mercredi 4 mai 2011

51 avenue Simon Bolivar

Sur un site d'informations où se libère la parole, on pouvait, hier matin, lire ceci :

Alors que le déferlement migratoire s’accentue encore à Lampedusa, une cinquantaine d’immigrés clandestins tunisiens ont occupé hier un immeuble appartenant à la mairie de Paris avec l’aide d’une association d’aide aux immigrés et d’un collectif de migrants.

On peut sûrement encore le lire ce soir, avec cette précision :

Ces immigrés illégaux qui occupent depuis plusieurs jours différents squares et jardins de Paris et notamment au Parc de la Villette ont envahi et squatté un immeuble, situé au 51 avenue Simon Bolivar, dans le XIXe arrondissement.

Cette horde d'une "cinquantaine d’immigrés clandestins tunisiens" qui déferle sur un "immeuble appartenant à la mairie de Paris" pour l'envahir, cela vous flanque une sacrée trouille.

Vrai, j'en frissonne encore.

Ça doit être ça, l'effet "appel d'air"...

En tout cas, les fenêtres sont ouvertes.

Précisons que nos "amis" auraient pu préciser que l'immeuble submergé par la vague migratoire tunisienne est un bien beau bâtiment. A en croire un entrefilet d'il y a un an, signalant la mise en vente : "Implanté face au parc des Buttes Chaumont, cet immeuble de 2 étages avec sous-sol, bénéficiant d'une "remarquable architecture industrielle", développe une Shon d'environ 1 780 m2."

(La Schon est, paraît-il, la "surface hors œuvre nette", qui se calcule à partir de la "surface hors œuvre brute" en enlevant tout ce qui ne vous semble pas net.)

Avant cette mise en vente par la Mairie de Paris, une proposition de location avait été faite au Conseil de Paris, soutenue par les élus du Parti Communiste Français et ceux du Parti de Gauche. L'immeuble aurait pu être loué au MIMA, centre de Musiques Improvisées et Musiques Actuelles, qui aurait pu y aménager, en raison de sa "remarquable architecture industrielle", salle de concert et salles de répétitions et/ou d'enseignement. Si j'ai pu retrouver la trace de cette proposition, je n'ai pas eu le courage d'aller voir la délibération. Selon toute vraisemblance, monsieur le Maire n'a pas donné suite à cette idée, le Ville a mis en vente l'immeuble et, depuis un an, ne l'a pas encore vendu.

Il était donc impérieusement urgent de le rendre à nouveau "libre de toute occupation", condition sine qua non d'une vente d'une telle ampleur.

C'est sans doute pour cette raison que la Mairie de Paris a demandé aux forces de l'ordre de procéder à l'expulsion des occupants du 51 avenue Simon Bolivar.

Les videurs au service de la Ville de Paris.
(Photo Serge Quadruppani.)

En faisant appel aux services de la police pour dégager leur bien, les autorités municipales ont, évidemment, fait une très mauvaise affaire. On imagine bien que l'irruption des CRS en carapaces dans un local dont ils ont forcé la porte n'améliore guère l'état des lieux.

Et puisque la Mairie, comme pour expliquer sa décision, insiste bien sur le fait que cet immeuble était considéré comme "insalubre", je m'en vais d'ici peu, quand j'aurai réuni les fonds, lui faire une offre de rachat pour un euro symbolique, certes, mais sonnant et trébuchant. Après quelques travaux, je proposerai à la rédaction d'Article XI, le seul quotidien paraissant tous les deux mois, de venir s'y installer.

On pourra engager quelques vigiles.

Après ses fermes déclarations du monsieur Bertrand Delanoë exprimant "l’émotion et l’inquiétude que [lui] inspir[ait] l’attitude de l’Europe, et de la France en particulier" et dénonçant les "pourparlers bilatéraux aux conclusions étroites et aux arrière-pensées évidemment électoralistes", cet appel à la Préfecture de police n'est peut-être pas non plus "à la hauteur de la situation" ou "à la mesure de l’Histoire"...

