Au moment où va être présenté au Sénat le "projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge", après avoir été adopté à l'Assemblée Nationale, il peut être intéressant de lire un extrait du préambule au rapport de la commission des lois de cette digne "haute assemblée".
(Le "rapporteur" était monsieur M. Jean-René Lecerf, sénateur UMP du Nord et vice-président de la "commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale".)
Votre rapporteur insiste d’emblée sur la nécessité d’éviter tout amalgame entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité, même si une réforme de l’hospitalisation sous contrainte a pu être envisagée en 2006 dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, ce qui a pu heurter les malades et leur famille.
Même si aucune étude nationale en France n’a été menée sur les actes de délinquance ou de dangerosité des personnes atteintes de troubles mentaux ayant fait l’objet d’une hospitalisation sans consentement, il n’en demeure pas moins que, selon les informations communiquées par le ministère de la santé à votre rapporteur, les personnes souffrant de troubles mentaux ne sont que rarement impliquées dans des actes de violence commis à l’égard de tiers et que les comportements de violence grave sont exceptionnels chez ces personnes.
En fait, les personnes atteintes de troubles mentaux sont bien plus souvent victimes qu’auteurs d’actes de violence, qu’il s’agisse de violences exercées sur elles-mêmes - automutilation et suicide (12 à 15 % des personnes souffrant de troubles schizophréniques ou bipolaires se suicident) - ou de violences subies : elles sont ainsi 7 à 17 fois plus fréquemment victimes que la population générale. Cette violence s’ajoute à la souffrance de ces personnes.
(Sauf exceptions, ceux qui s'attardent sur ce blogue savent lire, aussi puis-je me dispenser de souligner... )
Malgré ces données criminologiques évanescentes, la commission, en sa séance du 27 avril, a "donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie, sous réserve de l’adoption de ses amendements".
Tel n'a pas été celui de la commission des affaires sociales, qui s'est réunie le 3 mai pour examiner le rapport de sa présidente madame Muguette Dini, sénatrice centriste du Rhône. Lors du vote final, après discussion de 170 amendements, le texte si laborieusement mis au point a été rejeté.
Un article de Public Sénat tente de rendre compte de ce qui s'est passé, sous un titre qui n'a rien d'éclairant : La psychiatrie au Sénat : une histoire de fou...
(Accroche-toi au clavier, je retire le tabouret...)
On y apprend que la discussion a rencontré son point d'achoppement en abordant l'article concernant l'introduction des "soins ambulatoires sous contrainte" que madame Muguette Dini ne semble pas approuver totalement :
La sénatrice a soutenu contre l’avis du gouvernement un amendement de suppression de l’article, adopté grâce aux voix de deux sénateurs UMP, Alain Milon et Christianne Kammermann, des centristes et… de la gauche, socialistes et communistes.
Cependant, bel exemple de la cohérence que peut atteindre l'exercice de la démocratie en comité restreint :
Quand en fin d’après-midi vient le moment de voter sur l’ensemble du texte, après le vote de pas moins de 170 amendements, la commission rejette la nouvelle mouture. La majorité des sénateurs UMP, qui suivent la ligne du gouvernement, votent contre comme les sénateurs… communistes ! Certes pas pour les même raisons. Les socialistes se sont abstenus. (...)
Or la réforme constitutionnelle sarkozienne de 2008 "oblige les parlementaires a examiner dans l’hémicycle le texte tel qu’il a été voté et amendé en commission".
C'est un cas d'école dont pourraient se régaler les ricaneurs.
Mais non, la solution est vite trouvée :
Après un moment de tergiversation, les services de la séance et de la commission tranchent : selon l’article 42 de la constitution, à défaut, c’est le texte de l’Assemblée qui sera examiné en séance mardi après-midi prochain. Le matin, le texte repassera en commission.
Et de 16h à 18h, ce même mardi 10 mai, devant le Sénat, s'organisera une manifestation à l'appel du Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire, réunissant ceux qui s'opposent à ce projet.
Parce que, sans ambiguïté de sénateur, ils sont contre, et savent pourquoi.
d'oublier de se taire
2 commentaires:
"les personnes souffrant de troubles mentaux ne sont que rarement impliquées dans des actes de violence commis à l’égard de tiers et que les comportements de violence grave sont exceptionnels chez ces personnes"
(sans compter les matraitances et spoliations arrangées dont les malades sont courament victimes ...)
C'est là le noyau du problème : ils savent, ils savent parfaitement ces faits, et s'acharnent à légiférer à l'envers.
Où est la psychose ?
Hier soir, devant le Sénat où avait commencé la discussion, on a appris qu'on allait remplacer le mot "protocole" (dans "protocole de soins") par "programme".
Conclusion : la révolution est en marche...
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