samedi 21 mai 2011

À chacun sa place

Lyon, m'a-t-on dit, est une ville chargée d'histoire et fidèle à ses traditions, où, de plus, on peut très bien manger à condition d'être excédentaire en "bon" cholestérol. Je suppose qu'on y trouve encore des amateurs du théâtre de Guignol. Ayons une pensée pour eux... Ils n'auront eu droit, aujourd'hui, place Bellecour, qu'à une guignolade mise en scène par la DDSP (direction départementale de la sécurité publique).

On trouve, sur le site de Lyon Capitale, une courte notice, signée LP., donnant un programme indicatif des festivités prévues :

La journée de la Sécurité Publique du Rhône a vocation à faire découvrir au public les métiers de la Police, ainsi que les différents types d'interventions possibles. Les spectateurs pourront assister à des scènes spectaculaires (simulées bien sûr) telles que la prise d'otage d'un bus (11h45), l'immobilisation d'un individu par un chien de patrouille (14h15), la recherche de stupéfiants (10h50) ou d'explosifs (10h20) par la brigade canine, l'utilisation d'un pistolet à impulsion électrique ("Taser"), etc.

Le public pourra par ailleurs découvrir sur les stands les différents métiers et procédures de recrutement. Ou encore les méthodes de comptage des manifestants par le Service Départemental de l'Information Générale. L'événement a lieu de 10h à 17h. Le Préfet de Région, le procureur de la République de Lyon, le 1er adjoint au Maire de Lyon, Jean-Louis Touraine et la Secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra viendront y faire un petit tour.

LP. oublie de dire, dans sa publi-information, que ce sont les stars du GIPN (groupe d'intervention de la police nationale) qui devaient, en personne, simuler la libération des passagers du bus pris en otage...

Avant-hier, Le Progrès, sous le titre "La police lyonnaise fait son show samedi sur la place Bellecour", ouvrait largement ses colonnes au directeur départemental de la sécurité publique, monsieur Albert Doutre. Avec son sens de la communication habituel, il pouvait y détailler les intentions éthiques et esthétiques de ce grand spectacle.

Un show précédent de la même troupe, le 21 octobre 2010.
(De la place Antonin Poncet, photo Pauline A.)

Il n'ignore pas - il est de la police, donc il sait tout - que, sur la même place lyonnaise, la police s'est livrée, le 21 octobre 2010, à une tout autre mise en scène.

(Sur cette journée, où les lyonnais ont vu la place Bellecour transformée en prison à ciel ouvert par les forces de l'ordre, il faut consulter le dossier de témoignages constitué par le collectif Rebellyon.info - je l'ai amplement utilisé pour illustrer ce billet.)

"Ces événements avaient été traumatisants pour la ville, il est important de montrer que cette place est un beau lieu de rencontre et de convivialité."

Dit-il.

Sérieusement.

Et s'il ne parle pas de "réenchanter la place Bellecour", c'est que personne n'a songé à lui souffler la formule...

"Un beau lieu de rencontre et de convivialité."
(Le GIPN sur la place, photo Ando)

Aujourd'hui, selon une notule plus récente du Progrès, monsieur Doutre n'avait pas perdu son agréable petit côté pince-sans-rire :

"Nous avons certes eu une image dure au moment des événements d'octobre dernier", en marge des défilés contre la réforme des retraites, mais "quand il y a des manifestations violentes, on assume le fait d'être présents", a déclaré à la presse Albert Doutre, directeur départemental de la sécurité publique. "Notre premier objectif est d'être au service des citoyens et du public", a-t-il rappelé, vantant "les métiers innombrables" de la police, qui peuvent "faire rêver les jeunes".

Un jeune qui rêve...
(Photo Rebellyon.)

Monsieur Albert Doutre a l'air de savoir ce qui peut "faire rêver les jeunes"...

Pas moi.

Alors je ne sais pas, et n'ai pas cherché à savoir, s'il avait réussi dans son opération de séduction de la jeunesse. Tout ce que j'ai appris, c'est qu'une partie d'entre elle, qui rêve plutôt de la #spanishrevolution que d'une carrière dans la police, a laissé aux forces de l'ordre la jouissance de la place Bellecour pour se réunir place des Terreaux.

Normalement on devrait les trouver sur la carte.

Il suffit de cliquer dessus pour y accéder "en vrai".


PS :
Manifeste de « Democracia Real Ya ! »

­­­­Nous sommes des per­son­nes cou­ran­tes et ordinaires. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour travailler ou pour cher­cher un boulot, des gens qui ont famille et amis. Des gens qui tra­vaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entourent.

­­­­­­­­­­­­­ Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus pro­gres­sis­tes, d’autres plus conser­va­teurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéologies très défi­nies, d’autres se considèrent apo­li­tiques. Mais nous sommes tous très préoccupé-e-s et indigné-es par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale autour de nous. Par la cor­ruption des poli­ticiens, entre­preneurs, ban­quiers, ... . Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.

­­­ Cette situa­tion nous fait du mal quo­tidien­ne­ment ; mais, tous ensemble, nous pou­vons la ren­ver­ser. Le moment est venu de nous mettre au travail, le moment de bâtir entre tous une société meilleure. Dans ce but, nous sou­te­nons fer­me­ment les affir­ma­tions sui­van­tes :
  • L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

  • Des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.

  • Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.

  • La démocratie part du peuple, par conséquent le gouvernement doit appartenir au peuple. Cependant, dans ce pays, la plupart de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies directes de démocratie et aussi, procurant le plus de bienfait possible à la majorité de la société, et pas celle de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE [1].

  • La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns crée inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité et le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.

  • La volonté et le but du système est l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.

  • Nous, citoyens, faisons parti de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.

  • Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une abstraite rentabilité économique qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons effacer les abus et les manques que nous endurons tous. Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Être Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.
A la vue de cela, je suis indigné/e.

­ Je crois que je peux le changer.

Je crois que je peux aider.

­ Je sais que, tous ensemble, on le peut.

Sors avec nous. C’est ton droit.

[1] Addition de PP et de PSOE, les deux partis de droite et gauche qui alternent au pouvoir.

(Source : Rebellyon, où l'on trouvera bon nombre de liens complémentaires.)

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