mercredi 18 février 2009

Comme si de rien n'était

A l'heure où monsieur Sarkozy fera face aux caméras, je serai face à mon assiette, comme à peu près tous les soirs, me livrant aux délices du "déviationnisme culinaire" pour lequel le Charançon m'a dénoncé au site delation.gouv.fr.

J'apprendrais après si monsieur Sarkozy a décidé de démissionner, ou de dissoudre le parlement, ou de proclamer l'état d'urgence, ou de continuer à faire son joguigne tous les matins que Dieu, et lui-même, après concertation, font.

Comme si de rien n'était, ainsi que le proclame je ne sais plus qui...

Manifestation du 14 février, journée du souvenir:
Le 14 février 1952 au Moule, lors de la grève des ouvriers et cultivateurs,
CRS et gendarmes français se livrent à leur exercice favori.
Bilan du massacre : 4 morts & 14 blessés.
Des guadeloupéens, ouvriers, cultivateurs, simples passants, froidement abattus...


Il lui sera peut-être cette fois-ci difficile, mais, après tout, pas impossible, de ne pas parler de la situation en Guadeloupe.

N'ayant pas en face de lui de journalistes en service spécial, il ne pourrait faire prétendre par son entourage que ses fiches étaient à jour, mais qu'on ne lui a pas posé la question.

A moins qu'il ne décide de revenir demain, après avoir rencontré les élus locaux...

Ajout de dernière minute: 19h30 Nicolas Sarkozy annoncera demain des mesures politiques et sociales pour la Guadeloupe, assure François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, à l'issue du sommet social de l'Elysée. (dixit Libération.)

Il est très important de respecter l'agenda... comme si de rien n'était.

Nous avons été très heureux d'apprendre que, ce matin, a été officiellement créé, en conseil des ministres, le comité interministériel de l'Outre-mer, que Nicolas Sarkozy avait présenté, vendredi dernier, comme remède à la crise. Monsieur Luc Chatel, porte-parole du gouvernement a précisé:

"Il se réunira très rapidement, dans les prochains jours." (...) "Sous l'autorité du président de la République, il réunira périodiquement les membres du gouvernement concernés par la mise en œuvre des politiques publiques menées outre-mer et il pourra faire appel à toute personnalité qualifiée susceptible d'éclairer ses travaux."

Sur le coup de 16 heures (c'est à 16h 35, précisément que Liberation.fr libérait cette information), monsieur Yves Jégo, sans doute au sortir de sa sieste, annonçait qu'il envisageait la possibilité d'un accord salarial "dès cette fin de semaine":

"Les médiateurs travaillent en coulisse et je crois savoir que les choses avancent bien. Je pense que, dès cette fin de semaine, il y aura matière à ce que la responsabilité triomphe, que les gens se mettent dans une salle et qu'ils signent cet accord salarial que nous attendons tous."

Un barrage du 16 février au Gosier.

A l'heure où monsieur Jégo se réveille, sa ministre de tutelle, madame Alliot-Marie est, quant à elle, en pleine activité.

On ne l'avait guère entendue sur le sujet, mais avec l'apparition des redoutables barrages routiers de lundi (voir illustration), elle a dû retrouver son élément de prédilection: le maintien nécessaire de l'ordre républicain.

Comme l'indique Libération.fr:

Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités Territoriales tiendra aujourd'hui à 16 heures une réunion "consacrée à la sécurité publique aux Antilles". "Cette réunion se tiendra désormais quotidiennement".

On ne sera pas surpris d'apprendre vers 18h:

Michèle Alliot-Marie envoie en renfort dès ce soir "quatre escadrons de gendarmes mobiles", soit 280 militaires. "Il ne s'agit plus simplement d'encadrer des manifestations et de prévenir des troubles, mais nous devons aussi lutter contre des violences urbaines." Sur place, les forces de sécurité intérieure en Guadeloupe représentent 1.000 gendarmes et 993 policiers.

C'est vrai, on ne peut toujours faire comme si de rien n'était.

On va donc renforcer le dialogue.
On peut écouter ici des témoignages.

Un homme est mort la nuit dernière en Guadeloupe.

COMMUNIQUÉ

Malgré les inlassables appels du collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon, LKP, le patronat, l’Etat français ont laissé pourrir la situation.

Au lieu de faciliter réellement les négociations les représentants de l’Etat sont allés de dérobades en dérobades (départ du préfet de la table de négociation le 28 janvier, fuite du secrétaire d’Etat à l’Outre Mer le 8 février suivi du reniement des engagements de l’Etat) tandis qu’ils faisaient venir en Guadeloupe plus de 2000 gendarmes mobiles.

Ce qui était prévisible arriva.

Les travailleurs, les jeunes n’ont pas accepté la violence perpétrée contre les syndicalistes et une partie de la population par les forces de répression lundi 16 février. Depuis la situation ne pouvait que dégénérer. Dans la nuit du 17 au 18 février un syndicaliste de la CGTG a été tué par balles ; nous ne savons pas encore les circonstances exactes mais les larmes de crocodiles pleuvent.

L’Association des Travailleurs et des Peuples de la Caraïbe, ATPC, dénoncent le rôle du patronat et de l’Etat qui ont joué le pourrissement du mouvement pour ensuite et créer la situation que nous connaissons aujourd’hui.

L’ATPC lance un appel aux organisations de la Caraïbe pour qu’elles condamnent cette répression et exigent la réouverture immédiate des négociations et la satisfaction des revendications

SOLIDARITÉ AVEC LES TRAVAILLEURS ET LE PEUPLE DE GUADELOUPE !

ATPC
Pointe à Pitre le 18 février 2009.

Il y a juste une petite erreur dans ce communiqué: il n'y même pas de larmes de crocodiles, juste un lâche soupir de soulagement...

Vous l'entendez:

"Ce n’est pas un mort lié aux forces de l’ordre"


PS: Les photos de ce billet ont été copiée sur le site de l'UGTG. J'espère qu'ils ne m'en voudront pas.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

"me livrant aux délices du 'déviationnisme culinaire' pour lequel le Charançon m'a dénoncé au site delation.gouv.fr."

Et j'en suis fier ! :-)
(Faut jamais laisser trop de libertés aux cuistots, ils ont trop vite fait de faire tout monter en sauce…)

"Il lui sera peut-être cette fois-ci difficile, mais, après tout, pas impossible, de ne pas parler de la situation en Guadeloupe."

C'était bien vu : rien d'impossible pour ce monsieur. La Guadeloupe a été expédiée en deux mots et une demi-phrase. C'est pas comme s'il s'y passait quelque chose d'important, hein…

[Sinon, rien à voir, mais je viens de recevoir un mail "La Sorbonne occupée. Les choses sérieuses commencent ?]

Guy M. a dit…

Quand il est tout seul, tout est possible.

(La Sorbonne ? Et l'Odéon ? MAM va faire revenir les gendarmes mobiles de Guadeloupe, alors...)

elmenia a dit…

Bonjour Guy M.
Toujours le mot pour rire....
C'est un plaisir de vous lire...
Une admiratrice algérienne.

Guy M. a dit…

C'est gentil... Merci.