vendredi 19 novembre 2010

Le traumatisé du bocal

Pour lancer commercialement le dernier produit phare de la maison, Decision Points, de monsieur Georges W. Bush, le service de la communication de Crown Publishing Group n'a pas lésiné sur les moyens pour attirer le chaland:

A travers des épisodes captivants et encore jamais dévoilés, le président Bush emmène les lecteurs dans la propriété du gouverneur du Texas, la nuit des élections vivement contestées de 2000 ; il les convie à bord d'Air Force One, le jour du 11 Septembre, juste après l'attaque la plus foudroyante subie par les Etats-Unis depuis Pearl Harbor ; il les invite à la tête du Conseil de sécurité nationale, dans la Situation Room, quelques instants avant le lancement de la guerre en Irak ; et enfin, il les fait asseoir derrière le Bureau Ovale lors de toutes les décisions controversées qu'il a prises concernant la crise financière, l'ouragan Katrina, l'Afghanistan, l'Iran, et toutes les autres questions qui ont déterminé la première décennie du XXIe siècle.

(Comme je sens que vous mordez à l'hameçon, je tiens à vous indiquer que la traduction française est parue, sous le titre Instants décisifs, chez Plon, éditeur qui a l'extrême élégance de ne pas indiquer, sur son site, le nom du traducteur ou de la traductrice...)

Cet appel publicitaire se clôt sur un dernier argument, quasiment désespéré, pour briser les dernières résistances des derniers réticents :

Il nous dévoile également des détails intimes inédits sur sa décision d'arrêter l'alcool, sur sa découverte de la foi et sur ses relations familiales.

Du gratiné et du croustillant, peut-être...

On sait bien que dans les placards métaphoriques des meilleures familles traînent toujours quelques cadavres tout aussi métaphoriques...

Mais, apparemment, rien de tout cela dans les mémoires de président George Doublevé, hormis les cadavres de nombreuses bouteilles.

Cependant, afin de bien montrer l'étroitesse des liens l'unissant à sa mère - madame Barbara Bush, née Pierce -, monsieur George W. Bush a exhumé des placards de sa mémoire le souvenir d'une confrontation inattendue avec le bocal où Barbara avait placé, ou fait placer, l'embryon tout juste expulsé lors d'une interruption bien involontaire de grossesse en cours.

A son jeune fils, à peine adolescent, elle avait montré calmement le bocal en lui disant:

"Here’s the foetus."

Admirable leçon maternelle sur les choses de la vie !

Barbara et Georges Bush en famille, dans les années 1960.
Comme on peut le voir, il manque le bocal.

Interrogé sur sa réaction d'alors au cours d'un entretien accordé à la chaîne NBC, monsieur Bush a répondu:

"There's no question that affected me, a philosophy that we should respect life."

Ce que le Courrier International, se croyant tenu de combler ce qui semble une lacune du discours, traduit par:

"Il est bien évident que cela m’a touché [et que je me suis forgé] une philosophie qui veut qu’on respecte la vie."

Monsieur Bush lit alors un passage de son livre:

"I never expected to see the remains of the [fetus], which she had saved in a jar to bring to the hospital." the 43rd President of the United States read. "There was a human life, a little brother or sister."

Soit:

"Je ne m’attendais pas à voir les restes du fœtus, qu’elle avait mis dans un bocal pour l’emporter à l’hôpital. Il y avait là une vie humaine, un petit frère ou une petite sœur."

Personne, à ce moment-là, semble-t-il, n'a songé à expliquer au jeune garçon que ce qu'il voyait n'était que l'ébauche inaboutie d'une "vie" qui n'était " humaine" que dans le monde parallèle de ses fantasmes.

A 64 ans, il croit encore à la respectabilité du bocal.

Collection de "vies humaines" du Musée Dupuytren.

En songeant au nombre de "vies humaines" bien réelles de notre monde qui ont été éliminées de ce monde, et dans les pires conditions, à la suite des "décisions" de monsieur George W. Bush, ce tenant d'une "philosophie qui veut qu’on respecte la vie", on peut regretter que le bocal n'ait contenu quelque exemplaire produit de l'activité guerrière.

Un résultat d'amputation sur champ de bataille aurait pu suffire.

On ne sait jamais. Peut-être serait-il devenu pacifiste, au lieu d'adopter la bien mal nommée doctrine "pro-vie".



PS: Cette doctrine donne parfois lieu à de bien réjouissantes manifestations publiques.

Ainsi, pour son 24e anniversaire, un certain "mouvement" organise des récitations de rosaires, demain, dans quelques villes de France et d'ailleurs.

Vous pourrez y aller prier pour les âmes évaporées de vos bocaux.

6 commentaires:

Saby a dit…

Tout de même, il est incroyable que l'un des plus grand meurtrier du monde puisse écrire (bien que je suis certaine que ce n'est pas lui qui l'ait écrit c'est tellement évident !) ses "mémoires" !!
Tout fout le camp !!

Guy M. a dit…

La presse américaine parle de "lifting" de certaines pages de ce cher Double-Vé...

Floréal a dit…

Brrr... ça fait froid dans le dos des gens pareils.

Un prématuré de moins de cinq mois n'est pas viable, alors c'est le meurtre de... de quoi? D'une grenouille?

Guy M. a dit…

Ni grenouille, ni têtard, je pense...

delphine a dit…

La maman de Verlaine avait cette fâcheuse habitude aussi, comme quoi ...

Guy M. a dit…

Comme quoi, c'est la porte ouverte sur l'éthylisme le plus débridé.