Enfant, j'aurais bien aimé croiser un hérisson sur le chemin de l'école, en ce jour d'angoisse qu'était pour moi la rentrée scolaire...
J'aimais déjà beaucoup les hérissons.
Longtemps, je n'en ai vu que sur les routes, transformés en crêpes complètes, avec du ketchup autour, par les roues des automobiles (eh oui! il y en avait déjà) et des tracteurs. Ce n'est que tardivement que j'ai pu rencontrer une petite famille en vie, prenant le soleil près de la réserve de bois d'un de mes oncles.
Depuis ce temps, j'ai pu en voir assez souvent (y compris au même endroit, une bonne trentaine d'années plus tard, en compagnie de mon fils; ce qui montre que la vie comme l'histoire peut joliment bégayer...). Mon jardin normand en abrite épisodiquement quelques exemplaires, patauds, bruyants et rêveurs, qui partent en promenade à la tombée de la nuit ou traversent en diagonale la pelouse au lever du jour.
Comme pour beaucoup, l'image du hérisson évoquera plus tard pour moi ce fragment d'Archiloque :
"Il sait bien des tours, le renard.
Le hérisson n’en connait qu’un, mais il est fameux."
que Jorge Semprún (La montagne blanche) traduit par:
"Le renard sait beaucoup de petites choses,
le hérisson en sait une seulemais c'est une grande chose."
J'ai retrouvé cette citation en exergue du livre de Stephen Jay Gould (1941-2002), An Urchin in the Storm: Essays about Books and Ideas (traduit sous le titre Un hérisson dans la tempête; Le Livre de Poche) qui est paru en 1987, et où l'auteur fait allusion à son refus de croire à l'annonce qu'on lui fit (en 1982), au nom des statistiques médicales, de sa condamnation à une mort prochaine, par suite d'un cancer estimé incurable.
Cette salutaire aptitude à se mettre en boule, le brillant scientifique que fut Stephen Jay Gould, a dû la cultiver avec bonheur durant tout sa vie: en témoignent sa lutte incessante contre les "créationnistes" et les partisans de l'intelligent design, ses querelles avec Richard Dawkins (auteur du Gêne égoïste) ou son livre The Mismeasure of Man (La mal-mesure de l'homme), paru en 1981, véritable machine de guerre intellectuelle contre les prétentions de la "science" à définir et mesurer l'intelligence...
Au départ, le hérisson Gould a dû être titillé par un article d'Arthur Jensen intitulé "Le QI et la réussite scolaire", publié en 1969, dans la Harvard Educational Review, où l'on trouve cette "tarte à la crème" encore trop souvent énoncée selon laquelle le caractère héréditaire du QI est d'environ 0,8 (80%) chez les blancs d'Amérique et d'Europe.
La publication par Richard J. Herrnstein et Charles Murray de The Bell Curve: Intelligence and Class Structure in American Life, en 1994, qui reprend le refrain de l'intelligence héréditaire sur le mode ultralibéral, l'a conduit à revoir et compléter son livre en 1997. Cette version est traduite aux éditions Odile Jacob (vous pouvez en trouver une très bonne fiche de lecture sur le site de l'académie d'Orléans-Tours).
Stephen Jay Gould fut aussi un passionnant vulgarisateur, que l'on peut découvrir dans des dix livres de la série "Réflexions sur l'histoire naturelle", sélections d'articles parus mensuellement, sans interruption de janvier 1974 à janvier 2001, dans la revue Natural History. Chaque article est un véritable petit essai autonome, abordé avec sérieux mais écrit avec malice, à la portée de tout le monde et d'une remarquable intelligence.
Malgré mon grand âge, j'aime toujours les hérissons.
Et parmi mes préférés, celui que Youri Norstein a animé en 1975 dans cette pure merveille poétique: "Le Hérisson dans le brouillard", où je ne sais trop ce que je préfère des images magiques ou du rythme de la langue russe qui m'évoque parfois la pulsation d'un coeur de hérisson battant un peu trop vite.
mise en scène F. Iarboussova
musique M. Méerovitch
son B. Filtchikov
montage N. Trétchtchéva
doublage V. Névinny M. Vinogradova
réalisation et animation Y. Norstein
8 commentaires:
Rhaaa ! Ça m'a pris près d'une demi-heure, mais j'ai retrouvé le commentaire dans lequel tu évoquais Le hérisson dans le brouillard !
Bises !
Anéfé, quelle mémoire!
Et quand on n'a pas de mémoire (comme moi), il faut bien avoir de la suite dans les idées...
Bises.
Ben, c'est parce que j'avais réellement adoré ce film d'animation. Mais je n'étais plus tout à fait certaine que c'était toi qui en avais parlé (rapport au fait que tu me donnais du "vous", peut-être :-D).
Bises et bonne soirée !
Ah! l'étrangeté du "vous"...
Ça n'a rien à voir, mais je viens d'aller faire un tour sur le blog La France de tout en bas. Qui a déménagé à cette adresse.
Bises et bon dimanche !
Merci de la "mise à jour"...
Bon dimanche à toi aussi.
C'est drôle aussi.
Je viens de terminer un billet sur ma fille, et j'ai pensé au hérisson des animaux du bois de 4 sous, qui se faisait écraser avec sa compagne. Même que Sarah a plus jamais voulu regarder ce dessin animé.
J'ai pas osé en reparler ce dimanche, et voilà qu'un petit bout de poésie vous revient.
Merci.
Voilà un dessin animé que je ne connais pas... mais je n'en connais que deux ou trois, à vrai dire...
A propos d'enfants, j'ai oublié de conseiller à mes lecteurs en bas-âge, ou encore jeunes procréateurs, l'excellent numéro de la Hulotte [http://www.lahulotte.fr/], le journal le plus lu dans les terriers, sur le hérisson...
Enregistrer un commentaire