dimanche 21 novembre 2010

Louis Adamic, correspondant de guerre

Ses livres n'étant pas traduits en notre langue, Louis Adamic - né Alojz Adamič en Slovénie, et en 1899 -, est un journaliste-écrivain nord-américain longtemps resté à peu près inconnu en France. Mais les choses peuvent encore changer avec la première traduction complète de son Dynamite: a century of class violence in America 1830–1930 (paru en 1931) qui vient de sortir sous le titre Dynamite ! Un siècle de violence de classe en Amérique, aux éditions Sao maï. Cette traduction, qui s'accompagne de notes utiles et d'un index biographique, est signée de Lac-Han tse et Laurent Zaïche. Messieudames les libraires indépendants voudront bien noter que les livres des éditions Sao maï sont distribués par Court Circuit diffusion.

"Dynamite... That’s the Stuff"
("La dynamite, c'est le bon truc.")

La quatrième de couverture de cette édition cite amplement Jean-Patrick Manchette qui, en octobre 1979, souhaitant la traduction de "ce livre passionnant", disait:

Le polar est l’histoire de la criminalité et du gangstérisme, c’est-à-dire l'histoire de la violence obligée des pauvres après la victoire du capital. Vous croyez que j’exagère ? Lisez donc Dynamite, de Louis Adamic (...). On y voit lumineusement comment le syndicalisme américain s’est transformé en syndicalisme criminel quand la possibilité de la révolution a disparu et quand, par conséquent, la question n’a plus été que celle des fameuses " parts du gâteau".

Manchette ne citait Dynamite ! qu'à l'appui d'une de ses thèses sur le polar, et il en donnait donc un résumé un peu rapide. Mais on peut reprendre ce qu'il dit du polar pour l'étendre, à peine modifié, au livre d'Adamic. Dynamite ! permet certes de comprendre "lumineusement comment le syndicalisme américain s’est transformé en syndicalisme criminel", mais c'est surtout, pour le lecteur de 2010, un irremplaçable document sur "l'histoire de la violence obligée des pauvres", non "après la victoire du capital" - que je sache, cette victoire n'est pas encore totale -, mais pendant qu'elle semble s'affirmer et se confirmer.

En cela, le livre d'Adamic est une illustration parfaite du "mot" pénétrant, devenu si célèbre, de monsieur Warren E. Buffett, qui, en 2006, devant Ben Stein, du New York Times, déclarait:

“There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.”

("C'est la guerre des classes, d'accord, mais c'est ma classe, la classe des riches, qui fait cette guerre, et nous sommes en train de la gagner.")

Un valeureux combattant wobbly.
(IWW : Industrial Workers of the World
.)


A la fois historien, témoin et acteur, Louis Adamic, en se plaçant d'un point de vue qui n'est pas celui des amis de monsieur Warren Buffett, mais qui est le sien et qu'il assume très simplement, sans excès de moralisme ou de légalisme, retrace les grands débuts de cette guerre qui dure encore. Il en fait un récit solidement étayé et charpenté, d'un style sans fioritures, efficace, joliment acide et vachard dans les portraits qu'il esquisse. Comme je suis petit lecteur de polar, je ne peux pas dire que Dynamite ! se lit comme un livre de série noire, mais je peux tout de même dire que je ne l'ai pas beaucoup lâché...

Louis Adamic, photographié par S. Balkin, date inconnue.


PS: Les anglicistes acharné(e)s pourront trouver des extraits de Dynamite ! en version originale sur libcom-point-org.

A mes moments perdus, je picore Laughing in the Jungle, récit autobiographique où Adamic raconte comment il est devenu un Amerikanec. Gougueule bouxe en donne de larges passages.

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