lundi 16 février 2009

Etat de droit en Guadeloupe

J'avais envie de saluer le vingt-septième jour de grève générale à la Guadeloupe par un exercice d'admiration pour mes compatriotes de là-bas.

D'admiration et de solidarité.

J'aurais pu me réjouir de voir que depuis le billet du 27 janvier, leur mobilisation avait tout de même réussi à atteindre, presque, l'oreille de médias métropolitains complètement sourds (et je m'y connais en surdité!) à la situation outre-mer.

Et j'y aurais reproduit le communiqué du LKP (Liyannaj kont pwofitasyon) du dimanche 15 février, qui n'a pas, à ma connaissance, été repris par la presse d'ici.

Le voici:

Depuis le début du mouvement de grève générale lancé le 20 janvier 2009 par L.K.P, plusieurs cycles de négociations ont eu lieu :
- Le premier - du samedi 24 janvier au mercredi 28 janvier 2009 au World Trade Center- interrompu par le départ du Préfet après lecture du message du Secrétaire d’Etat Yves JEGO

- Le second - du mercredi 4 février au dimanche 8 février 2009 - interrompu par le départ précipité et cavalier d’Yves Jego à l’heure même où il avait donné rendez-vous aux différentes parties pour la signature d’un accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe, négocié avec le patronat et le LKP pendant 18 heures, en présence des Collectivités Régionale et Générale.

Cet accord, rédigé par les Services de l’Etat (M. Vincent LEMAIRE, Directeur du travail) et approuvé par le patronat et le LKP, prévoyait les mesures suivantes : « Tous les salariés dont le salaire est compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC soit 1321,04 € et 2113,67 € pour 35 h de travail hebdomadaire voient leur rémunération augmenter de 200 euro (deux cents euros) nets. Les salariés à temps partiel bénéficient du Revenu de Solidarité Active (RSA) dans les conditions prévues par la Loi. Les rémunérations des autres salariés seront définies dans le cadre de négociations de branche ou d’entreprise qui s’ouvriront sur la base d’une augmentation minimale de 3%. »

A son retour en Guadeloupe le 11 février 2009, accompagné de deux médiateurs, Yves JEGO affirme que les négociations salariales sont du ressort du patronat et des syndicats de salariés et déclare tout comme M. Fillon, dans la presse française que l’Etat ne s’est jamais engagé à aider les entreprises à répondre à la revendication concernant les bas salaires.


M. Jego a-t-il été frappé d’une amnésie soudaine et n’aurait il pas supporté le décalage horaire car, dans son message du 28 janvier 2009, Yves JEGO, s’exprimant au nom de l’Etat, affirmait : Qu’« afin de permettre l’augmentation immédiate des bas salaires, l’assurance donnée à toutes les entreprises de Guadeloupe qu’elles ne paieront aucune charge sociale sur tous les salaires jusqu’à 1,4 SMIC (et même 1,6 SMIC pour certains secteurs comme le tourisme). Cette garantie devant permettre d’engager immédiatement une négociation entre employeurs et salariés pour une augmentation rapide des bas salaires. Dès qu’un accord sera trouvé entre partenaires sociaux sur cette question, je m’engage à ce qu’il soit mis en œuvre par l’Etat. »

Ce message a été lu par le Préfet Nicolas DESFORGES et retransmis en direct à la radio à la télévision en Guadeloupe, Martinique, Guyane, et France, lors de la réunion de négociation du 28 janvier 2009. Ce message a aussi été distribué aux participants. Yves JEGO, s’exprimant sur plusieurs médias, a également confirmé cet engagement.

Le gouvernement français aurait-il plusieurs paroles ou n’en a-t-il aucune ? Dès lors, que penser d’un gouvernement qui ne respecte pas ses engagements ?


L.K.P exige la mise en œuvre de l’accord interprofessionnel sur les salaires négocié avec l’Etat et le patronat le dimanche 8 février dernier en Préfecture de Basse Terre.

