vendredi 12 novembre 2010

La belle histoire de ce jour-là

Phraseur grandiloquent, l'ampleur du geste soulignant la cadence des périodes, le général-président Charles de Gaulle donnait l'impression d'écrire une grande page d'histoire. Indubitablement, il s'en était lui-même, en toute modestie, persuadé.

Son actuel lointain successeur a peut-être l'illusion de poursuivre cette entreprise, mais il donne surtout l'impression de passer une bonne partie de son temps à réécrire l'histoire.

Et cette impression est tenace...

Si tenace qu'en le voyant dévoiler une plaque commémorative "en hommage aux lycéens et étudiants de France qui défièrent l'armée d'occupation nazie le 11 novembre 1940 au péril de leur vie", on se prend à regarder ailleurs en sifflotant le Chant des Partisans.

Photo: Présidence de la République - P. Segrette - C. Alix.

Monsieur Benjamin Lancar doit être bien fier que le président affirme ainsi son admiration pour cette jeunesse courageuse de 1940, que lui-même avait célébrée avec une maladresse certaine dont il dut s'excuser.

Aucune allusion à la "courageuse" politique économique de Pierre Laval dans le message de monsieur Nicolas Sarkozy "à l'occasion de la célébration du 92ème anniversaire de l'Armistice de 1918", mais quelques touches assez repérables de la Guaino's touch...

Le 11 novembre 1940, bravant l'interdiction de tout rassemblement patriotique, des jeunes filles et des jeunes gens se sont rendus sous l'Arc de Triomphe pour rendre hommage au Soldat inconnu. L'amour de la France ne devait jamais s'éteindre : ils en portaient le vivant témoignage.

Ce jour-là, ils ont dit non à la défaite, non à la collaboration, non au déshonneur.

Ce jour-là, ils se sont affirmés comme les filles et les fils des combattants héroïques de 1914-1918.

Ce jour-là, une avant-garde de la jeunesse française répondait publiquement à l'appel à la Résistance lancé quelques mois plus tôt par le général de Gaulle.

Et toujours cette irrésistible envie de siffloter le Chant des Partisans en regardant ailleurs.

Tous ensemble, si le cœur vous en dit...

Est-ce pour contrer cette tentation siffleuse, voire persiffleuse, que le dossier de presse, mis en ligne par les services de la communication de l'Élysée, comporte huit pages intitulées Mémoires du 11 novembre ?

On y donne le récits des événements survenus aux abords de l'Arc de Triomphe, le 11 novembre 1940. On y trouve aussi quelques extraits de témoignages de participant(e)s à cette manifestation sauvage...

Au sortir de ces huit pages, on aimerait pourtant en faire une relecture critique, point par point, en compagnie d'un historien, spécialiste de cette période. Une belle et exaltante histoire, publiée sur le site officiel de la Présidence, paraît toujours un peu trop belle.

Et même un peu suspecte de réécriture.


PS: Il n'est pas impossible que d'autres manifestant(e)s ajoutent leurs témoignages à ceux qui sont cités.

Ces grands aînés ne sont pas toujours tendres avec la vision sarkozienne de l'histoire.

Les Jeunes Populaires à la mie de pain peuvent toujours les traiter de vieux croûtons, eux, l'Histoire, ils l'ont faite.

6 commentaires:

paco a dit…

Sarko a posé cette plaque tout prêt d'une autre plaque célébrant le même événement et inaugurée par le président Coty !

http://www.plumedepresse.net/commemorations-historiques-sarkozy-limposteur-bouffi-dorgueil/

DoMi a dit…

Je suis sûre que tu vas aimer ce billet-là : http://correcteurs.blog.lemonde.fr/2010/11/12/nicolas-notre-guide/
Bises, Monsieur Guy

Vanessa a dit…

Tiens, comme c'est bizarre, cher cousin ! C'est juste le lien que je m'apprêtais à donner :-)

Bises

GdeC a dit…

j'aime.

Marianne a dit…

Quel boulot pour trouver un fait marquant commémorant "les horreurs successives" que furent ces deux guerres et les guerres en général. Quel manque d'imagination , une plaque ?
J'ai la photo de mon père à disposition si ils le souhaitent. Il a participé aux deux et il a pas aimé. Il chantait beaucoup le temps des cerises.

Guy M. a dit…

@ Paco,

C'est une manière de réécrire l'histoire. A l'ancienne: les pharaons faisaient marteler les noms de leurs prédécesseurs sur les stèles et édifices...

(Le billet d'Olivier B. éclaire bien les procédés sarkoziens.)

@ mes cousines,

M'étonne pas de vous...

@ GdeC,

J'aime que tu aimes.

@ Marianne,

Mon grand-père, qui avait fait la première, et vu son fils partir pour la seconde, ne chantait plus beaucoup, m'a-t-on dit.

J'aurais bien aimé pouvoir lui chantonner le Temps des Cerises, mais je ne l'ai pas connu...