mardi 17 février 2009

La crise et/ou le chaos

Il faut saluer le retour sous les feux de la rampe de monsieur Henri Guaino, plumitif agréé de monsieur le président de la république, auteur de si beaux et si profonds discours de campagne que l'émotion, deux ans plus tard, me bouscule encore les neurotransmetteurs.

La plus belle plume du président a accordé aujourd'hui un entretien au journal Le Monde, largement relayé dans les autres médias. Jaloux, forcément.

Ce n'est que justice, car monsieur Henri Guaino y retrouve sa hauteur de vues habituelle, ou du moins y simule à la perfection cette hauteur qu'il prétend avoir. Il faut reconnaître qu'il le fait très bien.

A l'oral, le style de monsieur Guaino perd, certes, un peu de son envol, mais acquiert une précision toute pédagogique: celle d'un professeur assez péremptoire, tranchant et quelque peu pète-sec.

Mais si intelligemment séduisant...

Henri Guaino sortant aérer son intelligence sur le perron de l'Elysée.

La première partie de l'entretien, dépourvue de tout lyrisme, est surtout une défense sans illustration de la position sarkozienne face à la Crise.

Une question sur le protectionnisme nous permet, plus loin, de retrouver le grand Henri Guaino, dont il ne faut pas oublier qu'il fut classé "gaulliste social" (mes lecteurs/trices en bas-âge rigolent, mais il n'y a pas de quoi rire) et qu'il affûta pour Jacques Chirac le concept de "fracture sociale" (là, c'est moi qui rigole, mais il n'y a toujours pas de quoi).

Si l'on ne définit pas en commun des règles de protection et d'intervention raisonnables, si on reste enfermé dans des dogmes on risque d'avoir le protectionnisme le plus déraisonnable, le populisme, la xénophobie... Il faut prendre ce risque très au sérieux. Regardez le fossé qui s'est creusé en Islande entre le peuple et la classe dirigeante ! Regardez les grèves des salariés britanniques dans l'énergie contre l'embauche d'intérimaires espagnols ou italiens ! Regardez ce qui s'est passé en Grèce ! Cette crise déroule tous les chapitres d'un manuel d'économie. Prenons garde à ce qu'elle ne déroule pas aussi tous ceux d'un manuel d'histoire...

Encore ?

Cette crise déroule tous les chapitres d'un manuel d'économie. Prenons garde à ce qu'elle ne déroule pas aussi tous ceux d'un manuel d'histoire...

On ne peut que regretter, en lisant cela, que sa célèbrissime modestie ait tenu monsieur Guaino si éloigné du centre du pouvoir qu'il n'a pu prévenir les effets de cette crise, car il est évident qu'il a une connaissance suffisante (c'est bien le mot) de l'économie pour l'avoir prévue, avec tout son cortège de conséquences référencées dans les manuels.

L'allusion aux manuels d'histoire, cette "science du malheur des hommes" comme disait Raymond Queneau, est plus sibylline...

Françoise Fressoz et Arnaud Leparmentier, qui conduisent l'entretien, ne s'y arrêtent pas et posent la question suivante:

La situation sociale en France vous préoccupe-t-elle ?

La crise économique génère beaucoup d'angoisses et de souffrances sociales, mais aussi un grand sentiment d'injustice parce que ceux qui souffrent ont le sentiment de payer à la place des responsables. C'est une situation dangereuse qui offre un terreau favorable à tous les extrêmes. On sait où peut mener l'anticapitalisme extrémiste. C'est pourquoi le combat pour la moralisation du capitalisme est si important.

La fiction de la crise anxiogène est maintenue envers et contre tout, même si l'on évoque les "souffrances sociales"...

La colère qui monte est attribuée à un "sentiment d'injustice", ce qui revient à laisser entendre qu'il est infondé...

Le discours devient un peu plus précis, dans l'accusation, lorsqu'il juge la situation "terreau favorable à tous les extrêmes" et prétend que l'on sait où peut mener "l'anticapitalisme extrémiste".

A quel chapitre de quel manuel d'histoire fait donc allusion monsieur Henri Guaino ?

Demain, ne ratez pas:
Face à la crise, le retour.


A supposer que l'entretien de Henri Guaino le Baptiste soit destiné à "aplanir les chemins du Seigneur", nous aurons peut-être une réponse plus précise demain en regardant la "déclaration" télévisée de monsieur Sarkozy annoncée par une brève de LeMonde.fr:

(...) Probablement enregistrée à l'avance, elle sera retransmise au journal télévisé de 20 heures.

Le chef de l'Etat s'exprimera à l'issue d'un sommet social très attendu, où seront aussi présents François Fillon et cinq membres de son gouvernement, cinq confédérations syndicales et les représentants du patronat. Il expliquera aux Français les "mesures de justice", selon l'un de ses proches, dont il aura discuté dans l'après-midi avec les partenaires sociaux.

Car nous avons un président qui sait faire face.

Aux caméras.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Waouh, la chute est admirable…
et fait froid dans le dos pour la suite des événements.

Guy M. a dit…

On ne va pas tarder à savoir...