jeudi 30 avril 2009

Vivre et mourir comme des porcs

La sagesse des nations nous apprend qu'en chaque homme, il y a un cochon qui sommeille, et qu'il ne faut pas réveiller le cochon qui dort. Dans sa très grande sagesse, elle ne nous enseigne pas ce qui somnole en chaque femme.

C'est dommage, cela nous ferait gagner du temps dans l'éprouvante quête que nous menons, nous, pôvres hommes, des mystères de Lafâme.

Ceci étant, homme ou femme, il semble bien que nous soyons sensibles à un petit virus de rien du tout dérivé du virus de grippe porcine.

Un air porcin, certes, mais surtout pas français...

Cette probable pandémie est un souci supplémentaire dont se seraient bien passés nos dirigeants éclairés qui ont déjà une crise mondiale à gérer, tant mal que bien, pour leur plus grande gloire...

Monsieur Nicolas Sarkozy, qui aime bien prendre le taureau par les cornes, a réuni à l'Elysée, hier, après le conseil des ministres, mesdames Michèle Alliot-Marie (Intérieur), Roselyne Bachelot (Santé) et monsieur Eric Woerth (Budget), pour faire le point sur ce sujet préoccupant, en compagnie de monsieur le Professeur Didier Houssin, directeur général de la Santé, et de madame la Docteure Françoise Weber, directrice générale de l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Etaient également prévus messieurs les secrétaires d'Etat Bruno Le Maire (Affaires européennes), Luc Chatel (Consommation) et Dominique Bussereau (Transports).

Tout cela pour dire que l'on prend les choses au sérieux.

Au sortir de la réunion, un communiqué officiel a annoncé les deux cas "très fortement suspects en France". Françoise Weber, directrice de l’Institut de veille sanitaire (InVS), a annoncé que 32 cas suspects de grippe porcine étaient "en cours d’investigation" en France. Aucun des deux cas probables d’infection par le virus H1N1 d’origine porcine signalés mardi soir n’a pour l’heure été confirmé.

J'ai bien sûr obtenu quelques indiscrétions sur le déroulement de cette réunion, par mes sources, qui ne boivent pas que de l'eau claire et qui sont à peu près aussi crédibles que monsieur Eric Besson.

Lequel ne fut pas invité: la solution de reconduite des virus mexicains à la frontière n'a pas été retenue par le président.

Après avoir fait servir une fortifiante aux propriétés antivirales reconnues, dont la recette lui a été secrètement transmise par un rebouteux de Camargue, monsieur S.* a ouvert la réunion en séparant mesdames B. et A.-M. qui se chamaillaient à propos du port du masque de protection.

Pour détendre l'atmosphère madame B. rapporta la déclaration de madame B. (attention, c'est une autre, faut suivre!) selon laquelle faire l'amour avec un masque, ça n'était pas très rigolo. Monsieur S. demanda de prévoir un démenti et des excuses au cas où le Canard l'apprendrait.

Madame A.-M. en profita pour attaquer très vigoureusement le port du masque, mettant en évidence l'embarras des forces de l'ordre lors des cortèges du premier mai, si une majorité de manifestants défilaient ainsi protégés.
Monsieur S. proposa d'interdire, par mesure de sécurité, tout rassemblement de plus de trois personnes. Madame A.-M. y voyait beaucoup d'avantages, mais trouvait que la mesure, un peu hâtive, pourrait être jugée disproportionnée, et elle y renonça.

Document exclusif et insoutenable:
ce qui reste d'une manifestation mexicaine.


Elle toucha du bois, croisa les doigts, et monsieur S. consulta sa Rolex: l'heure de ses carottes râpées approchait.

Mes sources** quittèrent la salle de réunion pour aller chercher un nouvelle théière de tisane miraculeuse.

A leur retour, madame A.-M. rendit compte de sa discrète démarche pour obtenir un supplément d'enquête auprès des autorités mexicaine, en vue de faire toute la lumière sur la présence de Julien Coupat et de sa compagne à proximité de la frontière étasunienne. Monsieur S. suggéra de faire glisser le tuyau à monsieur Gattégno.

On congédia alors mes sources qui, de toute façon, trouvaient que la réunion commençait à tourner en eau de boudin.

Je suis très loin de partager cette opinion. Ces quelques éléments montrent bien que l'on examine avec soin et compétence chaque possibilité offerte par la situation, et que l'on peut être rassuré: on veille sur la France.

Cochon qui s'en dédit !


* On comprendra que, pour protéger mes sources, je suis tenu de garder une certaine discrétion.

** Je parle de "mes sources" au pluriel, mais elles sont assez singulières, pour ne pas dire plus...

mercredi 29 avril 2009

Généalogie sécuritaire

Tu me contrediras si je me trompe, mais l’exact contraire de "sécuritaire", je crois bien que c’est "libertaire".

Mathieu Rigouste, entretien paru dans Barricata.

Depuis que j'ai appris que les enquêteurs avaient passé en revue les cinq mille volumes de la bibliothèque de Tarnac pour y découvrir vingt-sept livres subversifs, voire même séditieux (ou l'inverse), j'hésite toujours un peu à parler des ouvrages que je fais entrer par la grande porte, et avec les honneurs, dans ma bibliothèque à degrés. Je crains fort de n'avoir l'approbation pleine et entière des contrôleurs de nos pensées, ou, pire encore, de leur sembler privilégier des livres séditieux, voire même subversifs (ou l'inverse).

En attendant que le Ministère de l'Intérieur mette au point un Index des livres déconseillés, façon Vatican d'antan, je me laisse guider par la qualité que je leur trouve.

Je viens de terminer le livre que Mathieu Rigouste a tiré de la thèse de doctorat qu'il a soutenue en 2008, à l'Université de Paris VIII.

Sa thèse était intitulée L’ennemi intérieur postcolonial. De la lutte contre subversive au contrôle de l'immigration dans la pensée militaire française. Une socio-histoire du contrôle sécuritaire (1954-2007).

Son livre, aux éditions La Découverte, est intitulé L'ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine.

Et le titre indique très précisément ce que met en évidence Mathieu Rigouste dans son étude.


Pour mener sa recherche, il a pu consulter en toute liberté les archives, jusque là inexploitées et en grande partie inédites, de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN), et il a utilisé les diverses publications de la communauté politique et militaire, ainsi que les ouvrages classiques consacrés au sujet.

L'IHEDN a été fondé en 1947, avec pour but de permettre l'élaboration et la mise au point d'une doctrine de défense, et de réfléchir à la promotion de l'esprit de défense au sein de la nation. Pratiquement, l'IHEDN n'a pas eu de rôle majeur dans la constitution des doctrines officielles de la Défense Nationale, mais a eu beaucoup d'influence sur la manière dont les «cadres de la nation» ont pu considérer les questions militaires.

Les sessions nationales de l'Institut accueillent chaque année de 80 à 90 personnes, issues du privé (dirigeants d'entreprise, d'ONG, journalistes, industriels de l'armement...), du public (hauts fonctionnaires, universitaires, syndicalistes...) et de l'armée (officiers...). Les participants reçoivent un dossier d'information, élaboré par le conseil des études, et constituant une base de réflexion sur les problèmes de défense. Des comités sont formés parmi les auditeurs, avec pour objectif de réaliser des rapports sur les thèmes fournis. Les responsables des comités rédigent ensuite des synthèses des travaux qui seront ensuite transmises au premier ministre et aux ministres concernés.

Si l'on ajoute que l'IHEDN cultive une grande liberté de parole (ce n'est surtout pas un organe de bête propagande, c'est plus subtil que cela...), on conçoit aisément que ces trois types d'archives ont été précieuses pour étudier l'évolution des idées sur la défense nationale dans les milieux intéressés.

