lundi 10 janvier 2011

L'amour, toujours l'amour

Après le couac retentissant émis, peut-être intentionnellement, par leur fondateur et président, les Laboratoires Servier parlent désormais avec la voix plus séduisante de madame Lucy Vincent. On a ainsi pu l'entendre ce matin sur RTL, où elle reprenait ses propos publiés hier par le JDD.

Depuis plusieurs années, on a entendu cette même voix développer les conséquences de ce que madame Vincent tenait pour une grande découverte, puisqu'elle en était l'auteure, à savoir la mise en évidence du rôle de l'ocytocine, l'hormone du coup de foudre.

Notre pétulante biologiste s'est suffisamment étendue là-dessus, dans ses livres de vulgarisation, pour que l'on ne revienne pas sur cette astucieuse cuisine à base d'ocytocine, à laquelle vous ajouterez un bouquet de phéromones et un zeste de dopamine. En général, le public ébahi ne retient de tout cela qu'une assez vague théorie de la précarité amoureuse cadencée par diverses productions hormonales qui finissent pas se tarir au bout de trois ans.

Ces heureuses dispositions endocriniennes ont sans doute permis à notre espèce de se perpétuer et de se propager. On sait que ces choses-là ne se font pas par l'opération du Saint-Esprit - il paraît qu'il y eu un cas, mais scientifiquement douteux, l'expérience étant difficilement reproductible.

Madame Lucy Vincent ne se prive pas de ces considérations, assez douteuses elles aussi, sur les finalités évolutives de la biologie et/ou de la psychologie humaine, et nous fait remonter les âges pour nous raconter les premiers romans d'amour des hominidés. Dans cette spécialité narrative, elle se situe entre le professeur Yves Coppens et les tenants de la "psychologie évolutionniste".

Quant au résultat, voici ce que cela donne, sous la plume de Nolwenn Le Blevennec, pour Le Journal du Dimanche de la Saint Valentin 2010 :

Lucy Vincent soutient la thèse que l’homme et la femme, portés par la nécessité de se reproduire, se choisissent grâce aux odeurs et phéromones qu’ils dégagent (urine, transpiration). L’objectif : détecter un patrimoine génétique assez proche du sien, mais assez différent pour optimiser le génome de ses enfants. L’homme choisira une partenaire féconde (bouche pulpeuse, peau saine). La femme cherchera un conjoint qui a du pouvoir pour assurer la survie de son foyer. "Nous avons hérité des comportements de nos ancêtres préhistoriques" sourit Lucy Vincent. Si les phéromones accrochent et que la forme physique et intellectuelle nous convient, c’est le coup de foudre.

L’être humain est alors "programmé" pour aimer son partenaire trois ans, temps nécessaire pour qu’un enfant tienne debout. Pendant cette période, le cerveau est saturé d’ocytocine. Sa sécrétion s’accompagne de doses de dopamine (motivation) et de bouffées d’endorphine (plaisir).

Je suppose que l'article a été minutieusement relu et approuvé par madame Lucy Vincent...


Avec quelques statuettes d'art dit premier,
"Lucy Vincent explique que l'être humain
est programmé pour aimer son partenaire trois ans."
(Photo: Jérôme Mars pour le JDD)

Madame Lucy Vincent n'a pas ménagé sa peine pour populariser sa "chimie de l'amour". Dans l'article-Saint-Valentin du JDD, elle donne de sa personne et laisse Nolwenn Le Blevennec nous révéler les grandes étapes de sa vie sentimentale, entièrement dominée par le "coup de foudre".

Car :

"Je marche aux coups de foudre. J’adore ça."

Dit-elle.

Nous apprenons ainsi que madame Lucy Vincent et monsieur Jean-Didier Vincent se sont séparés, après dix-sept ans de vie commune, "soit quatorze ans 'sobres' (sans endorphines)", et que :

Lucy Vincent a quitté le CNRS "par amour". Elle travaille désormais dans un labo pharmaceutique et espère sa prochaine passion comme on attend le bus.

Notre chercheuse est-elle tombée amoureuse des Laboratoires Servier où elle occupe, depuis 2009, le poste de directrice générale des relations extérieures ?

C'est à ce titre que nous la voyons apparaître en première ligne médiatique dans cet entretien accordé au Journal du dimanche, à propos de l'affaire du Médiator.

Il vous suffira de le lire avec attention pour vous apercevoir que notre divorcée du CNRS a parfaitement épousé les thèses de son employeur actuel. Elle met décidément beaucoup d'énergie et de talent à défendre les positions du laboratoire, en contestant toutes les études qui lui sont opposées et en usant de son prestige scientifique personnel pour remettre en cause leur scientificité. Pour enrober le tout, elle place deux concessions, dont l'une sera utilisée dans le titre :

"Si le Mediator a provoqué la mort de trois personnes, c’est déjà trop."

La seconde, davantage reprise, n'engage pas à grand chose car c'est le cas de toute médication :

"Je veux être très claire : nous ne nions pas que le Mediator ait pu présenter un vrai risque pour certains patients."

Cela suffira pour que, dans Libération, Grégoire Biseau puisse titrer son article : Servier sort de la stratégie du déni, et le commencer ainsi :

Rien de tel qu’une spécialiste mondiale de l’amour pour tenter de faire prendre au laboratoire Servier un virage à 180 degrés en matière de communication.

L'amour rend un peu aveugle...

8 commentaires:

Marianne a dit…

L'amour , toujours l'amour pour la bonne cause : la reproduction . Lorsque l'on ne peut plus procréer on regarde les images ?

Guy M. a dit…

On peut aussi, à l'encontre des théories libérales scientistes en vogue, développer une philosophie de l'acte gratuit.

yelrah a dit…

Lucy... Lucy ? Je croyais que c'était une mamie retrouvée quelque part en afrique .
Et Vincent l'aurait vu ?
Mais que fait donc le médiator ...

Guy M. a dit…

Cette Lucy ne parle de ses origines africaines (qui sont aussi les nôtres) qu'avec des statuettes idoines.

Elle est née et a grandi en Angleterre. D'où ce ravissant accent qui lui donne tant de charme...

JFC-sculpt a dit…

Excellent sujet pour Wellbec

Guy M. a dit…

Ah, ça, faut voir avec lui...

(Mais je crois qu'il pioche déjà dans Ouiquipédia, alors il doit être tombé dessus.)

Alunk a dit…

Si une spécialiste mondiale de l'amour fait prendre au laboratoire Servier un virage à 180 °, pratiquement les patients ne pourront plus se faire prendre...

Guy M. a dit…

Grands mystères de l'amour !