute épreuve (et Dieu sait si le Très Haut en matière d'épreuve, mais je m'égare).
En gros, pour résumer les propos de Madame Boutin, cette femme en souffrance devrait prendre plus de Tranxen, ses médecins sont des incapables et ce n'est pas sa difformité qui devrait l'empêcher d'enseigner à ses petits enfants à colorier sans déborder (un peu de fainéantise derrière tout cela, non ?)
Bref, c'est bien triste. Et votre conclusion est bien réelle.
Kiki
Kiki,
La souffrance de Mme Sébire est insupportable et, selon certains journaux, elle serait allergique à la morphine... Mme Boutin a jugé de tout cela sur photo, en ignorant absolument tout du "cas".
Mais que faire pour casser la bonne conscience de ces gens-là?
RIRE TOUJOURS
Rit de tout le luron
Qui du temps nouveau
Voit les bois mystérieux
Fleurir les oiseaux
De Guillaume à Rimbaud
Rit de tout le larron
Dont le fric-frac sans scrupule
A couvert la folie
D'un sourire incendiaire
Et d'une perle de satin
Merci de ce joli clin d'oeil.
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