Madame Brigitte Barèges (*) qui, ce n'est pas pour me vanter, est à peine plus jeune que moi, se souvient peut-être d'un marronnier journalistique qui fleurissait avec une vigueur remarquable à l'époque des bouleversements modérés qui ont suivi le XXIe concile œcuménique de l'Église catholique romaine, appelé plus commodément Vatican II. Il s'agissait de la très grave question, qui est restée pendante, du mariage des prêtres catholiques... Les beaux esprits du café du Commerce avaient alors coutume de lancer, lorsqu'ils étaient en verve :
"Le mariage, c'est une vraie connerie et tout le monde s'en fout. Y plus que les curés que ça peut intéresser..."
Elle aurait sans doute été bien inspirée d'adapter cette blague un peu usée, et pas très intelligente non plus, si elle tenait absolument à parler sur le "ton de la plaisanterie", hier, en Commission des Lois, lors de l'examen, à huis clos, d'une proposition de loi pour "ouvrir le mariage aux couples de même sexe".
On rapporte qu'elle se serait "exclamée" :
"Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? ou la polygamie ?"
(Ici avec un de ses comparses.)
(Photo Toulouse7-point-com.)
Cette spirituelle sortie avait de quoi surprendre. Et monsieur Jean-Luc Warsmann, député UMP des Ardennes et président de la commission des Lois, aurait alors prudemment suggéré de ne pas inscrire les propos de madame Barèges au compte-rendu de la réunion.
Notre députée montalbanaise a cependant dû quelque peu s'expliquer :
Lors de la réunion, comme plusieurs élus de gauche protestaient, Mme Barèges a rétorqué qu'elle avait dit cela sur le "ton de la plaisanterie", qu'elle était personnellement "favorable à tous types de relations sexuelles entre adultes consentants" et que l'on "ne pouvait pas la suspecter d'être homophobe".
Pour appuyer cette incroyable affirmation de son absolue ouverture d'esprit en matière de sexualité, madame Barèges n'a pas cru bon de rappeler à ses collègues de l'Assemblée qu'elle fut, en 2004, rapporteure d'un projet de loi "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe" (**).
Peut-être l'avait-t-elle oublié...
Dans la soirée, la députée publiait un communiqué où l'on pouvait lire, en un inélégant gras-souligné pour mal-comprenants :
Elle souhaite réaffirmer qu’elle retire ses propos maladroits dont elle conteste qu’ils présentaient un caractère homophobe. Elle souhaite le cas échéant s’excuser auprès de ceux qu’ils auraient pu blesser car telle n’était pas son intention.
La mémoire lui étant revenue, elle n'omet pas, cette fois, de rappeler son "engagement en tant que rapporteur en 2004 du texte pour réprimer les injures homophobes et sexistes".
Ce communiqué s'ouvre bien sûr par une exégèse contextuelle de sa prétendue boutade, morceau de choix cuisiné à la sauce parlementaire et assaisonné de la plus parfaite mauvaise foi :
Brigitte Barèges a pris la parole à la suite d'une déclaration du député Yves Nicolin, dans laquelle il s'exprimait notamment sur la liberté de chacun s'agissant des pratiques sexuelles, qui n'avaient pas nécessairement vocation à être retranscrites dans la loi. Elle a posé dans son propos la question de la pertinence d'adapter systématiquement la loi et les institutions à l'évolution des mœurs. Elle a poursuivi son raisonnement par l'absurde en se demandant s’il faudrait aussi institutionnaliser un jour le mariage avec les animaux.
Et elle poursuit :
Devant la tentation des députés de gauche, dont Noël Mamère, d’utiliser ces propos pour en faire une polémique, Mme Barèges a immédiatement retiré cette phrase reconnaissant bien volontiers son mauvais goût prononcée dans un contexte de dérision et une rhétorique délibérément provocatrice.
On entend bien, dans ce dernier extrait, à quel point la pensée véloce de madame Barèges est difficile à suivre quand celle-ci est lancée à la poursuite de "son raisonnement par l'absurde", "dans un contexte de dérision", sans parler de la "rhétorique délibérément provocatrice" qui nécessite probablement un sérieux effort de décryptage...
Esquives rhétoriques et proclamations d'intention n'y changent rien ; les propos de madame Barèges sont explicitement homophobes. Et il n'est pas impossible qu'ils pourraient être sanctionnés en tant que tels au nom de la loi qu'elle dit avoir défendue de manière si engagée...
Mais cela ne doit pas faire oublier que son mot d'esprit porte plus loin.
Il s'y établit deux associations successives. La première est le fameux glissement, que tout le monde a remarqué, qui fait passer notre députée de "mariage homosexuel" à "unions avec des animaux". Cela pourrait suffire, mais intervient alors une seconde association qui lie "unions avec des animaux" à "polygamie". On obtient ainsi une séquence homosexualité/bestialité/polygamie, dont l’hétérogénéité ne doit pas échapper à madame Barèges. Car, si notre députée peut faire illusion en se déclarant "favorable à tous types de relations sexuelles entre adultes consentants", il serait tout de même étonnant de l'entendre défendre la polygamie, ou encore la bestialité, même "entre adultes consentants". Pour trouver un peu de cohérence dans ces propos, il faut plutôt regarder la bestialité comme le pivot qui permet d'articuler ce lien assez étrange qui s'établit entre homosexualité et polygamie.
Ainsi reparaît le museau de cette facile conception, qui, par ailleurs, permet d'excuser bien des comportements, de la sexualité humaine comme trace indélébile de l'animalité en nous...
(*) Brigitte Barèges est députée-maire de Mautauban (Tarn-et-Garonne). Elle appartient au groupe parlementaire de l'UMP, en sa sous-variété de la "Droite Populaire". Elle a récemment présenté le rapport de la mission parlementaire sur "l'accouchement sous X", préconisant de le remplacer par "l'accouchement dans la discrétion", où l'anonymat serait supprimé.
(**) Ce projet de loi a été retiré par le gouvernement et finalement intégré à la loi portant création de la Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) du 31 décembre 2004.
3 commentaires:
les lettres d'excuses ont été photocopiées , il ne reste plus qu'a mettre le nom du destinataire auprès duquel on souhaite s'excuser ainsi que le sigle de son parti.
Quand réapprendra-t-on que l'on ne s'excuse pas soi-même, mais que l'on prie quelqu'un de vous excuser ?
—
ArD
@ Marianne,
C'est vrai, on retrouve toujours les mêmes formule post-dérapage...
@ ArD,
On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Enregistrer un commentaire