Après avoir consulté mon Grand Dictionnaire des Injures et Noms d'Oiseaux, je dois reconnaître que tenter de qualifier le parti pris de la Ville de Paris me contraindrait à sombrer dans l'euphémisme.

Et je ne me sens pas euphémique, ce soir...

Mais je m'en voudrais de ne pas rendre hommage à l'un des plus actifs négociateurs humanistes de la capitale, monsieur Yves Contassot, membre de "Les Verts" - c'est un parti - et conseiller municipal de Paris.

Sans doute soucieux de vérifier l'état des pelouses des squares de la Porte de la Villette, on avait déjà pu voir cet ancien adjoint au maire de Paris chargé de l'environnement aller à la rencontre des migrants qui s'y étaient réfugiés, et, selon des sources militantes - qui en valent bien d'autres -, faire preuve d'un remarquable bilinguisme. Il faut entendre par là un art consommé du double langage.

On l'a vu, dès le début de l'occupation du 51 avenue Simon Bolivar, expliquer à la presse pourquoi la Mairie de Paris était réticente à accorder cet asile au le collectif des Tunisiens de Lampedusa. Sa déclaration mérite d'être reproduite :

"Bertrand Delanoë craint que s'il met à disposition un lieu d'accueil général pour la majorité des nouveaux migrants, la police profite de cette concentration pour opérer une intervention massive et arrêter tout le monde", explique Yves Contassot. "Il ne veut pas être celui qui, malgré lui, aura tendu un piège aux Tunisiens."

(Ce soir, on ne saurait dire combien ont échappé à ce non-piège...)

Dans un témoignage militant - qui en vaut bien d'autres -, on peut lire ceci :

Quelques minutes avant l’assaut, on a pu voir Contassot des Verts et de la Mairie de Paris, arriver puis parader au milieu du cercle des policiers avec qui il avait des conversations nourries, pendant que tout autour les flics tapaient. " On peut rien contre la force ; c’est la Préfecture qui décide, pas la Mairie de Paris " a-t-il déclaré à un manifestant.

(La Mairie de Paris, qui n'a rien décidé, a publié, ce jour, un communiqué où on peut lire que "cette intervention s’est faite à la demande de la Ville". )

Il va falloir que je trouve un Dictionnaire de Noms d'Oiseaux un peu moins euphémique...


Ajout du 5/5 :

Puisqu'on rend ici un discret hommage aux petites mains humanistes de la Mairie de Paris, ajoutons madame Pascale Boistard, qui porte le beau titre d'adjointe au maire de Paris chargée de l’intégration et des étrangers non communautaires. Elle a expliqué (sur France 24) :

"La situation s’est vraiment tendue après avoir échoué dans les négociations. Face à une telle situation, nous avons pris nos responsabilités et demandé une évacuation. Mais on le regrette."

(On compatit, énormément, et je compte bien pleurer avec elle sur le triste état de son âme meurtrie lors du prochain "parrainage républicain" qu'elle présidera...)

5 commentaires:

Christine a dit…

Et ce matin les tunisiens sont toujours enfermés et de la place à été libérée (donc des sans-paps, 60) au centre de rétention de Vincennes pour les y transférer.

yelrah a dit…

Pov'Bolivar..

Guy M. a dit…

@ Christine,

Du point de vue du ministère des Expulsions, cette opération a été une grande réussite...

@ Yelrah,

Il s'est fait serrer aussi ?

Chomp' a dit…

"Du point de vue du ministère des Expulsions, cette opération a été une grande réussite..."

Excellente doctrine :
de la même façon qu'en radiant massivement les gens de pôle-Emploi, on obtient une baisse significative du chômage,
l'organisation d'immigration clandestine massive permettrait d'exploser les quotas d'expulsions nécessaires pour que la France bessono-hortefique reste la France que nous aimons,
cher pays de mon enfance, et tout ...

Guy M. a dit…

J'ai l'impression que le ministère ne cherche pas trop à "communiquer" sur cette belle opération. Mais elle est encore en cours (si les procédures sont respectées).