J'ai découvert des tas de choses que j'ignorais encore, hier, en allant consulter l'impressionnante bibliothèque si bien rangée (quasiment "gérée") de mon amie X-(ine).
Je fus noyé dans un discours passablement incohérent, qui me laissa craindre un instant pour la santé mentale de cette très chère amie. Il y était question de Jacques Roubaud, d'alerte à la bombe, de Normale Sup. En fait, en véritable amie, qui sait bien qu'il faut régulièrement flatter mon ego fissuré, sous peine de me voir retomber en d'horribles cauchemars, X-(ine) a tendance à croire que rien de ce qui concerne Jacques Roubaud ne m'est étranger. Il est vrai que ce blog est placé sous le double patronage de Desnos et de Roubaud, mais il ne faut pas exagérer.
Jacques Roubaud
J'appris donc:
Que le superbe livre de Roubaud Quelque chose noir, figurait parmi les œuvres littéraires au programme des classes préparatoires littéraires, les khâgnes, en compagnie de Corneille, La place Royale, Monstesquieu, L'Esprit des lois et Stendhal, La Chartreuse de Parme.
Que, contrairement à tous les pronostics, mais pas à toutes les espérances des amoureux de la littérature vivante, le sujet de l'épreuve du 22 avril au concours de Normale Sup (ENS-LSH de Lyon et ENS-Cachan) portait justement sur Roubaud.
Que, une vingtaine de minutes avant la fin de l'épreuve de cinq heures, à la suite d'un appel téléphonique anonyme, une alerte à la bombe avait vidé le centre d'examen de la Plaine-Saint-Denis.
Que, deux heures plus tard, les candidats étaient autorisés à regagner leurs places et finir leur copie et qu'on leur a laissé entendre que l'épreuve serait validée.
Que, le lendemain, tous recevaient un message du président du jury, annonçant l'annulation de l'épreuve et les convoquant pour remettre ça le samedi suivant.
J'ai suffisamment usé mes djinnes sur les bancs de classes prépa et, par la suite, eu assez de nouvelles de ces endroits, pour imaginer la frustration désespérée qui peut saisir un(e) candidat(e) à peine sorti(e) de ces cinq heures de travail intense, apprenant que tout est à refaire… Et je me demande si l'on aurait le culot de faire le même coup, dans les mêmes délais, pour, le marathon de Paris, par exemple. Mais je peux me tromper, n'ayant qu'un goût modéré pour l'idéologie du sport.
Une pétition, demandant l'annulation du report de l'épreuve, a été lancée. Sans grand espoir, car les décisions du jury sont irrévocables, me semble-t-il, alors que la promesse de valider l'épreuve du 22 avril n'a été faite que par des "examinateurs"…
Pendant ce temps, roulent les rumeurs… Dans certaines grandes prépas parisiennes, les professeurs, étonnés de le voir au programme, auraient estimé que cet intrus de Roubaud n'avait aucune chance de "tomber" au concours. Cela s'appelle "faire l'impasse", et aussi, chers vénérés collègues, faire l'économie d'un travail ingrat et risqué. Un cours sur Montesquieu, Corneille ou Stendhal, cela peut se faire, il est peut-être déjà sur votre disque dur, sinon vous savez disposer d'une riche bibliographie. Mais pour Roubaud, un auteur encore vivant, et bien vivant (c'est tout le mal que je lui souhaite, pour le plus grand bonheur des amateurs de littérature), c'est autre chose. Certains d'entre vous ne l'ont pas lu, habitués que vous êtes à ne fréquenter que des auteurs morts ou en voie de l'être, et son œuvre est considérable, même si vous n'avez qu'un livre au programme (or ce livre "commande" d'une certaine manière le grand ensemble du Grand incendie de Londres). Finalement, tout se termine bien pour vous.
Pas pour les élèves.
Et peut-être pas non plus pour l'idée que l'on peut se faire de la littérature. (voir PS1)
PS1: Quelques liens pour des compléments d'information.
Un récapitulatif sur le blogjournal de François Bon.
Qui a peur de Jacques Roubaud ?, sur Remue.net.
Un court article sur non.fiction.fr.
Le "sujet Roubaud" sur Fabula.org.
La pétition.
NB: Je ne cite pas le blog de Pierre Assouline, qui prétend présenter l'affaire sans faire la moindre allusion à ses collègues (certes moins en vue que lui) et qui laisse traîner dans le grenouillage complaisant qui suit ses billets des commentaires inqualifiables. François Bon fait une remarque analogue.
PS2: Quelque chose noir est édité chez Poésie/Gallimard. C'est un livre de deuil, le retour à la parole de Roubaud après la mort de sa seconde femme, la photographe Alix-Cléo Roubaud. Le titre Quelque chose noir est un rappel d'une série de photographies d'Alix-Cléo intitulée Si quelque chose noir. Pour voir ces photos, je suis allé jusqu'à me procurer la traduction anglaise par Rosemarie Waldrop de Quelque chose noir, où elles sont reproduites.
C'est à propos du couple formé parJacques Roubaud et Alix-Cléo Roubaud que monsieur Assouline laisse à la traîne de son blog des insanités.
PS3: La photo de J. R. a été prélevée sur le blog de François Bon.
PS4: J'ai mis sept liens autoréférentiels, en hommage à Jacques Roubaud.
Les roubaldiens comprendront, les autres: au boulot! vous n'allez pas faire comme les profs de chaires supérieures, non...
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