lundi 15 décembre 2008

Les canards du doute

«Oui, bonnes gens, c'est moi qui vous ordonne de brûler, sur une pelle, rougie au feu, avec un peu de sucre jaune, le canard du doute, aux lèvres de vermouth, qui, répandant, dans une lutte mélancolique entre le bien et le mal, des larmes qui ne viennent pas du cœur, sans machine pneumatique, fait, partout, le vide universel.»

Isidore Ducasse, Poésies I.

canard « Nom donné à tous les imprimés que l'on crie dans les rues. Petit morceau de sucre trempé dans de l'eau-de-vie. » (Dictionnaire Bescherelle, 1845) « Nouvelle fausse et le plus souvent absurde : se dit surtout des récits de ce genre insérés dans les journaux » (G.D.U.).

Référence empruntée au site Lautréamont/Ducasse.

Canardo qui doute...
Puisque le dimanche, c'est supplément culturel, je ne lis le Journal du dimanche que le lundi.

C'est d'une logique imparable.

Aussi, n'est-ce qu'en fin de matinée que j'ai pu suivre les nouveaux efforts fournis par les honnêtes travailleurs du Jdd pour informer l'opinion. Il y a de plus mauvaises façons de commencer une semaine... car la rédaction du Jdd s'est fait une spécialité du scoupe discret, présenté sous le beau nom de "révélation".

Hier, donc, nous avons eu droit à:

Sabotages, révélations sur une piste allemande (par Stéphane Joahny).

Dès l'incipit de ce bel article, on sent bien que l'on est en face d'un journaliste d'investigation qui n'a pas froid aux yeux et a passé des semaines, voire des mois, pour découvrir dans quel bistrot on pouvait trouver des fonctionnaires de la SDAT en train d'écluser leurs bières.

Pour les enquêteurs de la Sous-direction antiterroriste (SDAT), cela ne fait aucun doute: si Julien Coupat et ses camarades de la "cellule invisible" étaient encore en liberté, ils seraient actuellement en train de batailler avec les plus exaltés de la "génération 600 euros" dans les rues d'Athènes ou de Salonique. Comme Coupat l'avait d'ailleurs déjà fait en septembre dernier à l'occasion de violents affrontements avec les forces de l'ordre grecques à Salonique.

Vide le dossier des interpelés du 11 novembre ? Voilà un nouvel indice, non négligeable: si Julien Coupat était en liberté, il serait à faire rien que des bêtises en Grèce; donc Julien Coupat est un terroriste.

C'est d'une logique imparable.

Bien que l'on se demande ce que ces confidences d'après-boire ont à voir avec le titre de l'article.

Canardo qui redoute...
Mais ballot, me dis-je in petto, ce n'est que l'intro.

Et anéfé, le paragraphe suivant enchaine brillamment:

Dans la nuit du 3 au 4 décembre, les bureaux athéniens de l'AFP ont d'ailleurs été visés par une "bombinette" en solidarité avec le groupe de Tarnac. Cette solidarité s'est aussi exprimée le 5 décembre à Hambourg, où le consultat français a été visé par des jets de peinture.

Vous voyez le lien.

C'est d'une logique imparable.

Pour m'achever, Stéphane Joahny fait appel aux révélations déjà faites par les investigateurs virtuoses de Médiapart: les sabotages des lignes ferroviaires auraient été revendiquées par une lettre postée de Hanovre avant le 11 novembre et adressée au Tageszeitung de Berlin, qui ne l'a pas publiée. Cette revendication était rédigée en allemand.

Stéphane Joahny oublie de nous faire remarquer que Julien Coupat, brillant élève, avait dû faire allemand première langue; et que, par conséquent, c'est lui qui a rédigé la revendication.

C'est d'une logique imparable.

Mais notre enquêteur proche des milieux de l'enquête ne prend pas cette voie... il faut rester sérieux, même au Jdd...

Il évoque plutôt une nouvelle piste:

La piste d'une "coproduction" allemande, ou du moins d'une action concertée avec des Allemands, repose également sur le mode opératoire: ces fameux "fers à béton" transformés en crochets métalliques et placés sur les caténaires. Une technique "made in Germany" et utilisée depuis près de dix ans outre-Rhin, notamment par les anti-nucléaires.

Au lieu d'aller se pochtronner avec des fonctionnaires de la SDAT, Stéphane Joahny aurait mieux fait de venir demander: cela, on le sait depuis le tout début et on l'a lu partout.

Ne soyons pas trop critique, les enquêteurs ont une "preuve":

Selon les surveillances policières, plusieurs des mis en examen du groupe de Tarnac étaient présents lors d‘une contre-manifestation d'extrême gauche organisée à Cologne, où avait lieu un rassemblement de skinheads, courant septembre.

J'avoue: c'est d'une logique imparable.


Tout comme la conclusion de cet article:

Les investigations policières sur Julien Coupat et le groupe de Tarnac avaient démarré en avril dernier suite à une signalement venu des Etats-Unis. L'enquête prend à nouveau un caractère international. "Nous travaillons en relation étroite avec le BKA allemand et la PJ italienne, confie une source proche de l'enquête. Et nous devrions nous rapprocher également très vite des Anglais, des Canadiens, du FBI américain, ainsi que des polices grecques et belges."

On sent que tout ça est très solide...

Comme un caténaire non révisé depuis que Mathusalem l'a posé...

Mathusalem et sa famille.

PS: Le Jdd d'hier rendait également un "service" à monsieur Darcos qui y faisait des "révélations" sur son indispensable réforme...

Aujourd'hui, monsieur Darcos a cru devoir se dégonfler...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est incroyable que cet homme ose encore jouer la petite musique de la culpabilité tarnacienne quand tout, y compris son article, montre que c'est du vent. Je ne comprends pas comment on peut s'entêter ainsi envers et contre tout à se faire le militant du ministère de l'Intérieur.

Et puis… j'aimerais bien savoir aussi pourquoi on n'a pas entendu parler dès la mi-novembre de cette lettre de revendication. Ça risquait de ruiner la piteuses rhétorique incantatoire d'Alliot-Marie, je ne vois que ça.

Guy M. a dit…

Du vent, c'est bien ça. Il y a encore des journalistes pour faire les petites commissions des enquêteurs, semble-t-il, en espérant le renvoi d'ascenseur.