On peut ainsi suivre donc, avec Mathieu Rigouste, le fil rouge de la doctrine de la guerre révolutionnaire (DGR), élaborée par l'armée au cours des guerres coloniales, et dont le « cas d'école » est la bataille d'Alger. On suit surtout comment cette doctrine, écartée par le général de Gaulle après sa prise de pouvoir, est restée présente, de manière plus ou moins latente, dans les réservoirs à idées et à travers un certain nombre de réseaux. Enfin, on peut comprendre comment, face aux « nouvelles menaces », elle s'est trouvée réactivée et a réussi à s'hybrider avec ce que l'on pourrait appeler « l'esprit de sécurité », face à ces trois « ennemis intérieurs » à qui l'on a donné les figures de l'immigré, du jeune de banlieue et du terroriste ultra gauchiste.

17 octobre 1961,
exercice de style du préfet Maurice Papon.

J'ai sans doute mal cherché, mais j'ai trouvé assez peu de critiques du livre de Mathieu Rigouste dans la presse... Dans un article du Monde, Jean Birnbaum, en recourant aux métaphores musicales chères à monsieur Besson, chipote quelque peu:

Au premier abord, certes, l'ouvrage de Mathieu Rigouste peut décevoir. L'Ennemi intérieur fait entendre une rengaine familière à quiconque fréquente les études postcoloniales à la française. Selon cette ritournelle, le discours sécuritaire ne serait qu'une vaste machine de propagande au service des dominants, visant à maintenir les opprimés dans un état de terreur permanente, quitte à fabriquer de toutes pièces de multiples "menaces" incarnées par l'immigré issu de l'ex-Empire français.

Comme je ne suis pas critique au Monde, et que je ne sais pas tout, je dois dire que j'ai découvert beaucoup de choses dans le livre de Mathieu Rigouste, qui est clair, rigoureux et documenté.

Et qui ne cache pas ses intentions:

La domination médiatico sécuritaire fonctionne comme un assemblage de machines de commandement et de spectacle. Il s'agit d'une forme de pouvoir qui, en plus de surveiller et punir, cherche à montrer (les menaces) et tenir (la population). Sa prétention à tout régenter est comparable à de l'action psychologique: il s'agit de faire désirer l'encadrement global par une gestion technicienne et rationalisée de la peur et de la résignation. Il est donc devenu impératif d'expliquer que la domination sécuritaire n'est pas un monstre tout puissant, mais une machine de machines, qu'elle fonctionne en divisant les forces qui lui résistent, se nourrit de leurs renoncements et qu'il est possible d'avancer dans la compréhension de ses mécanismes et de ses failles.

Le livre de Mathieu Rigouste est une sérieuse avancée dans ce sens.


PS1: Regarde à vue propose sur sa page ouaibe, un entretien de 40 minutes avec Mathieu Rigouste, beaucoup plus consistant que les clips que l'on peut trouver sur Mediapart.

PS2 : Mathieu Rigouste devrait être présent à la journée innommable du FRAP 2009.

Je vous copicolle le programme de la journée:

La Journée Innommable
Dimanche 10 mai, 14h30-23h
A Ecobox, 37 rue Pajol, M° Max-Dormoy

14h Briefing autour de la carte de la Préfecture de police de Paris sur le plan 1000 caméras:
venez découvrir les caméras de votre quartier belges, allemandes, italiennes et l’intersquat de Paris.

14h30 Le retour d’un inavouable historique : Projection ‘Cameroun : Autopsie d’une indépendance’ documentaire de Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf, 2007, 52min, avec Gaëlle Le Roy

16h Débat avec Gabriel Périès sur ‘De la sécurité nationale à la contre-insurrection : le retour’, Mathieu Rigouste auteur de « L’ennemi intérieur, La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine ».


17h45 Film: France-Rwanda 1994, complicité de Génocidede Survie, Avril 2009


18h Chant d’encre (Slam)


19h15 Repas

20h Continuité et discontinuité géographique et historique des méthodes de l’état: Débat avec Mathieu Rigouste (sous-rés) Gabriel Périès, Pièces Pièces et main d’œuvre, auteur de ‘RFID : la police totale’ et ‘Aujourd’hui Le Nanomonde. Les nanotechnologies, un projet de société totalitaire’


Cliquez de temps en temps
pour aller voir si les coquilles ont été corrigées.

mardi 28 avril 2009

Relais dans la bibliothèque

Je ne pense pas que beaucoup des lecteurs coutumiers de ce blogue accordent beaucoup de valeur aux déclarations de monsieur Besson.

Les mots employés par ce sinistre personnage en parlant de la "crédibilité" du Gisti, ont suscité de la part de cette association une réaction que je m'empresse de relayer:


Le Gisti ou le ministre :
qui est le moins crédible ?

À plusieurs reprises ces derniers jours, Éric Besson, pris en flagrant délit de mensonge au sujet du délit de solidarité, a cru bon d’affirmer, pour se défendre : « la crédibilité du GISTI est proche de zéro ». Ces propos révèlent une méconnaissance assez étonnante de l’action menée par le Gisti sur le terrain juridique depuis plus de trente cinq ans. Cette action était justement au cœur du colloque organisé le 15 novembre 2008, à la maison des avocats, à Paris sur le thème : « Défendre la cause des étrangers en justice ». À ce colloque, qui a attiré plusieurs centaines de personnes, ont participé des membres éminents du Conseil d’État, des magistrats de l’ordre administratif et judiciaire, des anciens directeurs d’administration centrale, des avocats, des universitaires et des chercheurs qui n’ont pas craint de se décrédibiliser en répondant à l’invitation du Gisti.

Cette journée visait notamment à célébrer le trentième anniversaire du premier « grand arrêt » rendu par le Conseil d’État le 8 décembre 1978 à la requête du Gisti, qui a marqué le début d’une longue série d’actions en justice visant à faire respecter les droits des étrangers. Plusieurs des arrêts rendus ont contribué à la construction du droit administratif et à ce titre sont étudiés dans les facultés de droit.

La brochure éditée à l’occasion du colloque contient la liste des arrêts rendus à la requête du Gisti entre 1974 et 2008 et le texte intégral d’une trentaine d’entre eux. On peut se la procurer via le site web www.gisti.org (téléchargement gratuit ou commande).

Pour ceux qui veulent en savoir plus, les Actes du colloque, édités par les Editions Dalloz, paraîtront à la fin du mois de juin.

Le bilan d’activité du Gisti est par ailleurs disponible sur son site.

Nous ne pouvons qu’inviter le ministre de l’immigration, qui avouait lui-même ne pas connaître grand chose à la question avant d’être nommé à ce poste, à consulter ces documents.

Nous regrettons seulement que ces mouvements d’humeur détournent l’attention d’enjeux bien plus importants, dont le délit de solidarité n’est qu’une facette.

Paris, le 28 avril 2009


[1] Cf. notre sélection de condamnations de personnes ayant apportées une aide désintéressée à des étrangers en situation irrégulière : http://www.gisti.org/spip.php?article1399

Faire suivre...

lundi 27 avril 2009

Grenades angevines

La douceur angevine a été suffisamment rimée par le bon Joachim du Bellay qui se morfondait à Rome et chantée par le grand Boby Lapointe qui rêvait de lutiner une "angevine de poitrine", pour que je n'y ajoute pas mon grain de sel.

