Contrairement aux apparences, toutes les forces de sécurité n'ont pas été mobilisées pour assurer la protection de l'état de gravidité tout juste confirmé de madame Carla Bruni-Sarkozy, qui, selon les gazettes, est allée, ces jours, humer l'air iodé de la plus sinistre des plages normandes. Des réserves sont restées dans la capitale en nombre suffisant pour évacuer le groupe de Tunisiens de Lampedusa qui avaient cru trouver refuge dans un immeuble vide situé au numéro 20 de la rue Bichat (11e arrondissement).
Installés là depuis près d'une semaine, les occupants ont été expulsés au matin du 27 mai.
La veille au soir, les forces de l'ordre s'étaient rendus sur les lieux, prétextant avoir été appelées pour un "cambriolage". Il est évidemment impossible de savoir si l'invention de ce prétexte, qui relève de la plus banale des fourberies policières, est à attribuer aux créatifs de la préfecture ou aux représentants de l'association propriétaire de cet immeuble.
Contactés durant cette soirée du 26, les responsables de cette association auraient évasivement promis de se réunir le lendemain pour "étudier la situation".
Ils ont dû le faire durant la nuit, qui, éventuellement, porte bien les conseils de la Préfecture et de la Ville, puisqu'au petit matin, dans une rue Bichat bloquée, l'évacuation et l'arrestation des occupants pouvait commencer... Hier soir, une quinzaine de personnes, semble-t-il, étaient encore en garde à vue.
On peut, sans faire d’outrage à la langue française, nommer cela une "rafle".
Pas d'image.
Apparemment, les journalistes étaient absents.
Les expulsés, eux, s'étaient rendus coupables d'une grave entorse au droit de propriété...
(Plainte aurait d'ailleurs été déposée pour "dégradations", "violation de domicile" et "effraction".)
Le propriétaire qui s'estime lésé est l'Aftam, une association tout ce qu'il y a de plus honorable sur le marché de l'honorabilité. Jugez-en par son histoire :
L’Aftam naît dans le sillage de la décolonisation [en 1962]. Ses fondateurs, avec Stéphane Hessel, leur premier Président, veulent aider les ressortissants des anciennes colonies devenues indépendantes à acquérir par la formation une qualification utile au développement de leur pays lors de leur retour au village d’origine. Mais, très vite, l’hébergement et l’accompagnement social des Africains devenus étrangers en France et résidant souvent dans des conditions insalubres, va devenir une priorité : « il faut inventer un type d’hébergement collectif qui sauvegarde les traditions villageoises, et donner la possibilité aux travailleurs immigrés de vivre simplement mais dignement pour pouvoir soutenir financièrement leurs compatriotes restés au pays ».
L’Aftam se met alors en quête de vastes locaux, d’usines désaffectées pour les transformer en foyers dortoirs. En 1968, elle gère déjà 9 foyers et plus de 2 000 lits. Son service emploi permet à 1 800 Africains de trouver un emploi. Parallèlement, le service social organise des actions de prévention sanitaire et fait bénéficier de soins à plus de 1 000 personnes. Enfin le service enseignement suit 1 200 stagiaires en formation. L’Aftam est lancée avec les principales composantes de son activité future.
Cette activité s'est considérablement diversifiée, certes, mais prétend être guidée par ce "leitmotiv" :
« Donner les moyens de l’autonomie, meilleur chemin vers l’insertion »
On passera légèrement sur la présence de ce mot "autonomie" qui, ramené au contexte de 1962, fleure bon le paternalisme post-colonial tout neuf... Mais on peut penser que ce concept d'autonomie pourrait, tout bien considéré, rencontrer les demandes des Tunisiens de Lampedusa :
Des papiers pour tous !
Ni police ni charité !
(Enfin, il me semble...)
La page d'accueil du site de l'association offre au visiteur une "interview de Stéphane Hessel, Président fondateur de l'Aftam".
On ose espérer que l'association aura à cœur de supprimer cette référence tutélaire, qui semble totalement déplacée au regard de ce qu'elle vient de commettre...
A moins que Stéphane Hessel lui-même, devenu tête de gondole sur le marché de l'indignation, ne prenne là-dessus une position claire et cohérente.
Mais le passage à l'acte n'est jamais automatique...
PS : Les informations les plus complètes sur ces ignominies quotidiennes qui n'indignent pas grand monde du beau monde politique sont toujours présentes sur le site de la CIP-IDF, et régulièrement mises à jour.
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