Nous appelons l’ensemble des commerçants, des entrepreneurs, des supermarchés et des administrations à baisser leur rideau. Nous exhortons les travailleurs à poursuivre le mouvement de grève générale.


Ce communiqué, signé par Elie Domota, a autant de valeur informative que les déclarations de monsieur Yves Jégo ou de monsieur François Fillon.


Mais on a davantage trouvé à lire les rodomontades du premier:

"Ça suffit, la Guadeloupe ne peut plus attendre. Nous sommes à la croisée des chemins"

Et surtout:

"Nous ferons respecter l'Etat de droit si besoin est."

On a aussi largement exposé les opinions du second sur la "légalité" des moyens d'expression:

"On ne doit pas faire de barrages sur les routes, on ne doit pas bloquer les stations-services, ça ne fait pas partie des moyens légaux d'expression".

Toutes ces déclarations annonçaient les événements de la journée, qui m'ont conduit à modifier un peu le plan initial de mon billet.

La semaine dernière, ceux-là partaient pour la Martinique...
A la Guadeloupe, on avait déjà fait le plein.

Au matin de ce lundi, selon LeMonde.fr:

(...) Douze personnes ont été interpellées et une quarantaine d'autres étaient en passe de l'être, autour de barrages routiers érigés par les manifestants, notamment au Gosier, près de Pointe-à-Pitre.

Les forces de l'ordre ont démantelé neuf barrages érigés tôt le matin par les grévistes du collectif LKP contre la vie chère et la "profitation", mais de nouveaux barrages de fortune étaient bâtis à la hâte un peu plus loin, selon des témoins, sur fond d'échauffourées. Les manifestants interpellés, dont certains portaient cagoule et masque de chirurgie, se voient reprocher des "entraves à la circulation", et des "violences à l'encontre des forces de police avec jets de pierres", selon une source policière.

Des grévistes ont de leur côté déploré des "actions violentes" de la police vis-à-vis des interpellés. Un des responsables du LKP, Alex Lollia, s'est vu délivrer à l'hôpital cinq jours d'interruption temporaire de travail (ITT) après avoir été blessé sur un barrage routier dégagé par la police. A sa sortie de l'hôpital, il portait une minerve. Il a expliqué aux journalistes présents : "les CRS sont arrivés en masse, ils ont commencé à nous frapper et à lancer des gaz lacrymogènes. C'était excessivement violent". Le syndicaliste a affirmé avoir entendu des policiers proférer des insultes racistes.


On saura gré au sérieux journal de donner la version des deux parties en présence.

De quel côté se trouve la dignité ?

Dernière heure:

La cinquantaine de grévistes et manifestants guadeloupéens interpellés lundi 16 février autour de barrages routiers érigés dans l'île ont été libérés à la mi-journée, a annoncé une source judiciaire. Dix d'entre eux ont été convoqués devant la justice en juin.

Ces convocations leur ont été délivrées pour "entrave à la circulation", violences lors de manifestations publiques "avec armes" et "refus de se prêter aux photos d'identité judiciaire et relevés d'empreintes".(...)


Par ailleurs, et je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle, notre guide suprême prendrait l'affaire en main.

Cela m'étonnerait beaucoup que sa technique habituelle d'annonces et de promesses rassurantes soit très efficace devant tout un peuple qui affirme sa dignité, pour reprendre le titre d'un bel article du Monde.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je viens seulement d'apprendre qu'il y avait une manif de soutien aux grévistes de Guadeloupe et de Martinique à Paris, aujourd'hui...

Le premier qui a des infos sur la prochaine prévient les autres ?

Bises et bonne nuit !

Anonyme a dit…

Bigre ! J'ai aussi failli rater ça (et ç'eût été dommage parce que rien que le titre, c'est déjà à hurler de rire !) : L'Etat a un «plan B» pour la Guadeloupe : baisser les charges des entreprises

Re-bises !

Anonyme a dit…

Bravo! Tu as détecté la première "annonce" de poids !

(On se demande bien ce que pourrait trouver notre président pour se dégager s'il n'avait pas les charges sociales...)

Bises et bonne journée.