Forts, sans doute, de cette réputation de douceur, entre autre climatique, les modernes responsables municipaux de la ville ont déposé une requête auprès du tribunal de grande instance, afin de récupérer, donc de faire évacuer, des locaux appartenant à la ville, et occupés depuis quelques mois, par des demandeurs d'asile, des sans logis et des Roms. Une ordonnance d'expulsion a été prononcée le 16 janvier.

Et l'expulsion a eu lieu le jeudi 23 avril, pour les occupants du 48, rue Lionnaise.

En respectant les formes requises:

Armés de béliers, les policiers pénètrent par une ancienne issue de secours et s'engouffrent dans le bâtiment municipal. Les squatteurs, qui n'opposent aucune résistance, sont invités à prendre leurs effets personnels avant de descendre dans la cour. « Ils ont mis les demandeurs d'asile d'un côté, les Roms de l'autre, et puis nous, SDF. » Vérification d'identités. On fait les comptes : 43 demandeurs d'asile, 12 Roms et cinq SDF.

Petit matin à Angers.

La préfecture assure que des solutions de relogement ont été proposées... Il semble que peu de problèmes aient été résolus, cependant, puisque les anciens occupants du 48 se sont repliés dans le nouveau théâtre, le Quai, dont la ville est si fière, pour en être à nouveau délogés.

Le samedi était prévue une manifestation de soutien aux évacués du 48, pour protester contre les solutions de relogement proposées.

Ce sont des choses qui se font, et qui se feront sans doute de plus en plus.

Selon le premier entrefilet paru dans Ouest-France, 200 personnes s'étaient réunies dans le calme devant la mairie...

Jusqu'à ce qu'une poignée tente de pénétrer dans un bâtiment vide, face au château d'Angers. A ce moment-là, les policiers ont chargé. Sans aucune sommation.

Après-midi à Angers.

Un article plus copieux, signé de Vincent coquereau, précise le déclenchement des événements.

Arrivé au château, le cortège s'est arrêté au pied d'une maison aux volets fermés, appartenant à la ville. Sous les yeux des policiers, une poignée s'est élancée vers le bâtiment pour tenter d'y pénétrer. Aux premiers coups de pieds dans les portes, les policiers ont chargé.

Coups de matraque, grenade détonante, et bombe lacrymogène vaporisée dans la foule... La réponse disproportionnée des forces de l'ordre a surpris tout le monde, y compris des touristes de passage. Sonnés, mais déterminés, les manifestants ont appelé à un nouveau rassemblement samedi prochain. «N'oublions pas qu'il y a toujours des gens à dormir dehors !»

Le même article nous donne le bilan de cet accrochage:

Dans l'affrontement, trois hommes ont été blessés. Une plaie sur le crâne pour l'un. Une brûlure au bras causée par une grenade lacrymogène pour un autre. Et, pour le troisième, des écorchures sur le dos, vraisemblablement dues à des coups de matraque. Plusieurs dizaines d'autres ont été victimes du gaz, et ont reçu les premiers soins sur place. D'après la préfecture, deux policiers ont été blessés.

Tout cela pour défendre l'entrée d'une maison aux volets clos, cela semble beaucoup...

La dépêche de l'AFP est, bien sûr, plus prudente que le quotidien de l'ouest. On sait lire des communiqués de la préfecture, à l'AFP. On y parlera donc de «plusieurs personnes (...) légèrement blessées», on usera de la délicate expression «accrochage "un peu sévère"» utilisée par les services de police, et surtout on ne lèvera pas la question des sommations préalables...

Cependant, la dépêche cite le témoignage d'un des participants, monsieur Rodolf Nettier, qui a vraisemblablement exigé d'être pris en compte le plus précisément possible.

Il avait d'abord estimé que la blessure au bras avait été provoquée par un tir de flash-ball... Il corrige en parlant d'une blessure provoquée par l'explosion d'une grenade assourdissante...

Si cela est exact, c'est un moyen assez peu approprié pour défendre une simple porte d'entrée, il me semble...

De plus, il est tout de même curieux d'utiliser, tout de go, une grenade assourdissante dans cette bonne et calme ville d'Angers, dont le maire, monsieur Jean-Claude Antonini, membre du parti socialiste, fut en 2002, président du centre d'information et de documentation sur le bruit.

Il est vrai que le meilleur moyen de ne pas souffrir du bruit est de devenir sourd.

La nuit à Angers.

dimanche 26 avril 2009

Thématique sécuritaire

Ce n'est pas faire injure à la re-mar-qua-ble indépendance de pensée et de parole des rédacteurs du Figaro que de considérer leurs analyses comme un précieux auxiliaire du travail de l'opinion que mène, à sa manière, le pouvoir sarkozien.

La dernière livraison du "politoscope" de l'officine sondagière Opinion Way donne l'impression de vouloir rattacher les actions liées au mouvement social à la très féconde thématique de la sécurité. La section 3 de ce document est sobrement intitulée "la sécurité", et on y donne les résultats des réponses obtenues "auprès d’un échantillon de 1049 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et inscrite sur les listes électorales."

Les voici. Leur juxtaposition vous permettra d'apprécier l'art du tressage des artisans d'Opinion Way.

La Sécurité: Perception de l'impact de la crise sur l'évolution de la délinquance.

Selon 69% des sondés, la crise va conduire à une augmentation de la délinquance.

Tolérance envers les séquestrations de certains dirigeants.

28% des sondés désapprouvent les séquestrations de patrons
et estiment qu'il faut les sanctionner.

La sécurité: Crédibilité de différents acteurs pour lutter contre la délinquance.

Plusieurs réponses étant possibles,
que valent les 39% de "confiance" à Nicolas Sarkozy ?

Il faut prendre un peu de recul pour voir la couleur dominante de la tresse obtenue.

Dans son article d'accompagnement, Judith Waintraub fait preuve d'une étonnante capacité de synthèse. Sous le titre Sarkozy est jugé le plus crédible contre la délinquance, elle annonce:

La demande d'autorité progresse chez les Français, y compris à l'encontre des salariés qui séquestrent leurs dirigeants.

Il semble que cette remarque soit fondée sur l'évolution des réponses à la seconde question, où la demande de sanctions a progressé de 5 points depuis le précédent sondage du 8 avril...

Conclusion:

Cette évolution conforte le durcissement du discours des représentants de la puissance publique au fur et à mesure que les séquestrations et les prises d'otages se sont multipliées. Cette fermeté accrue va dans le sens souhaité par une majorité de sondés, même si la question continue de les diviser.

J'ai grasseyé cette "majorité de sondés" pour que vous la voyiez aussi bien que l'auteure de l'article; en regardant les résultats, je ne la voyais pas bien.

Mais on les voit bien les gens de Continental.

Un certain nombre d'articles, que je n'ai pas tous répertoriés (c'est dimanche, et il fait assez beau en Normandie...), complètent cette opération de saturation de l'information. Deux exemples ont retenu mon attention flottante.

Elsa Bembaron, Marc Landré et Jean-Marc Leclerc se sont fendus, le 23 avril, d'un très grand Séquestrations : la main de l'extrême gauche qui vaut le déplacement.

Véronique Grousset, plus technique, nous offre, le 24, une bien utile mise au point juridique avec Droit de grève : ce qui est légal et ce qui ne l'est pas.

Au cas où l'on serait tenté de faire des bêtises...

vendredi 24 avril 2009

Muséographie des morts

Le juge des référés parisien qui a prononcé le jugement entraînant la fermeture de l'exposition Our Body est resté assez prudent en précisant que:

"les cadavres et leurs démembrements ont d'abord vocation à être inhumés ou incinérés, ou placés dans des collections scientifiques de personnes morales de droit public."

