jeudi 4 novembre 2010

Le retour à la normale

Il est possible que je l'ai rêvée, tant le souvenir que j'en garde demeure imprécis.

Cette affiche, qui marquait le retour du carburant dans les pompes après les "événements" de 1968, représentait, il me semble, un automobiliste accroché à son volant, et portait comme légende "Tais-toi et roule" ou "Roule et ferme ta gueule".

Je ne l'ai pas retrouvée sur les sites qui reproduisent les images les plus connues. Quant aux ouvrages qui ont fleuri durant ces quarante dernières années, avec diverses préfaces de renégats, je n'en possède aucun, ayant décidé de n'engraisser aucun éditeur publiant pour son compte ce qui a été fait par tous et pour tous.

Affiche de la même période.

Aujourd'hui, selon ce que j'ai entendu annoncer par un interchangeable gouvernemental ou patronal, la situation devrait être redevenue "normale".

Il suffit d'attendre un peu et cela devrait faire les gros titres de la presse en ligne...

Car on ne saurait manquer de célébrer la grande victoire du droit démocratique et républicain, imprescriptible mais non constitutionnel, de rouler en bagnole, sur le droit de grève qui est inscrit, je crois, dans la Constitution, mais peut s'accommoder de certains aménagements autoritaires en cas d'urgence.

Il y a en gros une semaine qu'a pris fin, assez brusquement, la grève quasi généralisée du secteur pétrolier. Les annonces de reprise du travail ont été faites sur un tel ton d'évidence dans les médias qu'on peut en arriver à se demander, comme Lucky, dans son blogue de lemonde.fr, le "pourquoi" de cette "étrange défaite de la grève des raffineries". Les douze questions qui sont posées dans ce billet sont de pertinence variable, et quelques unes semblent assez paranoïdes. Mais beaucoup d'entre elles viennent à l'esprit, et restent sans réponse, comme toujours devant une occasion ratée.

A la veille de la mise en place du "plan Toussaint", monsieur Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie et de l'Energie, déclarait:

"On est passé à deux doigts d'une absolue catastrophe économique et d'un désagrément pour nos concitoyens d'une rare intensité."

Monsieur Borloo manie l'hyperbole et l'euphémisme avec une grande virtuosité. Il nous oblige à imaginer "une absolue catastrophe" dont l'effet n'aurait été qu'un "désagrément", mais il admet le sérieux de la menace que cette grève faisait peser sur l'économie. Et il confirme ainsi que le blocage pétrolier était bien une arme redoutée qui n'a pas été utilisée pour peser dans cette séquence conflictuelle de ce qu'on appelle, parfois ironiquement, le "dialogue social".

Mais l'expression "séquence conflictuelle" me paraît soudain, elle aussi, bien ironique, tant il me semble que les dirigeants des grandes centrales syndicales ont été soucieux de ménager l'avenir de notre économie. Pendant que leurs encartés scandent à l'unisson, dans les cortèges, que "ça-va-pé-ter", ils ont donné l'impression, un peu nauséeuse, je dois dire, de tout faire pour que rien ne pète, comme si leur responsabilité exigeait qu'ils préservent non seulement les outils de production, mais aussi la structure capitaliste avancée de cette production.

Souvenir lointain d'une autre tradition...

Ce samedi, dans le cadre du retour à un dialogue social détendu, nous défilerons à nouveau devant les compteurs contradictoires des organisateurs et de la préfecture...

La date fixée pour cette huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites avait été précédemment choisie pour être celle de la mobilisation nationale pour la défense du droit à l'avortement. Ce rassemblement est maintenu, à 14 h, place d'Italie pour les parisiens, et le cortège rejoindra la manif-retraites aux abords de la Bastille.

Il n'est pas impossible que je m'arrête à Bastille.

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