J'sais pas vous, mais moi (en sarkozien vernaculaire dans le texte), ce mot d'"auteure", qui rime avec "ya pas d'heure" ou "ell'bat l'beurre", il ne me plaît pas trop. Si je l'emploie, c'est uniquement pour rester en bons rapports avec mes camarades féministes.
Récemment nous avons appris… enfin, je ne sais pas pour vous, mais moi, j'ai appris tout récemment que Mme Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Mr Nicolas Sarkozy, était la plume discrète qui avait rédigé les désormais célèbres discours de Latran, de Ryad et du CRIF. Franchement, je pensais que Mr Henri Guaino avait écrit le lot… Une fine analyse stylistique aurait pu me détromper, mais je ne suis qu'un amateur, qui aime l'écrit mais que le style pompier, pompeux et pontifiant fait fuir. (Vous remarquerez l'allitération p-p-p-f-f-f… Guaino n'a qu'à bien se tenir.)
Pour cette seule raison, on pourrait croire que je n'ai aucun point commun avec Mme Mignon. On pourrait en trouver d'autres. Tenez: Mme Mignon est indubitablement une femme, alors que je suis désigné comme "individu de sexe masculin" dans les rapports de police. Tenez encore: mes amies apprécient fort mon exquise sensibilité féminine, alors que je soupçonne Mme Mignon d'aller à la messe avec le dévot Jean-Marie Bigard…
Cependant.
Cependant, j'ai eu le privilège de fréquenter les mêmes lieux prestigieusement éducatifs que Mme Mignon (que je pourrais donc, en vertu de ce fait, tutoyer et appeler Emmanuelle, voire Manu, comme n'importe quel président actuel de la République).
jeudi 28 février 2008
Une discrète auteure (re)découverte
J'entrai donc à Ginette (c'est comme ça qu'on dit, nous les anciens) par la grande porte et j'y passai deux années découpées menu-menu en longues heures interminables de cours et de travaux divers. J'ai arpenté, à mes heures de liberté, de long en large les avenues versaillaises (et je peux vous dire que, même prises en largeur, les avenues de Versailles, ça fait du chemin). J'ai failli assassiner à coups d'extincteur mon voisin qui ne pouvait pas faire les devoirs sans brailler des âneries anglo-saxonnes (et il y avait devoir tous les soirs ouvrables, et tous les soirs étaient ouvrés). J'ai finalement laissé pousser mes cheveux et se délabrer mon djine pour rejoindre incognito les hordes glandouilleuses et gauchistes qui envahissaient notre Université. Ce fut l'année même où l'école passait homéopathiquement à la mixité, ce qui permit à Mme Mignon d'y entrer, une quinzaine d'années plus tard.
Je croyais donc, fort de cette promixité, retrouver dans ses diverses déclarations quelques restes de notre commune éducation ignacienne, quelques traces de la casuistique sophistiquée de nos bons maîtres. Que nenni! J'y repère un sabotage de tous les vrais principes: des provocations inutiles et improductives (l'idéal serait de privatiser l'école), des énoncés cassants et définitifs(les sectes, un non-problème), des démentis assez puérils (mais je l'ai pas dit), bref une façon d'aller droit dans le mur de manière par trop systématique.
J'ai gardé, quelques années après ma sortie de l'école, des contacts avec un des bons père qui y résidait (j'avais une grande estime pour son ouverture d'esprit, sa culture, son humour…et toussa et toussa). Un jour, pour m'expliquer l'esprit de la Compagnie, il m'avait narré l'apologue suivant.
"Imagine un père jésuite parti en pèlerinage à Chartres. Seul et à pied. Le voilà égaré sur un chemin boueux de la Beauce profonde. Apercevant un paysan au labour, il lui demande comment arriver à Chartres. Après l'avoir regardé un temps, le brave homme lui dit:
- J'sais ben comment faire, mais vous, vous trouv'rez pas.
- Dites quand même…si vous savez.
- Oh oui, j'sais ben. Mais vous, vous trouv'rez pas, mon père… Pass'que c'est tout droit qu'y faut aller."
Emmanuelle, aurais-tu oublié (voire rejeté) la leçon de nos maîtres communs?
Si tel est le cas, tu peux trouver d'autres modèles, un peu en marge de la famille politique que tu as choisie.
Mme Simone Veil, par exemple, dont les années de formation ont été moins confortables que les nôtres, a déclaré, après avoir participé hier à la réunion au ministère de l'Education sur la mémoire de la Shoah à l'école:
"Nous avons tous, sauf peut-être un d'entre nous, mais tous les autres, estimé qu'il [Nicolas Sarkozy] avait été mal informé, qu'il s'était un peu fourvoyé."
C'est habilement présenté, non ?
PS (qui n'a presque rien à voir):
Je lis dans 20minutes.fr: "Le parrainage d'une victime par un élève ou par une classe était «enterré avant même qu'on se réunisse, ce n'était pas praticable car il y a 11.500 enfants juifs de France et 600.000 élèves en CM2», a dit l'historien et cinéaste Claude Lanzmann, (…)"
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!O Mathématiques sévères, il n'a pas oublié vos leçons!
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10 commentaires:
Bravo : quelle plume !
(Il y a peut-être finalement du bon dans l'éducation des Jésuites ? Enfin… un peu…)
Excellent billet. Un vrai plaisir de lecture.
On en a dit des choses (vraies et fausses) sur les Jésuites... Mais comme pédagogues, malgré tout, il y en avait de bons.
Claude Lanzmann me choque s'il n'a eu que cette réflexion-là (il était "pour", si je ne me trompe pas). Chapeau bas aux femmes : Mme Veil et Mme Hélène Waysbord-Loing (présidente de l’Association de. la Maison d'Izieu) qui semble-t-il ont réussi à faire triompher le bon sens.
@Charançon
Merci, mais vous en êtes une autre. Et quelle!
@Françoise
Merci, mais c'est un prété pour un rendu, ou l'inverse?
Lanzmann n'était pas pour (il avait publié une tribune dans le Monde, je crois). Il a droit au premier prix de la réflexion débile.
@tous les deux
Je ne peux me prononcer sur l'éducation des jésuites... mais je dois dire que j'ai connu bien pire!
« j'ai eu le privilège de fréquenter les mêmes lieux prestigieusement éducatifs que Mme Mignon »
Guy M. est-il un pseudonyme transparent ? Je sais que souvent, les enfants fréquentent les mêmes collèges que leurs parents… Une interrogation m'interroge… "M."… "Mignon"… Je n'ose le penser…
Bonne Journée !
[…] « ce mot d'auteure […] ne me plaît pas trop. »
Ce mot rime aussi avec hauteur (une rime parfaite, initiale et finale) et les Québécois, qui l'ont inventé, ne prononcent pas otørə mais otœr ; c'est une forme féminine pour les yeux.
Hé Hé
Gilles,
il n'y a guère de parenté entre Mme M. et moi-même...autre qu'une "proximité" de formation intellectuelle bien distendue...
Pour la rime, les puristes l'exigent pour l'oreille et pour l'oeil. Pour une fois, je me suis placé de leur côté.
Il ne fallait pas prendre mes commentaires sur les rimes et sur les liens de parenté au sérieux ! Ils étaient une intention de me placer sous le signe de Desnos.
Oh pardon, j'étais mal réveillé!
Un plaisir de lecture cet article , mais dis moi, Guy M, t'es où sur la photo ?
Je suis juste devant la petite Emmanuelle, que je cache.
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