En effet, des restes humains peuvent être considérés comme objets de collection et figurer, au même titre qu'un herbier, une boîte de papillons ou un raton-laveur empaillé, dans les réserves d'un muséum d'histoire naturelle, voire d'un musée des arts premiers.

Bien que la proportion de tels "objets" soit assez faible dans les collections, il semblerait que leur présence soit source de quelque embarras pour le législateur, cette entité qui veille à la sécurité, au bien-être et, en ce cas, à l'éthique de notre société.

Il se trouve que certains pays peuvent être amenés à réclamer ces restes que nous conservons à des fins présumées scientifiques afin de leur donner une sépulture décente au regard des traditions des peuples de ces pays.

Ce fut le cas lorsque l'Afrique du Sud de Nelson Mandela réclama à la France les restes épars de celle que l'on avait surnommée la Vénus Hottentote.

L'histoire de Sawtche, baptisée Saartjie Baartman à son arrivée à Londres, mérite de figurer dans l'anthologie des indignités commises au nom de la curiosité prétendue scientifique.


Sawtche, née vers 1789 parmi les Khoïkhoï, nomades du sud de l'Afrique, était esclave d'un fermier afrikaaner quand elle fut achetée par un sujet britannique, médecin de la Royal Navy, qui l'emmena en 1810 à Londres. Elle fut exhibée comme une bête de foire en Grande-Bretagne, Hollande, France.... On aimait beaucoup montrer des "sauvages", et Sawtche avait pour elle des caractéristiques physiques (stéatopygie et macronymphie) qui pouvaient échauffer ces messieurs et attiser leur usine à fantasmes.

Stephen Jay Gould, dans l'une de ses chroniques, reprise dans Le Sourire du flamant rose (Seuil/Points Sciences, 2000), résume avec beaucoup de justesse:

La Vénus hottentote conquit donc sa renommée en tant qu'objet sexuel, et la combinaison de sa bestialité supposée et de la fascination lascive qu'elle exerçait sur les hommes retenait toute leur attention ; ils avaient du plaisir à regarder Saartjie mais ils pouvaient également se rassurer avec suffisance : ils étaient supérieurs.

Sawtche commença à intéresser le milieu scientifique quand Étienne Geoffroy Saint-Hilaire demanda à l'examiner, en 1815. De sa savant étude, il ressort que le visage de Sawtche est proche de celui d'un orang-outang et ses muscles fessiers proches de ceux des femelles du mandrill.

1815 est aussi l'année de la mort misérable de Sawtche qui trainait sa pauvre vie entre les cabinets des scientifiques et ceux des bordels parisiens. Cuvier, pour le progrès de la connaissance scientifique et le déshonneur de l'esprit humain, effectue un moulage de son corps, le dissèque, prélève le cerveau, et, évidemment, les organes génitaux. Son charcutage n'a pas fait progresser la science d'un poil; il conclut:

Les races à crâne déprimé et comprimé sont condamnées à une éternelle infériorité.

Le squelette et le moulage seront exposés au Musée de l'Homme jusqu'en 1974.

La demande de rapatriement de la dépouille de Sawtche fut formulée en 1994 par l'Afrique du Sud, mais se heurta au principe de l'inaliénabilité des collections nationales. Le débat s'enlisa, et notre fameux législateur ne prit pas la peine de penser la question des restes humains considérés comme objets scientifique.

Il fallu voter une loi exceptionnelle pour que le corps de Sawtche, ou ce qu'il en restait, soit rendu à sa terre, le 9 août 2002.

Le transfert avait eu lieu le 5 mai 2002.

On est un peu étonné de la réticence des autorités françaises: fidèles à leur mission, les musées sont extrêmement jaloux de leurs collections déclarées inaliénables.

Un certain nombre de ces institutions, comme le Musée des Arts Premiers, conservent des têtes tatouées de guerriers (ou d'esclaves) maoris, qui sont réclamées par la Nouvelle-Zélande, au nom des peuples maoris.

Les dignitaires des peuples maoris avaient coutume de porter sur leurs visages des tatouages indiquant leur filiation et leur rang. Cette carte d'identification se développait de manière assez esthétique pour intriguer les occidentaux quand ils croisèrent dans les parages.

Au lieu de faire des dessins de ces tatouages, les visiteurs purent emporter la tête tout entière, aidés par une autre coutume ancestrale des maoris. Ceux-ci avaient certainement d'excellentes qualités, mais possédaient une terrible propension à guerroyer. Après leurs batailles, les survivants emportaient avec eux les têtes des combattants tués, et les fumaient pour les garder quelque temps au village, et finalement les restituaient à la famille pour les enterrer.

Le premier européen à ramener une tête dans ses bagages fut Joseph Banques, naturaliste de l'expédition du capitaine Cook, qui s'en procura une le 20 janvier 1770.

Activée par l'engouement des collectionneurs occidentaux, la main invisible du marché organisa si bien les échanges d'armes à feu contre des têtes tatouées que l'on en vint dans certaines tribus à tatouer des esclaves que les négociants venaient choisir sur pied... Ce trafic fut prohibé vers 1830.

Le major général Horatio Gordon Robley (1840-1930) et sa collection.

Le muséum d'Histoire Naturelle de Rouen, qui a été fermé une dizaine d'années en attente de travaux de mise en sécurité, envisageait, après sa réouverture en février 2007, de procéder à la restitution d'une tête maorie présente dans ses collections depuis 1875.

La remise de la tête aux représentants de la Nouvelle-Zélande devait avoir officiellement lieu le 22 octobre 2007.

La cérémonie ne fut que symbolique. Les services de madame Albanel, ministre de la Culture, pour s'opposer à la restitution, avaient porté plainte devant le tribunal administratif, qui leur donna raison...

C'est ainsi que fut bloquée, par voie juridique, une initiative qui avait été mûrement réfléchie par le directeur du muséum, monsieur Sébastien Minchin, et son équipe.

Vous ne serez peut-être pas surpris d'apprendre que la presse, pourtant prévenue de la décision de la direction du muséum et des autorités néo-zélandaises de n'autoriser aucune photographie de la tête maorie, a assiégé les services du muséum pour obtenir de voir cette fameuse curiosité. On raconte même, à Rouen, pas très loin de la rue Beauvoisine, qu'une chaine de télévision spécialisée dans l'information, le divertissement et la publicité, aurait proposé de filmer en exclusivité la délégation néo-zélandaise mise en présence de la tête maori.

En costumes de "sauvages", je suppose...



PS: Il est possible de télécharger et de lire le dossier de presse établi par le muséum de Rouen en 2007. Il comporte beaucoup d'informations que je n'ai pas reprises...

jeudi 23 avril 2009

Scénographie des morts

Comme tout le monde sait que je suis un authentique vieux jeton rétrograde, labellisé années cinquante, personne ne s'étonnera que la fermeture, par décision de justice, de l'exposition Our Body, me laisse aussi froid qu'un macchabée dans un amphithéâtre désert. Je n'avais aucune intention de me rendre à cette exhibition.

Par ailleurs, je dois bien avouer, honteusement bien sûr, que je ne suis pas encore tout à fait décomplexé face à l'irruption de la mort dans nos vies et face à la trace qu'elle laisse devant nous: le cadavre. Si j'ai, jusqu'à présent, fréquenté peu de cadavres, tous m'ont marqué. pour certains, j'ai assisté à ces veillées funèbres que l'on faisait encore dans nos campagnes, rituels où se rassemblaient une famille, un village. La mort a gardé pour moi cette fade odeur qui régnait dans la chambre aux volets fermés, combattue par celle du café que l'on resservait machinalement dans la cuisine...

Page du site dédié à l'exposition.

