vendredi 19 décembre 2008

Les reculs de monsieur Darcos



Il est un grand classique de la littérature dont j'aurais bien aimé retrouver les authentiques paroles, telles qu'elles demeurent dans mes souvenirs...

Las! comme disait mon contemporain et compatriote Pierre Corneille, les tiroirs secrets de ma mémoire ne contiennent que ces deux vers boiteux, dont, conformément à l'usage, je vous laisse trouver la rime.

Si quand j'avance, tu te recules,
comment veux-tu, ##, que je t'en...


(NB: On peut remplacer le "##" par un nom ou un prénom de deux syllabes.)

J'aurais aimé fournir ce viatique aux lycéens qui ont hier montré tant de détermination en manifestant en si grand nombre dans maintes villes de France.

Mais j'ai craint que cette belle jeunesse, par un mauvais tour d'esprit, n'en fît un mauvais usage.

Couvre-chef d'une bête de travail qui ne recule jamais.


J'étais bien sûr hors-sujet avec cette histoire de reculade.

On a parlé de "report", lundi dernier; on parle maintenant de "remise à zéro", mais pas de "recul".

Faudrait-il parler de "retrait" ?

Monsieur Darcos, en fin lettré, nous éclaire:

Le retrait ? Quel sens cela aurait-il ? On repart à zéro, on ne va pas jouer sur les mots.

Gardons donc ce mot en réserve, au cas où il faudrait en user pour montrer symboliquement sa bonne volonté ou tout aussi symboliquement s'avouer vaincu.

Et surtout:

Arrêtons de chipoter sur le mot "recul" (...)

Monsieur Darcos victime d'un mauvais éclairage.

Aujourd'hui, monsieur Darcos nous a honorés de multiples interventions dans les médias: la proximité des congés scolaires lui permettait de s'exprimer en toute franchise et même lâcher quelques unes des âneries méprisantes qu'il affectionne.

Il s'en est dispensé; mais on a pu constater que le renouvèlement de son argumentaire n'est pas vraiment à l'ordre du jour. Sur ce point non plus, il ne recule pas.

Ce matin sur LCI, le grand thème de la manipulation est abordé, avec les nuances habituelles (d'après Liberation.fr):

Darcos a affirmé que «bien entendu» l'extrême gauche avait débordé les manifestants car «ce mouvement lycéen a pris un tournant très violent, (…) pour des enjeux qui sont quand même modestes».

Ce "bien entendu" est admirable.

Et de poursuivre: «On voit bien qu’il y a une manipulation et que le parti socialiste a voulu hier (jeudi, ndlr) s’en faire le récupérateur principal», a-t-il dit.

Imaginer le parti socialiste mettant 150 000 étudiants et lycéens dans les rues, ça fait rire ou ça fait peur, c'est selon.

A moins que monsieur Darcos ne soit le "récupérateur principal" de ce qui se passe autour de monsieur Julien Dray et ses présumés détournements...

La question étant posée au début du Talk Orange-Le Figaro, le ministre peut répondre en toute candeur:

L'enquête a commencé fin novembre, je ne peux pas décider de la manière dont les choses sont conduites.

En revanche, on peut décider d'appuyer un peu:

J'ai souvent dit qu'il y avait des liens très étroits entre syndicats lycéens et gauche, on m'a dit "prouvez-le". Ces liens sont connus.

Sur le fond, l'homme ne reculera pas car:

Au fond, tout le monde souhaite la réforme du lycée.

...et...

Je suis soutenu par le président de la République et il y a un consensus sur la nécessité d'une réforme.

C'est très convaincant...


PS: Le jour où monsieur Darcos aura trouvé la marche arrière, il n'y aura pas intérêt à se trouver devant.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce que je trouve génial avec ce mec (euh… je veux dire Darcos), c'est qu'il peut à la fois sous-entendre que les manif lycéennes sont débordées par l'extrême-gauche, mais aussi par Julien Dray et ses étranges accointances financières (pour ne pas dire horlogères). Bref, comme tu le montres, le bonhomme (euh… je veux dire Darcos) peut dire tout et son contraire pour prouver que non, c'est pas sa faute.

(Waouh, quelle chute ! "Le jour où monsieur Darcos aura trouvé la marche arrière, il n'y aura pas intérêt à se trouver devant", je te le pique, je compte bien la réutiliser un jour)

Anonyme a dit…

Je trouve très beau et, par les temps qui courent, plutôt courageux, les déclarations d'entrée en Résistance de certains enseignants. (Tout en ne pouvant m'empêcher de trouver très triste qu'on en soit arrivés là...)

Bises !

Anonyme a dit…

PS : pardon pour l'accord plus qu'approximatif, j'ai oublié de me relire...

Guy M. a dit…

@ Charançon,
Dire n'importe quoi avec l'air convaincu est un des principes de base de la pédagogie, et de la communication... Xavier D. a été formé aux deux techniques (avec moins de réussite dans la seconde, cependant).

(La chute est une vieille blague de nos campagnes, donc en open source, comme on dit par chez nous.)

@ Flo Py,
J'ai assisté à suffisamment d'assemblées générales dans des salles des profs, où l'argument anti-action suprême était "mais on n'a pas le droit", pour tirer mon chapeau à ceux qui ont décidé de dire "non" de cette manière.

(C'était une faute de frappe, non ?)

Marianne a dit…

Je n'étais pas une trop bonne élève, mais la petit chanson du début de votre billet je la connais . Recul ou report , Darcos n'a plus qu'à changer (sa ) ses " couches "de mépris vis à vis des enseignants tout seul à défaut d'avoir un professeur des écoles trop diplômé pour le faire .Quelque part c'est jouissif !

Guy M. a dit…

La vraie poésie reste toujours en mémoire, elle est faite pour ça. Mais là, je ne suis pas trop sûr d'avoir bien restitué...

Attendons les états généraux prévus, ils risquent d'être intéressants...

Anonyme a dit…

"Dire n'importe quoi avec l'air convaincu est un des principes de base de la pédagogie, et de la communication..."

Eheh… ne serait-ce pas le professeur qui parle ?

Guy M. a dit…

Nonon, c'est l'expérience qui parle...

(Pour la communication, on m'a raconté, en fait)