Quelques mots extraits d'un récit écrit en urgence, que vous pourrez retrouver au complet sur le site du RESF :
Après une garde à vue de David et de sa compagne Vanine, les gendarmes ont accompagné David Asryan à l'école à 15h30 pour y chercher Vazgen.
Je suis arrivée alors que tous les deux étaient dans la voiture de gendarmerie. Il m'a été interdit de faire une bise à David et Vazgen !
Vazgen sans siège rehausseur et je crois sans ceinture, assis entre son père et un gendarme, ne semblait pas du tout effrayé et m'a fait un beau sourire.
Ce "beau sourire" était celui d'un enfant de 6 ans qui ignorait encore qu'on allait le conduire, non à la maison, mais au centre de rétention administrative de Nîmes où il allait être enfermé avec son père David et sa compagne Vanine. (*)
Les habitants de Langeac (Haute-Loire) n'ont montré aucune gratitude aux donneurs d'ordre qui ont su ourdir cette arrestation en y mettant les formes : avec l'accord de la direction, trois gendarmes, en tenue civile, ont opéré dans les couloirs de l'école, hors de la vue des autres enfants, et une heure avant la sortie des classes.
Même si l'on s'arrange pour qu'il y parte en gardant le sourire, la place d'un enfant de six ans n'est pas dans un centre de rétention.
L'indignation a largement dépassé les limites de la petite ville, et l'information, reprise par l'AFP, se trouve maintenant dans les quotidiens nationaux.
La nouvelle est accompagnée, bien sûr, de la version de la préfecture de Haute-Loire :
"La situation de M. Asryan est incontestable", a expliqué de son côté la préfecture de la Haute-Loire. M. Asryan "a été arrêté pour un délit et les gendarmes ont découvert à cette occasion qu'il avait une obligation de quitter le territoire. Il a exprimé le souhait d'avoir son enfant, tout s'est passé de la manière la plus optimale possible pour une situation inhabituelle", a-t-on ajouté.
Remarquons d'abord que l'allusion à l'interpellation initiale de David Asryan "pour un délit" - il s'agirait d'un vol de carburant -, si elle peut flatter une certaine sensibilité nationale que nos maîtres actuels ont su développer, ne permet aucunement de justifier l'arrestation d'un enfant dans une école et son placement en centre de rétention...
Mais après avoir fait vibrer en sourdine cette corde sur l'accord convenu sans-papiers = délinquants, le (ou la) porte-parole de la préfecture assène "son" argument :
"Il a exprimé le souhait d'avoir son enfant."
Nous dira-t-on ce qu'il aurait dû faire ?
Apparemment, ce n'est pas le problème de la préfecture, qui s'auto-félicite en redondant du superlatif :
"Tout s'est passé de la manière la plus optimale possible pour une situation inhabituelle."
Un barbarisme n'est jamais de trop pour justifier un acte de froide barbarie administrative.
Il y avait donc, lundi matin, dans la classe que fréquentait Vazgen, une chaise vide.
Un jour prochain, peut-être, afin que "tout se passe de la manière la plus optimale possible" dans ce type de situation, une circulaire de l'Education Nationale pourrait suggérer aux professeur(e)s des écoles de profiter de cette opportunité pour développer une leçon d'instruction civique sur le thème "la Loi, c'est la Loi". Je propose que cette même circulaire déconseille formellement aux enseignants d'associer ces circonstances propices à la pédagogie vivante à un cours d'histoire.
C'est une idée contre-productive, à repousser résolument.
Comme disait ma grand-mère, les gamins de maintenant, ils sont éveillés...
Et ils ont mauvais esprit.
(*) Bien qu'il ne soit pas essentiel, voici le contexte de cette arrestation abjecte d'un enfant de six ans dans son école, d'après les informations données par le RESF.
David Asryan a passé la plus grande partie de sa vie en Russie, où ses parents, indésirables en Arménie, s'étaient exilés. venus s'installer. Lié à un parti d'opposition, David a eu à subir des persécutions et a dû fuir la Russie pour tenter de s'installer en France. Sa demande auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a été rejetée, ainsi qu'un premier recours auprès de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il avait réouvert un dossier auprès de la CNDA et était en attente de la réponse. Vanine, sa compagne, en France depuis 6 mois, n’avait pas encore présenté de demande à l’OFPRA.
Les démarches entreprises par David Asryan ne le mettaient pas à l'abri de l'obligation de quitter le territoire français qu'il avait reçue à l'automne.
5 commentaires:
Ben, même si la manière est très optimale, la situation n'est pas inhabituelle, on le sait bien. Les "arrestations" d'enfants à l'école et leur mise en rétention, ça devient banal.
Froide barbarie administrative, certes, mais mise en œuvre par des vrais humains. C'est qui ces petits rouages de cette saloperie récurrente ? Ah, oui, t'as dit qu'on parle pas de l'histoire...
Tu es trop dure. Les humains avaient fait tellement d'efforts : tenue civile, autorisation de la direction, bien avant la sortie, peut-être voiture banalisée (je n'ai pas trouvé d'information sur ce détail)...
Mais sans faire aucune allusion historique, le sourire de ce gamin me fait penser à ces gens que l'on voit dans les films, ou qu'on nous décrit dans les romans, attendant gentiment sur le palier, avec leurs petites valises, qu'on vienne les chercher.
Les valises, elles sont toujours là.
"Les valises, elles sont toujours là"
Guy, fais un peu attention, zut ! tu laisses aller, là. Tu as formellement déconseillé de parler d'histoire...
Autorisation de la direction ???
Aaaaarggggg...
@ Patrick,
Je n'évoquais que des films, des romans...
@ Christine,
Comme tu dis !
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