Représentée par monsieur Pascal Bernardin, la société Encor Events SARL, qui proposait cette manifestation à l'Espace 12, boulevard de la Madeleine, et projetait de la transplanter au Parc Floral de Vincennes, a fait appel, et essaye de convaincre de ses bonnes intentions pédagogiques, mais sans donner davantage de détails sur l'origine des corps, tous chinois, et provenant d'une certaine fondation Anatomical Sciences and Technologie de Hong Kong.

La pédagogie est un art délicat, assez peu pratiqué par les organisateurs de spectacles et créateurs d'événements. En l'occurrence, je ne suis pas convaincu que le fait de se voir en cadavre soit un déclencheur efficace de la connaissance, ou du désir de connaissance, de son corps. En outre, cette connaissance ne saurait se réduire à la stricte anatomie d'un ensemble d'os, muscles, vaisseaux et tendons, mis en scène avec plus ou moins de réalisme... Je suis assez heureux que mon médecin, qui est un excellent anatomiste et m'a souvent entretenu avec beaucoup de patience et de délicatesse des interactions entre mes os, muscles et tendons, puisse avoir une telle connaissance de mon corps sans avoir besoin de m'imaginer dépiauté, mais en utilisant avec compétence son sens de la déduction.

On peut dire que la connaissance de l'anatomie s'est nourrie d'une grande familiarité avec les cadavres, souvent de condamnés, qu'en des temps maintenant anciens, on disséquait en secret, puis en public. Mais je ne peux m'empêcher de penser que la pratique, privée ou publique, de la torture a également été une riche source de savoir sur l'organisation du corps humain.

Et je me demande si la mise en scène de ces dépeçages d'êtres humains, vivants ou morts, ne flatte pas dangereusement un thanatotropisme latent de l'humanité, qui n'a pas grand chose à voir avec le désir de connaissance.

Leçon d'anatomie: le lingchi.
Exécution de Fu-Zhu-Li le 10avril 1905.

Selon monsieur Pascal Bernadin, "il y a 18 à 20 expositions anatomiques du même type en ce moment à travers le monde, aux Etats-Unis ou en Europe, et qui n’ont jamais été interdites".

Soit.

François d'Aubert, le directeur de la Cité des Sciences, qui a l'avantage d'avoir une expérience à la fois dans l'organisation d'événements et dans la vulgarisation scientifique, déclare au Figaro que la Cité n'envisage pas d'accueillir une exposition anatomique de ce type:

L'alibi scientifique lui paraît extrêmement faible, "C'est une prime au voyeurisme sous couvert de science et de pédagogie". Toujours selon le comité d'éthique consulté, cette « mise en scène » a permis de contourner la loi : "La commercialisation du corps fait l'objet d'une interdiction majeure ; or cette mise en scène comporte un aspect commercial non équivoque".

Une leçon de pédagogie scientifique par Gunther Von Hagens.

Le même article nous apprend:

En 2007, la Cité des sciences, avait également opposé un net refus à Gunther Von Hagens, le père de la plastination, pour son exposition Body Worlds.

En consultant les liens vous pourrez vous faire une première idée du personnage, qui semble louvoyer entre la science, l'art et le spectacle...

Angle d'attaque

A l'ouverture d'une des journaux matinaux de France Inter, j'ai été surpris d'entendre le discours presque véhément, en tout cas brut de tout décoffrage, d'un chef d'entreprise demandant que l'on applique la loi pour faire face à la situation des migrants de la région de Calais.

Cette déclaration était suivie d'une déclaration, pas vraiment plus mesurée, de madame le maire de Calais.

On annonçait donc ainsi la venue de monsieur Besson dans la région.

Cette visite a déjà été bien préparée par le nettoyage de mardi.

Ou plutôt, on préparait servilement l'opinion des auditeurs à ce déplacement du sinistre ministre.

Car, cet angle d'attaque de l'information apparaît bien clairement dans l'invitation qui a dû circuler dans les salles de rédaction:

Paris, le 22 avril 2009,

INVITATION PRESSE


Eric BESSON se rend à Calais pour présenter ses premières propositions

Comme il l’avait annoncé lors de sa première visite le 27 janvier 2009, Eric BESSON, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire se rendra à Calais jeudi 23 avril 2009 afin de présenter ses premières propositions de réponses aux problèmes de l’immigration clandestine dans le Calaisis.

Il rencontrera les acteurs locaux victimes les plus exposées à la pression des réseaux de l’immigration clandestine, les élus, les représentants des forces de l’ordre et les associations humanitaires. Il se rendra notamment à l’entreprise TIOXIDE où 10 entrepreneurs de la région lui feront part de leurs difficultés quotidiennes face à l’insécurité des biens et des personnes.

La Direction Centrale de la Police Aux Frontières (DCPAF) présentera des exemples pratiques de filières auxquelles elle est confrontée au quotidien, de ses objectifs et moyens de lutte contre ces trafiquants de l’immigration clandestine.

Programme :

08h28 : Départ
11h13 : Arrivée Calais Ville (Navettes prévues sur tout le déplacement)
11h30 : Visite de l’entreprise TIOXIDE et rencontre avec 10 entrepreneurs locaux.
12h45 : Déjeuner presse (sous-préfecture de Calais)
13h30 : Présentation de cas pratiques : objectifs et moyens de lutte contre l’immigration clandestine. En présence de Daniel DUBOIS (directeur central adjoint de la police aux frontières), Jean- Michel FAUVERGUE (chef de l’Office Central pour la Répression de l'Immigration irrégulière et de l'emploi d'Étrangers Sans Titre -OCRIEST), Marie-Hélène JUSTO (directrice
départementale de la PAF du Pas de Calais) et des chefs d’unités opérationnelles de l’OCRIEST et de la PAF du Pas de Calais)
15h30 : Allocution de Natasha BOUCHARD, Maire de Calais (mairie de Calais)
15h35 : Discours d’Eric BESSON (mairie de Calais)
15h45 : Point-Presse (mairie de Calais)
17h32 : Départ de Calais-Frethun
18h56 : Arrivée à Paris Gare du Nord

La réservation du transport n’est pas prise en charge
Jeudi 23 avril 2009 à 08h15 Paris Gare du Nord 08h28
ACCREDITATIONS OBLIGATOIRES

Merci à Infozone d'avoir fait passer cette information.

mercredi 22 avril 2009

A hurler le soir, place Vendôme

Si nous pouvions tout savoir, nous serions anéantis...

Je découvre aujourd'hui ce communiqué de l'OIP (Observatoire International des Prisons). Il date du 8 avril, il est possible (et souhaitable !) que la situation ait changé...

Mais ces faits ont eu lieu, et continuent d'avoir lieu.

Paris, le 8 avril 2009

Centre pénitentiaire de Lannemezan : détention inhumaine d'un homme traité en chimiothérapie

La section française de l'OIP informe des faits suivants :

Un condamné de la centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) atteint d'un cancer du poumon demeure incarcéré en dépit d'entraves à l'accès aux soins d'urgence et de mesures sécuritaires attentatoires à sa dignité. Le Tribunal administratif vient d'ordonner en référé à la ministre de la Justice de réexaminer sans délais son inscription au répertoire des Détenus particulièrement signalés (DPS).

