vendredi 20 mai 2011

Les affaires reprennent et les expulsions continuent

A force de guetter sur leurs écrans la bribe d'information en provenance de New-York qui pourrait, sur le site de leur employeur, faire exclusivité pendant une ou deux secondes, les journalistes doivent avoir les yeux aussi pleurards que ceux d'un lapin albinos atteint de myxomatose. Il est d'ailleurs probable que paraissent, en liaison contextuelle avec "l'Affaire", quelques articles bien documentés sur les ophtalmies professionnelles.

On peut donc s'étonner - mais pas plus d'une ou deux secondes - de trouver, à la "une" de Libération-point-fr, un papier sur la situations des migrants tunisiens que la mairie de Paris met en demeure de quitter le gymnase de la rue de la Fontaine au roi, où ils avaient trouvé un abri. L'admiration retombe assez rapidement en constatant que la photo d'illustration date du 28 avril et que le texticule proposé est un copicollage d'une dépêche de l'AFP.

Il est vrai qu'il est plus facile de trouver un avion pour aller à New-York que de débloquer un vélib' pour monter rue de la Fontaine au roi...

On pourra vérifier que cette dépêche retranscrit fidèlement la lettre que les services municipaux ont adressée au collectif des Tunisiens de Lampedusa :

Dans cette lettre datée du 17 mai, la mairie dit avoir constaté «une grave détérioration des conditions d'occupation du gymnase».

Elle rappelle que l'utilisation du gymnase -qui dure depuis 10 jours- «ne pouvait qu'être temporaire» et relève plusieurs manquements aux consignes de sécurité, qui interdisent notamment de cuisiner dans les locaux et limitent à 150 le nombre de personnes présentes.

Elle déplore aussi des dégradations dans le gymnase et aux alentours et des «bagarres et actes de violence».

Elle demandait dans sa lettre aux migrants de quitter les lieux «au plus tard le 19 mai à midi».

Au cas où le lecteur aurait été distrait dans son décryptage par un touitte en provenance de New-York, un intertitre, judicieusement graissé dans la mise en page, met en évidence les déplorables "bagarres et actes de violence", et lui permet de les bien déplorer à son tour...

On cherchera en vain le point de vue des destinataires de cette lettre, mais on trouvera celui de madame Pascale Boistard, très officielle adjointe "chargée de l'intégration et des étrangers non communautaires". Elle rappelle tous les efforts déjà consentis par la Ville de Paris avec son "dispositif d'aide d'urgence mis en place (...) le 26 avril et renforcé le 16 mai ", et, pour ajouter un brin de rhétorique démagogique, souligne que :

ce gymnase qui a vocation à accueillir les activités sportives des gens du quartier est rendu indisponible par la présence des migrants.

Il suffit de jeter un coup d’œil aux commentaires des fidèles de Libération-point-fr qui suivent pour constater que les contribuables parisiens malcontents ont parfaitement suivi son regard.

Monsieur Delanoë et madame Boistard dans leurs bonnes œuvres.
Visite de l'exposition de photographies de parrainages républicains, 12 juin 2009.
(Photo Sophie Robichon/Mairie de Paris.)


Après tout, on pourrait se contenter de renvoyer cet article dans la corbeille où il en rejoindrait tant d'autres, tout aussi partiels, partiaux et bâclés, s'il ne contenait une erreur d'interprétation tout à fait significative du mépris dans lequel sont tenus les Tunisiens de Lampedusa.

On rappelle sommairement les faits :

Ces occupants du gymnase de la Fontaine-au-roi se sont installés après avoir été évacués le 5 mai de l'immeuble de l'avenue Simon Bolivar à la demande de la Mairie en raison de l'insalubrité et de la dangerosité du lieu.

Puis on dérive en une phrase contournée :

Plusieurs associations avaient protesté contre cette opération, dont le Collectif des intermittents du spectacle, qui s'insurge contre la perspective d'une nouvelle évacuation et appelle à manifester samedi Porte de la Villette en soutien aux migrants tunisiens.

Inélégante manière de dire, au fond, que le collectif des Tunisiens de Lampedusa est bel et bien manipulé par l'infréquentable collectif des intermittents du spectacle.

Les rédacteurs de cette dépêche auraient pu demander, entre quat'zieux et hors-micro, leur avis aux représentants de la Ville de Paris pour savoir s'il est si facile que cela de manipuler les Tunisiens de Lampedusa...



PS : Comme ce n'est pas sur le site de Libération-point-fr qu'ils peuvent l'être, c'est sur celui de la Cip-IdF que sont hébergés les documents produits par les Tunisiens de Lampedusa. C'est donc là qu'il faut aller pour trouver des informations fiables.

On y trouve, notamment, l'affiche et le texte de l'appel à manifester samedi, à la porte de la Villette. Les incrédules pourront vérifier qu'ils ne sont pas signés "comité des intermittents du spectacle".

2 commentaires:

olivier a dit…

Ici, dans les Pyrénées-Orientales, ce sont les manifestations du cousin et voisin catalan qui sont oubliées. Triste sort.

Guy M. a dit…

On peut trouver ici ou là quelques informations sur ce qui se passe à Madrid...

(La vision française centralise, forcément.)