Âgé de 45 ans, E.A. a subi, le 8 janvier 2009, une ablation du lobe du poumon, pour soigner un cancer diagnostiqué le 3 décembre 2008 alors que la maladie était suspectée depuis le 4 août. Il est actuellement traité en chimiothérapie, ce qui implique, toutes les trois semaines, une extraction à l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Toulouse pour trois jours. Les deux experts désignés par le juge de l'application des peines ont considéré que son état médical n'était pas, à ce stade et sous réserve du bilan programmé en mai 2009, incompatible avec la détention. Mais leurs rapports font manifestement abstraction de la réalité carcérale. Le premier expert a subordonné son avis à la condition que E.A. puisse impérativement bénéficier d'une prise en charge immédiate en cas de complications. Le second, se fondant sur les modalités de traitement anticancéreux à domicile, a estimé "probablement possible" de subir une chimiothérapie en milieu carcéral. Le médecin de la prison a pourtant estimé, le 27 mars 2009, que "la pénitentaire de Lannemezan n'est pas adaptée à cet état clinique et aux risques de complications de ce type de traitement". De fait, les effets secondaires du traitement se font de plus en plus durement ressentir et les incidents dans la prise en charge de l'intéressé se multiplient.

Une réunion s'est tenue le 18 février 2009 à la préfecture de Tarbes, avec pour but de "préciser les règles en matière d'extraction du détenu DPS E.A. qui bénéficie d'un traitement de chimiothérapie (...) dont les effets secondaires pourraient s'avérer dangereux pour l'intéressé si une réponse médicale n'était pas apportée dans les meilleurs délais." Le médecin de la centrale en charge de E.A. a souligné que "le traitement va devenir particulièrement agressif dans les prochaines semaines et qu'il risque à ce moment là de subir des effets secondaires et d'avoir de réels problèmes de santé. Il est à craindre le choc sceptique difficile à prévoir (...) Il ne serait alors pas transportable". Le commandant du groupement de gendarmerie a quant à lui pointé "la qualité de DPS de E.A., statut qui ne permet aucune souplesse au dispositif (...) Compte-tenu du moment de l'intervention (en journée ou pendant la nuit) et des impératifs du service, un délai situé entre 20 mn à 1 heure sera nécessaire pour mettre en place l'escorte." Contactée par l'OIP, la gendarmerie a précisé que les délais étaient davantage compris entre 0h45 et 1h15, expliquant que le statut du détenu nécessitait de faire appel à des militaires des pelotons de surveillance et d'intervention.

Un premier dysfonctionnement s'est produit dans la nuit du 1er au 2 mars 2009, alors que E.A. était pris de colique néphrétique. A 1h24, les services des pompiers et la gendarmerie ont été contactés pour le prendre en charge. Une fois sur place, les pompiers ont pris des dispositions pour le transporter à l'hôpital de Lannemezan. La gendarmerie a pu constituer une escorte à 1h55 mais a interpellé le médecin régulateur du SAMU à l'hôpital de Tarbes quant à la nécessité de l'hospitalisation. E.A. a finalement été traité dans la cour de la centrale, dans le véhicule du SMUR dépêché sur les lieux, selon un protocole fixé par la préfecture, modifié depuis. Il a ensuite réintégré sa cellule dans la nuit, après avoir crû qu'il serait hospitalisé. Selon la préfecture, lors de cette première alerte, "rien n'a fonctionné, les consignes n'ayant pas été convenablement diffusées".

Dans la nuit du 22 mars, E. A. a de nouveau été pris de violentes douleurs aux reins et a alerté les surveillants vers 2h40. Les pompiers, sollicités dans un premier temps, ont dû faire appel au SAMU à 3h37. Le SAMU a tenté d'adresser le patient à l'hôpital de Lannemezan mais s'est heurté au refus de la direction de la prison. Celle-ci a fait appel à la préfecture à 4h30, pour imposer l'intervention du SMUR sur place. Arrivé à 4h 40, ce dernier a pris en charge E.A. jusqu'à 6h en cellule. A 16h45, ce dernier a de nouveau eu une crise. Selon la direction, le médecin du SAMU a accepté "après moult négociations d'envoyer le SMUR qui a décidé d'extraire E.A." à l'hôpital de Lannemezan. Celui-ci est revenu à la centrale à 21h30, après qu'un transfert à l'hôpital de Tarbes ait été envisagé. La direction de la prison a adressé le lendemain un courrier au préfet pour se plaindre du médecin du SAMU, qui "n'avait en aucun cas voulu entendre les consignes » et qui « avait tenu des propos incohérents et irrespectueux". Elle a estimé "nécessaire qu'un personnel soignant puisse rendre visite à ce détenu le dimanche afin de vérifier son état de santé". Les autorités de santé ont quant à elles indiqué que les consignes avaient été modifiées et que E.A. devait être pris en charge selon les modalités communes à l'ensemble des détenus.

Les conditions d'extraction et d'hospitalisation imposées à E.A. sont également très éprouvantes. Du 8 au 11 janvier, E.A. est resté menotté à son lit au sein du service de soins intensifs de l'hôpital Larrey, alors même qu'il venait de subir une lobectomie. La Sécurité publique de Toulouse a expliqué à l'OIP que les policiers avaient suivi les consignes concernant la garde des détenus dangereux. Vendredi 3 avril, E.A. a été escorté par pas moins de 18 personnels de police et pénitentiaire dont une partie cagoulés et armés pour bénéficier d’un électromyogramme après une séance de chimiothérapie. Il a conservé les entraves de pieds pendant l'examen. Le juge des référés du Tribunal administratif de Pau avait pourtant enjoint, le 30 mars, au ministre de la Justice de réexaminer la demande de radiation du répertoire DPS, considérant que "les raisons qui avaient justifiées son inscription (...) avaient disparu ou, à tout le moins, que l'urgence justifie une radiation de l'intéressé de ce répertoire". Interrogé par l'OIP, l'État-Major de Sécurité pénitentiaire à déclaré que "pour l'instant, pour l'administration, E.A. est toujours DPS" et rétorqué, au sujet de l'examen sous entrave, que "le médecin n'a rien objecté ; il n'y a donc pas de problème". Le juge de l'application des peines du TGI a indiqué à l'avocat de E.A. qu'il examinerait avant l'été les demandes d'aménagement présentée par celui-ci.

L'OIP rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour traitement inhumain à raison du maintien en détention d'un prisonnier atteint d'un cancer et de l'utilisation de menottes et d'entraves pendant ses extractions vers l'hôpital (CEDH, Mouisel c. France, 14 novembre 2002). Dans cette affaire, qui concernait une personne également détenue à Lannemezan, la Cour a retenu "l'état de santé du requérant, le fait qu'il s'agit d'une hospitalisation, l'inconfort du déroulement d'une séance de chimiothérapie et la faiblesse physique de l'intéressé pour penser que le port des menottes était disproportionné au regard des nécessités de la sécurité". Elle a jugé que le "maintien en détention [de l'intéressé] (...) a porté atteinte à sa dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et causé une souffrance allant au-delà de celle que comportent inévitablement une peine d'emprisonnement et un traitement anticancéreux".

mardi 21 avril 2009

Ceci n'était pas une rafle

On aurait pu croire que la visite de monsieur Sarkozy en région PACA allait priver les forces de l'ordre de tous moyens d'action dans le reste du territoire. Il n'en fut rien.

Il est vrai que le président n'avait pas grand chose à craindre dans la pays niçois, et il a su prendre la mesure de l'inquiétude de la population et la rassurer: plus aucune "bande de voyous" ne pourra empêcher un(e) retraité(e) de la région PACA, d'aller en toute quiétude faire pisser son toutou à la nuit tombante. La douloureuse rétention urinaire imposée aux caniches de la côte par l'incoercible sentiment d'insécurité ressenti par leurs maîtres va prendre fin.

Monsieur Sarkozy a annoncé d'autres petites choses, et monsieur Jean-Marc Ayrault a cru faire un mot d'esprit en parlant de "salade niçoise"...

Monsieur Sarkozy vient-il d'avaler un noyau d'olive ?

Il restait suffisamment de robocops dans la région Nord-Pas de Calais pour que monsieur Besson y continue son sale boulot. Ce matin, j'ai reçu deux courriels. Le premier, que l'association Salam demandait de relayer, indiquait ceci:

200 à 300 policiers (21 cars de gendarmeries, une quarantaine de camion de CRS), sont actuellement dans la jungle des "Pachtous" à Calais et procèdent à la destruction des "rooms" des afghans pachtous. Ces derniers, au nombre de 400 font face, avec 6 membres de l'association Salam, à un cordon de CRS qui encercle la jungle afin que personne ne puissent y entrer. On ne sait pas encore s'il y a eu des arrestations.

Un peu plus tard:

Dernières informations:

La jungle est toujours encerclée par la police.
La mairie a fait installer 2 bennes: ?
L'association Salam est toujours sur le terrain avec les afghans présents.
Pas de nouvelles arrestations depuis celles qui auraient eu lieu ce matin (150 environ).
Des médias sont sur les lieux (Presses écrites, I Télé...).
La visite de Eric Besson jeudi 23 Avril 2009 semble confirmée. Le Ministère en dira plus dans la journée.

LibeLille donne l'explication du préfet:

«Nous avons constaté ces dernières semaines que, loin de se calmer, la pression, à Calais notamment, s’amplifiait avec une augmentation du nombre de migrants et le développement d’une assez grande agressivité contre les riverains, contre les forces de sécurité. Je souhaitais donner un coup d’arrêt à ce développement», a justifié sur place le préfet Pierre de Bousquet de Florian.

Il faut aller dans l'Express pour trouver le point de vue de l'association Salam:

Sylvie Copyans, secrétaire adjointe de l'association "Salam", très active auprès des migrants du Calaisis, a dénoncé pour sa part une "opération de nettoyage".

"Deux gros bulldozers jaunes étaient prêts et les forces de l'ordre avaient déposé deux bennes à l'entrée du campement. Le but n'était pas seulement d'interpeller, ils étaient venus pour détruire les cabanes installées mais notre présence a gêné", a-t-elle raconté. "Ça m'étonnerait que les personnes arrêtées soient 150 passeurs".

(...)

"Les migrants ne se rebellent pas, ils savent qu'ils ont tout à y perdre. Ils sont retournés dans leur cabane dès le départ des forces de l'ordre", a-t-elle rapporté.

Quant à la version de monsieur Eric Besson, on la trouve évidemment partout. Elle ne motive pas cette opération de la même manière que le préfet... Ce n'est pas grave, personne ne le remarquera:

«Il ne peut être dit ou suggéré qu'à Calais les passeurs et les trafiquants font la loi et, de ce point de vue-là, il fallait que l'État marque sa détermination.»

Au total, environ 200 personnes ont été interpellées.

Ceci ne rappelle rien à monsieur Besson,
ses livres d'histoire n'étaient pas illustrés.

Monsieur Besson nous dira que ceci n'était pas une rafle.

Nous ne le croirons pas.

Car il serait peu raisonnable de croire monsieur Besson sur parole.

Il a affirmé publiquement que le "délit de solidarité" n'existait pas en France, ce qui relève du jeu sur les mots, et que depuis 65 ans "personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière". Le GISTI a commencé à inventorier de telles condamnations: elles sont publiées sur une page spéciale.



PS: Monsieur Besson viendra à Calais jeudi prochain pour faire part de ses réflexions sur la situation. Il devrait prononcer un discours à 15 heures, à la mairie.

SOS Soutien aux Sans Papiers appelle à un rassemblement, à la même heure, place de la mairie.

Taoufik sera ici chez lui

Ce jeune homme s'appelle Taoufik El Madroussi, et il va bientôt pouvoir rentrer chez lui.

Taoufik à Oujda (Maroc) en octobre 2008.

Chez lui, c'est ici.

Arrivé en France en 2002, Taoufik était en terminale au lycée Louis-Girard à Malakoff, où il préparait un bac professionnel de mécanique-carrosserie, quand il s'est fait arrêter par la BAC, le 6 mai 2008.

La suite est racontée ici.

Malgré une forte mobilisation en sa faveur, il a été expulsé du territoire français le 28 août 2008.

On peut relire les mots amers écrits le jour même par Richard Moyon, du RESF, sur le blogue A l'école des sans-papiers:

26 août 11h45 : il est extrait de force de la prison administrative de Palaiseau et conduit en voiture au Bourget. Il est monté dans l’avion-prison particulier du ministère de la honte : pilote policier, équipage policier, escorte policière. Direction Montpellier. Il est placé dans une voiture, conducteur policier, escorte policière qui l’emmène à Sète où il est embarqué sur un bateau toujours avec une escorte policière. 40 heures de navigation, arrivée à Tanger le 28 août à 13h d’où il vient d’appeler. Il ne lui reste plus que 10 heures d’autocar pour se rendre, là où il ne voulait pas aller, chez un oncle qu’il aime bien, on le suppose, mais chez qui il n’avait en aucune façon le désir de s’incruster.

Il faut adresser de chaleureux compliments à toute la chaîne de commandement et d’exécution dont la compétence et la servilité ont permis un exploit qui fait honneur à ce pays, à sa police, à son gouvernement et à son président. Marseillaise, s’il vous plait !


Les petites mains asservies avaient bien fait tourner la machine à expulser...

Cette machine était assez bien huilée pour que monsieur Hortefeux, alors ministre de cette honte, ne donne aucun signe de connaissance du dossier lorsqu'il sera interrogé pendant la séquence de questions des auditeurs du 7/10 de France Inter du 8 septembre 2008.

Rassemblement du 1er octobre 2008.

Le contact s'est maintenu entre Taoufik et ses soutiens. L'ensemble du lycée Louis-Girard, élèves, professeurs, direction, s'est placé derrière lui. Un comité de soutien s'est constitué, une pétition a été lancée, un site ouaibe ouvert, des rassemblements organisés...

Il a fallu beaucoup de patience, beaucoup de détermination, beaucoup d'espoirs et de découragements aussi, sans doute... Il a fallu poser le principe d'une grève générale du lycée prévue le 31 mars, mais qui n'a pas eu lieu:

Devant le lycée Louis-Girard à Malakoff (Hauts-de-Seine), la banderole « Taoufik doit revenir » a été barrée d’un «va» victorieux. La grève générale prévue hier pour exiger le retour de ce lycéen sans-papiers de vingt et un ans, expulsé en août 2008, s’est donc transformée en assemblée joyeuse devant le lycée.

Le retour de Taoufik était enfin devenu possible.

Et la joie de tous ses amis.

Même s'il faut rester conscient des limites de cette victoire, comme le rappelle l'article de l'Humanité déjà cité:

Symbole de la double peine, Taoufik est aussi l’exemple de ces jeunes devenus sans-papiers le jour de leurs dix-huit ans. Richard Moyon, du Réseau éducation sans frontières (RESF), revient de Lyon où se tenait ce week-end une assemblée générale de ces jeunes majeurs. « La victoire pour Taoufik est énorme, mais c’est le fait du prince, dit-il. Quand la pression est trop forte, le ministre recule. C’est complètement arbitraire, il faut que la loi change. »

Ce soir, à 21 h 30, Taoufik sera accueilli dans un salon d'honneur de l'aérogare d'Orly-Sud. On peut lire une certaine jubilation dans l'annonce qui en est faite:

Pour la deuxième fois dans l'Histoire de France (ben oui, inutile de la jouer petit bras), un jeune expulsé parce que sans papiers sera reçu avec les honneurs habituellement réservés aux chefs d'État et aux ministres : voiture officielle au bas de la passerelle de l'avion, discours… La première fois avait été Suzilène, lycéenne de Colombes, revenue en février 2007 ; Taoufik est le deuxième... Ensuite, à qui le tour ?

Rendez-vous à 21H15 au pied de la rampe d'accès aux salons d'honneur. Quand on est face au bâtiment d'Orly-sud, la rampe d'accès est complètement à droite du bâtiment.
Seule une délégation d'une quinzaine de personnes aura accès au salon (il faut déposer les identités en avance). Taoufik et Elise y seront accueillis rapidement (l'essentiel est le symbole) puis on sort rejoindre tous ceux, nombreux ! qui l'attendront.

Les otages libérés ont aussi droit à un accueil dans les salons d'honneur des aérogares...

Et en réalité, pendant près de huit mois, Taoufik a bien été l'otage d'une politique inepte et inique.

Monsieur Besson, qui est plus à cheval sur le vocabulaire que sur les principes des droits humains, récuserait probablement ce mot.

Qu'importe, il ne sera pas là, ce soir.

Il prépare son déplacement à Calais.

lundi 20 avril 2009

L'intelligence des élus

La chose fait grand bruit, et inquiète fort les habitants de la région Poitou-Charentes ou Charentes-Poitou. On peut les comprendre: et si, non contente de présenter des excuses pour quelques bourdes de monsieur Nicolas Sarkozy, madame Ségolène Royal se mettait en tête d'être exhaustive et d'étendre son action à toutes les indignités proférées par les membres du parti qui nous gouverne ? On voit bien qu'il y a là de quoi faire un plein temps.

Sa première initiative retentissante, à Dakar, le 6 avril, fut de dire, en revenant sur le fameux discours prononcé au même endroit par monsieur Sarkozy, le 27 juillet 2007:

Quelqu'un est venu ici vous dire que "l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire". Pardon pour ces paroles humiliantes et qui n'auraient jamais dû être prononcées et qui n'engagent pas la France. Car vous aussi, vous avez fait l'histoire, vous l'avez faite bien avant la colonisation, vous l'avez faite pendant, et vous la faites depuis.

Je trouve qu'il y a dans ces paroles, que d'autres ont analysées avec d'autres lunettes, beaucoup de panache et de justesse.

Et il me semble qu'il n'est pas mauvais de rappeler de temps en temps que monsieur Sarkozy, tout élu qu'il soit au suffrage dit universel, n'a ni la carrure, ni la culture, pour représenter la France, et parler au nom de tous les français.

Ségolène Royal en visite à Thiaroye
dans un collectif de femmes luttant contre l'émigration clandestine.


Le 5 avril, madame Ségolène Royal s'était rendue à une dizaine de kilomètres de Dakar, à Thiaroye. Elle y a été accueillie par une cinquantaine de femmes vêtues de boubous bleus. Ces femmes ont, pour la plupart d'entre elles, perdu un fils cherchant à quitter le Sénégal en pirogue. Elles s'organisent pour lutter conte l'émigration, et la venue madame Royal accompagne la livraison d'un camion frigorifique.

A son arrivée, on lui a offert un boubou traditionnel, qu'elle a immédiatement revêtu, pour la plus grande joie de ses hôtes. Des photos ont été prises qui montrent la joie de ce groupe de femmes, et il semble bien que madame Royal se laisse aller à cette joie sans arrière pensées.

Ces images ont beaucoup fait ricaner dans nos contrées et avant que monsieur Patrick Sébastien, intellectuel contemporain, ne s'en empare ("Royal et son boubou ? Putain, c'est ridicule !"), un certain monsieur Alain Destrem, élu UMP du quinzième arrondissement au conseil de Paris, avait déclaré, avec beaucoup de finesse, que la photographie ci-dessus lui faisait penser à sa femme de ménage.

Incontestablement, pour ce monsieur, il faut tartiner la finesse en couches assez épaisses pour qu'il puisse en sentir le goût...

Malgré le mea culpa publié par ce digne chef d'entreprise qui doit gérer l'intelligence en flux tendu (pas de stock), ces mots resteront, car ils laissent entendre tellement plus qu'ils ne disent. Je souhaite que les femmes de ménage du XVième sauront l'accueillir selon le rang qu'il a voulu prendre, la prochaine fois qu'il voudra parader sur un marché.

Pour juger du style élevé de cet humoriste, voici la fin de son communiqué:

Tout ceci m'est apparu bien éloigné de l'image que l'on peut avoir d'une femme politique d'envergure, au demeurant ancienne candidate à la Présidence de la République. Face à une polémique qui semble naître, je retire mes propos.

Certains ont demandé à monsieur Destrem à quoi pouvait bien lui faire penser cette autre photographie:

... probablement à un homme politique d'envergure, et très à l'aise, on dirait.

Les propos de table de monsieur Nicolas Sarkozy, qui pourtant ne boit que de l'eau, ont déclenché une seconde rafale d'excuses de la part de madame Royal.

Il est vrai que ces considérations, qui portent sur un sujet sensible pour le président, celui de l'intelligence, mettait curieusement en cause, au cours d'un échange avec monsieur Emmanuelli, monsieur Zapatero:

En guise de douceur (nous sommes au dessert), le président de la République ne résiste pas à informer ses convives que «le gouvernement espagnol vient d’annoncer la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Et vous savez qui ils ont cité en exemple ?» «On peut dire beaucoup de choses sur Zapatero», remarque Emmanuelli. «Il n’est peut-être pas très intelligent. Moi j’en connais qui étaient très intelligents et qui n’ont pas été au second tour de la présidentielle», s’amuse Sarkozy en allusion à Lionel Jospin. Avant de revenir à son sujet de prédilection : «D’ailleurs, dans ma carrière politique, j’ai souvent battu des gens dont on disait qu’ils étaient plus intelligents et avaient fait plus d’études que moi.»«On a pensé à Villepin», lâche un convive. Conclusion du Président : «L’important dans la démocratie, c’est d’être réélu. Regardez Berlusconi, il a été réélu trois fois.»

Là-dessus, monsieur Bernard Kouchner s'est livré à un désopilant commentaire linéaire, en endossant le rôle du vieux croûton:

Explication de texte par l'ancien socialiste: «Oui, c'est comme ça qu'il parle, en effet. Il est vivant, il est jeune et vivant, ça fait une différence.»

D'autres propos, d'un goût aussi douteux ou d'une prétention considérable, auraient été tenus avant la compote de pomme (ce fut le dessert présidentiel). Ils ont suscité maints commentaires dans la presse internationale.

Le plus simple était de démentir et d'accuser le quotidien Libération de manipulation... Ce qui fut fait.

Libération persiste et signe, et monsieur Laurent Joffrin en arrive à exiger des excuses !

On patauge dans les excuses de tous côtés...

Ça en devient gluant, je trouve.

D'autant plus que monsieur Jack "je vote pour" Lang se joint à cette amusante polémique, à sa manière décalée et si intelligente:

«J’ai envie de dire à nos amis espagnols: excusez-la, pardonnez-lui!», a déclaré l'ancien ministre socialiste sur Europe 1. Tour d'horizon des réactions politiques après les excuses de Ségolène Royal à Jose Luis Zapatero.

Cette initiative, après l'annonce de sa décision de voter la loi Hadopi, attire l'attention sur la très grande intelligence inemployée de monsieur Jack Lang. On sait bien qu'il est profondément affligé de se sentir inutile à la grandeur de la France, et probablement prêt à tout pour servir son pays.

Si c'est une offre de services, elle risque d'être un peu trop subtile...